Parfois il avait du mal à comprendre Reid... du mal à comprendre pourquoi son médecin le portait en une si haute estime. Car encore une fois ce dernier était venu vers lui pour lui demander un service, lui demander, officieusement, de s'occuper d'un autre patient qui semblait avoir quelque difficulté avec sa condition... comprendre par là le VIH. Pourtant Reid n'était pas quelqu'un qui vivait bien avec la chose, il n'était pas quelqu'un de fort, c'était même quelqu'un qui était encore sujet à de nombreuse crise de panique à cause de ça et s'isolait régulièrement pour déprimer... mais il était vrai qu'il ne lâchait cependant rien. En effet il suivait scrupuleusement son traitement, se rendait à chaque rendez vous, faisait tout son possible pour... pour que son cas ne s'aggrave pas. Mais est-ce que cela faisait de lui un bon guide pour les autres plus en crise que lui ? Il ne savait pas... mais il ne se voyait pas lui refuser ce service alors qu'il avait toujours été tellement agréable avec lui et à l'écoute.

C'était comme ça qu'il avait fini dans la salle d'attente, ceci alors qu'il n'avait plus de rendez vous avec son médecin aujourd'hui. L'idée était d'y croiser ce jeune, Ariel de ce que lui avait indiqué son médecin et de créer un premier contact avec lui. En soit c'était sans doute le plus simple, cela ne le forçait pas à rester longtemps vu que de toute manière il aurait son rendez vous après, leur laissant minimum une heure pour parler vu que c'était toujours long d'attendre ici et retirant un peu les a prioris d'une rencontre arrangée... même si au final ça en était totalement une ! Et que Reid n'était pas certain d'aimer cette théorie du complot... surtout si le jeune homme était aussi sauvage qu'il en avait l'air. Car oui, il l'avait déjà repéré ce jeune brun qui semblait en permanence entouré de désespoir. Il faisait peine à voir le pauvre et en même temps... il dégageait ce truc qui faisait dire qu'il ne voulait pas qu'on l'emmerde... et du coup Reid était quelque peu mal à l'aise à venir le déranger. Mais bon, il fit un effort, quittant son siège pour s'installer à côté de lui, luises éternels kilts d'ailleurs. Il tenta alors un sourire tout en tendant la main « Salut ! Moi c'est Reid ! J'espère que tu m'en veux pas trop de venir t'embêter. Mais ça fait plusieurs fois que je te croise maintenant et je me suis dit... que ce serait bien de faire connaissance, non ? Surtout vu le nombre d'heures que l'on passe ici à chaque fois. » Il avait essayé d'être le plus souriant, le plus amical possible tout en évitant d'aborder directement le sujet de leur état de santé commun. C'était rarement une bonne introduction...

Tes seuls rendez-vous, tes rencards adorés, toujours les mêmes horaires, le même lieu, le stéthoscope pour draguer, les pieds sur la balance pour flirter, le rappel des mauvaises nouvelles comme seul promesses d’oreiller. Les ordonnances pour papier de marié, la belle et douce maladie qui chante à tes oreilles à chaque lundi. Tu détestes ces moments trop violents, trop violents comme une balle à la tempe, « tu te souviens ? T’es malade » et le regard des autres patients chanceux te regarder comme le condamné malheureux. Tu fais tâche à côté des rhumes et des vaccins, t’es l’habitué du cabinet, on sait tous ta destiné, qui sait peut-être qu’on te reverra plus demain. Tu fumes dehors, près des fleurs, le bagne devant toi dont tu connais toutes les moisissures, toutes les peintures. Maman elle n’est pas là. Elle doit travailler. La consultation tu la payeras avec l’argent sale, t’essuieras comme un grand les regards de pitié de Monsieur le Docteur. Il a envie de te sauver lui et ses bonnes nouvelles, quand tu lui dis au revoir tu les jette toutes à la poubelle. T’en a marre d’espérer. La réalité c’est que t’es malade à en crever, et que la révision pour garder tes organes en état de marche, elle fait brûler les billets. Puis avec les « on cherche un vaccin », y’a les « tu te nourris bien ? » mais bébé, les gens comprennent pas qu’ici faut choisir entre vivre ou manger et que de l’argent y’en a pas assez. Et tu fumes ces clopes de riche que t’as piqué à ta mère, elle qu’a promis d’arrêter et qui pensait garder son stock secret. Le Docteur il est pas content. Tu fumes, c’est pas bien. Mais maman elle t’a dit de rester poli alors tu gardes tes « y’a un vaccin contre la nicotine ? Tant pis alors, je continue de vivre avec en attendant » que t'aimerait lui cracher parce que t’adores l’humour. T'adorerais lui rappeler que tu vis avec le virus en attendant qu’il y ait un vaccin puis tant pis si tu crèves avant, on verra bien ! Alors tu fais la gueule. Mais le docteur sait que t'es chiant, comme quelques autres, il te pardonne tes signaux de détresse.

Ta clope grillée, tu la fais tomber sur le trottoir, la bonne santé de la terre passe après tous tes problèmes, et tu rentres, présentation à l’accueil avant d'aller t’asseoir pour une heure. Les vieux magazines et leurs articles aux polices trop fines et petites te fatiguent la vue alors tu les laisses se désintégrer sur la table. Mais finalement t’aurait peut-être dû faire semblant d’être occupé à regarder les pubs parce qu’on vient s’asseoir à tes côtés. Tu lèves tes yeux crevés vers ce garçon, t’as la flemme de faire le misanthrope surtout parce que y’a interêt à ce que tu te fasses pas virer d’ici. Le regard que tu dévies ailleurs, tu sers sa main pour le paraitre. Mais t’es pas bon pour ces choses-là, t’arrive pas à sourire, ça vient pas. « Pourquoi faire ? » que tu lui demandes face à son initiative. C’est quoi l’embrouille ? T’as rien demandé toi, tu t’en fous si personne se parle dans cette salle d’attente, après tout personne n’a envie d’expliquer pourquoi il est là. Surtout pas toi.

Des fois Reid il se demandait pourquoi il acceptait de faire ça, de rendre ces services... il n'était même pas bon pour ça ! Pas bon pour le social, pas bon pour quoi que ce soit qui touchait la vie des gens. Oh bien sûr il avait des amis... à dire vrai il avait même beaucoup d'amis mais... il n'en restait pas moins pas du tout à l'aise avec lui même et avec sa condition donc aborder les autres pour parler de ça... c'était clairement de l'hypocrisie ! Surtout quand il lançait de grands discours moralisateurs et plein d'espoir alors que lui même se bousillait sa vie à cause de ça en se coupant de tout ce qui était bon pour lui... comme l'amour par exemple... Pourtant il était là, là pour tenter d'aider une pauvre âme qui semblait avoir bien des difficultés à accepter ce qui lui arrivait. En même temps comment aurait-il pu dire non Reid ? Il savait justement que trop bien ce que cela faisait d'être perdu alors même si il n'était pas doué, même si il était hypocrite, il ne pouvait juste pas ne pas tendre la main à quelqu'un d'autre comme il aurait aimé qu'on le fasse pour lui.

Il était donc allé vers ce garçon, plus jeune que lui très clairement, s'était installé à ses côtés avant de commencer à se présenter. Bien sûr ça devait paraître bizarre, surtout dans un monde où quand il y avait deux personnes et trois sièges la normalité voulait que le siège du milieu reste vide et que l'on se coupe des autres. Mais voilà... il fallait bien commencer d'une manière ou d'une autre, non ? Et le fait de l'avoir vu régulièrement dans cette salle d'attente les autres fois... disons qu'il espérait que ça l'aiderait à trouver une justification à une telle volonté de se connaître qui autrement sortait de nul part. Cependant, si Reid avait tenté d'être le plus chaleureux du monde, la claque glacé qu'il se prit aurait presque eut de quoi éteindre la flamme totalement. Pourquoi faire ? Mmmh... « Bah... euuuh... car je trouvais ça plus sympa de partager ça à deux que tout seul... » avait-il alors lâché, les joue rouge et le regard baissé, parlant de leur problème commun bien entendu. Il avait aussi oublié de lui lâcher la main, la relâchant alors dans un sursaut « Je sais quel docteur tu vas voir... et il y a pas trente six mille raison d'aller le voir lui. Et genre... je vois le même... donc je me disais qu'un peu de soutien, de compagnie, serait pas vraiment de trop. » Pas seulement pour lui, pour ce garçon, mais aussi pour Reid au final qui aimait bien l'idée de pouvoir partager ça avec quelqu'un qui le comprenait.

Tu l’observes cet être presque angélique venu vers toi avec l’excuse pudique.  Il veut faire ta connaissance, mais t’y crois pas à ce genre d’innocence. Tu lui demandes toi, pourquoi ? Une question simple qui glisse de tes lèvres en un murmure, comme s’il fallait tenir écarter de ta voix les murs. Pourquoi ? Pourquoi faire ? Tu ne veux pas être exemplaire, ni passer ton temps à plaire. Tu ne veux pas prouver à la secrétaire que tu sais articuler quelques mots, ni faire plaisir au docteur de te voir agir comme les gens normaux. Ceux qui parlent pour combler le vide, ceux qui lancent aux gens des sourires timides. Tu le regardes baisser la tête, désarmé face à ta stupide question, suffirait de te demander d’être un peu moins con, de sourire parfois, d’au moins dire ton nom. Tu comprends encore moins. Pourquoi il s’inflige ça s'il n'a pas la carrure pour affronter ton armure ? C’est déjà pas assez dur de se retrouver ici ? Faut en plus se rendre ridicule avec des conneries ? Tu le laisses galérer parce que tu ne sais pas rassurer et que tu as ce sentiment d'être piégé alors tu montes tes stratégies, tu places tes pions. Tu rends malade avec tes illusions. Il a les joues rouges, agrippe ta main comme si tu allais fuir, l’abandonner dans sa vaine tentative de t’intégrer à la société. Mais la secrétaire te regarde du coin de l’œil, les caméras tournées vers toi, tu as la désagréable impression de passer un contrôle, que le docteur t’observe derrière les murs, que la société prend des notes. Quelle impression idiote. Tu es mal à l’aise mais tu es cerné, l’autre ne veut pas te lâcher, et la secrétaire à le pouvoir de te virer. Alors tu ne dis rien quand sa main chaude serre tes doigts, que tu vois ça comme une approche intrusive, l'irritation vive. Tu plantes juste tes dents sur ta lèvre et tu attends. «  " Sympa "… » que tu murmures plus pour toi. Tu fronces les sourcils, les mots cruels qui fusent. « Sympa ? Parce que tu trouves ça fun de partager ça ? Wow quel point commun formidable, devenons les meilleurs amis du monde ! », mais tu dis pas ça. Tu attends, tu hoches la tête lentement. T’essaies de libérer ta main, tu te racles la gorge, et l’autre comprend enfin. Tu es gêné. Vraiment gêné. Tu caches rapidement tes mains dans les poches de ta veste, tu fixes un point, t’essaies de sortir de ce putain de test. Cette rencontre était prévue pas vrai ? On lui a rien dit pour ne qu’il fuit, on l’a laissé croire que ce lundi serait comme tous les autres avant lui. Mais le plan c’était cette rencontre ? C’est quoi le but ? Il aime pas ça. Reid est malade aussi qu'il dit. Mais qui sait ? Peut-être qu’il joue simplement la comédie. Qu’il est là simplement pour quelques informations, poser quelques questions pour avouer peut-être ? Peut-être que le docteur veut quelques précisions. « Comment tu as attrapé le virus ? Hein ? Comment ? », tu es qu’un pauvre cobaye pour la science et les commères veulent savoir l’origine de ta sentence. « C’est ta mère c’est ça ? L’histoire du prêtre c’était qu’une connerie ? »

« J’suis pas de bonne compagnie », t’as l’impression de te répéter, tu murmures la voix lassée, l’impression d’être encerclé. Tu hausses les épaules et tu n’as pas l’alcool pour gonfler ton arrogance, ton insolence. Tu murmures simplement ces quelques mots comme un aveu honteux, peut-être que Reid à un micro dans sa chemise, qu’il enregistre tout, que ce n’est qu’un robot qui vient de tu ne sais d’où. « J’sais pas toi mais moi j’aime pas trop parler de ça donc que ce soit toi », robot en envoyé spécial, « ou l’docteur, c’est la même chose » j’ai mal mais j’dirais rien. J’avouerais rien. J’vous donnerais pas les balles pour me tirer dessus, vous avez déjà fait assez de troues.