Sujet: toucher le fond. (novads | intrigue) Sam 17 Fév - 17:06
Ça tourne à l'obsession, un truc malsain. Mais elle n'arrive plus à s'arrêter. Elle a l'impression que dès qu'elle prend une seconde pour souffler, pour manger, pour dormir, elle abandonne sa mère. Alors elle ne s'arrête plus. Elle n'a pas dormi depuis plus de 24h et elle a encore l'intention de passer toute la nuit éveillée. Et le jour suivant, et la nuit suivante. Elle continuera jusqu'à avoir retrouvé sa mère. Amaigrie, yeux creusés, cernés, elle ressemble un peu à une folle. Elle a mal aux jambes, mal aux pieds, mais ce n'est rien comparé à la douleur vive dans sa poitrine. Un truc lancinant, qui s'aggrave à chacun de ses battements. L'impression de partir en fumée de l'intérieur. Les petites affiches dans ses mains fébriles, elle déambule à travers les rues, elle les colle là où elle peut. Mais il ne reste plus beaucoup d'endroits où elle n'est pas déjà passée. Et elle arrête les gens qu'elle croise, elle pose toujours les mêmes questions ; et c'est toujours la même réponse qu'elle reçoit. Les gens ne savent pas, les gens ne savent rien. Et elle continue sa route, dépitée mais pas découragée. Elle refuse de laisser tomber. Elle lutte contre la peur sournoise qui se glisse sous sa peau et qui commence à tout faire déconner. La raison qui se fait la malle et la solitude qui devient sa meilleure alliée. La pire aussi. Soudain, il y a un bruit de verre cassé qui attire son attention. Un peu plus loin, dans une ruelle mal éclairée, zone une bande à l'allure louche. Les bouteilles de bières dans les mains, les autres brisées au sol. Les rires, les bouts incandescents des cigarettes qu'ils fument sans s'arrêter. Mads n'hésite pas une seule seconde, complètement en dehors de la réalité et de l'éventuel danger qu'ils peuvent représenter. Ça ne lui traverse même pas l'esprit. Elle fonce droit vers eux, l'équilibre incertain, le ventre qui gargouille pour réclamer son dû qu'elle s'évertue à lui refuser ; elle reste muette face à ses supplications. — Hey ! Les rires s'estompent et brusquement, tous les regards se braquent sur elle. Silence. La méfiance qui plane. — Est-ce que vous avez vu cette femme ? Qu'elle demande en tendant une affiche vers eux pour qu'ils la prennent. Mais son bras reste seul suspendu dans les airs, sans trouver sa réciproque. — Putain, ils commencent à tous faire chier avec leurs affiches. Elle ne saurait pas dire qui vient de lâcher ça, mais elle ne s'en préoccupe pas. Elle agite le papier et s'approche d'un des garçons pour lui forcer la main. Il attrape l'affiche avec un désintérêt certain et sans même prendre la peine de regarder la photo de sa mère il répond. — Non. Avant de froisser le papier et le jeter plus loin. Mads qui s'indigne, la bouche entrouverte et ses yeux qui suivent la chute de l'affiche avec une douleur évidente. — Mais ça va pas ?! Qu'elle couine, faiblarde mais toujours aussi enragée. Elle en récupère une deuxième et recommence, infatigable. — J'vous demande pas grand chose merde. Juste d'me di- Elle se fait couper dans son élan, le garçon se dresse devant elle, la toisant largement. — Barre-toi. Il se fait menaçant, sa patience a déjà volé en éclats. Mads la ferme une seconde, prise au dépourvue. Elle le dévisage sans trop comment réagir. Mais dès qu'il lui tourne le dos elle s'insurge, se révolte. Ils n'ont pas le droit de s'en foutre. Ils n'ont pas le droit de piétiner comme ça tous ses efforts et son cœur déjà démoli. Sa mâchoire qui se serre et sans hésiter elle pose sa main sur le blouson du gars pour l'attraper et l'obliger à se retourner, furieuse. — Écoutes-moi bien ! Vous passez vos nuits à glander dehors, alors vous allez prendre deux minutes pour regarder cette putain de photo et m'dire si vous avez vu ma mèr- A nouveau elle se fait interrompre. Les mains de l'homme qui la bouscule violemment en arrière pour la faire relâcher. Elle perd l'équilibre et chute lamentablement au sol, s'écrasant les fesses et le dos sur le pavé. Le souffle coupé et la douleur fulgurante qui remonte le long de sa colonne. Autour d'elle ça rigole, ses tympans qui sifflent, il lui faut quelques secondes pour reprendre ses esprits et se redresser. Mais le spectacle qui se joue sous ses yeux la désole. Ils ont ramassé toute sa pile d'affiches et les déchire en morceaux, les faisant ensuite voler sur elle. Elle se met à genoux, horrifiée et se met à hurler, agitant désespérément les bras pour attraper les petits morceaux. — Non ! Arrêtez ! Faites pas ça ! L''émotion qui l'étrangle, elle a l'impression que c'est sa mère qu'on est en train de réduire en charpies. Les sanglots qui l'étouffe et ses doigts qui rappent le bitume pour ramener vers elle les bouts de papier. — Non, non, non. Qu'elle répète encore et encore, désemparée. Les rires qui fusent autour d'elle lui refile le tournis et la nausée. Elle ne sait plus si elle veut pleurer ou vomir. Ou bien tous les tuer. Surement un mélange de tout ça. Mais brusquement, une main qui surgit près d'elle et elle se sent secouée alors qu'on tire sur son sac-à-main pour le faire passer par-dessus son épaule. Elle le rattrape de justesse, s'accrochant à la bandoulière et tirant dessus comme une forcenée. — LÂCHE-LE ! Qu'elle s'époumone. Mais elle n'a plus de forces. Alors quand un pied vient s'abattre sur son épaule pour la repousser en arrière, elle ne résiste pas. Elle bascule à nouveau et ses paume se déchire sur le sol pour s'empêcher de cogner le pavé la tête la première. Et impuissante, elle les regarde vider son sac pour se servir dedans. Elle a encore du mal à comprendre comment elle en est arrivée là ce soir.
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Dim 18 Fév - 17:51
toucher le fond
novak & mads
pulse pounding and it’s getting loud, heavy in the air like blood. use the pain to keep from blacking out. oh we’re here in the jungle, running right into the fire. oh we’re here in the jungle, who’s gonna make it out alive?
Le sang sur les mains, la rage au ventre. Ses épaules trop larges se coulent dans l'ombre trop noire. Sur les murs des ruelles les plus crasseuses, les affiches de disparition s'accumulent. S'entassent, les unes sur les autres, chacune tentant de devenir la priorité. Comme si ça allait les faire revenir, les âmes égarées. Les flics et les milices qui se sont créées ont beau retourner la ville, rien n'y fait. On les a perdus, comme on perdrait ses clés. Des mères, des frères, des fils, des épouses. Y a pas de distinction, pas de pitié. Personne ne comprend ce qui est en train de se passer. Ça inquiète le gang, mais ce n'est pourtant pas leur priorité. Aucun d'eux n'a été touché. Aucune raison de se lancer dans un combat qui ne les regarde pas. Pas pour l'instant, à tout le moins.
La vie s'est arrêtée pour certains, mais elle continue pour eux. Continue pour Novak et ses phalanges tachées, enfoncées dans ses poches pour être mieux cachées. Il sent le poing américain sous ses doigts, entend encore les grognements étouffés du type à la langue un peu trop pendue. Bran était sur autre chose, ça prenait quelqu'un de rapide et d'efficace pour balancer un avertissement dont on se souviendrait. Le genre de tâche qu'on appréciait lui confier. Le genre de tâche qu'il appréciait exécuter. Et comme d'ordinaire, ç'avait été fait rapidement et efficacement. Ça avait laissé du sang à nettoyer sur ses vêtements. Il n'avait pas pris le soin d'emporter une veste, sachant pertinemment que le rouge se fondrait sur le noir de son t-shirt et de la nuit, et qu'il y avait peu de chances pour qu'il se fasse remarquer sur le court trajet qui le ramènerait chez lui. Il avait nettoyé son visage, ses avant-bras, ses poignets. Il restait quelques impacts rouges autour du tatouage de son cou, et du sang sur ses mains. Pas assez pour qu'on se pose des questions. Pas assez pour qu'on se préoccupe d'une ombre qui ne demandait rien à personne, alors que tout le monde ne faisait que chercher le visage familier d'un proche égaré. Et si la police venait l'appréhender, il aviserait.
On crie, on rit. Ses yeux se posent sur la ruelle à côté de laquelle il est en train de passer. Pas prévu de s'y engager, mais son pas ralentit de lui-même quand il aperçoit une bande de hyènes et une gamine à terre. C'est pas ton problème, Novak. Il le sait, et il est prêt à continuer. Prêt à reporter son regard sur la route devant lui, prêt à finir sa cigarette pour en fumer une deuxième, le temps d'arriver chez lui. Peut-être que s'il avait emmené le chien, Кербер serait en train de le tirer. Allez, on rentre. Mais Кербер n'est pas là. L'envie de rentrer non plus. Tout ce qu'il reste, c'est le goût du sang et son désintérêt. Le premier n'est pas tout à fait tari de la soirée qu'il avait passée ; le deuxième lui susurre de passer son chemin et de laisser la vie se faire. Pas ses affaires. Elle avait qu'à emprunter une autre rue. Elle avait qu'à tenir sa langue, et ne pas se frotter à ce qu'elle aurait dû savoir être des ennuis. Le sac arraché, le coup de pied dans l'épaule et les mains qui s'écorchent sur le béton — tout ça, c'est pas son problème. Elle a arrêté de crier. Il a arrêté de bouger. Et les gamins, eux, continuent de vider le sac de tous ses biens. Les inutiles à terre, le reste dans leurs poches. Charognards.
« Rendez ça. » Il ne sait pas à quel moment il a décidé qu'il allait s'en mêler. Même pas sûr de se rendre compte, encore, qu'il a laissé tomber sa cigarette et qu'il s'est approché suffisamment près pour que son marmonnement accroche les tympans des hyènes. Il n'a pas retiré les mains de ses poches, et son visage reste aussi calme qu'il ne pouvait l'être quelques secondes auparavant. Imperturbable, dressé aux côtés de la gamine qu'il n'a pas pris la peine de relever, il n'ajoute rien. Vous savez d'quoi j'parle. Les rires se sont suspendus, l'espace de quelques secondes. Quand ils reprennent, ils sont moins nombreux qu'auparavant. Un coq ou deux gonflent leurs plumes. Celui qui tient le sac resserre imperceptiblement sa prise dessus. Un autre grimace et aboie. Sans manières. « Fais pas chier, casse-toi. » Sinon quoi ? Personne ne semble vouloir coopérer. Malgré leur hésitation soudaine, les gloussements commencent à monter de volume à nouveau. Ils ne sont plus sûrs de leur coup, pourtant. C'est pas le même gabarit que la gamine qu'ils peuvent bousculer et chahuter sans trop de difficultés. Le géant, ils ont plus de chances de rebondir douloureusement contre lui que de réussir à le mettre à terre. Ils évaluent leurs chances, la situation s'éternise. « Rendez ça. » Le ton ne monde pas. Novak ne s'énerve pas. Et les gloussements deviennent ricanements amers. Il lâchera pas l'affaire. Faut trouver un plan B. Ou insister. « Mêle-toi de ce qui te regarde. » Il a raison, le morveux. Il ne devrait pas être là. C'est même pas le chemin pour rentrer chez lui. Ça ne fait que l'éloigner de son objectif, et tester un peu plus les limites de sa patience. Il ne connaît même pas cette fille. N'a pas la moindre envie d'avoir à se la coltiner pour le reste de la soirée. Mais il n'est pas capable de reculer. Pas capable de laisser couler. Pas maintenant qu'il a commencé. « C'quoi ton problème ? Tu piges pas l'anglais ou quoi ? » Trop facile d'attaquer l'accent qu'on entend dans les quatre mots qu'il a sortis. Il n'a pas envie de demander une troisième fois. Pas envie de répondre aux insultes, non plus. Mais quand le type au sac fait un pas vers lui pour appuyer ses propos et le défier, c'est le geste de trop. Prétexte idéal que le serbe n'hésite pas avant de saisir. Alright. I'll show you how deadly serious I am.
La main sort de la poche et fuse. Poing américain autour des doigts. Le type n'a pas le temps de reculer que le métal heurte son front. La chair qui se fend, la conscience qui se perd, et le corps qui s'écroule devant le serbe. Les doigts de Novak se déplient, mais le poing américain y reste accroché. Ça dit, d'autres volontaires ?, alors qu'il se penche pour ramasser le sac et le jeter à la gamine sans ménagement. Le portefeuille n'est plus dedans, mais c'est le même type qui l'a pris. Y aura qu'à lui vider les poches quand les autres seront partis — ou qu'ils auront récolté la violence réclamée. Le reste, elle risque de l'avoir perdu pour de bon. Dommage collatéral de son insouciance. Au moins, ils n'iront pas plus loin.
Les doigts se déplient et se replient, une nouvelle fois. Les cous qui se tordent, les yeux qui suent, on fait quoi, on cogne ou on court ? Courez. Dégagez.
Dégagez, bande de crétins. À moins qu'ça vous intéresse de finir comme votre copain.
(c) blue walrus
Mads Levy
Bip bip
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Mar 27 Fév - 11:15
— Rendez ça. Voix basse sortie de nulle part, Mads qui s'interrompt dans ses sanglots le temps de relever la tête vers le géant qui s'invite au désastre. Elle le dévisage, pas rassurée. Il a pourtant l'air de débarquer en sauveur, mais y a quelque chose dans sa dégaine qui lui refile la chaire de poule. La méfiance qui lui saisit la gorge. Rien à voir avec ce que la bande d'excités dégage. Mads ne pleure plus, elle ne dit plus un mot, elle retient son souffle. Y a comme un courait d'air glacé qui remonte le long de son dos, ses yeux qu'elle n'arrive plus à détacher du grand brun. C'est qui ? Il veut quoi ? Elle devrait être contente que quelqu'un se range de son côté et vienne arrêter le massacre. Mais ça bloque. Ses boyaux qui se tordent doucement dans son ventre, c'est l'instinct qui appréhende la suite. Elle les regarde s'affronter, silencieuse. Elle sent la tension qui monte. Les autres qui se méfient aussi. Un mec seul qui vient affronter toute une assemblée. Soit il est stupide, soit il cache un truc. Mads recule un peu, mais elle n'ose même pas se relever. Comme si elle avait peur que de faire un mouvement trop brusque déclenche un truc mauvais. Et c'est exactement ce qu'il se passe quand celui qui tient son sac-à-main fait un pas en avant. Elle n'a même pas le temps de le voir venir. En une fraction de seconde y a ce bruit atroce et le mec s'écroule au sol, le sang qui coule déjà sur son crâne. Mads qui hurle de surprise, choquée par la violence de la réaction et de l'impact. Elle recule franchement cette fois, jusqu'à se coller contre le mur, les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte, les ongles qui se cassent sur le bitume alors qu'elle se crispe de la tête aux pieds. L'instant d'après, l'inconnu lui balance son sac, dans un calme olympien qui la déconcerte. Elle ne bouge même pas, ne regarde même pas son sac qui s'écrase à ses pieds. A cet instant, son sac est bien le dernier de ses soucis. La peur qui se glisse dans chacune de ses cellules, qui voyage dans tout son corps, transporté par son sang qui pulse jusque contre ses tempes. Ça se fracasse dans son crâne. Ses yeux qui vont et viennent entre l'homme et le gamin à terre. Il ne se relève pas et ça la terrorise. Elle finit par regarder autour d'elle, comme si elle cherchait une porte de sortie. Ou bien de l'aide. C'est la voix d'une des filles de la bande qui attire à nouveau son attention. — Putain, il s'relève pas... Vous pouvez pas l'laisser s'tirer comme ça. L'égo masculin attaqué dans ses fondations, les garçons de la bande se regardent. Ça se voit à dix kilomètres qu'ils voudraient simplement ramasser leur pote et s'en aller. Mais les filles insistent et ils finissent par céder. — T'aurais pas dû faire ça, t'es tout seul mon gars. T'es foutu. Beugle un des garçons, essayant de ricaner pour se donner un peu de courage et de crédit. Et voilà qu'ils sont trois à bondir sur l'étranger. Mads hurle à nouveau et vient poser ses mains sur sa bouche, complètement paniquée. Elle n'a pas toujours fréquenté les garçons les plus sages, c'est vrai. Mais jamais elle n'avait été confrontée à ce genre de violence. Et ça lui retourne les tripes, son cœur qui explose dans sa poitrine, complètement flippée. Elle a l'impression que c'est sans fin. Pourtant, il ne faut pas longtemps au géant pour en maitriser deux, le troisième qui abandonne avant de finir en charpies lui aussi. — Putain on s'casse, c'est un malade. ON S'CASSE J'AI DIT ! Ils balancent le porte-feuille en direction de Mads et ramassent leur ami qui n'est toujours pas vraiment revenu à lui et s'enfuient dans la nuit, sans demander leur reste. Le silence qui revient, assourdissant. Mads qui peine à se calmer alors qu'elle se retrouve désormais toute seule avec l'autre. Elle ose à peine le regarder dans un premier temps, le souffle court. Son myocarde qui cogne comme un fou dans sa cage thoracique, elle n'entend plus que ça. Elle finit par poser son regard sur lui, toujours blottie contre le mur, elle n'a pas bougé d'un millimètre, encore impressionnée de ce qu'elle vient de voir. Et elle, il lui réserve quel sort ? Elle déglutit et balbutie. — Je... merci... ? Pas certaine de ce qu'il faut dire, encore moins de comment réagir. Elle finit par se mouvoir, ramasse son porte-feuille qu'elle fourre dans son sac. Ses yeux qui s'attardent finalement sur les affiches déchirées, et ça fait mal. Elle ferme les yeux une seconde et soupire longuement, passant une main encore tremblante sur son visage. A nouveau elle se tourne vers l'homme, ses yeux qui se braquent sur le poing américain recouvert de sang qu'il tient toujours dans sa main. Elle pâlit, lueur d'inquiétude qui vrille au fond de son regard. Pourquoi il a ça sur lui ? C'est qui ce gars ? Où il a apprit à se battre comme ça ? Elle baisse aussitôt les yeux, retenant toutes ses questions, ne voulant finalement pas connaître les réponses. C'est sûrement mieux comme ça. Elle se relève, ou tente en tout cas. Elle vacille, à bout de forces, chute en avant et retombe, les genoux qui heurtent le sol dans un bruit sourd tandis qu'elle tente de se rattraper contre le mur, la paume de sa main qui s'écorche contre le crépis rugueux. — Merde, fais chier. Qu'elle marmonne, la tête qui tourne à cause du manque d'alimentation et de sommeil. Et elle voit l'homme qui bouge dans sa direction. C'est plus fort qu'elle, elle prend peur. Elle se laisse tomber en arrière, se retrouvant à nouveau assise, dos au mur, son sac-à-main qu'elle serre devant elle en guise de protection. — Qu-qu'est ce que vous faites ?! Qu'elle bredouille, terrifiée à l'idée de finir comme les trois autres. Pourtant, il a l'air d'être venu à sa rescousse, mais elle ne digère pas l'idée. Il est trop calme pour quelqu'un qui vient de démolir trois hommes sans la moindre difficulté. Il a l'allure de ces hommes dangereux dont la télé parle en permanence. Sans compter ces histoires de disparition. Elle le regarde par en-dessous, au bord des larmes. Des larmes de fatigue, de douleur, de chagrin et un peu de peur aussi.
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Dim 11 Mar - 1:19
Le mécanisme semblait s'être bloqué. À mi-chemin entre la raison et la fierté — entre l'arrogance et la peur de se faire écrasé. Plus personne ne bougeait, et le silence était devenu maître de cette scène presque irréelle. Irréelle pour la gamine, recroquevillée contre le mur derrière lui. Irréelle pour ses agresseurs, que rien ne préparait au courroux qu'allait déclencher leurs mauvais pas. Irréelle pour le loup, enfin. Loup qui aurait préféré passer son chemin. Loup qui oeuvrait sur le terrain de la générosité, qu'il laissait d'ordinaire de côté.
C'était irréel, et le silence s'en délectait. Pressait les idiots, lassait le monstre et inquiétait la minette. L'air s'alourdissait, et à chaque seconde qui passait, le fil qui retenait la situation de dégénérer s'amincissait. Le serbe le sentait, et il savait qu'il n'était pas le seul. Il n'y avait qu'à voir les yeux des filles de la bande — terrifiés, mais enorgueillis de cette fièvre de l'affront que seuls les parasites aux mains propres pouvaient traîner. Et puis il y avait les regards des trois gars encore debout. Les regards qui s'échangeaient, se laissaient tomber au rebond, s'évitaient. Ces regards qui voulaient déguerpir, mais que le mur des filles, derrière, empêchait. C'était une meute. Meute que le besoin d'impressionner les femelles régissait. Meute de créatures plus stupides les unes que les autres. Meute face au créateur solitaire, déjà ennuyé du temps que la situation mettait à se dérégler. Courez, ou avancez. Mais décidez-vous. Décidez-vous, putain.
Et puis, une des filles piaille. Voix aiguë, gonflée de l'outrage des reines bafouées. On a fait tomber leur plus courageux guerrier, et les autres ne semblent pas décidés à défendre son honneur. Alors elle les poussait. Les poussait vers un condamnation certaine. Les poussait vers cette cruauté qu'ils ne seraient pas capable de supporter sans s'effondrer. Les poussait vers une violence à laquelle ils n'avaient encore qu'à peine goûtée. Ça suffit aux autres garçons pour réagir, et Novak sait que c'est plus par peur de perdre la face que par courage qu'ils bougent finalement. Mais il n'y a pas de pitié, dans ses yeux. Pas la moindre envie de les épargner. Pas le moindre désir de leur pardonner cette fierté masculine qui leur avait fait franchir la porte de l'abattoir. Ils étaient là de leur plein gré. Y aurait personne d'autre à blâmer, lorsque les coups tomberaient. Personne d'autre à fustiger.
Un, deux, trois. Trois arrogants face au géant. Trois gamins qui se précipitent sans penser ni s'organiser. Et l'un d'eux qui laisse les deux autres partir devant. Peu certain de la manière dont s'y prendre, lorsqu'il s'agit d'attaquer. Un, deux. Deux corps qui se fracassent contre le sien. Deux fois plus de mal à s'empêcher de les neutralise sans les tuer. Deux poings qui bouillent, deux poings qui voudraient savourer. Ôter les deux vies qui reviennent s'échouer contre lui. Un. Un mouvement. Long mouvement. Une suite qui ne connaît pas vraiment d'interruption. Un poing qui fuse vers lui et qu'il dévie, tordant au passage le bras, pendant qu'un autre corps l'empoigne à deux bras pour essayer de le plaquer, de le bousculer, de le faire bouger, et son coude s'écrase sur la nuque de son assaillant, l'assourdissant, l'encourageant à dégager d'un deuxième coup de coude bien plus violent sur le nez, alors qu'il tord toujours violemment le bras du premier, et que son pied s'enfonce à l'arrière de son genou pour le faire ployer, drôle de geste, geste qui tire un peu trop sur le bras, le bras tirant lui-même un peu trop sur l'épaule, et l'épaule finissant par céder. Une, deux. Deux secondes de battement, durant lesquelles le type à l'épaule démise se met à geindre en s'éloignant — durant lesquelles son acolyte plaque ses deux mains sur son nez en sang. Et Novak n'a pas bougé. Novak n'a pas cillé. Ses pieds sont retournés se planter à la même exacte place. Ses yeux se sont vrillés sur le troisième, qui s'est approché sous les cris des filles. Putain mais fais quelque chose ! Aide-les ! Fais quelque chose ! N'approche pas, gamin. N'approche pas. Réfléchis. Souviens-toi du son de l'épaule qui se démet, du craquement sec du nez brisé. Regarde ton meneur, toujours allongé, peinant à remuer ne serait-ce que le bout des doigts. Du sang sur son front, du sang le long de son nez, du sang sur ses paupières fermées, du sang dans oreilles. Et la chair ouverte qui laisse s'échapper plus de ce sang que tu n'aurais jamais pu l'imaginer. Pourquoi on t'a jamais dit qu'un front saignait autant ?
Il n'a pourtant pas le temps de prendre une décision par lui-même que les deux secondes se sont déjà écoulées. « Putain on s'casse, c'est un malade. ON S'CASSE J'AI DIT ! » Les mots venaient de Nez Brisé. Nez Brisé qui geignait, du sang plein la gueule, de la terreur plein les yeux. Les mots ont percuté les tympans du serbe, lui ont fait relever le menton d'un air menaçant. C'est ça. Dégagez. Ses doigts s'ouvrent et se referment autour du poing américain. Il pourrait reculer d'un pas, histoire de les laisser récupérer leur pote sans trop de peine. Mais il n'en fait rien. Il reste là, stoïque. Attentif à la présence de la gamine dans son dos, bien qu'il n'en montre rien. Il les regarde, les charognards. Rassembler le peu de courage qu'il leur reste pour s'approcher de la montagne et récupérer le corps à ses pieds. Se redresser. Et le traîner à leur suite, en balançant au passage son portefeuille à leur victime. Les filles sont déjà parties devant. Et bientôt, la nuit les avale aussi, au milieu des murmures effarés, des plaintes de douleur et des cris empressés.
Et le silence revient. Revient et les étreint, lui et la p'tite abandonnée là entre ses griffes. Il prend une seconde pour fixer l'obscurité dans laquelle s'enfoncent ses agresseurs, avant de finalement tourner la tête vers elle. Elle est toujours recroquevillée contre le mur, et elle n'a pas l'air décidée à bouger. Comme si elle attendait qu'il lui règle son compte, à elle aussi. C'est le silence qui circule entre eux, l'espace de quelques instants. Puis elle prend la parole, hésitante. « Je... merci... ? » Il laisse passer une fraction de seconde, avant de simplement hocher la tête. Pas habitué à devoir affronter ce genre de conséquences, une fois les gestes posés. La plupart des altercations auxquelles il se frottait se soldaient par une solitude appréciable. Les corps inconscients, ou évaporés au coin d'une rue comme une bande de chiens apeurés. Rarement un minois à toiser. Rarement un corps à observer de loin, pour s'assurer que tout allait bien.
Finalement, elle bouge. Attrape le sac, rassemble le peu d'affaires qu'on lui a jetés. Et elle regarde les affiches déchirées, un instant. Puis elle soupire, passe une main sur son visage, et relève une nouvelle fois les yeux vers lui. Lui qui ne bouge pas. Impassible, jusqu'à ce qu'il ne la voie devenir blanche comme un linge. Il devine où la guide son regard, et enfonce sa main toujours équipée du poing américain au fond de sa poche. Détournant les yeux, un instant. Comprenant, dans une certaine mesure, la crainte qu'elle peut ressentir à le voir aussi peu secoué par tout ce qui a pu se dérouler. Rien ne servirait de lui expliquer, pourtant. Elle ne comprendrait sans doute pas. Il y aurait eu fort à parier pour que cela ne l'intéresse pas, non plus. Et il n'était pas de ceux qui parlaient sans savoir où les mots atterriraient. Il ne s'exprimait que si un réel besoin existait — et en cet instant précis, il n'y en avait aucun.
Il reposa les yeux sur elle au moment où elle tentait de se relever. C'est une entreprise ratée, et le petit corps retombe sur les genoux sans avoir réussi à se mettre debout. Il l'observe, hésite. Hésite à s'approcher, hésite à intervenir. Il en a suffisamment fait. Trop, même. Il a encore du sang de l'autre type dans le cou et sur les vêtements. Il avait envie de rentrer chez lui, et n'était nullement d'humeur pour un autre élan de générosité. Il détourne un instant les yeux. Soupir sifflé entre les dents, imperceptible. Puis, lentement, son corps se met en mouvement. Il est conscient, cette fois. Conscient qu'il s'approche d'elle. Conscient qu'il se mêle de ce qui ne le regarde pas, sans plus savoir pourquoi. Il ralentit pourtant lorsqu'il la voit se recroqueviller. « Qu-qu'est ce que vous faites ?! »Elle a retrouvé sa position assise, lovée contre le mur crasseux. Son sac devant elle, comme pour le protéger. Ou se protéger, elle ? Alors, le serbe s'arrête. Sa main a laissé tombé le poing américain au fond de sa poche, et en est ressortie pour rejoindre l'autre. Lentement, il les lève. Signe d'innocence. Signe de paix. J'vais pas t'blesser. Durant quelques secondes de plus, le silence s'éternise. Le temps qu'elle comprenne que s'il voulait la blesser, il l'aurait déjà fait. Le temps qu'il avait d'autres raisons de s'approcher d'elles que pour la tuer. Puis, une de ses mains se baisse, se tend vers elle. L'autre reste en l'air. Suspendue, là. Marquant sa bonne volonté de ne pas vouloir l'effrayer. « Je t'aide à te relever. » Il essaie de ne pas grogner. Essaie de ne pas paraître plus bourru que son corps et toute son attitude ne le laissent déjà suggérer.
Tout ce qu'il voulait, c'était l'aider. C'était qu'elle fasse fi du sang sur ses poings, et qu'elle accepte sa main comme soutien pour se redresser. Qu'il puisse juger de son état. Être certain que s'il partait, elle allait tout de même s'en tirer. Être capable de rentrer chez elle. Pourtant, rien n'était moins certain. Il la voyait aller, faible et secouée. Incapable de tenir sur ses deux pieds, malgré la peur qu'elle manifestait à son égard, et malgré la volonté d'y arriver. Et alors que s'égrènent les secondes, Novak le sait : elle va nécessiter plus d'aide que ce qu'il n'avait prévu, ou envie, de lui donner. La soirée est loin d'être terminée, et y a qu'à voir son air de biche égarée pour le comprendre. « Tu devrais aller à l'hôpital. » C'est la seule chose qu'il peut lui dire. La seule idée qui lui vient. Il ne sait pas où elle habite, et il ne veut pas le lui demander. La crainte de devoir traverser la ville pour la ramener, peut-être. Ou bien la peur qu'elle ne le prenne davantage pour un psychopathe, et qu'elle ne se mette à rameuter tout le quartier. Il s'en serait bien passé. Tout comme la raclée qu'il avait infligée. Tout comme les cris et la terreur qui l'avaient entouré, alors que ses instincts les plus bas et les plus profonds ressortaient. Il n'avait rien en commun avec cette fille. Et ce soir, il n'avait pas envie d'avoir à trouver un terrain sur lequel il puisse s'entendre. Pas envie qu'elle ne complique davantage les choses qu'elle ne l'avait déjà fait. Tout ce qu'il voulait, c'était que ça se termine. Qu'il puisse rentrer, entier. Et qu'elle aussi, tant qu'à avoir fait tout ce chemin pour l'aider. Fais chier.
Ça lui apprendrait, à vouloir abandonner la peau du loup pour endosser celle du chien.
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Mads Levy
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Ven 23 Mar - 11:02
Il range sa main dans sa poche, la privant du contact visuel avec le poing américain. Et elle a beau savoir que l'objet est toujours là, ça réussi à la calmer un peu malgré tout. Mais lui, il est toujours là. Imposant, tâché de sang. Et même s'il vient de la tirer d'une galère, elle a du mal à lui trouver l'allure rassurante. Du mal à le regarder, du mal à se sentir en sécurité. Pourtant, il lui témoigne peu d'intérêt. Il a même l'air un peu fuyant, comme s'il attendant une ouverture pour filer d'ici en vitesse. Et c'est justement le fait qu'il s'attarde devant elle qui l'inquiète. Parce qu'il ne dit rien, il ne fait rien. Il a l'air de réfléchir et elle ne sait pas à quoi. Elle a peur que ça ne présage rien de bon. Qu'il balaie toutes les options qui se présentent à lui face à une gamine sans défense. Y a tellement d'histoires sordides aux informations, Mads ressasse les dernières entendues et elle sent la peur se diffuser plus violemment dans ses veines. Son rythme cardiaque qui s'emballe et ses entrailles qui se nouent lentement. C'est pour ça qu'elle panique quand il s'approche d'elle. Comme si c'était sa propre fin qu'elle voyait se dessiner devant elle. Mouvement de recul et cri étouffé, le sac serré contre sa poitrine comme si ça allait pouvoir la protéger de quoi que ce soit. De lui. Lui le géant qui pourrait ne faire qu'une bouchée d'elle si c'était son intention. Elle trouve malgré tout la force de parler, de l'interpeller et il s'arrête aussitôt. Mais l'angoisse ne se calme pas, au contraire. Les secondes qui s'étirent et le silence interminable qui lui saisit la gorge. Elle peine à garder son regard sur lui, comme si ça la brûlait. En réalité, elle a peur que le fixer ne fasse que l'énerver. C'est souvent le cas avec les prédateurs, un contact visuel est souvent interprété comme une opposition. Et Mads n'a jamais eu l'instinct suicidaire. Il se mouve et elle se contracte encore plus, sa main qui ressort de sa poche sans le poing cette fois-ci et qu'il lève devant lui, la seconde qui l'imite en gage d'innocence. Elle reprend son souffle, le regarde par en-dessous, toujours méfiante mais moins crispée. La pression dans sa poitrine redescend doucement pour retourner à un niveau supportable et raisonnable. Le colosse demeure calme, inébranlable. Mais elle l'a vu faire. Le calme avant le chaos le plus total. Il n'y a pas de signes annonciateurs avec lui. Il bascule d'un état à un autre avec une maitrise désarmante, faisant de lui un être imprévisible. De ceux qu'on n'anticipe pas.
Il tend une de ses mains dans sa direction, Mads ne bouge pas, toujours recroquevillée dans son coin. A attendre avec appréhension le moment ou ça va mal tourner. Mais cet instant ne vient pas, comme illusoire. — Je t'aide à te relever. La réponse a tardé à arriver et elle sursaute presque quand elle l'entend parler. Son regard le jauge un instant, elle oscille entre ses yeux et sa main, prend le temps d'y réfléchir, pas certaine de ce qu'elle pense de lui encore. Mais l'inconnu patiente, lui laisse le temps de faire son choix. Et finalement, elle déglutit et inspire discrètement pour se donner un peu de courage. Elle tend sa main vers lui à son tour pour attraper la sienne. Et elle se sent minuscule contre sa paume, il pourrait broyer sa main d'une simple pression s'il le voulait. Elle sent contre sa peau le liquide rougeâtre moite et chaud qui tâche sa main immense et elle esquisse une grimace apeurée. Il la soulève sans la moindre difficulté et elle se retrouve debout, jambes flageolantes. Elle garde sa main dans la sienne, parce qu'il lui sert de béquille, parce qu'elle craint de ne pas être capable de garder son équilibre s'il la relâche. Ses doigts fins qui resserrent la pression, comme pour l'empêcher de la lâcher. — Tu devrais aller à l'hôpital. Elle relève les yeux vers lui et échappe un ricanement désabusé. — Comme si j'avais les moyens. Le motel de sa mère leur rapporte très peu d'argent et ses activités de détective privé c'est encore pire. Elle n'a pas un rond de côté. Mais elle sent bien qu'il n'a pas envie de s'encombrer d'elle ce soir. Elle dévie son regard et soupire. — C'est bon, je vais me débrouiller vous pouvez y aller. Qu'elle murmure tout en desserrant finalement ses doigts, à contre-cœur pour lui laisser tout le loisir de retirer sa main. Elle tente de se tenir droite, mais est prise de vertiges et doit redoubler d'efforts pour ne pas chanceler. Elle jette un coup d’œil autour d'elle avant de réaliser qu'elle n'a pas la moindre idée d'où elle est. Ni d'où est sa voiture. Et ça la panique. Terrifiée à l'idée de se retrouver à nouveau seule en pleine ville, en pleine nuit, sans savoir où aller, désorientée et à bout de forces. Mais elle ne sait pas comment retenir l'inconnu. Et bien qu'il lui inspire toujours un certain effroi, elle n'a que lui sous la main. Il est solide et puisqu'il n'a pas l'air de lui vouloir quoi que ce soit de mal, il prend rapidement des allures de bouclier face aux éventuels autres dangers qu'elle pourrait rencontrer. Du coup, dans un élan désespéré elle tente de le retenir. — Je... j'vous paye un verre ? Pour vous remercier ? Honnêtement, elle n'a pas la moindre envie d'aller dans un bar, d'ailleurs elle n'est pas en état de boire ou de supporter la foule et la chaleur. Mais il fait nuit et elle n'a pas d'autres idées d'endroits où aller. Elle relève les yeux vers lui, cherche son regard, et dans le sien c'est comme un long cri silencieux, la détresse évidente. Elle s'en fout de là où ils vont, ils peuvent même rester là s'il préfère. Tout ce qu'elle veut, c'est ne surtout pas se retrouver seule. Ne pas rentrer au motel pour constater que sa mère n'est pas revenue. Qu'elle ne reviendra probablement jamais. Ses yeux se voilent de larmes qu'elle retient tant bien que mal, fière dans sa déchéance.
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Dim 25 Mar - 5:24
Ça lui prend du temps, à la petite. Du temps de comprendre qu'il ne lui fera pas de mal — qu'il n'en a jamais eu l'intention. Du temps d'accepter qu'il tend réellement la main pour l'aider. Pour qu'elle puisse s'y appuyer. Se redresser. Ça lui prend du temps, mais elle finit par bouger. Lui a attendu. Pas pressé. Nulle part où être, et nulle obligation pour le presser. Attendu que le choc lui passe, et qu'elle baisse suffisamment la garde pour piger que s'il avait voulu lui faire du mal, il l'aurait déjà fait. Qu'il n'était pas le genre à attendre que les portes soient refermées, et que le silence se soit fait. S'il avait voulu la bousculer, la frapper, récupérer son porte-monnaie et rentrer chez lui, il ne lui aurait servi à rien d'attendre. Qu'aurait-elle bien pu faire pour l'en empêcher ?
Quand les doigts de la jeune femme se posent dans sa paume, c'est plus doux qu'il ne s'y attendait. Elle a beau avoir les paumes écorchées par sa chute et les doigts abîmés, la douceur de sa peau contraste avec la rugosité et les cales de la sienne. D'instinct, la poigne qu'il referme sur la petite main est tendre. Ça ne l'empêche pas de grimacer, la gamine — et ce n'est qu'alors qu'il remarque le sang sur ses doigts. Oublié de s'essuyer. Oubliées l'hygiène et la propreté. Il serre un instant les dents, avant de finalement l'aider à se redresser. Une fois debout, elle ne relâche pourtant pas. Et lui ne manifeste pas le désir qu'elle puisse le foutre la paix. Les traits aussi figés que depuis qu'il s'est approché — aussi figés que lorsqu'il a fendu la chair d'un coup de poing bien placé. Le contact parle pour lui-même. Sa main enveloppe toujours celle de l'inconnue, et ne manifeste nulle intention de la laisser aller. Il sent sa fragilité, sent que l'équilibre qui la fait se tenir sur ses deux jambes est trop précaire pour qu'elle ne puisse marcher. Trop faible, même, pour qu'elle ne soit capable de rester là, seule, sans tomber.
Il devrait l'emmener à l'hôpital. L'escorter jusqu'aux soins qu'on pourrait lui donner, et la laisser finalement aller une fois qu'elle serait en sécurité. Mais quand il lui formule le conseil elle ricane. Ça lui remonte le long de l'échine et ses muscles se tendent. Il arrive pourtant à garder la pression sur sa main faible — trop faible pour lui faire du mal. C'est le genre de douce insolence qui lui donne envie de la laisser se démerder. Et il n'y a que le fond de son propos pour le retenir de lâcher sa main et de s'éloigner. Le retenir d'appliquer à la lettre les mots suivants qu'elle lui balance. S'en aller. Rentrer chez lui, et enfin pouvoir laver le sang qui le maculait. Mais ça ne prend pas un génie pour comprendre qu'elle n'a nulle part où aller. Qu'elle ne sait pas comment se sortir d'un tel merdier, et qu'elle n'a même pas l'air de savoir où elle se trouve. Il a senti qu'elle a relâché la pression sur sa main, a senti qu'elle l'autorisait à partir. À lui tourner le dos et à la laisser se débrouiller — malgré la peur qui continuait de faire imperceptiblement trembler chacune de ses respirations. Et un instant, il l'observe. Paniquée, terrifiée, à ne pas savoir ce qui va lui arriver. Elle ne retire pas sa main de la sienne, et il attend. Attend qu'elle ne se décide à faire le pas suivant. Vas-y. Demande.
« Je... j'vous paye un verre ? Pour vous remercier ? » C'est hésitant, mais c'est sincère. C'est la supplication d'une âme égarée, et le regard qu'elle lui donne finalement ne fait que le souligner. Elle ne sait pas quoi faire, ne sait pas où aller, ne sait pas vers qui se tourner — et dans son désespoir il n'y a que lui. Il n'est pas rassurant, et il n'a rien du héros qu'elle aurait pu espérer. Mais il est mieux que la solitude. Que le désarroi. Mieux que rien. « Non merci. » C'est doux, malgré les propos. Ça se veut poli, destiné à ne pas la brusquer. Ça répond à la détresse qu'il lit dans ses yeux, et qu'il refuse d'alimenter en l'exposant à l'alcool et aux regards des corps imbibés. Le plus logique serait de lui proposer de la raccompagner chez elle, mais quelque chose le freine. Si c'était ce qu'elle voulait, elle le lui aurait demandé. Si c'était la sécurité qu'elle cherchait, c'était l'option pour laquelle elle aurait opté. Mais il n'en était rien, et Novak avait suffisamment d'instinct pour sentir que tout, dans cette situation, était plus compliqué que les apparences ne le laissaient suggérer. Pas encore prêt à poser des questions — et de toute manière pas enclin à le faire, d'ordinaire. Il laissait ses yeux dans les siens, sondait son désespoir pour en mesurer la profondeur. L'appel à l'aide ne tarissait pas, et il sentait le silence s'éterniser. Devenir plus épais, à chaque foutue seconde qui s'écoulait. Il l'avait repoussée. Il avait décliné son invitation — et il n'avait, jusqu'ici, rien donné qui puisse le justifier.
Alors, il se décide finalement à bouger. Réalisant que l'attente n'a trop duré, et que les secondes qu'il avait prises pour décider son prochain geste, ses prochains mots, avaient été de trop. Sa main se referme un peu plus solidement sur celle de la jeune femme. C'est tendre, pourtant. Une simple intention de lui faire comprendre qu'il avait beau avoir refusé ce qu'elle lui a proposé, il n'avait aucune intention de la laisser. Qu'elle pouvait revenir serrer si c'était ce qu'il lui fallait. Que malgré la fatigue et la lassitude, il ne la laisserait pas tomber. « J'habite pas très loin. Trois rues de là. Je devrais... Avoir c'qu'il faut pour tes mains. » Et tes genoux. Pour ton coeur brisé, j'en sais rien. Mais s'il le faut, j'trouverai. Il le sait, que la proposition paraîtrait folle et insensée à n'importe quel observateur avisé. Il le sait, que la gamine pourrait partir en courant sans qu'il ne puisse lui donner tort. Mais la prise sur sa main souligne la sincérité que ses yeux crient. Sa rage est passée, sa rancoeur et sa colère ont été étouffées par la détresse de l'animal blessé. Tout ce qu'il reste, c'est sa proposition honnête de l'aider. Si elle n'en veut pas, libre à elle. Il ne la retiendra pas. Ne lui courra pas après. Elle est grande. Sait ce qu'elle veut, fait ce qui lui chante. Il se contente d'ouvrir la porte, avec toute la douceur que sa brutale carcasse a pu trouver. « Si tu tiens vraiment à boire quelque chose, j'ai ce qu'il faut aussi. » Il essaie de ne pas l'effrayer davantage, essaie de préserver le maigre fil de confiance qui peine à se tisser. Essaie de répondre à ce besoin que ses lèvres avaient manifesté, au cas où ses yeux ne le démentaient pas comme il l'avait tout d'abord pensé. Et sa voix est basse. Son ton calme. Il ne détache pas son regard du sien. Sait l'incongruité du spectacle qu'ils donnent, la biche et le monstre. Liés par deux mains, liés par l'envie d'échapper à la rue, et d'en avoir assez eu pour le reste de la soirée. Mais il n'a pas pu s'en empêcher. Il fallait qu'il propose. La seule option qui lui paraissait viable, si elle voulait réellement s'attarder à ses côtés, et profiter des miettes de sécurité qu'il pouvait lui apporter. Doucement, il commence à relâcher sa main, comme elle l'a fait avec la sienne auparavant. Lui laisser la possibilité de s'enfuir, si elle trouve l'invitation déplacée. Lui laisser la possibilité de tourner le dos et de prendre ses jambes à son cou, si la peur la saisissait à nouveau. Il comprendrait. Son regard avait beau être des francs sur l'innocence et la générosité de cette proposition, il comprendrait.
Comment, après tout, reprocher aux enfants d'avoir peur du loup ?
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Mer 11 Avr - 20:15
En le libérant de la pression de sa main, elle l'autorise à s'en aller, bien que l'envie n'y soit pas. Et elle fixe leurs mains, l'appréhension qui noue sa gorge, mais rien ne se passe. Il ne se défile pas. Elle relève les yeux vers les siens, un peu étonnée. Mais soulagée surtout. Elle pourrait sourire si le cœur y était, mais ses muscles sont figés, seul son regard parle pour elle. A travers filtre une reconnaissance à peine dissimuler. Elle si pudique d'ordinaire, à toujours faire la fière, ce soir elle n'en a plus la force. Elle s'abandonne et se dévoile face à ce parfait inconnu, finalement assez peu soucieuse de savoir ce qu'il pense d'elle. Elle ne saurait pas expliquer pourquoi, ça provient de son aura. Il dégage quelque chose de si puissant, de si tranquille tout à la fois, qu'elle se sent comme épargnée du regard de la société. Nul besoin de jouer un rôle, ça ne prendrait pas avec lui. Elle a même la sensation que ça ne ferait que la conduire à sa perte. Et c'est étrangement libérateur de pouvoir enfin révéler sans crainte d'être jugée ou abandonnée une facette de sa personnalité : sa fragilité. Mais le silence s'éternise, il ne part pas mais ne semble pas enclin à faire le premier pas. Peut-être estime-t-il en avoir assez fait déjà. A juste titre. Alors elle improvise, pour tenter de le retenir. Pour ne pas qu'il se lasse face à ce silence qui ne rime à rien et qu'il décide d'en rester là. Elle propose un verre et il ne réagit pas, elle ne lit rien dans son regard ni sur ses traits. Il demeure impassible et ça laisse un arrière goût de frustration sur son palais. Elle déglutit, peu sereine quant à la réponse qui risque de tomber. Et ça ne rate pas. — Non merci. C'était prévisible. Et malgré toute la douceur qu'il emploi, ça froisse quelque chose dans sa poitrine. Elle n'a jamais su gérer le rejet. Et elle s'imagine déjà retirer sa main de la sienne et partir en courant, comme humiliée. Elle se contente finalement de baisser les yeux pour échapper à son regard inquisiteur qui devient subitement brûlant sur sa peau. Elle se sent un peu minable d'avoir proposé ça et ne sait plus quoi faire. Il l'impressionne encore bien trop pour qu'elle puisse être à l'aise et use de sa répartie piquante. D'ordinaire, elle aurait usé et abusé de ses charmes, mais ce soir elle se sent hideuse. Et bien trop ridicule face à lui pour ne serait-ce qu'y songer un seul instant. Contre toute attente, la main du brun finit par se resserrer autour de la sienne. Elle redresse la tête et son regard fouille alors frénétiquement dans le sien, à la recherche d'une explication. Instinctivement, elle l'imite et rend la pression. S'y accroche comme à sa survie. Elle ne dit toujours rien, le souffle suspendu alors qu'elle attend. Un geste de plus, un mot, quelque chose, n'importe quoi. — J'habite pas très loin. Trois rues de là. Je devrais... Avoir c'qu'il faut pour tes mains. — D'accord. Ça fuse du tac au tac, elle n'a même pas pris le temps d'y réfléchir. C'est l'impatience qui l'anime à cet instant, le soulagement aussi. Et c'est seulement après coup qu'elle prend le temps de peser le pour et le contre, d'envisager tout le danger qui pourrait éventuellement la guetter. Mais rien n'y fait, elle n'arrive pas à se raisonner. A refuser. C'est donc un regard décidé qu'elle plante dans le sien, sûre d'elle pour la première fois depuis qu'il a débarqué. — C'est gentil. Qu'elle ajoute tout bas, murmure à peine audible, comme si elle avait peur de tout gâcher. Comme si elle avait peur que ces simples mots le fasse changer d'avis. C'est stupide, peut-être. Mais la crainte est réelle et flambe dans sa poitrine au rythme de ses palpitations. Bien trop rapides. — Si tu tiens vraiment à boire quelque chose, j'ai ce qu'il faut aussi. Elle le dévisage un instant, un peu perdue finalement. Elle a du mal à comprendre pourquoi il fait ça pour elle. Il ne la connait pas, il ne lui doit rien. Il a déjà fait beaucoup. Elle a aussi du mal à se dire que cet homme qui a su faire preuve d'une aussi grande violence avec autant de sang-froid puisse ensuite se montrer d'un altruisme déroutant. C'est inattendu et ça la laisse perplexe. Mais elle ne pose aucune question, pas tout de suite en tout cas. Elle ne voudrait pas braquer l'animal. Elle tente un sourire, mais ça ne donne rien de convaincant. — Ça ira, j'suis pas trop alcool. Qu'elle avoue finalement, révélant au passage que son idée de bar n'était finalement qu'un vague subterfuge pour le garder près d'elle, pour gagner du temps. Mais elle ne doute pas un seul instant qu'il l'avait déjà compris. Il libère sa main de son étreinte, pour lui laisser le choix de filer si elle le veut. Et elle le fait. Mais c'est pour finalement mieux revenir vers lui, son bras qu'elle glisse autour du sien, elle prend appui sur lui sans la moindre pudeur. Gamine fébrile qui se raccroche comme elle peut au seul sauveur qui s'est présenté à elle. Et tant pis s'il a plus l'allure du loup que du chasseur. Elle sait que la réputation des loups les précède et qu'elle n'est pas si fondée que ça. Elle fait le premier pas, l'entrainant avec elle avant de le laisser guider la marche et de la conduire dans sa tanière. Elle progresse lentement, les pas incertains, la jambe qui tremble à chaque fois qu'elle la pose par terre. — Au fait, moi c'est Mads. Elle lève la tête vers lui, attendant qu'il se présente aussi. Mais alors qu'ils quittent la ruelle pour regagner l'axe principal, elle tourne la tête une dernière fois, pour observer le théâtre ou s'est joué sa tragédie de la soirée. Le reste des prospectus déchirés lui broie le coeur et elle détourne aussitôt la tête, les yeux qui se gonflent de larmes. Elle les ravale aussi sec, pas encore encline à se montrer aussi fragile. Les questions se bousculent déjà aux portes de ses lèvres, mais elle n'ose rien demander ici, en pleine rue. Elle est pourtant déserte, mais elle garde le silence pour l'instant. Attendant de s'enfermer chez lui avant de délier sa langue. Incorrigible curieuse. Et maintenant que l'état de choc est passé, les vieilles habitudes remontent à la surface.
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Sujet: Re: toucher le fond. (novads | intrigue) Ven 18 Mai - 5:57
« D'accord. » Elle n'hésite même pas. Et ça surprend une part de lui. L'autre, elle, s'y attendait déjà. Avait vu la supplication dans les yeux de la gamine, et l'avait entendue dans sa voix. Cette autre part, responsable de la proposition qu'il lui avait faite — et qu'elle s'était empressée d'accepter. Elle ne voulait pas être seule. La peur qui lui collait encore à la peau, et qu'elle traînerait dans son sillage pour le reste de la soirée. De la semaine, peut-être. Jusqu'à ce qu'on retrouve quiconque était placardé sur ces petits posters déchirés. Alors, il ne se braque pas. Se contente de lui proposer un verre chez lui, si elle en a vraiment envie. Et elle avoue qu'elle n'est pas très penchée alcool. Un murmure qui confirme par là même ce qu'il avait soupçonné : le verre en question ne l'intéressait pas. Ce qu'elle voulait, c'était une illusion de sécurité. Et tout particulièrement celle qu'il pouvait lui donner.
Ça devenait fréquent. Trop à son goût, peut-être. Il se faisait remarquer, ces derniers temps — et les âmes faibles se mettaient à virevolter autour de lui comme des papillons de nuit autour de la seule lumière des environs. Qu'importe qu'elle soit usée, fatiguée — tant qu'elle resterait allumée, leur dévolu resterait jeté sur elle. Et Novak ne pouvait lutter. Chaque jour qui passait, il se prenait à gratter un peu plus la croûte de sauvagerie qui lui collait à la peau, pour laisser entrevoir l'once de générosité tout de même présente en son coeur nécrosé. Cette gamine, ce soir, en était encore un bon exemple. Et il n'avait pas cherché à lutter. Tant qu'à l'avoir déjà accrochée au bout des doigts, autant lui proposer un toit à se mettre sur la tête, et du désinfectant à se foutre sur les mains. Ce serait mieux que de la laisser choir sur le pavé, seule et éplorée, du sang dans ses paumes et de la bile au fond du coeur. Un peu de pitié de la part d'un damné.
Elle a finalement lâché sa main pour enrouler son bras autour du sien. Il l'a laissée faire. Sait qu'il est son appui, sait qu'elle en a besoin. Et elle s'est mise à marcher. Il s'est coulé dans son sillage, l'ombre et le roc, la présence forte à ses côtés. Guidant silencieusement leurs deux corps collés vers le petit appartement où elle pourrait, peut-être, trouver la paix. « Au fait, moi c'est Mads. » Et comme toujours, le temps des présentation venait. Ce temps qu'il détestait. Qu'il aurait voulu éviter, dans chaque conversation, dans chaque rencontre. Donner son nom ne l'intéressait pas. Pas alors qu'il prévoyait généralement ne jamais recroiser les gens. Revoir les demoiselles en détresse qu'il avait assistées était généralement le signe d'autres ennuis à venir, ou d'une gratitude qu'il ne voulait pas recevoir. Et donner son prénom, c'était ouvrir la porte. Lui dire qu'elle pouvait garder son bras là, qu'elle allait vraiment pouvoir mettre les pieds chez lui, et que, peut-être, elle pourrait revenir si un jour elle en avait besoin ou le désirait. Une idée qui lui déplaisait. Mais contre laquelle il ne pouvait pas lutter. S'il ne lui disait pas maintenant, il avait le sentiment qu'elle se mettrait à fouiner dès qu'il aurait le dos tourné. Fouiner pour découvrir son identité. Et ça, il préférait l'éviter. « Novak. »
Un silence épais, pour le reste du trajet. Il sent qu'elle se raccroche toujours à lui. A le pressentiment qu'une fois la porte refermée derrière eux, elle laissera éclater ces questions que les gens ne se privent généralement pas de poser. Mais il ne dit rien. Profite du calme avant la tempête. Profite de pouvoir cultiver la tranquillité, avant qu'on ne l'oblige à se dévoiler plus qu'il ne l'aimerait. Et arrivé devant l'immeuble, il ouvre la porte. La laisse entrer, sans la lâcher ; referme derrière elle. Il avise une seconde l'ascenseur, mais il se doute qu'elle ne le laissera pas s'éloigner — de peur qu'il s'enfuie, sûrement. Alors l'option est exclue. Lui ne montera pas là-dedans. Il se dirige vers les escaliers sans lui demander vraiment son avis. Quelques mots grognés doucement, en gage de bonne volonté. « C'est au deuxième. Ça va aller ? » Il la sait faible. La sent toujours hésitante dans ses pas, malgré les forces qu'elle a l'air de retrouver. Il n'a pas envie de la porter, mais il le fera au besoin — ça s'entend dans sa voix.
Lorsqu'il est arrivé en haut et qu'il a franchi les quelques mètres de couloir qui le séparent de la porte, sa main rejoint le fond de sa poche. En tire deux clés rattachées l'une à l'autre. La première dans la serrure, la deuxième pendant au bout du petit anneau de métal. « Si t'as peur des chiens, dis-moi. » Les quelques mots sont lâchés sans grande émotion, alors qu'il pousse finalement la porte de l'appartement. Oubliant de préciser que le chien a des allures de loup — des allures de monstre. Comme lui. Il allume la lumière. La bête rapplique rapidement, ventre à terre. La queue basse, les yeux aussi noirs que le pelage, et le grognement au bord des lèvres face à l'odeur inconnue qui passe la porte aux côtés de son maître. Un sifflement léger, et il se tait. Se fige. « Полагање. » Le chien obéit et se couche, exactement où il est. Sans quitter des yeux la petite silhouette qui est entrée aux côtés du colosse. « Il est pas méchant. » Oubliant de préciser que c'est une femelle. Le sexe n'a pas d'importance dans tout ça. Novak qui laisse sa veste tomber de ses épaules, et l'accroche au porte-manteau. Tout est sobre. Tout est simple. Des meubles d'occasion. Pas beaucoup de place, et pas beaucoup de soin à l'organisation. Mais ça fait l'affaire. « Fais comme chez toi. » Il n'a rien à cacher, de toute façon.