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Mads Levy

Mads Levy
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MessageSujet: we are in trouble (novads)   we are in trouble (novads) EmptySam 7 Juil - 10:58

Elle se prend la tête sur la comptabilité, encore et toujours. Sa mère a bien tenté de lui expliquer mille fois, mais elle n'y arrive pas. Ça lui semble beaucoup trop abstrait, rien n'a de sens à ses yeux. Juste des tas de chiffres et de colonnes qui se suivent sans aucun but. Et depuis que sa mère est revenue de l'hôpital, elle n'est toujours pas en état d'assumer ça. Trop fatiguée, ses médicaments l'abrutissent la plupart du temps, la laissant dans une sorte de brouillard opaque. Et Mads doit se débrouiller toute seule, complètement dépassée. Sid l'aide un peu, mais il fait beaucoup d'heures ces derniers temps. Il doit probablement être sur une affaire, quelque chose, elle n'en sait rien et elle n'a même plus le temps de s'inquiéter pour lui. Ses soucis prennent trop de place. Il doit être une heure du matin environs quand elle se fait tirer de ses calculs sans queue ni tête par tout un capharnaüm. Elle se redresse, son regard qui se tourne machinalement vers l'horloge qui trône dans le petit bureau. Elle fronce les sourcils. Qui est le con - encore - qui fait autant de bruit à cette heure-ci ? Elle n'a pas envie que tout le monde se réveille et râle contre le fauteur de trouble. Au vu de la clientèle, ça risquerait d'assez vite mal tourner. Elle a déjà vu ça par le passé et elle ne serait pas capable de gérer de tels débordements comme savait le faire sa mère. Elle se lève aussitôt, exaspérée, et sort du bureau pour rejoindre les chambres et remettre le client à sa place. Sûrement un ivrogne qui ne sait plus où est sa chambre et qui fait n'importe quoi. Mais quand elle arrive, elle le reconnait aussitôt. C'est l'irlandais. Même si le nom qu'il lui a donné n'a aucune consonance qui le laisserait penser, son accent en revanche est trop reconnaissable. Son cœur se serre sous l'appréhension soudaine. Ce mec lui fait peur. Il squatte ici depuis quelques temps et il est clairement louche. Comme tous les gens qui prennent une chambre ici. Mais lui, c'est différent. Il l'a met mal à l'aise. Il a cette façon de la reluquer, le regard lubrique et pleins de mauvaises intentions. Des gens glauques, elle en a vu défiler ici, depuis toute petite. Elle a grandi au milieu de tout ça, et les gens peu fréquentables ne l'effraient plus depuis longtemps. Mais ici, à part en de rares occasions, tout le monde respecte sa mère et elle aussi. Il n'y a qu'un motel à Savannah ou l'on peut faire ce que l'on veut sans être inquiété, les gens le savent et s'ils veulent que ça perdure, ils ont conscience du fait de ne pas devoir se créer d'ennuis avec elles. Mais lui semble faire exception à la règle. Elle s'approche mais reste à distance malgré tout, peu sereine. Elle s'arrête à plusieurs mètres, méfiante, et vient croiser ses bras sur sa poitrine comme pour se protéger d'un éventuel danger. — C'est vous qui faites tout c'bruit ? Qu'elle demande sans parler trop fort afin de ne pas réveiller les clients. L'homme sursaute, ne l'ayant visiblement pas entendue arriver. Il se redresse alors qu'il cherchait ses clés, et il ne faut pas longtemps à Mads pour comprendre qu'il est ivre. Ce qui l'inquiète encore plus. Par précaution, elle recule d'un autre pas alors que déjà il pose sur elle ce regard qui lui glace le sang. — Ouais, d'solé, j'ai cogné ma voiture contre une autre en me garant.Quoi ?! Elle oublie un instant la gêne qu'elle éprouve à ses côtés et se détourne de lui pour s'avancer vers le parking, les bras désormais écartés en signe d'impuissance. — Vous allez devoir rembour- Elle se coupe dans son élan et échappe un couinement de surprise en se retournant. L'homme est là, tout contre elle et pose une main sur sa taille. Elle recule aussitôt, frisson glacé qui remonte le long de son échine. — Lâche-moi. Ça sort brusquement, le ton agressif, mené par la peur ; réaction instinctive. L'homme se marre, visiblement peu inquiété par les dégâts qu'il a causé. Encore moins par l'état qu'il provoque chez Mads. Il revient à la charge, sa main qui se pose sur la joue de la brune. — Dis, y a pas un... 'service personnel' pour les clients ici ? Le dégoût déforme son visage alors qu'elle comprend ce qu'il lui demande. Elle s'échappe de son emprise encore une fois, le cœur qui pulse de plus en plus fort. — Non. Si vous voulez une pute, j'peux vous indiquer où en trouver. Il n'a pas l'air intéressé. Sa gorge se noue quand il revient. Elle recule précipitamment, il se jette sur elle. L'empoigne fermement, elle ravale un hoquet de stupeur, la douleur de son bras emprisonné entre ses doigts se diffuse rapidement dans tout le reste de son corps. Muscles bandés, les tripes qui se tordent. — Dis pas ça comme ça, c'est vulgaire. Elle reste muette, la crainte lui noue la gorge et l'air peine à s'y infiltrer. Elle fixe le vide, n'osant même pas faire face à son regard. Il se penche vers elle, haleine alcoolisée qui s'écrase sur son visage. Elle se crispe un peu plus, ferme les yeux à moitié. Et tandis qu'il pose ses lèvres dans sa nuque, elle n'a qu'une image en tête : Sidney. Elle voudrait qu'il soit là. Elle voudrait qu'il arrive, qu'il débarque. Qu'il s'occupe de lui, l'embarque, le chasse de là avant de venir l'étreindre entre ses bras. Bras réconfortants qui ne font jamais de mal. Elle veut son odeur pour oublier celle de l'irlandais. Elle veut sa tendresse pour atténuer la violence. Mais Sidney n'est pas là. Elle gémit légèrement et tente de se dégager de son emprise. — Lâche-moi. Qu'elle répète encore une fois, posant une main sur son torse pour tenter de le repousser en arrière. Mais il attrape son poignet et l'oblige à descendre sa main plus bas, la posant contre sa volonté sur son entre-jambe. La réaction est immédiate. Elle tourne la tête et ses dents attrapent son oreille pour la mordre violemment, sans même s'en rendre compte. L'homme la relâche aussitôt en beuglant et s'éloigne d'un pas. Ses mains qu'il porte à son oreille rougie alors que la colère grimpe en flèche. La seconde d'après, son poing s'écrase sur le visage de Mads et la gamine s'effondre au sol, sonnée, clouée par la douleur. Une douleur qu'elle n'avait jamais connue encore. Choquée, elle ne réagit pas tout de suite. L'homme peste, elle perçoit quelques mots dans tout ce bordel mais n'y prête pas attention. Elle se relève tant bien que mal avec une seule envie : fuir. Et c'est ce qu'elle fait, titubante. Mais ça ne la mène pas loin. L'instant d'après il la rattrape, la soulève et la jette sur le capot d'une voiture, se dos se fracassant contre la tôle et lui coupant le souffle. Il se penche sur elle, l'écrasant de tout son poids, elle voudrait se défendre, mais le choc de sa colonne vertébrale contre la voiture l'immobilise, son corps tout entier qui s'est contracté ; si fort que ça en devient douloureux. Elle voudrait crier, appeler à l'aide, mais le son reste coincé dans sa gorge. Il se met à tirer sur son jean pour le lui défaire et, encore une fois, son corps réagit sans qu'elle ne lui ai demandé. Sa jambe vient s'écraser entre celles de l'homme, lui arrachant un râle de douleur. Il beugle, se tient les couilles quelques secondes, Mads tente de se redresser à nouveau, mais il trouve la force de lui retourner une violente gifle, éclatant sa lèvre au passage avec sa bague. Elle s'écroule sur le capot, sa tête qui le heurte violemment. Nausée terrible qui vient lui secouer les tripes, les larmes qui perlent de ses yeux fatigués. Son objectif dans sa tête reste le même : aller s'enfermer dans le bureau et appeler Sidney. Mais une main lui saisit le cou et la plaque à nouveau, l'étouffant à moitié. Elle sent l'autre main qui parvient à déboutonner son jean et elle a la sale sensation d'être une condamnée à mort qui ne peut plus échapper à sa sentence. Corps meurtrit et choqué qui n'arrive même plus à se défendre. Mais soudain, une sonnerie de téléphone. L'homme s'interrompt. Il retire la main de son jean pour décrocher. Il se met à parler dans une langue qu'elle ne comprend pas. Il a l'air contrarié et le ton monte rapidement. Il finit par la relâcher et s'éloigne sans même un dernier regard, rien. Mads ne bouge toujours pas, pétrifiée. Il finit par disparaitre dans sa chambre, la laissant seule sur le parking. Encore quelques secondes de flottement et, enfin, elle se réveille. Sort de sa torpeur et se remet en mouvement. Les jambes tremblantes elle court jusque dans le bureau et s'y enferme à clé, le souffle irrégulier. Elle attrape son portable et tente d'appeler Sidney. Six fois de suite. Mais rien. Elle se met à pleurer en silence, paniquée. Elle devrait appeler la police, elle le sait. Mais ce n'est pas ce qu'elle fait. Elle ne veut pas faire venir les flics dans son motel, ça risquerait de lui faire perdre toute leur clientèle. Alors c'est vers un autre numéro qu'elle se dirige. Ça sonne trois fois avant qu'il ne décroche. Soupir de soulagement. — Novak ? Sanglots qui retentit dans le combiné, la voix vacillante. — Viens au motel s'te plait, j'ai un souci. Elle se fait implorante, il est son dernier recours.

Il arrive.

Et déjà, elle se calme un peu. Ils raccrochent et elle s'effondre sur sa chaise, à bout de force, encore en état de choc. Elle se laisse aller et pleure un peu, pour libérer l'émotion trop contenue. Elle attrape quelques mouchoirs pour sécher ses larmes et éponger sa lèvre éclatée. Son œil et sa pommette gauche lui font terriblement mal. Elle les effleure du bout des doigts mais se ravise aussitôt, la zone est sensible. Désemparée, elle ferme les yeux et tente de se concentrer sur sa respiration pour calmer l'effervescence de son corps. Son cœur qui bat trop vite, son hémoglobine qui la brûle, son estomac qui lui donne envie de vomir et cette boule dans sa gorge. Y a comme une vague de dégoût aussi qui la submerge, alors qu'elle a l'impression de sentir encore ses lèvres dans sa nuque et ses mains sur elle. Bien consciente d'avoir échappée au pire, elle n'arrive cependant pas encore à s'en réjouir.

Elle ne voit pas les minutes filer et quand quelqu'un toque à la porte, elle sursaute. La panique qui remonte subitement alors qu'elle l'avait calmée. Ses doigts se crispent sur les accoudoirs de la chaise et c'est seulement quand elle reconnait la voix de l'autre côté de la porte qu'elle se lève, se jetant sur la porte pour l'ouvrir. Et dès l'instant ou elle découvre la silhouette imposante et rassurante de Novak, tout s'arrête. La peur s'envole et sans hésiter, elle fond sur lui, à la recherche d'une étreinte apaisante qui terminera de chasser ce qui la ronge encore. Ce n'est pas Sidney, mais elle sait d'expérience que la force tranquille de Novak a quelque chose de thérapeutique et c'est tout ce dont elle à besoin à cet instant.
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MessageSujet: Re: we are in trouble (novads)   we are in trouble (novads) EmptyMar 10 Juil - 16:24

▼▲▼

Novak.

Viens au motel s'te plait, j'ai un souci.


Porte qui claque. Le chien n'est même pas sur ses talons, et seule l'urgence galope dans l'ombre de son inquiétude. Novak. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le moteur de la voiture gronde, et il est en route. J'ai un souci. La circulation trop lente. L'instinct qui lui tiraille les entrailles. Novak. La détresse dans la voix de Mads, écho contre ses tympans. S'te plait.

J'arrive.


Moteur coupé, véhicule garé à une distance raisonnable du motel. Ne pas attirer les soupçons, ne pas attirer l'attention. Ses tripes qui lui disent de rester discret. Que Mads est en danger. Dépêche-toi. Un coup d'oeil circulaire. Le parking est désert. Les restes de la violence y traînent, mais Novak ne s'y aventure pas. File vers la réception, petit bureau à la porte fermée à double tour. Cogne une fois. C'est moi, Mads. Le silence qui lui répond. La peur lovée en son sein, et le serbe qui la flaire. Come on, kiddo. Le poing s'abat à nouveau sur le battant, et un grognement s'élève pour l'accompagner. « Mads ? » Si t'es là, ouvre-moi. Et ça semble suffire. Sa voix comme mot de passe, et la porte de la réception s'entrouvre finalement. Les yeux du loup qui scrutent, capturent le visage qui apparaît dans l'interstice. Et sa mâchoire se serre soudainement, alors qu'il aperçoit presque immédiatement la marque sur sa joue, sur son oeil, et la lèvre fendue. Il n'a le temps de rien faire, pourtant. Avant même d'avoir pu entrer, avant même d'avoir pu s'approcher pour mieux l'observer, elle a disparu contre lui. Petite silhouette si frêle, si chétive. J'ai un souci. Et alors, la colère se fraie un chemin jusqu'à son esprit. Soudaine, inattendue. Empoisonnant son sang — celui qui pulse dans son cerveau, dans son coeur. Mais pas celui qui irrigue ses bras — pas encore. Les deux bras, doux, qui se referment autour de la jeune fille, tandis que son corps la guide pour l'amener à l'intérieur de la réception. Une main sur son crâne pour la garder contre lui. Cachée. Je suis là.

Il referme la porte derrière eux, puis la relâche lentement. Ses doigts bourrus qui passent délicatement sous le menton de Mads, et il relève sa tête vers lui. Voit mieux les marques. Cruelles, sans pitié. Des coups trop faciles à essuyer, pour quelqu'un qui tentait vainement de s'échapper de l'emprise qu'on exerçait sur son corps trop fragile. Et ça gronde en lui. La colère qui resserre son étau autour de sa gorge, alors qu'il prononce à peine quelques mots. « Qu'est-ce qui s'est passé ? » Et, alors, la fureur se mue en haine. La rage qui lui fait serrer les mâchoires bien trop fort, tandis que Mads se met à balbutier. Chaque mot, chaque fait, qui le percute comme un poing au creux de l'estomac. C'est pas la première fois qu'elle te parle de lui. L'irlandais. Et jusque là, t'as rien fait.

Rien fait.

Pas ta place.

Reste loin, Novak.

Loin de la colère.

Loin de la violence.


Trop tard.

La lèvre éclatée de Mads, sa pommette et son oeil qui ne manqueront pas de virer au bleu, puis au violet. La panique dans ses yeux. L'épuisement. La manière dont elle se tient. Ce qu'elle lui a dit. Trop tard. Les prunelles brunes du Cerbère ont viré au noir, et ses muscles se sont crispés. Ok. « Reste là. Referme à clé derrière moi. N'appelle personne. Si tu as de la glace, mets-en sur ton oeil. Et attends-moi. » Les ordres sont brusques, mais doux à la fois. Je suis là, Mads. La gamine qui avait trouvé un étrange refuse dans l'ombre des loups. Il va payer, Mads.

Sa main a glissé sur la mâchoire de la gamine, avant de s'en détacher. I'll be back. Et malgré la colère qui lui secoue les tripes, ses yeux sont calmes lorsqu'ils tombent une dernière fois dans ceux de Mads. I'll be back.

Tourner les talons. Sortir de la réception, et refermer la porte derrière lui. Attendre le cliquetis familier du verrou, avant de s'éloigner. En quelques secondes à peine, ses jambes ont avalé la distance qui le séparait du numéro de chambre que Mads lui avait donné. Son poing qui s'écrase sans plus attendre sur le battant, et un rapide regard alentour lui confirme que les témoins sont inexistants. Bien. Lorsque la porte s'ouvre, l'accent si familier lui parvient. Sec, précipité. Irrité. Ivre. « Quoi, encore ? » Puis, un instant, le temps semble en suspens. La main qui devait se refermer autour de la gorge ne bouge pas, et le serbe reste là, à fixer l'irlandais. Lointaine soirée, pourtant si proche. Quelques souvenirs éparpillés. Les sanglots d'une brindille que l'on avait manqué de violer, qu'il avait dû aider. Et le visage de son agresseur. Lui.

La reconnaissance est apparemment mutuelle, et la porte est envoyée violemment vers Novak tandis que l'autre tente de gagner du temps. Le souvenir de sa tête heurtant le lavabo du bar qui l'a fait dégriser, instantanément. Réagir. Mais à peine assez vite. Le pied du serbe a intercepté la porte dans son élan, l'empêchant de se refermer. Il la pousse d'un coup d'épaule, et aucune résistance ne l'attend. Son regard trouve l'irlandais, titubant avec empressement vers son lit. Et Novak, parfaitement en contrôle de ses mouvements, fond sur lui. L'empoigne pour le retourner — et voit bien assez vite la lame que l'autre a tiré de sous son oreiller. Une paume qui attrape le poignet, l'autre la trachée. Il tord le premier — serre la seconde. La main de l'irlandais qui relâche son arme alors que, coincé entre son matelas et le poids du serbe, il essaie de se dégager. Griffe la main vorace qui l'étouffe. Assène des coups dans les côtes, de son poing libre. Essaie tout ce qu'il peut. Ça lui prend quelques secondes à tâtonner mais, finalement, il y parvient. Attrape la bouteille d'alcool vide qui trônait sur la table de chevet et, violemment, l'abat sur la tête de son agresseur. Profite de la seconde de surprise et du bruit de verre brisé pour reprendre le couteau laissé à portée de main. Bien trop près. Et, instinctivement, il projette la lame en avant.

Mâchoire qui se crispe. Le corps qui tressaille, et bascule lourdement vers l'arrière lorsque l'irlandais déploie sa force pour le repousser. Le serbe qui heurte le mur — et l'autre reprend son souffle. Seconde de flottement. Novak porte ses deux mains à la lame à son abdomen, et sa proie glisse du lit, trébuche en essayant de se relever pour s'éloigner. Le couteau que l'on retire sèchement. Sans un grognement, sans un hoquet. L'irlandais trop proche de sa veste, en sort un revolver déjà équipé d'un silencieux. Mais le serbe est déjà sur ses talons. La lame fraîchement retirée de sa chair se plante dans celle de l'autre, brusquement. Un coup net, et le couteau se fiche entre les deux os de la clavicule. La seconde main qui saisit violemment son menton, sa bouche, pour l'empêcher de crier. Pas la peine d'attirer davantage l'attention. Puis, il le tire vers l'arrière. Poignarde une seconde fois l'épaule, forçant le type à se retourner et à lui faire face. Le silencieux qui glisse des doigts rendus maladroits par l'alcool, au bout d'un bras affaibli par les deux coups de poignard que son articulation pivot venait de subir. Et les bras du serbe s'emploient à l'en éloigner. Se servent de sa prise sur le couteau, et d'une autre sur sa gorge, pour le soulever de terre et le fracasser contre le mur le plus proche. Le tenir loin de cette arme qui lui ferait beaucoup plus de mal qu'un couteau. Qui pourrait le tuer. Il le sait. L'irlandais aussi. Seule porte de sortie qu'il lui reste. Seule option de survie, rendue impossible par le corps massif qui l'a fracassé contre le miroir de la chambre. Une fois. Deux fois. À en briser la surface polie. Et le prisonnier se débat. Luttant pour ce qu'il lui reste de vie, alors que les dernières traces de conscience et de retenue s'effacent des yeux du loup qui lui fait face. Et le désespoir attrape tout ce qu'il peut. La main faible qui vient planter ses doigts dans la plaie à l'abdomen qu'il avait créée un peu plus tôt, espérant faire lâcher son assaillant. En vain. Malgré la vague de souffrance qui le traverse, et le grognement qui s'échappe de sa gorge, Novak ne faiblit qu'à peine. Enfonce le couteau plus profondément dans l'épaule, et fracasse une nouvelle fois son adversaire contre le miroir brisé. Relâcher le col pour attraper le visage à pleines mains. Lui écraser le crâne contre les débris. Fendre la peau, lacérer le cuir chevelu. Tu ne dois pas tuer, Novak. Trop tard. Tu ne dois pas tuer.

Trop tard.

Quand l'autre a réussi à arracher un morceau de miroir, se coupant la main au passage, il est trop tard. Les doigts du monstre retiennent toujours son visage, et n'arrêtent pas lorsqu'il plante son arme improvisée à l'arrière du bras. Celui-ci tremble un instant, et un grognement de douleur lui fait écho. Puis le monstre remue pour faire lâcher à l'autre son misérable poignard, qui reste planté là. Le coup violent, la tête qui heurte à nouveau le miroir brisé. Mais l'irlandais ne veut pas mourir. L'irlandais se débat. Essaie de reprendre le morceau de miroir pour le faire bouger dans la plaie. Le faire lâcher. Non.

Trop de douleur. La main intacte du serbe qui lâche le crâne, tandis que l'autre, affaiblie, s'est déjà séparée de la garde du couteau. Il envoie la tête rebondir contre le miroir brisé, le temps de sonner l'autre. L'autre tombe. L'autre qui tente de reprendre son souffle. Ses esprits. Qui profite que son assassin, le souffle coupé, veuille retirer le morceau de verre de la plaie béante. Il retire le couteau de son épaule, tout en essayant d'avancer à quatre pattes vers son objectif, gisant toujours un peu plus loin. Le silencieux. Le silencieux.

Non.

Le serbe abandonne le morceau de verre, et son pied s'enfonce violemment dans les côtes de sa victime. Son corps se déplace presque trop rapidement et, sous un regain d'adrénaline, son bras blessé vient saisir l'arme abandonnée au sol. Volte-face. Le type essaie toujours de retirer le poignard. La seule arme qu'il lui reste. Mais c'est trop tard. La main indemne du serbe qui lui attrape le col et le soulève suffisamment pour le traîner au sol. Un mètre. Un deuxième. Pousser la porte de la salle de bain de l'épaule. L'autre a finalement retiré le couteau de son épaule, le soulève en un ultime élan de survie. Mais c'est déjà trop tard. Le serbe a fait basculer la moitié supérieur du corps dans la baignoire, et le couteau n'a pas le temps de trouver sa cible que la première balle part. Instantanément suivi d'une deuxième, puis d'une troisième. Trois coups de feu étouffés par le silencieux. Et l'irlandais retombe lourdement, le crâne perforé par trois fois au même endroit.

Plus rien. Le serbe immobile, qui sent le corps se relâcher. Qui reste immobile un instant, avant de relever l'arme pour la poser sur le rebord du lavabo, forçant le chargeur à sortir d'un habile mouvement de doigts. Il tombe dans l'évier, alors que Novak a fait passer complètement le corps sans vie par-dessus le rebord de la baignoire. Le cadavre y glisse lourdement, et il se relève enfin. Ses doigts tremblants qui tentent d'aller chercher le morceau de miroir, mais qui s'arrêtent à quelques centimètres. Non. La douleur est trop forte. La douleur le cisaille. Besoin de s'asseoir. Besoin de respirer. Cette fois, il a bien failli y rester.

Ses doigts attrapent une serviette qui traîne et, lentement, ses jambes le portent jusqu'à la chambre. Il s'assied lourdement sur le lit. Respiration sifflante, sa main indemne qui tient la serviette contre son abdomen. Une seconde. Puis deux. Lorsqu'il la relâche finalement, c'est pour attraper son téléphone au fond de sa poche. Ses doigts qui tremblent, alors qu'il passe un texto rapide à l'intention de Rex. Rex qui pourra l'aider. Rex qui va devoir nettoyer. Se débarrasser du corps. Éviter que l'on puisse identifier les deux groupes sanguins présents partout sur les lieux. Rex qui va devoir retirer le morceau de miroir toujours planté à l'arrière de son bras.

En quelques mots rapides, c'est bouclé. La réponse ne se fait pas attendre, et le serbe ferme un instant les yeux en la lisant. Ok. Il arrive. Il arrive.

Respire.


Une seconde. Deux. Il rouvre finalement les paupières, et tourne la tête vers le téléphone sur la table de chevet. Il se relève péniblement pour s'en rapprocher, se rassied plus près. Décroche le combiné, et enfonce le bouton pour appeler la réception. Réponds, Mads. Ça sonne. Trop longtemps à son goût — mais finalement, on décroche. Il renifle lentement, et lorsque les mots sortent de sa bouche, il peine à les savoir réellement connectés à son corps. Noyé sous les relents de douleur, enseveli sous les effets négatifs de l'adrénaline retombant. Respire, Novak. « Mads. » Il se racle la gorge. La voix rauque, l'articulation difficile. « Tout va bien. » C'est fini. Il est mort. T'auras plus d'ennuis. « Quelqu'un va venir. » Rex va m'aider. « Reste dans la réception. N'ouvre à personne. Et ne viens pas ici. » Ne viens pas voir l'état de la chambre. Ne viens pas voir l'état de ton agresseur. Ne viens pas voir mon état, à moi.

Ne t'expose pas à quelque chose que tu ne pourras pas oublier. Reste où tu es.

Je viendrai te voir quand je pourrai.

Mais en attendant, reste où tu es.

(c) blue walrus
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Mads Levy

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MessageSujet: Re: we are in trouble (novads)   we are in trouble (novads) EmptyJeu 12 Juil - 9:58

L'étreinte du colosse est aussi apaisante qu'elle l'avait imaginé. Pression tendre autour de son corps altéré par la récente violence. Et c'est comme si l'air circulait à nouveau sans la faire souffrir. Tout le système qui se remet en marche sans plus être soumis à la peur. Novak aspire tout et l'effroi se distille dans l'air, attaqué par l'assurance bienfaitrice de l'homme. Mads le relâche et il en profite pour l'inspecter. Ses doigts d'une rudesse délicate s'empare de son menton, pour pouvoir observer tous les dégâts. Elle ne dit plus rien, concentrée sur le regard du grand brun qui semble désormais en proie à une montée d'adrénaline. Sa mâchoire qui se contracte, ses muscles qui se bandent malgré sa tentative de contrôle. Cette maitrise permanente de lui-même derrière laquelle il se cache sans cesse. Elle n'est pas dupe, mais joue le jeu de la gamine qui ne voit rien. Au fond, ça l'arrange sûrement. Elle lui laisse le rôle du grand méchant pour régler ses soucis, tout en prétendant ne voir en lui que ce qu'il y a de meilleur. — Qu'est-ce qui s'est passé ? Et pendant deux secondes, elle a le souffle coupé. Les mots, trop nombreux, trop douloureux, qui s'entassent dans sa gorge sans parvenir à se frayer un chemin jusqu'à sa bouche. Il lui faut encore un instant pour réussir à réorganiser ses idées, alors que le déroulement des derniers évènements lui semble terriblement confus à cet instant. Elle balbutie, ses yeux qui s'échappent des siens une fraction de seconde pour réfléchir. — Il a essayé, i-il voulait, il a posé ses mains et, et j'ai pas voulu. Elle n'arrive pas à dire les choses franchement, nouveau chamboulement émotionnel qui la laisse fébrile. Elle se perd dans des explications confuses, mais Novak comprend très bien de quoi il retourne. Et dès qu'elle évoque l'irlandais, il lui semble percevoir une nouvelle vague de colère chez le géant. Incapable par ailleurs de deviner que cette fois-ci, c'est contre lui-même. Elle continue de s'agiter, de brasser de l'air péniblement, comme pour se donner l'illusion de reprendre le contrôle de ce qui l'entoure. De reprendre de la place. De ne plus être une chose minuscule que l'on peut éradiquer aussi facilement. Elle finit par se taire, épuisée par ses maigres explications décousues. Et Novak prend les choses en main, calme et déterminé. Comme s'il savait parfaitement comment faire face à ce genre de situation. Comme si c'était normal. — Reste là. Referme à clé derrière moi. N'appelle personne. Si tu as de la glace, mets-en sur ton œil. Et attends-moi. Elle blêmit légèrement, partagée entre la crainte de se retrouver à nouveau seule, et l'appréhension de savoir ce qu'il va se passer maintenant. Ce qu'il va aller faire. Elle le détaille un instant, s'attendant au pire sans oser l'imaginer pour autant. Sagement, elle lui indique le numéro de la porte. La main de Novak disparait, effleurant sa mâchoire dans un dernier geste doux, il pose sur elle un ultime regard qui se veut rassurant avant de faire demi-tour. Et elle voudrait le suivre. Angoissée à l'idée de se cloisonner encore ici. Mais elle n'en fait rien et obtempère. La porte qu'elle referme à clé dans son dos, avant de rester plantée devant sans plus savoir quoi faire.

Et les minutes passent, interminables. Son cœur pris en étau qui devient plus douloureux à chaque seconde. Novak ne revient pas. Il lui semble que ça fait une éternité. Est-ce qu'il est déjà reparti, sans la prévenir ? Ou est-ce qu'il lui est arrivé quelque chose ? Ses entrailles se tordent à cette pensée qu'elle refuse en bloc. C'est impossible. C'est Novak. Il est indestructible, n'est-ce pas ? Elle se plait à le croire en tout cas. Elle n'a toujours pas bougée, toujours debout devant la porte. A attendre le moment de sa libération. Parfois, elle tend l'oreille, avec l'espoir de distinguer quelque chose. Mais rien. Rien qu'un silence sans fin. La chambre de l'irlandais est trop loin. Elle hésite, à deux reprises, à ouvrir la porte et sortir pour aller voir. Juste pour s'assurer que tout va bien. Mais elle n'ose pas. De peur de contrarier Novak. Il lui a dit de rester là, de n'appeler personne. Alors elle obéit. Et le temps passe. Passe. Son corps pris de tremblements nerveux alors qu'une partie d'elle sait déjà que c'est trop long pour être normal. Que quelque chose a foiré quelque part.

Et soudain.

Le téléphone qui sonne. Elle sursaute, échappant un léger cri au passage, comme si on venait de la tirer brutalement d'un cauchemar. Les yeux qui clignent, il lui faut un instant avant de comprendre. De comprend où elle est, de comprendre ce qu'il se passe. Elle se rapproche du téléphone, hésitante. Sa main qui reste suspendue au-dessus du combiné sans se décider. Novak a dit de n'appeler personne. Si elle décroche, est-ce qu'elle ne risque pas de faire une connerie ? Elle reste figée comme ça, jusqu'à ce que son regard capte le numéro qui s'affiche sur l'écran. C'est le numéro de la chambre. Son sang ne fait qu'un tour et elle décroche précipitamment, portant le combiné à son oreille. Sa voix fébrile qui s'élève. — ... Oui ? Et elle n'à qu'une crainte. Entendre la voix de l'irlandais. — Mads. Elle ferme les yeux, ses muscles qui se relâchent brusquement alors qu'elle s'écroule sur la chaise derrière elle. C'est Novak. Tout va bien. C'est Novak. Elle retient un sanglot de soulagement, posant sa main libre sur son visage. Tout va bien, qu'elle se répète en boucle. — Tout va bien. Il le dit lui aussi et ça suffit de la convaincre. Elle ne prête même pas attention à sa façon de parler, les mots qu'il peine à articuler. Elle hoche la tête machinalement. Mais les choses se compliquent rapidement. — Quelqu'un va venir. Elle rouvre les yeux, stoïque. La perplexité la laisse silencieuse.

Quelqu'un va venir ?

Elle ne comprend plus. Retire la main de son visage et se redresse sur sa chaise. — Reste dans la réception. N'ouvre à personne. Et ne viens pas ici. Elle bloque. Toutes ses alarmes internes se mettent en route. Il s'est passé quelque chose. Quelque chose de grave. Elle le sait, elle le pressent, c'est l'évidence même. Elle ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort dans un premier temps. Il lui faut quelques secondes avant de parvenir à bredouiller quelques mots. — Je, d'accord. Merci. Elle raccroche lentement, dubitative. Et très vite, les questions fusent dans sa tête. Ne viens pas ici qu'il lui a dit.

Pourquoi ?
Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

Et bientôt, ça devient insupportable. L'interrogation tourne en boucle dans sa tête, à en devenir douloureuse. Ça écorche les parois de son crâne et ça ronge son squelette. A nouveau, elle peine à respirer. Il faut qu'elle sache. Elle veut savoir. Rester dans le doute ne sera pas vivable, elle le sait. Alors elle désobéit. Elle sort du bureau et remonte prudemment en direction de la chambre, sans faire un bruit. Autour d'elle règne un silence de mort qui lui glace le sang. Elle croise ses bras sur sa poitrine, chétive. Quand elle arrive devant la chambre, la porte est fermée. Mais Novak est dedans, elle a vu du mouvement à travers le rideau. Elle pose sa main sur la poignée, tremblante. Il est encore temps de faire demi-tour. De ne jamais savoir. Mais sa curiosité malsaine prend le dessus et elle enclenche prudemment la poignée avant d'ouvrir la porte.

Et il lui semble que le sol se dérobe sous ses pieds.

Novak est de dos, en train de s'affairer et Mads contemple l'horreur qui se joue devant elle. La chambre à moitié retournée, comme si une tempête venait de passer dedans. Et du sang. Beaucoup de sang. Trop de sang. Elle ouvre grand la bouche, mais aucun son ne sort. Son regard se fige sur le miroir éclaté qui a pris une teinte rouge dégueulasse. Elle frémit, incapable d'assimiler. Ses yeux tombent sur la silhouette de Novak, il est mal en point. Il finit par l'entendre et se retourne et Mads recule d'un pas, stupéfaite par son état. Le sang venu tâcher son t-shirt un peu trop abondamment. Le sang sur ses bras, ses mains, son visage. Ses yeux se gorgent de larmes sous la violence de l'émotion, alors qu'elle ne comprend rien. Et soudain, ça fait tilt. Où est l'irlandais ? Ses yeux le cherchent frénétiquement et très vite tombent sur une sorte de trainée rouge sur le sol qui disparait dans la salle-de-bain. Elle voit Novak qui vient déjà vers elle mais elle réagit plus vite. Elle bondit sur le côté et cours juqu'à la salle-de-bain, ignorant la voix de Novak dans son dos.

Elle aurait mieux fait de l'écouter.

Elle est brusquement coupé dans son élan en arrivant dans la petite pièce. Ses yeux qui s'écarquillent d'effroi en découvrant le cadavre de l'homme, le crâne perforé à 3 reprises. Elle échappe un cri de terreur, recule à la hâte et vient se heurter violemment au mur, ses pieds qui glissent sur quelques gouttes de sang sur le carrelage et elle s'écroule sur le sol. Elle continue de reculer en criant, incapable de s'arrêter, complètement paniquée par cette vision d'horreur. Les yeux exorbités, l'expression de l'irlandais marquée au fer rouge sur ses rétines. Elle sursaute lorsqu'elle sent Novak la toucher, cessant subitement de crier. Le son qui s'étouffe dans sa gorge déployée, ne parvenant plus à franchir ses lèvres. Elle se jette du côté opposé à Novak, venant se blottir contre le mur, comme pour instaurer un maximum de distance entre elle et lui. Les larmes se sont mises à couler sur ses joues sans même qu'elle ne s'en rende compte, chargées d'épouvante. Son cerveau ne parvient plus à faire les connexions, en état de choc. Tout autour d'elle lui semble soudainement terriblement hostile. Même Novak. Surtout Novak. Et cette sensation lui brise le cœur, désillusion brutale. Elle aurait dû l'écouter. Elle aurait dû rester au bureau. Ne jamais venir. Ne jamais voir. Ne jamais savoir. Elle se met à respirer bruyamment alors qu'une nouvelle crise de panique se pointe à l'horizon. Elle se recroqueville encore plus, alternant phases d'apnée et moments particulièrement bruyants ou son corps tente de reprendre son souffle, échappant au passage quelques sons rauques. Ses poumons en feu, sa gorge qui brûle, et son être tout entier n'est rapidement plus qu'un amas de tensions nerveuses. Douleur profonde qui la cisaille. Elle pose ses yeux sur Novak, mais ne voit que le visage ensanglanté de l'irlandais. Elle hoquète et ferme les yeux de toutes ses forces, comme si ça allait pouvoir faire disparaitre cette image infernale.
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MessageSujet: Re: we are in trouble (novads)   we are in trouble (novads) EmptyVen 20 Juil - 0:12

Se détendre. Respirer.
C'est terminé.

À l'autre bout du combiné, Mads acquiesce sans comprendre. Accepte de rester enfermée, de ne pas s'approcher. Et malgré l'hésitation dans sa voix, le géant ne bronche pas. Accepte les mots, la laisse raccrocher. Elle ne viendra pas, qu'elle a dit. Crois-la. Et il essaie. Ferme les yeux, en reposant le téléphone sur la table de chevet. Inspire lentement. Expire plus lentement encore. Le monde qui cesse progressivement de tourner, malgré le sang qu'il perd de plus en plus à chaque instant. Calme-toi, Novak.

C'est terminé.


Après quelques longues secondes à rester immobile, son corps se déplie. Grinçant et rouillé, salement brusqué par les quelques coups qu'il avait accusés. Il reprend en main la serviette qui lui servait à endiguer le saignement de son abdomen et, lentement, il l'y presse à nouveau. Ignore la douleur — se relève avec précautions. Ne pas tacher le lit plus que nécessaire. Ne pas s'y laisser aller. Le morceau de miroir toujours planté à l'arrière du bras l'empêche de s'appuyer où que ce soit. L'empêche d'y toucher. Et pourtant, il le sait : tant que c'est là, ça retiendra le sang de trop s'écouler. Ça évitera qu'une veine perforée n'éclate et ne libère une quantité d'hémoglobine qu'il serait bien incapable de stopper. Un coup d'oeil à la plaie, et il ferme une seconde fois les yeux. Les dents serrées, le coeur battant à tout rompre sous le coup de la souffrance. L'adrénaline qui l'abandonne progressivement, et qui le laisse faible. Plus faible qu'il ne le voudrait. Essayer de se rassembler. Essayer de se respirer. Son corps qui le porte dans la salle de bain. Sa main indemne donne la serviette à celle qui pend au bout du bras blessé, et il bouge lentement le membre pour garder une pression sur son abdomen. Légère, néanmoins — son état ne lui permet pas de mieux faire. Serviette propre en main, et le voilà ressorti. Loin du cadavre aux yeux grands ouverts et aux lèvres séparées, qui l'observait de l'au-delà. Face à ce meurtre de sang-froid qu'il peinait à accepter, mais avec lequel il allait devoir composer. Bon sang, Novak. Mais qu'est-ce qui t'a pris ?

Retourner dans la chambre. Près du lit. Ne pas s'y asseoir, au cas où le sang giclerait. Rester là où les dégâts serait faciles à contrôler. Là où Rex pourrait nettoyer. L'idéal aurait été l'évier de la salle de bain — mais la présence du corps dans la baignoire l'en empêchait. Les démons qui hurlaient dans sa tête. Démons qui refusaient de le laisser aller. Regarde, Novak. Regarde c'que t'as fait. On l'savait, que tu nous avais jamais oubliés. On l'savait, qu'un jour tu reviendrais nous serrer la main et nous louer.

Inspirer. Respirer. Dos à la porte, la serviette propre qu'il tient ouverte par-dessus sa main. Qu'il approche du morceau de miroir toujours planté dans son bras. Une prise pour ne pas se blesser. Prise pour atténuer le sang qui risquait de gicler lorsque le fragment sortirait. Et il approche la serviette de la blessure, se prépare à armer sa main de la poigne nécessaire à retirer le corps étranger. Va pour refermer ses doigts autour, lorsque derrière lui la porte s'ouvre à la volée. Pas le temps de réagir, pas le temps de comprendre ce qui était en train d'arriver. Ses yeux se posent sur la silhouette dans l'encadrement, et il ne constate que trop vite qu'il ne s'agit en rien de Rex. Mads ?

Vers elle, son corps avance. Instinctivement. Fragment de miroir oublié dans son bras, les traits soudainement frappés de l'incompréhension. Puis, tout s'enchaîne. Trop rapidement pour qu'il ne le comprenne. Trop rapidement pour qu'il n'assimile les événements. Lorsqu'il avance, elle recule. Et lorsqu'elle va pour entrer dans la chambre, lorsqu'il essaie de l'attraper pour l'en empêcher, elle bondit sur le côté. L'évite, lui file entre les pattes sans qu'il ne puisse l'arrêter. « Mads ! » Sa voix qui rugit, mais son corps trop lourd qui ne suit pas. Elle ne l'écoute pas. N'entend pas l'intonation suppliante qui lui dit, arrête-toi. Qui lui dit, ne va pas voir ça. Il aurait dû tirer le rideau de douche. Cacher le corps. Le retourner. Aurait dû faire quelque chose pour empêcher un éventuel visiteur de l'apercevoir. Mais personne n'était censé entrer. Personne d'autre que Rex. Et surtout pas Mads.

Le cri strident le ramène à la réalité. Il la voit à peine reculer, glisser, tomber, ramper pour continuer de s'éloigner. Son corps qui finit de franchir la distance qui les sépare, sa main indemne qui a abandonné la serviette un peu plus loin et qui veut aller la trouver. Se poser sur elle pour la rassurer. Lui faire comprendre qu'elle devait à tout prix arrêter de crier, avant que qui que ce soit n'ait l'idée de venir toquer à la porte qu'il avait au passage refermée et verrouiller. Bon sang, Mads. Calme-toi. Mais cette fois, le contact a l'effet opposé. Le cri se bloque dans la gorge de la gamine, mais son corps frêle s'éloigne instinctivement de la paume tachée de sang que le géant tend vers elle. Et, alors, il sent son coeur dérailler. Sa mâchoire se crisper. Regarde c'que t'as fait.

« Calme-toi. » Des mots brusques, malgré sa voix lourde. Voix lente. Fatiguée, blessée. La douleur qui lui déchire l'arrière du bras. L'empêche de se concentrer. L'empêche de relever la manière dont elle lui avait désobéi, et le prix amer qu'elle payait désormais. « Respire. » Et il sait que ça ne sert à rien. Que les mots sont inutiles, et qu'elle ne les écoutera pas. Qu'elle n'en veut pas. Il voit l'horreur dans ses yeux. Voit le regard qu'elle pose sur lui, et le reflet du cadavre qui y danse sans vergogne. Le choc traumatique qui confond les traits du vivant et du mort. Et le serbe comprend : c'est terminé. L'illusion de sécurité s'est envolée, et la gamine ne se réfugiera pas à son bras cette fois. Elle ne se laissera pas guider jusque chez lui pour se laisser envelopper par son aura. Ne se calmera pas, lorsqu'il le lui demandera. Et pourtant, il ne peut s'empêcher d'insister. Pour elle plus que pour lui. Pour l'aider à s'en tirer. L'aider à accepter. L'aider à ne pas réveiller l'ensemble du motel, et à leur permettre de s'en tirer sans avoir plus de problèmes que le cadavre n'en créerait déjà. « Calme-toi. » S'il te plait. Respire. Reste avec moi. Vague de douleur. Il tique. Les yeux qui s'éloignent un instant de ceux de Mads, les paupières qui se ferment. Il secoue brièvement la tête, avant de reposer ses prunelles sur elle. « Respire, Mads. » Fais ça pour moi. N'essaie pas de fuir. N'essaie pas de me repousser. N'essaie pas de me toucher. N'empire pas un cas que je sais déjà trop grave pour sauver. Ne joins pas tes cris à ceux des démons qui ne me laissent plus respirer. La tête qui tourne. Le sang qui continue de couler contre son bras. Contre son ventre. Incapable de maintenir une pression contre la plaie. L'étourdissement qui le guette. Lutter pour garder les yeux ouverts. Lutter pour rester avec elle, et ne pas s'effondrer. Respire, Novak. Respire. Rien ne va. Respire, Mads.

Reste avec moi.

(c) blue walrus
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