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 (war and peace), daire.

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MessageSujet: (war and peace), daire.   (war and peace), daire. EmptyLun 14 Mai - 20:19

Elle ne pleure pas. Dans sa gorge, il n’y a que le goût amer des morceaux de coeur brisé. Les résidus entaillent sa bouche et répandent un goût de rouille sur sa langue, un sang qui n’est pas vraiment là, mais qui l’écoeure tout de même. Elle ne sait pas trop ça fait combien de temps qu’elle est repartie de chez Novak, si ça fait quelques heures ou quelques jours. Le temps semble avoir perdu son sens depuis. Le jour, la nuit, la vie, la mort. T’as failli crever, Niamh. Regardé la faucheuse dans le blanc des yeux. Une faucheuse à l’apprence fourbe, le corps massif d’un serbe à qui elle fait confiance. Faisait. Ferme les yeux. Chasse les mouches noires qui bourdonnent et voilent sa vision. Novak. Le nom lui donne mal au coeur. Sa poitrine se serre, les entailles saignent. Elle erre dans les rues de Savannah, nulle part où elle peut aller, où elle veut aller. On lui jette des regards curieux, son pas titubant, les yeux rouges, débordant des veines éclatés. Les marques dans son cou, surtout, rouges, bleues, jaunes, violettes. L’arc en ciel de couleur dans son cou fin. Elle a l’air ivre ou defoncée, ou peut-être les deux, la pauvre fille qui s’est fait tabasser par son dealer ou son petit ami ou les deux. Elle a du éviter la police y’a pas longtemps, elle pourrait pas les blâmer de vouloir l’embarquer avec l’allure qu’elle a. Dans sa poitrine y’a que la nausée de la mort, que le haut-le-coeur du visage de Novak, pourquoi pourquoi pourquoi. Ça fait longtemps qu’elle a laissé tomber la bouteille de whisky, ça lui brûlait trop la gorge  déjà en piteux état, et ça fait mal d’avaler, comme ça fait mal de bouger, mal de penser.

L’aube se pointe le bout du nez. Bientôt le soleil se pose sur Savannah. Assise sur une rembarde, les jambes interminables pendant dans le vide, Niamh a les yeux rivés sur son téléphone. Passe la liste de contacts. Personne. Avec tout le monde, tout est trop compliqué. Ne veut pas avoir à gérer les questions et les accusations et les jeux de tout le monde. Un peu de paix et un toit sur la tête. La matinée s’installe et l’irlandaise ne bouge pas. La solitude l’étouffe. Où peut-elle aller ? Elle reste là, alos que le soleil se lève doucement, que Savannah s’éveille. Si c’était son genre elle en pleurerait. Ce n’est que lorsque la journée est bien avancée qu’elle trouve enfin le courage de bouger. Y’a qu’une seule personne qu’elle a soudainement envie de voir. Sans être trop capable de s’expliquer pourquoi, c’est les yeux de Daire qu’elle veut croiser. Le visage de l’autre irlandaise, cet esprit si semblable au sien. Niamh se relève et part en direction du garage où Daire travaille. Sa moto n’est pas loin, elle pourrait la retrouver et la pendre, ça lui ferait une excuse pour aller au garage. Mais elle a envie de marcher, envie de pousser son corps déjà exténué, au moins pour ressentir quelque chose sinon la léthargie de ses pensées. Malgré le corps endolori, malgré la fatigue qui lui tord les muscles et alourdit ses paupières, Niamh traverse la ville et rejoint finalement le garage. Avec un peu de chance Daire y sera, crinière rousse sous un capot ou derrière des pièces huileuses. Niamh demande, c’est dur de parler, ça grince et ça siffle. Y’a un syllabe sur deux qui se perd dans le bruit, mais on finit par la comprendre et lui dire que non, Daire est pas là. Le type a l’air de la prendre en pitié, par contre, parce qu’il attrape un bout de papier, le tache de la graisse sur ses doigts et griffonne une adresse. Essaie là. Niamh acquiesce, attrape le papier et disparaît.

Ça ne lui prend pas trop de temps à trouver l’appartement. L’immeuble fait un peu pitié à voir, mais en même temps à Savannah personne ne peut se payer les trucs de luxe. Les américains sont des débiles, Niamh en reste convaincue. Rien d’équitable et rien de juste, mais ça c’était l’Amérique. Ce n’était pas mieux en Irlande mais au moins c’était différent. Penser à la maison l’apaise autant que ça lui fait mal, et Niamh ravale les souvenirs. Tu fais pitié à voir. Pourquoi est-elle incapable de simplement se relever, de remonter le menton, et de continuer ? C’est ce qu’elle a toujours fait. Mais cette fois, ça ne fonctionne pas. Cette fois, quelque chose s’est brisé en elle. Cette fois elle a envie d’abandonner, au moins juste un petit peu. Peut-être que c’est la peur qui lui étreint toujours les tripes, ou le visage de Novak qui s’est imprimé sous ses paupières. La rousse monte les escaliers et s’arrête devant la porte, vérifiant le numéro. Elle ne sait pas trop si c’est une bonne idée, mais elle n’a pas envie de se poser des questions. A juste besoin de ne pas être seule, et Niamh sait que Daire saura être la personne qu’elle a besoin en ce moment. Elle cogne donc à la porte, respiration un peu rocailleuse, les yeux brûlants. Elle essaie tant bien que mal de ne pas repenser à ce qui s’est passé, mais c’est tout ce qu’il y a dans sa tête. Novak a essayé de me tuer. Les mots sont douloureux à articuler, et ce même dans sa tête. Elle a besoin de Daire aujourd’hui, pour combler un peu cette solitude qu’elle ne peut plus supporter. Maintenant plus que jamais, la Brannigan a besoin d’une épaule, ou du moins d’une oreille. J’ten demanderai pas beaucoup, Daire. Juste une bière et un peu de ton temps.

La porte s'ouvre finalement, quelques secondes plus tard. Niamh relève la tête, son regard se pose sur Daire. Incapable de sourire, elle se contente d'acquiescer. « Salut. » La voix est rauque, cassée, fracassée. Ridicule, pathétique, mais au moins elle est capable de parler. Niamh déglutit difficilement, essaie de retenir un peu sa respiration sifflante. « J'ai eu ton adresse au garage. » On s'en fout, à quelque part, et ça ne justifie pas ce qu'elle fait là. Mais elle a le coeur lourd, l'irlandaise. « T'es occupée ? » Elle ne sait pas ce que Daire dira, ce qu'elle pensera d'elle et de son allure alarmante, du rouge dans son cou et de la brisure dans sa voix, mais elle essayera. Au moins, elle essayera.
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