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 killing strangers, (malo)

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MessageSujet: killing strangers, (malo)   killing strangers, (malo) EmptyJeu 1 Fév - 19:38


killing strangers
novak & malo
This world doesn't need no opera. We're here for the operation. We don't need a bigger knife, 'Cause we got guns. We got guns, you better run. We're killing strangers, so we don't kill the ones that we Love. 
▲▼▲

Il n'avait rien demandé à personne. À croire que le monde avait juste décidé que ses mauvaises actions de ces dernières semaines nécessitaient une ironique répercussion. Une situation qui lui râpait les nerfs à coups de canif, heure après heure, jour après jour. Il avait bien tenté de lui faire comprendre, à cette fille, qu'il n'en avait rien à foutre de la situation dans laquelle se trouvait son mari. Il avait fait les yeux noirs, la face d'ours, et même les rictus du loup avaient fini par lui retrousser les lèvres à mesure qu'elle insistait. Il l'avait vue se recroqueviller dans ses souliers en toile, mais ça n'avait pas suffi. Elle avait continué de piailler, une main posée sur l'énorme ventre qu'elle se traînait dans les escaliers, d'un étage à l'autre, depuis plusieurs jours déjà. S'il vous plait. S'il vous plait. Il vous faisait confiance. Faites ça pour lui.

Confiance ?
qu'il avait envie de lui cracher. J'le connais même pas, putain. Mais les mots n'avaient jamais franchi ses lèvres. Y avait eu que des grognements et des crocs retroussés, de l'irritation permanente, et des heures de tranquillité trop peu présentes. Il lui avait claqué la porte au nez plus de fois qu'il n'avait pu le compter, et Niamh n'avait pas attendu avant de se mettre à se foutre de sa gueule. Elle a l'béguin pour toi, ou quoi? Il n'avait pu que grogner, sans prendre la peine de répondre. Sachant pertinemment qu'elle reviendrait, chaque fois qu'il finissait par faire la sourde oreille aux coups qu'elle cognait avec acharnement contre la porte. Plusieurs fois, l'envie de lui coller une balle entre les deux yeux pour régler le problème lui avait effleuré l'esprit. Il ne s'était retenu qu'à grand-peine, usé par l'insistance qu'elle déployait à tenter de le faire changer d'avis. Dégage, putain. Fous-moi la paix. J'en ai rien à branler, de toi ou de ton connard de mari.

Et puis il en avait eu assez. Jour quatre sur le calendrier - quatre putains de jours et quatre putains de nuits qu'elle venait le déranger presque toutes les heures. Le visage tantôt barbouillé de larmes, tantôt déformé par la colère. Et quand elle s'était finalement présentée pour lui jeter une chaussure à la figure, quand elle avait été pour le frapper de son petit poing fermé, de frustration face à son absence de réaction, il en avait eu assez. Il avait arrêté son poing et l'avait repoussée, trop peu violemment pour la blesser, suffisamment pour lui faire piger qu'il ne plaisantait pas. Elle s'était retrouvée plaquée contre mur, quelques secondes. Un éclair de peur était passé dans ses yeux, avant qu'elle ne se mette à pleurer. Si vous voulez pas le faire pour moi, alors faites-le pour le bébé, qu'elle avait gémi. S'il vous plait. Faites-le pour le bébé. Il lui avait lâché le poignet, l'avait observé le porter contre sa poitrine pour essayer de faire passer la douleur que la poigne solide du géant avait provoquée. Et pour une des premières fois depuis qu'elle était venue commencer à le faire chier, elle lui avait tiré des mots. À peine assez pour faire une phrase développée - suffisamment pour faire passer l'idée. C'est quoi son adresse, au type ? Elle avait cru que ça avait fonctionné. Qu'implorer la grâce du bébé avait réussi à amadouer le cœur de l'ours contre lequel elle s'acharnait. Mais la vérité, c'était qu'il n'en avait rien à foutre du bébé. La vérité, c'était qu'il voulait qu'elle arrête de l'emmerder. La vérité, c'était que si elle revenait une fois de plus, la balle aurait quitté le chargeur sans qu'il ne puisse l'en empêcher. Bébé ou pas bébé. Mais le meurtre, ça ne faisait pas partie des bonnes actions pour lequel ce pays récompensait. Surtout pas sur des femmes enceintes - surtout pas pour aussi peu de raisons. Mieux valait se retenir. Il le savait. Et accepter sa requête avait été la seule option viable à empêcher la situation de se terminer avec une cervelle étalée sur les murs du couloir. Pourquoi pas, alors ?

Il jette un coup d'œil au papier sur lequel elle a griffonné l'adresse. Elle n'a pas mis le nom du gars. Rien qu'un lieu où se rendre pour le dissuader de courir après ce type. Il n'est pas sûr d'avoir envie de le faire, Novak. Il a comme l'impression qu'il n'aimera pas ce qu'il trouvera derrière la porte, quand il frappera. Tout ça, ça ne le regarde pas. Si son voisin avait tenté un coup de pute à l'égard de ce type, pourquoi ne pas accepter la vengeance qui s'imposait ? Ça lui échappait. La connerie humaine, le manque d'instinct de survie. L'incapacité des gens à s'occuper de leurs propres affaires, et leur tendance à toujours demander aux autres de les aider à boucler leurs business. Si t'es pas capable de t'en tirer seul, alors le fais pas. Y avait quoi de compliqué à ça ?

« Остани тамо. » Reste là. Кербер relève les yeux vers lui, sans un bruit. Ça ne prend qu'un signe de tête supplémentaire pour qu'il n'aille s'asseoir à côté de la porte. Silencieux comme une ombre, les sens en alerte au cas où quiconque viendrait pour interférer. Novak détourne finalement la tête et se dresse devant la porte. Son poing s'écrase sur le battant. Un coup, deux coups. Il fourre le papier dans sa poche. Ses yeux fixent le judas, dans lequel il peut apercevoir l'appartement rétréci par l'effet d'optique. Y a du mouvement, derrière. Quelqu'un approche. Et alors qu'il sent l'inconnu sur le point de lui ouvrir, il se demande ce qu'il fout là. Il se demande ce qu'il est censé faire, une fois nez à nez avec lui. Essayer de le raisonner ? Le cogner, plutôt que d'avoir à essayer de s'expliquer ? Va falloir parler. Va falloir mettre de côté le dégoût qu'il a d'être là, et son envie de rentrer aussi sec pour foutre une volée à la geignarde qui l'a envoyé là. J'm'en fous, de ton putain de bébé même pas encore né. J'm'en fous, de toi.

Et j'm'en fous encore plus, de ton mari pas capable de gérer ses problèmes comme un grand. J'm'en fous des foudres qu'il s'est attirées. Il avait qu'à réfléchir avant d'agir, putain. Ça me regarde pas, tout ça. Et j'en ai honnêtement rien à branler de c'qui peut vous arriver.


Il regarde l'ombre dans le judas s'approcher de la porte, et il regrette. Il regrette d'avoir mis les pieds là, regrette de ne pas avoir opté pour la solution de facilité. Il aurait mieux fait d'laisser ce type régler le compte du mari, et de s'occuper de sa gonzesse écervelée par ses propres moyens. Quelques corps de plus ou un corps de moins, quelle importance ? Y avait qu'les cons pour se mettre des loups à dos et en appeler d'autres pour résoudre leurs problèmes. Y avait qu'des cons pour penser que les loups arrêteraient de mordre si on leur demandait. Et à cet instant précis, le loup en avait plein le cul. Le loup regrettait. Le loup était prêt à faire demi-tour et à s'en aller.

Mais c'était trop tard pour tourner les talons, et il le savait. Il avait déjà cogné. L'autre s'était déjà approché. Impossible de disparaître maintenant. Impossible de reculer. Fais chier.

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Malo Ryjkov

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MessageSujet: Re: killing strangers, (malo)   killing strangers, (malo) EmptySam 24 Fév - 0:06


Couleur limpide des travers de la nuit, les teintes vermeilles se diluèrent dans l’eau pour disparaître dans l’évacuation de la douche. Les ongles qui vinrent gratter l’hémoglobine séchée sur la peau, la nuque happée sous la chaleur du jet et la condensation dispersée dans des nuages de vapeur. Dans un soupir des essoufflés de la vie, il vint poser ses paumes contre le carrelage face à lui – tête baissée yeux clos. Le corps courbé dans la lassitude des nuits écorchées, il resta un moment prostré dans cette position avec pour symphonie le chahut de l’eau entremêlé au sang battant contre ses tempes. Peut-être qu’en laissant le temps s’effilocher sans se heurter contre lui dans la cabine étroite, la mécanique retrouvera sa cadence pour permettre aux heures précédentes de trouver compensation. Une soirée des plus banales qui s’était muée en une escapade laborieuse dans les confins des ruelles insalubres. Comme si la normalité du commun des mortels s’était faite étrangère pour son monde, qu’elle s’était banalisée dans la violence et les règlements de compte. Usure de la gangrène au bout de la conscience et sur l’épiderme, les poings ravagés à l’instar du corps musclé qui avait pourtant perçu. Les charognards avaient été de la partie, à clamer parcelle de tout pour presque rien, les babines retroussées sur les canines aiguisées et la lueur de l’avidité pressante dans les iris.

L’ordinaire n’avait pas fait exception pour cette nuit supplémentaire à laquelle s’était joint son frère. Alek s’était installé au bar du Smoking Dog en attendant sa fermeture, patientant avec seulement quelques bières en prenant soin de rester lucide tandis que lui-même s’était enfilé plusieurs verres de whisky pendant le service. Une fois les derniers clients égarés sur le trottoir en quête d’une lumière ou d’eux-mêmes, les deux aînés de la famille s’étaient enfoncés dans la nuit pour rejoindre un tout autre travail. C’était dans la pénombre d’une impasse oubliée que perduraient leurs activités illégales, la mauvaise graine ne laissait rien au hasard. Son frère se retroussait souvent les manches pour venir l’aider à entretenir ce business, et surtout pour s’y défouler également. Dans les combats de rue, les âmes esseulées s’esquintaient à s’y trouver un nouveau sens. Malo entretenait son royaume de poussière dans les corps à la dérive à la recherche d’un nouveau souffle, et Alek subsistait dans ses plaisirs camouflés de pouvoir être à la mise en œuvre autant qu’acteur de cette violence. C’était l’œuvre ancestrale d’un homme qui ne connaissait plus rien à la légalité depuis trop longtemps désormais. Les prémices d’un business florissant à la sortie de l’adolescence, quand les maisons de correction avaient comblé les dérives autrement que ce qu’elles devaient réparer initialement. On n’avait pas remis le loup sur le droit chemin, on lui avait apporté de nouveaux vices pour expier ses travers et prendre l’ascendant sur son existence de souffre. La survie des orphelins Ryjkov fut permise dans l’argent sale et le sang séché sur le bitume, tandis que la nécrose s’était immiscée au cœur des foyers de leur quartier infect.

Cette nuit aurait dû être comme toutes les autres, de cette même dynamique qui évoluait dans un temps suspendu avant que chacun reprenne son chemin comme si leurs vies ne s’étaient jamais entrechoquées. Elle aurait dû, si ce n’étaient les imbéciles se pensant héros d’une quête périlleuse. Des jours que quelqu’un colportait diffamations et messes basses sur le compte de Malo, allant jusqu’à semer le trouble parmi certains de ses clients. Les bruits de la rue ne trompaient pas, mais il lui avait été impossible de remonter jusqu’à l’imprudent pour l’instant. L’imbécilité de ceux qui se pensaient invincibles avait fini par les mettre en faute, en lui apportant un des sous-fifres sur un plateau d’argent. Le malheureux était venu tâter le terrain et le personnage, sauf qu’il n’avait pas tenu longtemps face au flair du prédateur et il s’était heurté non seulement contre sa cible, mais contre son frère également. Les vérités criardes s’étaient égarées sous la lune tandis que le corps s’était abîmé sous la colère froide de celui qu’on ne se mettait pas à dos. Son frère n’était pas intervenu, seulement pour empêcher la taupe de prendre la fuite une fois sa couverture dissoute aux yeux de tous. Il avait continué de s’occuper des derniers habitués encore échauffés, alors que Malo avait entraîné l’homme plus loin. Là où le silence ne mentait pas, là où les cris s’étouffaient contre le béton. Un nom, c’était la seule chose qu’il lui avait demandé. Répétition brûlante au bord des lippes au creux des mains, cherchant à le désagréger dans les brisures de son corps de son existence. Un nom, ce fut la seule chose qu’il ne lui concéda pas – seulement parce qu’il ne le connaissait pas. Une histoire échangée autour d’une pinte miteuse, par le hasard. Ce même hasard qui l’avait conduit sur le mauvais chemin, comme tous ceux qui cherchaient à l’éteindre.

À l’aube des premiers éveillés, quelqu’un trouva un corps échoué contre le macadam au pied d’un immeuble insalubre. Défiguré, la respiration pénible, peut-être même absente, on ne tarda pas à retrouver son identité grâce à ses papiers. Un repris de justice délinquant comme il y en avait tant dans les quartiers malfamés de Savannah, ce qui ne porta pas en sa faveur. Bien qu’amené à l’hôpital, aucune plainte ne fut déposée, et tous s’accordèrent sur un règlement de compte. Seule l’impartialité des basfonds de la ville était intervenue, et personne ne creusa plus loin.

Le périple nocturne avait pris fin seulement lorsqu’il avait évacué la tension sous la puissance de l’eau brûlante, en s’absolvant de lui-même ses pêchés. Il resta un temps indéterminé ainsi, jusqu’à ce que sa peau ne devienne trop rouge et l’air irrespirable. Il ne se formalisa pas d’une tenue décente en sortant torse-nu de la salle de bain pour aller s’occuper du ventre à quatre pattes qui l’attendait impatiemment dans la cuisine. Impossible de préciser lequel d’entre l’humain ou le chien fut le plus surpris des croquettes dans la gamelle, certainement l’animal qui le dévisagea de cet air incongru devant cette nourriture dont il n’avait pas l’habitude. Captain était logé à la même enseigne que ses maîtres, autant dire que ses repas étaient aussi divers et variés qu’était constituée la malbouffe des énergumènes. Un bruit sourd vint mettre un terme à l’échange silencieux entre les deux bêtes, l’un plongeant dans sa nourriture tandis que l’autre rassembla. Alek devait passer récupérer les affaires qu’il avait oublié la veille, n’étant pas repassé par l’appartement pour rentrer chez lui. Il n’avait donc aucun doute sur l’identité du visiteur, d’autant plus qu’il y avait peu de personnes qui se contentaient de frapper et non de sonner – elles faisaient toutes plus ou moins partie de sa famille. Tout du moins, tous ceux qui connaissaient l’aversion de Captain pour la sonnerie stridente et qui n’avaient pas envie de l’entendre à en faire trembler les murs. Pourtant, ce n’était pas la silhouette familière de son frère qu’il aperçut à travers le judas. Pas la même carrure, pas la même aura dégagée aussi. De cette tension qui éveilla aussitôt tous ses instincts.

L’agitation soudainement palpable chez son maître perturba le chien dans son repas qui vint se poser à côté de la porte d’entrée, grognant comme en prévention à ce qui se trouvait de l’autre côté. Malo enfila le premier t-shirt qui lui tomba sous la main, trouvant aviser de glisser également son arme à sa ceinture dans son dos avant de rabattre le vêtement par-dessus. Après la nuit qu’il venait de passer, la prudence s’imposait de force. Pourtant, ce n’était pas l’inquiétude qui prévalait dans ses traits lorsqu’il ouvrit la porte pour faire face à l’inconnu. Seulement la méfiance nonchalante du russe impassible tandis qu’il le dévisageait, avant que son regard ne coule vers le molosse assis à ses côtés. Une seconde de latence durant laquelle il haussa légèrement les sourcils, évaluant le degré de dangerosité que pouvaient constituer ses incongrus visiteurs. Puis son regard se porta sur son propre chien désormais bien en alerte, et il siffla à son attention tout en lui indiquant la direction du salon. Le doberman ne le fit pas attendre et se rendit penaud à sa destination, soulageant au moins d’un poids Malo. Il n’avait aucunement envie que les deux chiens se mettent en tête de se faire les crocs l’un sur l’autre, et il ne connaissait pas non plus l’intention du géant quant à ce sujet. Enfin, la pénombre de ses prunelles se posa à nouveau sur l’inconnu, dont l’identité prenait doucement sens à ses yeux. Il avait bien assez entendu parler de lui pour se douter de la personne qui lui faisait face, certain que l’accent qu’il entendrait bientôt lui confirmerait son hypothèse. « Ouais ? » qu’il lâcha dans l’embrasure de la porte, avant d’attraper son portable pour envoyer rapidement un message à son frère. Ne vient pas pour l’instant, j’te tiens au courant. « Un problème ? » Ce type n’était clairement pas de son immeuble, encore moins du quartier. Ses voisins prenaient rarement la peine de lui rendre visite, autant dire que les visages inconnus se présentaient très peu à cette porte. Il classa naturellement celui-ci dans les mauvais augures, de ces individus qui ne pouvaient venir que pour des raisons obscures propres à ses activités illégales. Le pli d’une de ses pommettes tressauta, soucieux d’un détail. « Qui t’a filé mon adresse ? » Il était évident qu’il ne s’était pas égaré, toute sa personne clamait être au bon endroit.
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MessageSujet: Re: killing strangers, (malo)   killing strangers, (malo) EmptyLun 5 Mar - 21:12

La porte n'était pas encore ouverte qu'il regrettait déjà de s'être pointé. Ses tripes le lui disait : ce qu'il trouverait derrière n'allait pas lui plaire. Fallait pourtant croire que, pour la première fois depuis longtemps, il avait décidé de les faire taire. Décidé de ne pas les écouter, planté là, à fixer le judas vissé au centre du battant. Y avait le chien à ses côtés pour lui rappeler les intentions patibulaires dans lesquelles on l'avait envoyé. Le chien pour intervenir, si besoin était. Le chien qui n'avait rien à voir dans tout ça, et qui aurait sûrement préféré aller se promener au parc. Et pour une fois, le maître aurait été d'accord avec ça. D'accord avec n'importe quoi — sauf avec ça. Sauf avec cette porte à laquelle il avait frappé, et qui allait s'ouvrir trop vite pour qu'il ne puisse s'enfuir. Sauf avec ce règlement de comptes qu'on lui avait demandé d'infliger, mais duquel il n'avait aucune envie de se mêler. Fallait croire qu'il s'adoucissait, depuis quelque temps. Qu'il relâchait la méchanceté, dans sa volonté de se plier au mode de vie américain, et de ne pas se faire coffrer pour le moindre coup déplacé. Et ça commençait à le gonfler. Ça commençait à le tirailler férocement — comme en cet instant. Prêt à faire demi-tour. Prêt à siffler le chien et à s'en aller, se moquant du couloir vide qu'il laisserait derrière lui quand l'autre ouvrirait. Prêt.

Prêt.
La poignée tourne.
Trop tard.

Ses yeux se braquent sur la silhouette qui apparaît dans l'ouverture. C'est pas large. Juste assez pour que l'autre y passe la tête, trop peu pour que le serbe puisse avoir un accès visuel à l'appartement derrière lui. Mais il devine le chien, aux cliquetis des griffes sur le plancher, et aux oreilles soudainement tendues de Кербер. La manière dont l'autre l'envoie ailleurs confirme ses suspicions. Novak, lui, ne bouge pas. Sachant que sa bête ne cillera pas tant qu'on ne le lui ordonnera pas. Sachant que son vis à vis n'a rien à craindre de lui, tant que les hostilités ne démarrent pas.

Les yeux du russe se posent à nouveau sur le serbe. Celui-ci n'a pas bougé. Pas parlé. Il attend, incapable de faire le premier pas dans cette situation qui le mettait dans un inconfort peu commun. Il ne s'attend à aucune amabilité. N'en veut pas. Les manières, c'est pas son truc, et il se doute que ce n'est pas celles de l'autre non plus. Il n'a pas mis longtemps à comprendre chez qui il avait frappé. Pas mis longtemps à associer un nom au visage qui s'était présenté, et à piger qu'il allait falloir empêcher à tout prix les choses de dégénérer. Il aurait pu se tirer. Il aurait le faire. Mais il restait planté là. Immobile. À le toiser. Évaluant rapidement la situation. Comprenant qu'il ne pouvait pas cogner, encore moins tuer. Comprenant qu'il ne pouvait pas non plus partir comme s'il ne s'était rien passé. L'autre allait se poser des questions — et ce serait son droit. Il faudrait que Novak y réponde, s'il voulait blanchir le gang de toute suspicion. Il faudrait qu'il prenne les choses en main. Qu'il réfute les mauvaises idées. Achève les hypothèses. Explique la vérité, le plus sommairement qu'il le pourrait. Car Malo Ryjkov était de ces ennuis qu'il ne pouvait se permettre de traîner derrière lui.

Chaque seconde qui passait, chaque mot que l'autre crachait, le ramenait davantage à sa connerie. Accès de générosité stupide, dont il se serait bien passé. Et qui commençait lentement mais sûrement à foutre le camp, alors que la liste des options se raccourcissait. Il avait vu l'autre bouger, derrière la porte. Son regard s'égarer un instant ailleurs. Un bras qui s'agite un peu. Pas besoin d'être un génie pour comprendre qu'il a sûrement son téléphone a porté de main. La question devient alors : appel ou texto ? D'ordinaire, Novak ne s'en soucierait pas. Il ouvrirait la porte d'un coup de pied, attraperait le téléphone et le lui ferait bouffer. Mais cette fois, c'est différent. Cette fois, il ne peut pas se permettre de pas de côté. Et encore moins si ce type venait de prévenir quelqu'un.

Il retient pourtant la question au fond de sa gorge. Dents serrées, les poings peinant à rester dépliés. Tout, dans cette situation, lui donnait envie de se briser les phalanges contre le mur d'à côté. Mais la colère n'était pas une émotion à laquelle il laissait le contrôle. Alors ses yeux restaient aussi froids que ses doigts, malgré le sang qui s'y accumulait, les flammes qui s'y répandaient. Il s'efforce d'équilibrer son poids sur ses deux jambes, de lutter contre l'instinct qui lui dit de foutre le camp et d'aller planter une balle dans le crâne de cette catin. Il ne fait rien. Ne cille pas, ne répond pas. Même quand on lui demande comment il a obtenu l'adresse. Il toise l'autre. De haut en bas, de bas en haut ; il inspecte ce qu'il peut voir, toujours inquiété par le téléphone qu'il avait manipulé. Peu désireux d'être enregistré, ou sur écoute. Encore moins désireux qu'on ait prévenu qui que ce soit de sa présence. Alors ça lui prend quelques secondes de plus avant de réagir. Avant de laisser son poids tomber sur une de ses jambes, et d'ouvrir finalement la bouche. Les yeux qui s'écartent du type. Pas envie d'avoir l'air plus menaçant que sa carrure ou sa présence ne peuvent déjà l'être. Pas envie de réclamer plus d'ennuis qu'il n'est déjà sur le point d'en avoir. « Arrête de chercher c'type. » Après tout, c'est pour ça qu'il est là, non ? Pour lui dire d'arrêter. Lui faire comprendre que c'est une mauvaise idée. Pour être la voix d'une idiote dont il ne voulait rien savoir, et qui commençait sérieusement à tester les limites de sa patience. Et à la seule pensée de l'emmerdeuse, un léger soupir fait gronder le fond de sa gorge. Ses yeux se reposent sur le russe, alors que les mots qu'ils crachent deviennent plus noirs. Venimeux. Sortent des limites de ce qu'on lui avait demandé, et empruntent des chemins que la gamine ne s'attendait sûrement pas à le voir fouler. « Ou occupe-toi de sa bonne femme, au moins. » Elle commence à poser trop de questions, tu vois. Et elle est peut-être là, la vraie raison de sa présence. Peut-être que ce n'est pas de rendre service, après tout. Peut-être que c'est simplement de dire à ce type qu'il en a marre de se faire emmerder. Peut-être que c'est de l'informer qu'il sait où vit la cruche, et que le russe est mieux de la faire taire à sa manière avant qu'elle ne se mette à trop parler. Parler dans des oreilles qui voudraient bien l'écouter. Qui voudraient bien l'aider. Après tout, mieux valait voir son mari en prison que mort, non ? Pour le bébé à venir, ce serait mieux. Et ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne prenne la décision d'appeler les flics et de les mettre dans la merde, tous les deux.

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MessageSujet: Re: killing strangers, (malo)   killing strangers, (malo) EmptySam 21 Avr - 22:25

Le doberman observait son maître depuis son piédestal de fortune, échoué sur le tapis du salon sans perdre une miette de la scène. Il ne pouvait pas apercevoir l’homme colossal dans l’entrée, entre la porte entrebâillée et Malo qui prenait le reste de la place dans l’encadrement. En revanche, il ressentait bien la présence de l’autre chien, quelque part derrière la cloison, et cette présence le rendait nerveux – agitation palpable dans sa queue balayant l’air et ses yeux globuleux brûlant le dos du russe. De cette vue, tous les éléments laissaient entendre la tension dans laquelle il se trouvait. La silhouette de l’arme enfoncée à sa ceinture, devinée par le renflement du tee-shirt enfilé par-dessus – pourtant ce n’était qu’une précaution habituelle. On pouvait même apercevoir la contraction de ses trapèzes dans cette posture, les pieds solidement ancrés dans le plancher mais les muscles prêts à agir – pour se défendre, pour esquiver, pour attaquer. Il ne savait pas à quoi s’attendre, alors il envisageait toutes les possibilités. Il avait encore un bras à l’abris des regards extérieurs, dans la paume duquel il tenait son portable. Il avait prévenu son frère à la hâte, sans prendre le temps de s’assurer que le message s’était bien envoyé, ou s’il l’avait bien reçu. Dans tous les cas, il espérait qu’Alek y prenne attention et ne décide pas venir chercher ses affaires malgré tout – la dernière chose qu’il voulait, c’était de mettre son frère en présence du serbe, et donc potentiellement en danger.

Sous l’angle du couloir, Novak avait en face lui un homme dont l’apparence tranquille s’emmêlait à la méfiance qui se peignait au fond de ses yeux. Peut-être que la présence du presque-cadavre abandonné dans la nuit, que toute l’histoire qui gravitait autour, étaient des raisons supplémentaires pour ses épaules tendues, les veines de ses bras ressortant à mesure que chaque muscle s’appropriait des parcelles d’adrénaline défensive. Peut-être que ce n’était pas le bon moment pour se retrouver dans ce type de confrontation ; mais il n’y avait jamais de bons moments dans l’existence des cafards. Ce n’était pas tant le fait de se retrouver en face du serbe qui le dérangeait, ça ne changeait en rien la nature de tous les échanges qu’il avait eu dans d’autres circonstances plus ou moins compliquées avec divers individus. Ça faisait partie de son quotidien, de celui auquel sa famille aurait aimé l’arracher, de celui pour lequel son couple s’était déchiré. Aujourd’hui, il n’y avait plus qu’une bague au bout d’une chaîne pour conter cette histoire, celle qui aurait pu se terminer autrement – loin de tout ça, loin des fantômes et des monstres. Mais un loup n’abandonnait pas sa meute, et même s’il se servait de cette excuse comme un prétexte pour continuer ses sales affaires, elle n’en était pas moins réelle. Et ici, dans tout le quartier, dans cet immeuble, sur ce palier : c’était le territoire de sa meute, son territoire. C’était chez lui. Il était là, le problème qui le rendait réellement nerveux, alors qu’il ne quittait pas du regard le gars en face de lui. Cet homme était assurément de ceux qu’il ne pouvait pas se permettre de se mettre à dos, autant pour le bien de sa famille que celui de ses affaires. Et cet homme-là, était présentement sur le seuil de son appartement. Sa seule présence en ces lieux constituait une menace. Ce qui n’aurait jamais dû arriver, personne ne se rendait jusqu’ici. Les règlements de compte se faisaient dans la rue, moins d’encombres, moins de témoins personnels, que des yeux étrangers d’un monde indifférent quand ce n’était pas fait à l’abris des regards. C’était bien au pied de cet immeuble d’Historic District qu’on avait abattu Lula, personne ne s’était attardé à la cueillir à cette porte. Novak entre ces murs, c’était une faille dans l’écosystème de la mauvaise graine. Une brèche par laquelle tous les malheurs pouvaient encore arriver, et avec eux, leur lot d’emmerdes.

Il n’avait aucune idée de la raison de cette visite. Il percevait bien cette tension commune que les deux hommes partageaient, alors qu’il lui posait ses questions sans s’embarrasser d’un vocabulaire encombrant ou de fausses manières. Novak paraissait presque aussi tranquille que lui, certainement en raison de sa nature patibulaire, mais il dégageait une énergie qui n’augurait aucun bon présage. Malo ne parvint pas à déterminer exactement ce qu’avait suscité sa question alors que le serbe s’ébranla légèrement pour le détailler du regard, mais deux choses étaient certaines : il lui fallait impérativement une réponse, histoire d’aller faire oublier son adresse à celui dont la langue avait fourché ; et il n’appréciait guère être jaugé ainsi. « Arrête de chercher c'type. » Le russe qui paraissait pourtant si droit, sembla se redresser encore plus à l’entente de ses mots. Ces paroles trouvèrent un écho désagréable avec la tournure qu’avait pris sa nuit, alors que c’était justement à cause d’un type inconnu au bataillon qu’il en était venu à déverser sa colère après ses menaces, sur un autre sombre crétin qui avait mal évalué sa cible. « Si j’comprends bien de quel type tu m’parles, non. J’arrêterais pas. » Autant que les chose soient clarifiées immédiatement. Dans sa main cachée dans l’ombre de la porte et de son corps, une vibration lui signala l’arrivée d’un message. Putain c’était bien le moment. Ses doigts se crispèrent sur le téléphone tandis que son regard cherchait à évaluer le possible danger dans les prunelles de l’autre, alors qu’il n’avait même pas cherché à lui accorder cette faveur pour laquelle il semblait avoir fait le déplacement. Ça n’allait certainement pas lui plaire, mais eh, il savait comment ça marchait, lui aussi. Serbe ou russe, peu importait leur nationalité, ils traînaient autant dans des trucs louches et tous deux savaient ce qu’il advenait des balances et des mauvaises langues.

Quand Novak s’ébranla, il se prépara mentalement à prendre un coup ... qui ne vint pas. Le changement dans la pénombre de son regard et dans le grognement muet de ses entrailles ne lui semblait pas être destinés, pas entièrement en tout cas. « Ou occupe-toi de sa bonne femme, au moins. » Sa mâchoire se contracta, il n’aimait pas ce qu’il entendait. L’affaire aurait pu être simple, si elle ne prenait pas déjà trop d’ampleur et trop de temps. Mais la mention d’un proche la rendait encore plus délicate, et ça l’exaspérait au plus profond de son être. C’était toujours compliqué quand un homme partageait son travail douteux avec sa moitié, voire même ses enfants. Se décharger comme ça, sans précaution aucune, c’était d’un égoïsme incommensurable et d’une faute profonde. Des têtes innocentes se retrouvaient alors avec pensées insalubres et tout ce qui allait avec dans l’ombre, les alliés les ennemis les menaces les secrets les trahisons l’argent sale. Leur sang finissait toujours par couler, c’était inévitable. Une fois qu’ils savaient, ils étaient condamnés. Il le savait amèrement – et pourtant il n’avait jamais mêlé sa femme à ses histoires, il avait toujours pris soin de tenir Lula la plus éloignée possible de son business. Un sourire de lassitude s’étouffa au bord de ses lèvres avant qu’il n’ouvre la bouche. « Qu’est-ce qu’elle raconte, à qui ? » Une pause. « Et qu’est-ce que tu sais ? » Le serbe pouvait bien être agacé de toutes les questions qu’il voulait poser, mais Malo était sur son territoire. Il ne s’en priverait pas.

C’était une tare pour un homme qui trempait dans les basfonds de se traîner de sales rumeurs sur sa personne. C’était mauvais pour les affaires, mauvais pour les relations. C’était la méfiance qui s’immisçait chez les partenaires, le doute qui faisait disparaître quelques clients, et le danger qui se profilait dans l’ombre de chaque membre de la famille. Il ne pouvait pas se permettre que le type en question continue de colporter des mensonges à son encontre, ou même la vérité, mais aux mauvaises personnes. Comme il ne pouvait pas laisser sa bonne femme en faire de même, car si son mari n’avait pas eu la décence de la mêler à tout ça, il devait au moins avoir un certain instinct de survie. Il voulait le mettre dans la merde, clairement, mais il choisissait correctement les personnes à qui il se confiait. Sa femme, elle, n’en avait aucune conscience – et semblait de nature à mettre au courant tout le voisinage. « C’est lequel des deux qui t’as filé l’adresse ? » Dans le fond, ça n’avait aucune importance. Le couple était désormais dans la même galère, à la dérive.
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