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 vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)

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Anca Popescu

Anca Popescu
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▹ pseudo : zoé (baalsamine)
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▹ signe particulier : cicatrices sur tout le corps qu'elle tente maladroitement de cacher, souvenirs d'épisodes de folie désespérée. Une voix douce, des doigts de fées, une chaleur humaine parfois trop brulante. Syndrome du Saint Bernard qui colle au coeur.
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MessageSujet: vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)   vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide) EmptyLun 28 Aoû - 23:40

Pas morte. Non. Vivante. Parait que les mots ont de l’importance. Parait que c’est nécessaire de choisir tel verbe plutôt qu’un autre, construire des phrases réfléchies, pas celles qui viennent directement. Pas morte. Toujours pas. Putain. Combien d’heures en isolements, combien d’heures à hurler, à pleurer, à frapper contre les murs. Combien de cachets, de dose assez forte pour l’envoyer à terre, pour l’envoyer au sol. Stupide légume et le monde au ralenti, tout comme sa rage. Combien de temps encore ? Combien de minutes, d’heures ou de secondes ? Tic toc, les aiguilles qui trainent sur l’horloge et l’impression d’émerger d’un cauchemar.
Anca ? les mots c’est quoi ? Et le reflet de l’infirmière dans la glace. Elle est fatiguée. Pourquoi elle est si fatiguée. Surement qu’ils les foutent dans la purée les cachets. Avec le goût dégueulasse, ça cache le côté acre des médicaments. Visite, habille toi on y va. Pourtant elle pensait avoir bien précisé que des visites elle n’en voulait pas. Pas encore. Pas tout de suite. Jamais en fait. Pas tant qu’elle n’a pas réussi, pas tant qu’elle n’a pas fait sauter les bandages pour la énième fois, labourer ses bras pour déchirer les fils. Mais elle est bien obligée. Sous le regard de l’infirmière elle se lève lentement, enfile un gilet par-dessus son débardeur, s’enroule dedans comme pour cacher sa carcasse trop maigre. Si on mange pas la purée, on mange pas les médicaments non ?  
Les couloirs c’est tous les mêmes, ou avec une légère variation de couleur, comme pour indiquer les différentes ailes. En isolement c’était avec une bande orange, pour la salle commune c’est du vert. C’est moche le vert. Comme c’est moche la gueule des gens là bas, le vert sur les visages ou le vert dans les cœurs. Le vert partout, le vert à en vomir, le vert à en faire une overdose. Sauf qu’on peut pas en crever. Et ça c’est sans doute le pire.
Ton frère est là. Non. Ca c’était pas prévu. Pas prévu du tout. Elle s’arrête net dès qu’elle le voit, paumé sur sa table trop grande, au milieu des autres. Paumé comme toujours, comme elle, comme eux. Paumé. Ioan le paumé. « Non » elle a les pieds qui se plantent dans le sol, tout son corps qui se rigidifie. Non. Pas question. Les autres elle peut. Mais lui. Non. Elle peut pas. Pas encore. Deux mois c’est pas assez. Deux mois c’est pas suffisant pour effacer la trahison.
Mais elle a pas vraiment le choix. Tu veux retourner en isolement et la menace qui place. C’est facile pour eux, pour les médecins, les infirmières. Tellement facile. C’est la menace plus forte que les caresses, quand la promesse des baisers ne suffit plus et qu’il faut frapper. Et frapper fort. Alors elle se remet à marcher Anca, plus lentement, sans doute qu’elle a l’allure d’une condamnée. Parce qu’assis en face d’elle c’est son bourreau. C’est son sauveur. C’est une des moitiés de son âme qu’elle voudrait effacer. Et le silence quand elle se laisse tomber sur la chaise, le regard planté dans celui de son frère. Foutu frère.
« Je pensais t’avoir dit que je ne voulais pas te voir » qu’elle finit par articuler finalement, après quelques secondes d’observation. Sa voix lui fait mal, comme du papier de verre dans la gorge de ne pas avoir assez parlé. Et le sourire qui s’étale doucement sur son visage, sans doute pire qu’une absence de rire. C’est mauvais. C’est dégueulasse. C’est poison. Mais c’est toujours moins pire que lui et ses grands yeux perdus, et son regard d’enfant qui sait pas vraiment ce qu’il fout là ici. « Tu peux partir. » et le contact rompu, déjà qu’elle se mt à fixer ses ongles coupés à ras, tire un fil qui dépasse des manches de son gilet.


Dernière édition par Anca Popescu le Lun 9 Oct - 23:31, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)   vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide) EmptyMar 29 Aoû - 6:12


daylight fading
anca et ioan / I would give everything up, Every last breath, Every first taste, for you—Just to make it alright. But its too late to go back—I can see the darkness through the cracks. – NOAH GUNDERSON & THE FOREST RANGERS.

C’était un cauchemar. Un foutu cauchemar qui traînait en longueur, et dont il n’arrivait pas à se réveiller. Un mauvais rêve qui refusait de se terminer, et qu’il peinait à accepter comme étant la réalité. Parce que tout ça, ça ne se pouvait pas. Anca qui l’abandonne, elle aussi — Anca qui tente de mettre fin à ses jours comme s’il n’existait pas. Chaque seconde qui passait, chaque foutue seconde durant laquelle il revoyait son corps trop pâle et le sang dans la baignoire, il tentait de se persuader que tout ce qui s’était passé n’avait pu se produire. Irréel. Perdu dans le temps et l’espace, quelque part. Loin de lui. Loin de tout ça. Loin de cette vie.

C’était arrivé. C’était arrivé, et il lui fallait l’accepter. Chaque fois qu’on lui remettait les faits dans la figure, il peinait à ne pas se mettre à pleurer. Peinait à respirer. Anca avait essayé de l’abandonner, et de foutre le camp de ce monde. Anca l’avait laissé tomber, et de la pire des manières qu’il puisse être. Elle avait omis de se souvenir qu’il avait besoin d’elle — omis de se souvenir qu’il l’aimait plus encore que lui-même. Et lorsqu’elle avait rouvert les yeux, ç’avait été pour lui cracher au visage. Pour lui reprocher d’être intervenu, et de l’avoir empêchée de s’en aller. Ç’avait été pour sceller l’abandon dans son cœur. Et pour le laisser, cette fois encore, plus seul que jamais.

C’était arrivé, mais ça ne pouvait pas être vrai. Anca ne pouvait pas l’ignorer au point de vouloir s’enlever la vie — Anca n’avait pas le droit. S’il l’avait sauvée, s’il était arrivé à temps, c’était que les choses n’étaient pas placées correctement. Que ce n’était pas l’heure. Qu’on avait encore besoin d’elle — qu’il avait encore besoin d’elle. Elle ne pourrait que lui pardonner. Un jour, elle comprendrait. Un jour, elle accepterait.

Pour l’heure, il aurait dû la laisser en paix. La laisser digérer ce qui lui était arrivé. La laisser aux bons soins des médecins et des infirmières, et rester à l’écart. Loin de la haine qu’elle semblait désormais lui vouer. Ça passerait, qu’il se répétait, jour après jour. Ça passerait. Et il aurait dû lui laisser le temps — il le savait. Sauf qu’il ne pouvait pas s’en empêcher. Que chaque putain de journée était plus longue que la précédente. Que l’absence d’Anca le tuait, et qu’il n’était plus capable de rester assis à se demander ce qu’elle était en train de faire, ce qu’elle était en train de penser. Plus capable de formuler des hypothèses sans avoir de réponses. Plus capable d’attendre.

Il s’était persuadé, au fond de lui, qu’elle serait calmée. Et il était allé lui rendre visite, la tête pleine de pensées sombres et le cœur empli de bonnes intentions. Il avait rassemblé tous ses espoirs, et il s’était assis à la table qu’on lui avait indiquée. Sa veste trop grande sur le dos, ses chaussures mal lacées aux pieds. Son jean un peu troué à force de se faire bousculer et de racler le bitume du bout des rotules. Son t-shirt trop grand — trop noir. Ses cheveux un peu devant les yeux, et son air aussi perdu qu’à l’habitude. Et il fixait la porte, le Popescu, attendant, le cœur battant. Sachant qu’elle apparaîtrait dans l’encadrement. Qu’elle viendrait s’asseoir face à lui et qu’enfin, il aurait une chance de lui parler. Une chance de lui dire tout ce qu’il se répétait, le soir, le visage caché sous ses couvertures. Tout ce qu’il avait voulu lui dire, depuis qu’elle avait choisi le rasoir à l’espoir.

Et voilà qu’elle apparaît finalement. Que son cœur à lui bat une dernière fois. Sursaut précipité dans le vide, dès l’instant où il croise son regard. Dès le moment où il croise ses yeux noirs. Elle ne veut pas le voir. Elle n’a pas besoin de lui dire pour qu’il le sente. Elle n’a pas besoin de parler pour qu’il sache qu’elle préfèrerait crever que de lui parler. Et alors, toutes les belles idées qu’il s’était forcées à ingurgiter sont balayées. Les mots qu’il voulait lui partager, les pensées qu’il avait besoin de lui exprimer — rien de tout cela ne résiste à la bourrasque glaciale qu’elle déplace autour d’elle en s’approchant, en s’asseyant. Such a fool. Il y avait cru et, encore une fois, il avait été déçu. C’était donc vrai : Anca l’avait abandonné.

Les mots le cueillirent comme un coup de poing au creux de l’estomac. Ses mains s’étaient posées sur la table avant qu’elle n’y prenne place ; et lorsqu’elle se mit à parler, il les retira vers lui. Ses ongles bouffés jusqu’au sang, ses doigts rongés par l’anxiété et la solitude. Ses yeux se défilèrent, comme il lui était toujours si facile de le faire. Anca ne veut pas le voir. Elle le lui a dit. Anca veut qu’il parte. Alors peut-être qu’il devrait. Peut-être qu’il n’a pas sa place ici, et qu’il vaudrait mieux attendre qu’elle soit calmée.

« Non. » Contre toute attente, il ne s’est pas levé. Il n’a pas foutu le camp, la tête basse et le cœur brisé, comme il avait pensé qu’il le ferait. Comme Anca le lui avait demandé. Ses yeux se sont relevés vers elle. Se sont posés sur elle, avec toute la maladresse et le désespoir du monde. Et il déglutit. Ses doigts s’amusent les uns avec les autres, sous la table. Et il sent la chair déchiquetée par les dents, sous la puple de ses phalanges. Il la sent, aussi irrégulière que son cœur, aussi émoussée que ses émotions. Il la sent. « J’partirai pas. » Malgré tout le soin qu’il met à l’avoir posée, sa voix tremble. Il essaie de redresser le menton, essaie d’afficher le plus de fierté qu’il peut. En vain. Il a l’air d’un gamin paumé, et il sait qu’Anca le sait. Il sait qu’elle n’aura pas de pitié à s’engouffrer dans les failles, et à le ravager. Pas aujourd’hui. « Tu sais plus ce que tu dis. » Il déglutit à nouveau. La gorge serrée, la salive qui passe mal. Tout se passe mal. « J’t’ai sauvé la vie. » Perdu entre deux eaux, incapable de se confier. Alors, il se raccroche à ce qu’il sait. Il se raccroche aux faits, et à ce que tout le monde lui dit. Il lui a sauvé la vie. C’est vrai. Et l’espace d’un instant, il en oublie presque qu’elle ne voulait pas être sauvée. L’espace d’un tout petit instant, ça lui paraît suffisant, et ça lui donne le courage de se redresser. De la regarder droit dans les yeux, sans avoir peur de ce qu’elle va lui répondre. Rien qu’un instant. Rien qu’un tout petit instant.

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MessageSujet: Re: vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)   vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide) EmptyDim 3 Sep - 22:44

Il a toujours cet air de gamin paumé, plus vieux qu’elle pourtant c’est elle qui porte les marques du temps. Ouais. Il a toujours cet air de gamin paumé, qui sait pas vraiment ce qu’il fait là, dans cette pièce ou dans ce monde, les yeux trop grands, trop doux, comme les siens. Ceux de leur mère. Pas de leur père. Il peut pas regarder comme ça Lucian. Il a jamais pu. Pendant un instant, rien qu’un instant elle voudrait se lever, tendre la main pour lisser son col qu’est mal repassé, passer sa main dans ses cheveux pour réordonner sa tignasse. Vieille habitude qui lui colle à la peau comme un chewing-gum usagé. Puis elle se souvient.
Alors elle serre les poings Anca, elle serre les dents parce qu’elle voudrait hurler toute sa rancœur, tout sa colère, et toute sa tristesse surtout. Pourquoi lui, pourquoi eux. Pourquoi maintenant aussi. C’est trop lourd, trop douloureux, le poids sur la poitrine et les ongles des autres qui se plantent dans son palpitant un peu plus chaque jour. Elle agonise, encore, encore, et personne pour abréger ses souffrances, pour la laisser s’en aller. Se sauver. Non. vraiment non ? T’es capable de dire ça Ioan ? Un peu plus et elle laisserait la surprise envahir son visage, parce qu’elle le connait que trop bien son frère, et c’est assez surprenant qu’il ne se lève pas et tourne les talons au moindre rejet. J’partirai pas. Et la voix qui tremble, malgré l’assurance qu’il essaye d’y mettre. Si Lucian était là, sans doute qu’il rigolerait amèrement, déçut de ce gosse qui n’arrive pas à imposer sa volonté. Si Lucian était là, sans doute aussi qu’il l’aurait trainée elle en dehors de cet endroit pour lui cracher au visage à quel point elle était raté. Ratés tous les deux. Popescu de pacotilles, Popescu avec défaut de fabrication. Ca les aidait avant, comme un lien entre les deux. Mais plus aujourd’hui. Pas aujourd’hui. Y avait plus que le néant entre leurs deux cœurs. Plus que le néant ouais.
Tu sais plus ce que tu dis. c’est soufflé, comme s’il n’y croyait pas vraiment lui-même. Pourtant pour la première fois de sa vie elle a l’impression d’y voir claire, de maitriser ce qu’elle veut, ses désirs à elle et pas ceux des autres. J’t’ai sauvé la vie. et revoilà le gamin, qui s’accroche à l’illusion, à l’espoir, ce regard trop doux, trop triste, qui pourrait presque la toucher. Presque. « T’as rien sauvé du tout » qu’elle murmure tout bas, les yeux qui se plantent dans ceux de son frère. Qui craquera le premier ? La réponse est évidente, mais elle veut le tester. Encore. Pousser. Griffer. Faire mal. « Si tu m’as sauvé la vie pourquoi est-ce que j’ai l’impression d’étouffer ? » l’air qui refuse de passer dans les poumons quand les médicaments ne font pas effet, quand elle n’est pas assez gazée et qu’elle peut enfin lutter. « Ouvre les yeux Ioan. T’as rien sauvé du tout, tu te noie encore dans des illusions » elle a la main presque trop douce, vient chercher celle de son frère, presque jumeau, trop semblables que leurs lignes de vie se superposent presque. « Il est temps de grandir Ioan. » et la main qu’elle laisse tomber, les doigts qui se referment dans le vide. Peut être que si elle frappe vraiment il comprendra, il partira. Peut être qu’elle n’aura plus à voir son visage. Ca lui fait mal au fond, de cracher l’acide comme ça. Même toute la rancœur du monde ne pourra jamais effacer l’amour surdimensionné qu’elle porte à son frère. Mais Anca en a assez. Rien qu’une fois, rien qu’un instant, elle veut être le bourreau plutôt que le condamné. Tenir la hache et non tendre le cou. « je sais parfaitement ce que je dis, j’ai peut être l’air complètement larguée mais je sais ce que je dis » elle vient poser son visage au creux de sa main, pas assez de force pour sourire ou rire, juste une immense lassitude, une immense fatigue qui l’englobe sournoisement. « On dit que je suis égoïste d’avoir voulu vous laisser. Mais au fond, t’es pas mieux pas vrai ? » Parce qu’il souffrira sans elle et que Ioan ne veut pas souffrir. Parce que si Anca disparait le reste s’effondre. Pourtant elle a assez de jouer les Atlas, porter l’univers sur ses épaules. Elle a décidé de le laisser rouler, loin, tout en bas de la colline.
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MessageSujet: Re: vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)   vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide) EmptyDim 8 Oct - 6:15


– WHO KNEW –

L’instant est passé. L’instant s’est enfui. Son regard est resté une fraction de seconde à peine dans celui d’Anca et, déjà, il a voulu fuir. Fuir et oublier la détermination et la lucidité qu’il lit dans les prunelles de sa sœur, malgré ses traits tirés et fatigués. Fuir, pour ne pas avoir à affronter les mots qui ne tarderont pas, et qui ne feront qu’ouvrir un peu plus cruellement les plaies déjà béantes qui lui strient le cœur. Parce qu’il le sait : Anca ne lui a pas pardonné. Anca veut le voir partir, et Anca fera tout pour le faire ployer. Anca saura exactement où appuyer, et la douleur en sera d’autant plus grande qu’Anca, c’est la seule capable de le relever, lorsque quelqu’un d’autre lui fait ça. Et que cette fois-ci, elle ne le fera pas. Cette fois-ci, elle lui lâchera la main et elle le laissera s’enfoncer. Elle le regardera, perchée sur ses jambes trop faibles, sans prendre la peine de serrer les poings. Et elle lui appuiera sur la tête, du bout du pied, comme on écraserait un insecte par pitié. Parce qu’Anca, elle a été sauvée alors qu’elle ne le voulait pas. Et que malgré toute l’affection qu’il lui donne, elle ne semble pas capable de lui pardonner. Ni aujourd’hui, ni jamais.

Et elle attaque. Le premier coup fait mal, et le gamin se tasse un peu dans sa chaise. Pas capable de conserver une posture faussement dominante plus longtemps. Ça ne lui ressemble pas assez. Il n’est pas comme ça — c’est tout. Ioan, il prend les coups. Il les accuse sans moucher, mais sans non plus s’empêcher de pleurer. Ioan, il n’a pas la force de se dresser pour se battre. Surtout pas quand il s’agit de sa famille. Surtout pas quand il s’agit d’Anca.

Anca qui étouffe. Anca qui l’accuse, mot après mot. Et si son corps est retourné dans une posture soumise, il n’en est pourtant rien de ses yeux. Seule force qu’il lui reste, celle de garder son regard dans celui de sa sœur. Une petite chose à laquelle il s’accroche désespérément, comme si la supplication et l’amour qu’on y lisait suffirait à balayer la rancœur, la souffrance et le mépris qui submergeaient ceux d’Anca. Pourtant, il n’en est rien. Elle continue de frapper, sans pitié. Elle continue de s’acharner, plus cruelle à chaque seconde. Se vengeant de ce qu’il lui a fait dans les règles de l’art. Et quand elle lui dit de grandir, il ne peut plus y tenir. Il baisse les yeux, ramenant dans un même temps ses mains vers lui. Elle lui avait donné l’espoir d’un contact — espoir qui s’est évanoui en même temps qu’il tentait de calmer les battements stupides de son cœur. Anca ne veut rien avoir à faire avec lui. Anca le méprise, et le trouve, elle aussi, inutile et stupide. Anca, elle a soudainement une voix qui ressemble plus à celle de Lucian qu’à celle de Lavinia. Et Ioan, il n’aime pas ça. Ça lui prend toute l’énergie du monde pour ne pas se mettre à pleurer, là, au milieu de cette stupide salle de visite. Ça lui prend toute la volonté qu’il n’a pas. Ça lui prend une force qui l’abandonne. Une force qui lui tourne le dos sans la moindre pitié, et qui ne semble pas décidée à un jour revenir l’aider. Quelque chose, au fond de lui, se raccroche à l’idée qu’Anca n’est pas dans son état normal. Et pourtant, il entend chacun des mots sonner plus juste que jamais. Et il n’arrive pas à s’y habituer. Il n’arrive pas à l’accepter. Anca ne peut pas lui faire ça. Les autres le peuvent. Les autres le font. Pas Anca.

Mais Anca le fait. Anca n’a plus de pitié, et Anca n’a même plus l’envie de ponctuer son ton d’émotions. Ça ne sert à rien. Les mots vides sont aussi forts. Frappent même plus fort. Les effets restent les mêmes, et Ioan s’efforce de ne pas lui tourner le dos et s’enfuir. Parce qu’Anca a beau avoir baissé les bras et décidé de le laisser, lui ne s’en ira pas. Il ne l’abandonnera pas. Il ne l’abandonnera jamais. Il attendra qu’elle retrouve raison. Et si cela n’arrive pas, et bien il continuera. Il attendra jusqu’à en crever — attendra ce pardon qu’elle ne lui donnera pas. Ce pardon qui, à ses yeux, valait plus que n’importe quoi.

Et pourtant, elle en est loin. Présentement, il n’est pas question de pardon, mais bien d’égoïsme. L’égoïsme dont elle a fait preuve en voulant s’ôter la vie. L’égoïsme qu’elle mentionne comme s’il était normal, et comme s’il avait le droit de venir dans la conversation. L’égoïsme qu’elle retourne contre lui, abruptement, et toujours sans émotions. Coup de grâce. Quand il relève les yeux vers elle, y a l’eau qui s’est frayé un chemin au bord de ses cils. Il ne pleure pas encore, mais il n’en est pas loin. Il voudrait se dire qu’il ne lui donnera pas ce plaisir, mais une petite voix, au fond de lui, lui rappelle qu’il ne vaut mieux pas promettre. Qu’il vaut mieux se concentrer sur le fait que, pour le moment, il n’y a pas assez d’eau dans ses yeux pour qu’il ne se mette réellement à pleurer. On n’est pas loin. On n’est pas loin, mais on n’y est pas. « Tu sais pas de quoi tu parles. » Ça sort en tremblant, mais ça sort tout de même assurément. C’est la colère qui fait osciller son ton. La colère qui se mêle à la tristesse et au désespoir, sans qu’il ne soit capable de trancher entre toutes ces émotions qui le dévastaient. « C’est pas d’ma faute si t’es en train d’étouffer. C’est pas d’ma faute si t’as préféré baisser les bras et t’enfuir comme ça. » Il parle de fuite, et il sent l’ironie de la scène lui broyer la gorge. Il sait qu’Anca va sauter sur l’occasion pour l’achever, sans la moindre pitié. Mais il espère juste enchaîner suffisamment rapidement pour ne pas lui en laisser le temps. Parce que s’il arrête de parler, il sait que les larmes vont finir par couler — avec les mots d’Anca ou pas. « T’avais le droit d’aller chercher de l’aide, putain. T’avais le droit. T’avais le droit de sortir de là, si on te suffisait pas. T’avais le droit d’aller chercher quelqu’un pour t’aider, au lieu de t’acheter une boîte de rasoirs. Si y a bien quelqu’un qu’avait le droit de faire ça, c’était toi. Alors pourquoi tu l’as pas fait ? » À mesure des tremblements, la voix s’est presque stabilisée. Le ton n’est pas trop fort, mais suffisamment pour que la colère et le chagrin, étroitement mêlés, n’y soit facilement perceptibles. « J’suis p’t-être un putain d’égoïste, mais au moins, j’t’ai pas laissé tomber. J’pourrais jamais. Tu peux me cracher dessus, tu peux me piétiner autant qu’tu veux. Tu peux m’tourner le dos et jamais m’reparler. C’est rien qu’les autres ont pas d’jà fait. » Il s’essuie rageusement les yeux. Parce que l’eau a continué de monter, et a fini par couler. Ioan, il est faible. Mais au moins, il n’a jamais réellement cherché à s’en cacher. « Et ça changera rien au fait que j’te sauverais encore si l’occasion se présentait. » La voix a recommencé à trembler, et il passe sa manche contre ses joues pour en chasser les coulées salées. « Je sais que tu veux pas de mon aide. Que tu veux même pas me voir. Mais j’voulais juste te dire que t’arrêteras d’étouffer, à un moment donné. » À dire vrai, il n’en sait rien. Mais la sincérité est identique, et il sait qu’Anca ne mérite pas de couler. Et il espère qu’un jour, elle arrivera à relever à nouveau le nez. « T’y arriveras. » Il renifle, baisse à nouveau les yeux. Essuie son nez d’un revers de manche, et range ses mains sous la table pour les protéger. Clébard apeuré. « T’es pas faite comme moi. » Et ça, c’est un fait. Anca, elle est belle et elle rayonne. Présentement, elle n’y arrive peut-être pas — mais au bout du compte, elle recommencera. Parce que les étoiles sont faites pour briller. Et que la noirceur du ciel, elle, est faite pour les exposer.

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MessageSujet: Re: vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)   vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide) EmptyMar 10 Oct - 0:44


– POST BLUE –

Tu sais pas de quoi tu parles. Pourtant elle sait que trop bien Anca. Elle a appris à ses dépends, la dureté du bitume quand elle est tombée en plein dedans, son nez écrasé, cassé, bousillé, comme son cœur. Elle sait de quoi elle parle Anca, toute la douleur, toute la peur, toute la fatigue aussi. L’impression de se battre dans le vide, de passer son temps à sauver les autres quand personne ne lui tend la main. Même pas les plus précieux. Même pas ceux qui se targuent de l’aimer comme ils peuvent. Tu sais pas de quoi tu parles alors pourquoi est-ce qu’elle a ce goût de cendres dans la bouche, depuis qu’elle a ouvert les yeux ? C’est pas d’ma faute si t’es en train d’étouffer. C’est pas d’ma faute si t’as préféré baisser les bras et t’enfuir comme ça. Si c’est de sa faute. De sa faute à lui et à tous les autres, c’est leur faute de ne pas l’avoir entendue, les appels au secoure quand elle se noyait, quand personne n’a vu les cicatrices qui se sont étalées sur sa peau, chaque morsure de rasoir comme un murmure réconfortant. C’est de sa faute, de leur faute à tous, s’ils n’ont pas vu la tristesse dans ses yeux, les bleus sur ses genoux, sur ses bras, les cheveux coupés, le visage égratigné. C’est normal chez les Popescu, on se bat pour exister mais pas elle ; Jamais Anca. Jamais. Elle hait la violence. Alors quand on la frappe elle absorbe, absorbe, absorbe, jusqu’à imploser. Bam artères tranchées, le sang qui se répand sur le carrelage, la sensation de lourdeur et le froid qui l’enveloppe bienvenue chez toi. Elle voudrait lui faire comprendre, à ce foutu frère apeuré, à ce frère brisé qui se tient devant elle. Et elle voit pas Anca, qu’ils ont les même yeux, malgré la dureté de sa voix, c’est comme se regarder dans un miroir, le désespoir qu’a pris ses marques, qui s’est installé sans prévenir.  
T’avais le droit d’aller chercher de l’aide, putain. T’avais le droit. T’avais le droit de sortir de là, si on te suffisait pas. T’avais le droit d’aller chercher quelqu’un pour t’aider, au lieu de t’acheter une boîte de rasoirs. Si y a bien quelqu’un qu’avait le droit de faire ça, c’était toi. Alors pourquoi tu l’as pas fait ?  « Je l’ai fait » c’est murmuré, même pas sur, même pas certain. Ca fait mal les mots, la fatigue qui prend le dessus, les pilules surement, gavées aux comprimés chimiques pour remettre de l’équilibre dans on mental de désaxée.  « Je l’ai fait c’est juste que personne n’a entendu »  pas même sa propre mère, trop occupée à détourner le regard, vers leur père, vers les barreaux de sa propre cage.
J’suis p’t-être un putain d’égoïste, mais au moins, j’t’ai pas laissé tomber. J’pourrais jamais. Tu peux me cracher dessus, tu peux me piétiner autant qu’tu veux. Tu peux m’tourner le dos et jamais m’reparler. C’est rien qu’les autres ont pas d’jà fait. Il tremble plus Ioan. Il tremble plus mais il chiale. Il chiale comme un môme, il chiale comme elle avait l’habitude de le faire aussi, avant qu’il y ai plus rien à pleurer. En temps normal elle se jetterait dans ses bras, le collerait fort contre elle, l’embrasserait, lui murmurerait que tout vas bien se passer. Mais y a rien de normal dans cette rencontre. Et même si les mots s’enfoncent dans son cœur comme un couteau, elle ne répond rien. Reste de marbre. Froide. Du moins pas tout de suite. Et ça changera rien au fait que j’te sauverais encore si l’occasion se présentait. Il est là le problème. Il est là. Foutu saint-bernard, ils sont trop pareils, alors où est-ce que ça a dérapé pour elle ? « Je suis pas comme les autres » qu’elle répond froidement, un peu en retard, les mains qui se crispent quand le message monte enfin au cerveau. Foutues pilules. « Je. Ne. Suis. Pas. Les. Autres. »  Surtout pas, jamais, jamais ; Pas Iulia, pas Elena, pas Valerian ni même Seven. Pas tous ceux qu’elle a tenté de ramener, à force de suppliques, d’appels à l’aide désespérés. Jamais elle ne sera comme eux. Jamais. Pourtant c’est ce qu’elle est en train de devenir, sans vraiment s’en rendre compte, trop cassée, à croire qu’on pourra plus jamais la réparer. Un autre Popescu pour la casse, j’annonce.
Je sais que tu veux pas de mon aide. Que tu veux même pas me voir. Mais j’voulais juste te dire que t’arrêteras d’étouffer, à un moment donné. Et le voilà qui tremble de nouveau, le gamin. Il a de l’espoir aussi, encore pour elle plus que pour lui. Il est pas égoïste Ioan, elle le sait bien, c’est juste qu’elle a pas envie de l’avouer. Pas maintenant. Pauvre gosse fatigué, il aurait sa place à ses côtés dans cette zone réservés aux bousillés mentaux. Peut être mêmes qu’ils auraient tous leur place ici, mais alors les deux prisons se superposeraient et ça reviendrait au même. T’y arriveras. « tais toi. » [/color] c’est sec, balancé entre deux phrases, entre deux mots. Elle se crispe Anca, continue à serrer les poings, et si elle avait des ongles, surement qu’elle se serait ouvert la chaire. Mais on les lui a limé, pour son propre bien à ce qu’il parrait, quand elle a fait sauter les points de suture avec sa kératine. Non. Elle n’y arrivera pas Ioan. Elle continuera d’étouffer, et le seul moyen pour elle d’y échapper c’est d’arrêter de respirer. Définitivement. T’es pas faite comme moi. « Tais toi ! » plus fort cette fois ci. Encore plus fort.  « Tais toi, tais toi, TAIS TOI ! »  elle hurle maintenant, se redresse d’un bond pour l’attraper au col, ça fait pas grand-chose vu le peu de forces qui l’anime, mais elle a juste assez de rancœur pour serrer un peu.  « Ouvre les yeux putain ! quand est-ce que t’arrêtera de m’idéaliser ? »  elle tremble maintenant, le lâche parce ses doigts n’arrivent plus à serrer, mais elle reste debout, les jambes flageolantes, comptant dans sa tête avant l’arrivée des infirmiers. C’est pas bon de crier quand on est internée.  « On est tous pareils Ioan, tous. Fais toi une idée. On est tous des ratés, des dégénérés, on ferait tous mieux de crever » C’est pas vrai, promis, elle le pense pas. Elle le pensera jamais. Même au fond du gouffre. Mais elle fait semblant, rien qu’une fois, pour voir si ça n’amène pas quelque chose d’autre.
Raté.
Il fait juste trop froid. Elle a envie de pleurer.

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MessageSujet: Re: vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide)   vie à usage unique (ioanca) (flashback) (TW suicide) EmptyJeu 16 Nov - 16:43


– WHO KNEW –

Tais-toi.

Mais il est pas capable, Ioan. Pas capable de la fermer, pas capable d’empêcher ce cœur de se vider sur la table. Il regarde Anca sans la voir. Il essaie d’ignorer le miroir que sont devenus les yeux de sa sœur. Il essaie d’ignorer la souffrance qu’il y voit — cette foutue souffrance qu’il ne connaît trop. Il se refuse à croire qu’Anca est aussi perdue qu’il ne l’est. Se refuse à imaginer qu’elle pourrait baisser les bras, et elle aussi l’abandonner.

Parce qu’elle a beau dire qu’elle n’est pas comme les autres, il n’arrive pas à se débarrasser de la sensation qu’elle a, elle aussi, tenté de foutre le camp. À sa manière, certes ; mais celle-ci n’en était pas moins cruelle. Et il était difficile de dire, à cet instant, lequel était le plus égoïste des deux. La gamine dont personne n’avait écouté les appels à l’aide, et qui avait décidé de se débarrasser du poids de la vie — ou le gamin qui s’était senti plus abandonné que jamais lorsque la seule personne capable de l’aider avait décidé de supprimer son existence. Le combat se valait. Un point partout. Match nul. Balle au centre. Une balle qu’il ne parvient pas à garder. Une balle qui lui glisse entre les doigts, alors qu’il essaie de terminer de parler au travers des cris d’Anca. Et, alors, tout dérape.

TAIS-TOI !

Les mains lui agrippent le col, le forçant à se lever. Il a eu le réflexe d’attraper les bras de sa sœur, veillant à ne pas serrer les poignets si fragiles qu’elle avait encore de bandés. Elle n’a pas de force, et il le sait. Il le sent. C’est un élan désespéré — c’est quelque chose qu’elle n’est plus capable de refouler. Une violence qu’elle dirige contre lui. Violence qui glace les larmes au fond des yeux du petit brun, alors qu’il la dévisage. Sa gorge s’est brusquement serrée, et la sensation au fond de ses tripes lui donne envie de dégueuler. Dégueuler son amour pour elle, dégueuler sa souffrance. Putain, Ioan, mais qu’est-ce que tu fous là ?

« Ouvre les yeux putain ! Quand est-ce que t’arrêtera de m’idéaliser ? » Jamais. Le mot reste coincé dans sa gorge, alors qu’elle finit par le relâcher. Elle tremble, et il a l’impression qu’elle va tomber. Sa poigne à lui a quelque peu glissée, et il se sert désormais de l’appui qu’il exerce sur ses avant-bras pour la maintenir debout. Il n’a pas beaucoup de forces, mais il en a assez pour retenir la brindille qu’elle est. Il en a assez pour ne pas l’abandonner. Tombe pas, Anca. S’te plaît. Reste avec moi.

Il sait que leur temps est compté. Il sait que les infirmiers vont finir par arriver, et les séparer. Il sait qu’Anca est trop faible, trop instable. Que sa visite vient de la projeter dans un gouffre psychologique qui prendra quelques calmants pour la sortir. Parce que les mots n’arrivent pas à guérir. Les mots sont devenus inutiles, et y a plus que la souffrance pour lui rappeler pourquoi elle existe — pourquoi elle est en vie. Une souffrance dont elle voudrait se débarrasser. Son point de vue n’a pas changé. Il le sait. Il le sent. Et il a peur. Peur d’être seul, peur de se retrouver aux prises avec sa vie sans avoir les deux grands yeux d’Anca dans lesquels se réfugier. Sans réussir à maintenir tant bien que mal un équilibre en douceur et cruauté, dans ce putain de monde où il n’arrive plus à évoluer. Gamin à qui on a coupé les ailes trop tôt — trop férocement —, avant de s’attaquer aux bras et aux jambes. Et aujourd’hui, il ne lui reste plus rien. Plus rien d’autre qu’Anca, et la haine qu’il peut lire dans ses yeux. Haine contre lui, haine contre eux — haine contre elle-même.

« On est tous pareils Ioan, tous. Fais-toi une idée. On est tous des ratés, des dégénérés, on ferait tous mieux de crever. » Il a l’impression qu’on a fourré du papier de verre dans sa gorge. Il a l’impression qu’il ne peut plus parler — qu’il ne peut plus lui répondre. Qu’Anca, debout, là, n’est plus elle-même. Et il prend les mots plus durement qu’il n’aurait jamais cru pouvoir les accuser. On est tous des ratés. Ça résonne dans sa caboche. Et il a beau vouloir le calmer, ça fait du sens. Il le comprend, et il arrive à l’accepter. Des dégénérés. Peut-être que c’est vrai. Peut-être qu’ils ne seront jamais capables de se planter dans les clous, et d’avoir de ces vies normales que les autres rêveraient. Peut-être. Mais est-ce que ça vaut le coup de baisser les bras et de ne jamais essayer ? On ferait mieux de tous crever.

Crever.

Crever.


« Pas toi, Anca. » Il voudrait lui dire qu’on exclut la personne qui parle. Et que dans sa tête, c’est vrai. Dans sa tête, Anca est peut-être la seule qui ne mérite pas ce destin funeste qu’elle essaie de leur imposer. Anca, et puis peut-être Tereza. « Tu crèveras pas. » Il l’empêche toujours de tomber. Et il refuse de la lâcher. Même si elle essaie de se dégager, il est hors de question de la laisser filer. De toute façon, ce ne sera plus très long. Il entend les infirmiers se rapprocher d’eux à toute allure. Inquiétés par le ton de la gamine, inquiétés par la pression qu’exerce le gamin sur elle. Va falloir la lâcher. « J’te laisserai pas. » On pose une main ferme sur son épaule, et on le force à la lâcher. Il obtempère sans résister, ne voulant pas compliquer davantage la situation. Les larmes sont revenues au bord de ses yeux, mais ne couleront pas. Elle a raison. Peut-être qu’ils sont tous ratés, dégénérés. Peut-être qu’ils mériteraient tous de crever. Peut-être qu’ils ont fini par déteindre sur elle, et l’empoisonner. Peut-être que c’est pour ça qu’elle est là — parce qu’elle porte le poids qu’ils l’ont forcée à endosser, sans même considérer pour un seul petit instant qu’elle n’est pas capable de le porter. Peut-être que le mieux, c’est de la laisser respirer. Peut-être que le mieux, c’est de se tirer de là, et arrêter de l’empoisonner.

J’suis désolé, Anca. Ça se lit dans ses yeux. Dans la petite lueur qui y danse, dans l’arc douloureux que prennent ses sourcils. J’suis tellement désolé. Il laisse l’infirmière le prendre doucement par le bras pour le conduire à l’extérieur de la salle de visite, alors qu’Anca est traînée de l’autre côté. Anca. Anca. Anca. Au fond de sa poitrine, il sent son cœur exploser. Perforé par toutes les lames qu’elle a si habilement lancées. Ravagé par cette réalité qu’elle lui a planté dans la face, le giflant sans se soucier des conséquences. On ferait tous mieux de crever.

Ok. Ok, Anca. Ok. T’as peut-être raison, dans le fond. Peut-être qu’on est juste des ratés. Peut-être qu’on est juste des dégénérés. Peut-être qu’on ferait mieux de crever. Mais on n’a pas tous ton courage de vouloir essayer. Et on n’a pas tous ton courage de vouloir y arriver.

J’suis désolé, Anca. Désolé de pas avoir réussi à te sortir de là. Désolé de t’y avoir enfoncée, comme tous les autres.

J’suis désolé d’être un raté.
Désolé d’être un dégénéré.
Désolé de pas être capable de crever.
Désolé de pas avoir ton courage.

Désolé de pas réussir à te dire qu’on se reverra pas.
Désolé de pas réussir à te dire que je m’en vais là où, peut-être, quelqu’un d’autre sera capable de m’aider à mettre un point final à tout ça.
Désolé d’avoir mis si longtemps à me décider.

Je suis désolé, Anca.
Je suis tellement désolé.

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Anca Popescu

Anca Popescu
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– POST BLUE –

Pas toi, Anca. tais toi tais toi tais toi
Tu crèveras pas. c’est trop tard c’est trop tard c’est trop tard
J’te laisserai pas. t’avais pas le droit t’avais pas le droit t’avais pas le droit
Elle explose. Elle implose. Ça se liquéfie à l’intérieur, ses organes, ses nerfs, ses peurs et tout le reste. Comme un souvenir, les mains de Ioan sur ses poignets éventrés, les mains de Ioan toutes tâchée, les mains de Ioan qui tremblaient. Elle avait pas eu mal. Jamais. Comme un espèce de soulagement quand elle avait finit la deuxième artère. Puis il était arrivé. Et il avait tout gaché. Un peu comme maintenant, avec son regard cassé, regard qui rappelle trop Lavinia, leur mère, jamais leur père. Elle voudrait lui hurler d’arrêter de la regarder comme ça. Qu’il n’a pas le droit. Non. Il n’a pas le droit. Mais il continue, encore, encore, gamin paumé dans un univers de géants.
« Me touchez pas » quand l’infirmier lui attrape le bras pour la faire se lever.  « Ioan. Dis leur de me lacher » qu’elle murmure presque, les doigts tendus vers son frère. Tu me dois bien ça, sors moi de là, aide moi. Et la prise qui devient plus forte, encore, tirée en arrière, alors qu’elle se met à lutter, le cri qui monte dans sa gorge.   « ARRETEZ ARRETEZ ARRETEZ LAISSEZ MOI » et le regard de Ioan qui disparait de son champ de vision. Elle devrait être soulagé, alors pourquoi ça fait si mal ? Pourquoi est-ce qu’elle a l’impression qu’il n’y a plus de lumière ? Pourquoi est-ce qu’elle a un sursaut dans son comas perpétuel ? Pars pas. Parce qu’elle sent Anca. Elle sent que ça sera la dernière fois.
« MENTEUR MENTEUR MENTEUR T ES COMME LES AUTRES » mais il est plus là Ioan. Il est plus là et y a plus personne, juste les infirmiers qui la traine pendant qu’elle se débat, juste les infirmiers qui l’attache pendant qu’elle se débat, juste les infirmiers qui la piquent pendant qu’elle se débat
« menteur »
Et les larmes qui coulent, la douleur qui s’évapore pendant qu’elle papillonne doucement, son esprit qui s’étiole, le corps chargé aux calmants. « J’en peux plus » elle vacille, essaye de garder les yeux ouvert, essaye de lutter encore, pour hurler à s’en péter les cordes vocales, chercher la douleur là où elle peut l’obtenir. Mais y a plus rien.
Plus que le noir.
Le coton, l’absence, le vide.
T’es en vie Anca.
Vraiment ?
Vraiment.
Menteurs

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