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| we're still alive in here (seven) | |
| Auteur | Message |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: we're still alive in here (seven) Mar 8 Mai - 13:42 | |
| Routine abominable, soleil dans les rétines, l’odeur d’hôpital qui colle à ses pas. Elle, à l’hôpital. Le sang encore contre ses narines. Elle, hors de l’hôpital, la culpabilité dans ses entrailles. Anca, dedans, dehors, dedans, encore. La rage qui boue, quelque part, dedans. Le monde est une sale place et peut-être que des années à baisser la tête aurait dû lui enseigner cela. Le monde est une putain de décharge qui prend feu sous les rayons de l’été et peut-être qu’elle aurait dû réaliser, oui, après trop d’années mariée à Lucian, après trop de temps passé à regarder, trop de siècles à contempler. Peut-être, c’est toujours ça, le problème, le doute, celui qui se faufile et qui la fout en déroute, celui qui lui dit qu’elle a tort, évidemment, tort, toujours, toujours, toujours. Elle est pas fiable, c’est ce que lui a enseigné son père. Les femmes sont pas fiables, trop émotive, trop réactive, une secousse et elles explosent, une décharge et leurs sens les abandonnent. Faut toujours qu’elle se remette en question, qu’elle explore, peut-être que c’était pas brutal, peut-être que c’était pas cruel, peut-être que c’était pas méchant. Peut-être que c’était pas violent l’œil au beurre noir d’Anca, peut-être que c’était pas désespéré ce qui l’allonge sur le lit d’hôpital, peut-être que c’est pas la faute du marasme familial, peut-être que c’est pas sa faute, à elle. Peut-être, mais elle sait, cette fois. Elle sait et y a pas de peut-être qui tienne, pas d’excuses, pas de fuite, peut-être et elle a su au moment où elle a vu Seven, à l’autre bout du couloir de l’hôpital, Seven qui la regarde, Seven qui tourne les talons, Seven qui veut être partout plutôt qu’à côté d’elle, Seven qui vient quand même pour voir Anca. Seven qui prend pas la fuite même quand il court, qui sauve sa peau, peut-être, en réalité, qui a compris qu’il valait mieux tout plaquer que de s’entêter. Seven qui pourrait l’aider, elle croit. Seven.
C’est pas lui qu’elle s’attend à voir, lorsqu’elle se glisse dans le chantier. Elle s’attend à voir des gens mais c’est pas lui qu’elle cherche, pas cette fois. Elle cherche un échappatoire, quelque chose pour la sortir du trajet quotidien entre chez elle et l’église, quelque chose pour la forcer à arrêter d’avoir peur, quelque chose pour s’extraire des chemins faits, encore et encore, de la réalité rassurante. Elle se fera pas kidnapper, pas une nouvelle fois, elle peut aller ailleurs, voir d’autres horizons, c’est pas la routine qui l’a protégé, la dernière fois, elle était à cent mètres de l’église, pas plus, pas moins, elle avait pas dévié, pas changé de chemin, c’est arrivé quand même, l’habitude protège pas son prochain. C’est pour ça qu’elle est là, cette fois-là, un plat de brownie dans les mains et les yeux collés au mur du squat qu’ils essayent de transformer. Elle sourit gentiment aux gens qu’elle croise, essaye de se faire petite, elle a pas peur mais elle veut pas s’introduire, pas savoir, pas juger. Ils sont des bonnes raisons d’être là, sans doute, certainement pas envie qu’une mère de famille sans histoire et trop propre sur elle vienne les contempler. Elle a le plat tendu vers le chef de chantier lorsqu’un mouvement familier intercepte son regard par-dessus son épaule. Elle pense rêver. Peut-être qu’elle rêve. Elle a pas ce genre d’opportunité, ça arrive pas aux gens comme elle. C’est son fils, pourtant, de l’autre côté du mec, son fils qui bosse ici, son fils qui a pas l’air bien, fantôme ou ombre, trop de nuits creusées sous ses yeux. Il ressemble pas aux photos qu’elle a vu de lui sur internet, plus creux, moins vivant. Elle sait bien que ça peut mentir, une photo. Elle sait bien que ça raconte qu’une fraction, une seconde, se demande si c’est ça, qu’elle voit, si c’est autre chose. Elle n’a pas le droit de demander, aucun droit de poser des questions, sait que le moindre point d’interrogation entre ses lèvres provoquerait un dérapage, une collision, l’effondrement de ses plans avant même que les fondations n’en soient posées. La question qu’elle pose, elle la pose au chef de chantier, qui lui donne son accord pour qu’elle fasse un tour, esquisse un geste de la main pour lui rendre sa liberté.
Elle est directe, cette fois-là, parce qu’elle sait que Seven ne tolérera pas qu’elle tourne autour du pot, parce qu’elle sait qu’il n’a pas la patience de la voir marcher sur des œufs, parce qu’elle sait qu’elle ne peut pas se permettre la moindre erreur, le moindre pas de côté. Elle est directe, lorsqu'elle s'avance vers lui, atterrit à ses côtés. Elle a des choses à dire, des choses qu’elle ne pourra prononcer, pourtant, des regrets qu’elle ne pourra pas formuler. C’est mérité, elle le sait. Il n’a pas de raisons de la laisser s’exprimer, pas de raisons d’accueillir ses excuses, de la laisser admettre ses torts. À la place, elle va à l’essentiel :
« Il faut que je te parle d’Anca. »
C’est direct et ça lui brûle la bouche, et ça lui crève le coeur. Elle veut lui parler d’Anca mais elle voudrait lui parler de lui, de la façon dont le dessin de son visage est altéré, de combien elle aurait voulu venir le chercher, toutes les fois où il est parti, de combien de fois elle aurait dû assassiner son mari avant d’abandonner ses enfants. Elle veut lui parler d’Anca mais elle voudrait surtout lui parler à lui. Elle prendra ce qu’il a à lui donner, elle sait qu’elle n’a pas d’autres choix, le regarde droit dans les yeux plutôt que d’éviter son regard, prête à se prendre un coup, prête à encaisser :
« Je veux retrouver l’homme qui lui a fait ça. »
Elle ne parle pas de l’hôpital. Elle ne parle pas que de l’hôpital. Elle parle du reste, elle parle de tout. Elle veut le retrouver et elle veut lui faire payer.
« J’ai besoin de toi. »
C’est ridicule, et elle le sait. C’est ridicule parce qu’elle n’a pas été là quand il a eu besoin d’elle, parce qu’elle lui demande ce qu’elle n’a pas pu offrir, parce qu’elle est fautive, autant que ce mec avec qui Anca sortait, parce que c’est elle qui a transmis à sa fille la passivité familiale, parce qu’elle pourrait se flinguer et que ça ne changerait rien. J’ai besoin de toi, cette blague. J’ai besoin de toi et peut-être que c’est moins pour retrouver ce mec que pour la juger.
Peut-être que ce qu’elle attend de Seven c’est une dernière condamnation dans le fond. |
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il est gay ▹ posts envoyés : 5420 ▹ points : 58 ▹ pseudo : marion ▹ crédits : miserunt 666 (av+gif) ▹ avatar : sasha trautvein ▹ signe particulier : dents en vrac et sourire pété, yeux cernés, le nez qui saigne trop souvent et les mains toujours déglinguées.
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| Sujet: Re: we're still alive in here (seven) Sam 12 Mai - 15:32 | |
| « Popescu ! » Il sursaute, clope au bec et casquette à l'envers, croisant le regard noir de l'un des types qui supervisent. Il arque un sourcil insolent, l'air de dire tu veux quoi alors qu'il sait très bien pourquoi il se fait apostropher comme ça. « T'éteins ta clope, tu remets ta casquette à l'endroit et tu bouges ton cul. » Ses yeux dans les siens, il crache un nuage de fumée dans une provocation claire et assumée. Le type se rapproche, traits durs et regard qui ne flanche pas. Ils restent comme ça quelques secondes, à se fixer dans le blanc des yeux sans bouger, l'arrogance de Seven qui irradie par tous ses pores alors qu'il dresse légèrement le menton, comme pour afficher une supériorité illusoire. L'autre a les lèvres qui s'étirent en coin et sans prévenir il donne un coup sec dans sa main, lui faisant lâcher la cigarette. « Écrase. » Il devine sans mal qu'il parle de son attitude plus que de la clope, sa mâchoire qui se contracte et ses poings qui se serrent. Il aime pas l'autorité qui émane du type, la façon qu'il a de le regarder comme s'il n'était qu'un sale gosse à mater – pourtant c'est ce qu'il est, l'impression de redevenir un adolescent en crise contre le système. Il a envie de lui sauter à la gorge mais il ne le fait pas, ravalant sa colère difficilement, ses envies de violence qui pulsent dans ses veines et se lisent au fond de ses prunelles. Il se contient parce qu'il n'a pas le choix, parce qu'il a déjà explosé une fois sur le chantier contre un autre criminel et qu'il a récolté un avertissement clair : encore un écart violent et la probation se transformera en prison.
Le type attend. Seven ne le quitte pas des yeux quand il finit par frotter sa godasse sur le mégot pour l'éteindre. Il commence à s'éloigner mais il sent un contact sur sa casquette, faisant volte-face brutalement, prêt à foncer dans le tas. Ils se défient encore une fois et il perd, bien sûr qu'il perd, sa liberté est sur la sellette. Il remet sa casquette à l'endroit dans un geste rageur, community service qui se lit sur l'avant, comme dans le dos de son gilet orange fluo.
Le sourire de l'autre le fait grincer des dents quand il tourne enfin les talons.
Il retourne à son poste d'un pas raide, pot de peinture et rouleau qui l'attendent, gestes rageurs quand il reprend sa tâche. Il ne s'applique pas, laisse des traces dégueulasses et fait tout l'inverse de ce qu'on lui a expliqué. Môme en colère, il tire la gueule et ça ne fait que creuser un peu plus ses joues déjà émaciées. Les yeux cernés de noir, le teint trop pâle, l'air de n'pas avoir dormi depuis des mois. Peut-être que c'est un peu le cas – il se souvient pas de la dernière fois qu'il a passé une vraie nuit, sans s'agiter ou se réveiller en sueur, le souffle court et le cœur battant.
Ses yeux restent rivés sur le mur quand il sent un mouvement s'approcher, persuadé que c'est le même enfoiré qui vient lui faire des remontrances à nouveau, critiquer sa façon de travailler et asseoir son autorité. Il se borne à ne pas regarder dans sa direction, les phalanges qui se crispent autour du manche, les muscles bandés qui trahissent la colère qu'il continue de ravaler. Ce n'est que lorsque la voix retentit qu'il comprend son erreur. « Il faut que je te parle d’Anca. » Il se fige. C'est lentement qu'il daigne enfin tourner la tête vers l'intruse, sa gorge qui se noue à l'instant même où ses prunelles rencontrent celles de sa mère. Il voudrait lui gueuler de se tirer, la pousser, l'insulter, pourtant il ne bouge pas. Il se contente de la fixer, sans avoir besoin de faire quoi que ce soit pour que son agressivité soit palpable. C'est dans sa façon de l'observer, dans tout ce qui filtre à travers son regard braqué sur elle comme le canon d'une arme. Bang bang il vise la tête, mais elle ne tremble pas. « Je veux retrouver l’homme qui lui a fait ça. » Y a une ombre qui passe dans ses yeux, l'image de JJ qui s'impose dans sa tête et réveille la haine qu'il s'efforce de garder sous contrôle.
Il voudrait la repousser, la faire fuir, la forcer à se taire. Pourtant il ne lui offre qu'un mur d'indifférence.
Il se détourne pour se reconcentrer sur sa tâche, reprenant les mouvements de rouleau comme si elle n'était pas là, comme s'il était capable de l'ignorer jusqu'à ce qu'elle se contente de partir. Après tout elle est faible et elle l'a toujours été, elle va comprendre le message et se tirer sans broncher il en est sûr. Mais faut croire que cette fois quelque chose a changé – elle ne ploie pas face à lui. Elle est toujours là, et elle insiste. « J’ai besoin de toi. » À nouveau il s'arrête. Une seconde de silence, puis un ricanement. Quand il se tourne vers elle, il a la bouche tordue par un rictus mauvais et l'air menaçant, approchant d'un pas pour la surplomber de toute sa hauteur. « Casse-toi. » Il la fixe et il voudrait que ça suffise, qu'elle parte puisque lui ne peut pas le faire, c'est pas comme à l'hôpital où il a pu s'envoler sans lui laisser une chance de le rattraper. Il est coincé là et tout ce qu'il peut faire c'est tenter de la pousser à fuir, mais y a une détermination nouvelle dans ses yeux. Il le sent, cette fois elle ne bougera pas. Et il comprend pas mais ça l'agace, ça l'irrite, ça grouille sous sa peau et il a les poings qui se serrent encore une fois. « J'parlerai pas d'elle avec toi. » Y a quelque chose de territorial dans sa façon de le dire, comme s'il avait décidé de placer Anca sous sa coupe depuis qu'il l'a poussée à sa perte, comme si le seul moyen de se rattraper était d'empêcher qui que ce soit d'autre de l'approcher. Y compris ceux qui n'lui veulent pas de mal. « T'essaies d'faire quoi là, t'façon ? Le numéro d'la mère protectrice ça marche pas, c'était avant qu'il fallait faire ton taf. » C'était y a vingt ans, elle a loupé le coche et maintenant c'est trop tard, y a plus rien à sauver. Si elle tient à s'occuper d'Anca elle n'a qu'à aller la voir directement – il veut pas la voir et encore moins pour parler de sa sœur. Elle était pas là quand il avait besoin d'elle. Si elle veut l'être pour Anca, il veut pas qu'on le flanque aux premières loges pour y assister. « P't'être qu'elle aurait pas fait ça si tu t'étais occupée d'elle. » Comme si c'était la faute de sa mère plutôt que la sienne. Il préfère accuser la Terre entière plutôt qu'avoir à assumer ses responsabilités. « Dégage. J'le répéterai pas. » Regard appuyé et yeux qui lancent des éclairs, on dirait presque une menace.
Ça lui demande des efforts considérables de se détourner d'elle une nouvelle fois sans exploser, recommençant à l'ignorer pour peindre le mur dans des mouvements trop larges et saccadés, trahissant la fureur qu'il ravale douloureusement. Sa mère est là et ça fait trop mal, il n'a aucune échappatoire, aucune marge de manœuvre sur la situation. Sa mère est là et ça suffit à le faire suffoquer – elle n'est qu'une putain de meurtrière. |
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