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 Worst love _ (Naven)

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MessageSujet: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyLun 26 Mar - 15:48

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Seven & Eanna
OBSCURE PROMISES

L’horloge bousille le temps.
Je le regarde s’étirer un long moment alors que je me tortille sous la couette sans discontinuer. Il est vingt-trois heures. Soit deux minutes de plus que la dernière fois où j’y ai jeté un œil. Deux éternités. Ou est-ce en tout cas ainsi que mon corps le ressent. Mes muscles vrombissent d’impatience due à la journée de repos que j’ai subi.
Ce matin j’avais la gueule trop en vrac, assommée par ce coma réparateur dans lequel je me vautre une fois la poudreuse entièrement intégrée à mes cellules. Du coup j’me suis faite portée pâle au boulot. Une excuse qui – j’espère – commencera pas à ressembler à une ritournelle.
Les questions fusent pas pour autant. De quoi me rappeler mon statut d’humble serveuse anonyme.  Personne s’inquiète de mes traits s’amincissant progressivement. Ou des cernes qui mangent mon regard. C’est plus facile de se contenter d’un « ça va » machinal auquel une réponse tout aussi peu naturelle mais traditionnelle vient s’ajouter. « Et toi ? »
C’est si simple d’être une machine.

Bref. Une glorieuse journée passée à comater devant la télé. Des programmes qui rendent idiots. Des pubs qui grignotent le cerveau. L’infâme soupe de documentaires insipides m’a empêché du moindre mouvement cérébral, pile de quoi soulager mes pauvres synapses sur-sollicités la veille.
Les images floues de la nuit dernière se superposent à celles de l’écran, portées par une courte houle. J’me revois dans la foule à essayer de ne pas perdre mon cavalier au milieu des gens bourrés. Ça me parait absurde maintenant. (Y a les lumières qui dansent sur ses épaules et mon rire tombant en cascade sur son dos. ) J’suis pas foutue de me rappeler de qui il s’agit.
J’ai tenté de lire, mais très vite les caractères se sont faits sans saveur sous mes yeux. Je rempile dix fois sur la même ligne sans en saisir le sens. Et je me laisse gagner par le silence, téléviseur en veilleuse, à regarder le soleil tomber dans le ciel.
J’habite une petite piaule qui me coûte un bras et deux reins en plein River Street. C’est Sam qui s’est chargé de me la dégoter, et j’lui en suis reconnaissante même si  j’abhorre complètement les murs d’un vert pâle immonde. En revanche j’parviens presque à trouver un certain charme aux fissures qui ornent le plafond… Non, en vérité j'm’en fous pas mal. C’est juste que ces vingt mètres carré m’offrent le luxe de me proclamer chez moi. D’avoir enfin une adresse fixe à écrire sur les papiers officiels. Délivrée de la surpopulation de l’ancienne coloc’ des Kids. J’suis dorénavant suffisamment loin de toutes ces conneries pour pouvoir me détendre gentiment.
Mes jambes m’emmènent jusqu’à mon lit sans que j’émette la moindre protestation.
Mes paupières papillonnent. Me trahissent. Tombent.

L’horloge me ment.
Elle indique trois heures du mat avec ses petits chiffres qui me narguent. J’ai l’impression d’avoir fermé les yeux une seconde. Et pourtant je sens déjà le sommeil me fuir à toutes jambes et cette putain d’envie arriver. Ça va m’tourmenter, je le sais.
J’me redresse comme une somnambule et dégote mon blouson dégueulasse. Chacune des poches est retournée, inspectée. Mais je tombe que sur des sachets froissés et surtout vides.
Vides, vides, vides. PUTAIN !
Il m’faut ma dose. Rapidement.
Le problème c’est que mon dealeur officiel s’est fait serrer comme un blaireau la semaine dernière. Hop ! Au trou. Et plus de poudre pour les paumés. Ce qui est terrible, parce qu’à la simple idée des petits cristaux blancs et craquants j’en ai l’eau à la bouche. J’vais finir par débloquer à force. Me mettre à chialer ou à rire comme une bossue.
Et puis ça se connecte là-haut. Dean m’a filé le numéro de son vendeur l’autre fois en pensant me faire une fleur pour les soirs de fête. Je fonce jusqu’à mon portable pour le retrouver. L’écran me bousille la rétine avec sa page d’accueil à la con. Puis il finit par me donner le Graal. Pas de nom, juste une suite de chiffres. Je les compose avec fébrilité en priant toute la sainte trinité que le mec décroche à une heure pareille.
Y a juste le bip du répondeur qui résonne.
« Euh… » Ca valse furieusement entre mes neurones. La crise de manque est juste là : j’ai pas le choix. « Bonsoir, j’aurais besoin d’un service. J’suis dans le quartier de River Street. On peut se retrouver sur le parking du Royal Smoak si ça vous va. Envoyez-moi un message quand vous y êtes. » J’hésite un court instant avant d’ajouter : « Si vous m’trouvez pas demandez Nana au comptoir. »

Évidemment, j’sais pas encore que je saute à pieds joints dans la gueule du loup.

Je raccroche et enfile les premières fringues qui me tombent sous la main. Y a plus que la promesse totalement incertaine de la coke qui me tient en otage.
La porte claque tellement fort qu’elle en grince d’indignation.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyMar 27 Mar - 10:49

L'écho de l'océan comme une berceuse pourtant il est incapable de dormir – chaque fois qu'il ferme les yeux il la voit, elle est là elle est morte et elle lui dit que c'est de sa faute. Il a abandonné l'idée de dormir, est sorti se poser dans le sable, et il regarde les vagues. Il essaie de se concentrer sur leur rythme pour y caler son cœur, pour s'empêcher de dérailler encore et encore, pour tenter de mieux respirer. Il y arrive pas. Dans sa cage thoracique le boum boum est assourdissant on dirait des détonations en continu, chaque fois qu'il a le myocarde qui pompe il a l'impression d'imploser. Il voudrait se l'arracher et le balancer dans l'écume, le laisser s'faire bouffer par le sel puisque de toute façon la haine l'a déjà rongé. Y a plus rien à sauver.

À côté de lui son téléphone se met à vibrer et il baisse brusquement les yeux dessus, prêt à décrocher. Mais le numéro qui s'affiche est celui d'un portable qu'il ne connaît pas alors il soupire et se ravise. Il laisse. Jusqu'à ce qu'il ait la notification d'un message vocal et qu'il cède pour aller l'écouter. Dès les premiers mots il décide que c'est rien d'important, une putain de camée comme les autres qui vient gratter à sa porte. Le doigt qui flotte près de la touche pour effacer, il se fige quand il entend grésiller les derniers mots. Nana. Il est pas sûr d'avoir bien entendu alors il réécoute mais c'est bien ça, c'est bien elle. Et au fond il peut pas savoir si c'est vraiment elle, la Nana des Kids, la Nana de JJ. Il en sait rien y en a peut-être des tas d'autres, des Nana, à Savannah. Mais il veut y croire. Il veut qu'ça soit elle. Parce que la rage revient bouillonner et il se sent flamber, parce que c'est Nana qui s'offre en pâture sans même le savoir – sûrement qu'on lui a filé son numéro sans le nommer, sinon il est pas certain qu'elle se serait risquée à appeler. C'est elle ça ne peut qu'être elle, c'est le karma qui tourne enfin en sa faveur, c'est l'opportunité de se venger et il compte bien la saisir au vol. Les rouages se mettent en marche, il entend sa voix comme un écho dans sa tête, ses intonations marquées par le manque – à force il les reconnaît. C'est presque trop ironique. Il se rappelle de sa sœur inerte, la seringue à côté d'elle, le flacon d'héroïne qu'il a envoyé valser. L'overdose qui a failli l'emporter.

C'est au tour d'Eanna d'y passer.

Il se lève et retourne à la baraque de Noa, dressée face à la mer. Il ne va même pas vérifier si elle dort, ne fait même pas attention au bruit qu'il peut faire. Il attrape les clés accrochées dans l'entrée et fonce jusqu'à la voiture qui sommeille dans le garage. Il démarre en trombe, prend les virages trop vite, roule bien au-delà des limitations – s'il se fait arrêter il est cuit, il a même pas le permis. Quand il arrive sur le face au Royal Smoak, il se gare dans le coin le moins bien éclairé et envoie un « jsuis là j'attends » à la va-vite par sms. Il s'extirpe de l'habitacle et fait le tour de la bagnole pour aller caler sa carcasse contre le capot. Capuche rabattue sur la tête, il sort une clope et l'allume, attend, ses doigts agités qui trahissent son impatience.

C'est pas la vengeance qu'il espérait ; lui ce qu'il veut c'est se confronter à la bête directement et l'achever, une bonne fois pour toutes. Mais il peut pas l'atteindre maintenant qu'il est en cage et Eanna qui vient s'offrir c'est juste une aubaine, un substitut en attendant de pouvoir obtenir ce qu'il veut vraiment. Il a touché à sa sœur alors il s'attaquera à sa copine, c'est utiliser les gens qu'ils aiment pour se détruire – à croire qu'ils n'ont plus aucune limite. Elle n'a rien fait, mais Anca non plus pourtant c'est elle qui est couchée dans un lit d'hôpital. Y a pas de raison pour qu'Eanna ne fasse pas partie des dommages collatéraux elle aussi.

Il la voit. Petite, menue, la silhouette qui se découpe dans la lumière des lampadaires. C'est bien elle, c'est pas une autre Nana, c'est celle qu'il attendait. Il a l'impression qu'il pourrait n'en faire qu'une bouchée. « Eanna. » Il attire son attention, lui fait signe de le rejoindre, toujours campé contre la caisse, un nuage de fumée qui s'échappe de ses lèvres. Elles s'étirent en la regardant approcher, aucune animosité dans son allure, il a même l'air trop détendu. Quand elle arrive à sa hauteur, ses prunelles s'accrochent aux siennes, son sourire prend des airs railleurs. « Il t'faut quoi ? » Il agit comme si elle n'était qu'une cliente lambda, comme s'ils n'étaient pas engoncés dans une guerre sans queue ni tête, adversaires par la force des choses. « Par contre j'ai rien sur moi, faudra qu'on passe à mon appart'. » C'est vrai – il n'a rien emporté quand il est parti, quand il est allé se terrer chez Noa. Mais même si ç'avait été le cas il serait venu les poches vides, pour l'attirer dans sa tanière. Le piège dans lequel il tente de la faire avancer doucement, les mâchoires prêtes à se refermer sur elle pour l'emprisonner. « Ça t'dérange pas ? »
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptySam 31 Mar - 21:29

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Seven & Eanna
VAMPIRE

La nuit a tout recouvert en peignant les murs et l’asphalte d’une couleur indéfinissable. J’avance au milieu de ce labyrinthe citadin d’une démarche sur ressorts. J’cavale presque. J’avale les mètres sans ciller en dédaignant mes poumons qui s’affolent. La respiration qui siffle. Mieux, j’prends même le temps de m’allumer une blonde et de la calciner sur le trajet. J’ai juste hâte d’arriver à destination.
Vite, vite, vite.
Blotti tout contre mon cœur y a ce rouleau de billets sales soigneusement comptés. C’est l’seul trésor que j’ai sur moi.
J’arrive enfin en vue du Royal et immédiatement je jette un œil incisif pour détecter celui que j’attends. Il doit être seul... Mais pas une seule silhouette louche à l’horizon sur le parking glauque. Merde ! Mon portable m’informe que j’ai laissé le message il y a moins d’une demie heure. Alors j’ai le choix entre tourner les talons ou prendre mon mal en patience. Ce sont mes mâchoires, qui serrent et se desserrent dans un rythme lamentable qui me poussent à la deuxième solution. J’en ai pas vraiment d’autre de toute façon. J’ai aucune envie de revivre encore ces insomnies de virtuoses en dépit de la fatigue écrasante. Ou l’impression constante d’être épiée. J’préfère choisir la manière de me foutre en l’air : un bon shoot, une trace par-dessus, et oups !... accident on en parle plus.

J’décide de tuer le temps en allant prendre un verre.
Le bar est lugubre, pour pas dire carrément flippant. Comme c’est la nuit de vendredi, il y a encore quelques piliers de comptoirs qui sont bien présents pour faire tourner le commerce. Y a le regard de quelques uns qui se trouble quand je m’approche du zinc. Je les ignore : vu leur état – vu le mien – j’en ai rien à secouer.
« Un whisky s’vous plaît. »
Pour toute réponse le barman fait glisser vers moi un verre d’aspect douteux rempli au tiers. J’lui pose un billet et l’avale d’un trait. Ça brûle toute la longueur de mon œsophage puis se déploie en douceur dans ma cage thoracique. Mon estomac vide se rebiffe en s’agitant avec de petits soubresauts. Tranquille mon beau ! Le prochain truc que j’vais te donner va te mettre en veilleuse jusqu’à demain.
L’horloge m’indique un petit quart d’heure de plus qui vient de filer. Il me reste plus qu’à me rendre sur le parking en espérant que mon vendeur de rêves s’y trouve.

Après l’obscurité du rad les halos des lampadaires m’éblouissent. J’prends une grande inspiration pour ventiler ma poitrine encombrée et donner un peu d’oxygène à mon pauvre cerveau. Je dis pauvre parce qu’il est en train de clignoter à tout va. P’t’être bien qu’il va s’éteindre.
Une voix m’tire de mes affres neurologiques.
Au lieu de sursauter j’me retourne avec empressement dans sa direction. Il est venu ! D’où je suis je vois qu’une ombre chinoise, croisement improbable entre l’homme et sa caisse, qui s’adresse à moi. Je tilt même pas sur mon prénom qu’il prononce entièrement. Y a que l’idée cocaïnée qui fait un boucan trop énorme pour me concentrer sur autre chose.
Alors j’avance, évidemment.
Le demi-sourire que je traîne se transforme en rictus retroussé sur mes lèvres quand j’reconnais le visage dans la pénombre.
Seven.
Je continue sur ma lancée alors qu’un rugissement intérieur naît, pas très loin de l’enragement. De toute la ville, fallait que je tombe sur cet abruti de Yobbo pour acheter. L’ennemi honni. Par principe, je devrais lui cracher dessus et tourner les talons. Mais ces derniers temps, les Yobbo, les Kids et toute cette joyeuse bande peuvent aller se faire voir.
Je maudis Dean et ses bonnes actions. J’me maudis pour même pas avoir pris la peine de vérifier à qui j’avais affaire. J’maudis la terre entière de m’avoir foutu sur le chemin de cet enfoiré.
« Salut. » La politesse coûte pas grand-chose, et un dealeur en vaut bien un autre. Journal d’une camée. « J’ai besoin de quelques meug en rab’. »
En signe de bonne foi je fais apparaître le liquide en petites coupures entre mes doigts. Il paraît que l’argent adoucit les mœurs.
Je rêve ou il me sourit ?
« Hum… » Popescu qui me parle gentiment. C’est carrément space. Une alarme me vrille les tripes : dégage, et maintenant ! C’est ça. Et j’me retrouve dans deux heures en train de faire le tour des squats pour espérer dégoter un gramme ? Y a pas moyen. J’aligne trois mots bien tranchés. « C’est bon, magne. »
Je passe devant lui et sa gueule de prédateur en me répétant que j’pourrais toujours lui en mettre une au besoin. Et puis je sais courir. Ça va aller. Ça va aller.
Sans demander j’me perche sur le siège passager et claque la portière le plus fort possible. J’attends qu’il soit enfin installé pour lui balancer ma première vraie phrase, au charme irrésistible.
« Tu peux au moins m’offrir une blonde, nan ? Ça laisse à désirer la relation clientèle là… »


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyLun 2 Avr - 0:14

« Salut. » Ses lèvres toujours étirées en coin il répond pas, se contente de la fixer avec cette lueur moqueuse au fond des yeux. Celle qui demande depuis quand on s'dit bonjour et qui a des airs de piqûre de rappel pour pas qu'elle oublie à qui elle s'adresse. Salut c'est pas grand-chose mais c'est plus de respect qu'ils ne se sont jamais accordé, plus qu'il n'en a en stock. Salut c'est lancé dans le vide parce qu'il ne le lui rendra pas. « J’ai besoin de quelques meug en rab’. » Les billets qui attirent son regard entre les doigts d'Eanna et c'est tout ce qui l'intéresse quand il deale, la seule chose capable de l'adoucir et lui arracher un peu de civilité. Pourtant ce soir c'est pas ce qu'il veut c'est pas ce qu'il attend, rien à foutre de son fric il veut sa peau ; c'est rien de plus que des p'tits bouts de papier qu'il pourrait faire flamber pour allumer le bûcher sur lequel il veut la faire monter. Ça l'démange. Dans ses yeux ça tangue un peu quand il l'observe, quand il se contente de répondre qu'il faudra passer chez lui. « Hum... » Il sent l'hésitation, les interrogations. Il se tait et continue de la toiser en tirant sur ce qu'il reste de sa cigarette, les muscles qui se tendent un à un, les mâchoires qui se contractent.

Si elle dit non il fait quoi ? Il peut pas la laisser filer – si on lui a appris quelque chose c'est de toujours saisir les occasions qui se présentent, surtout quand elles sont si belles. Elle n'a pas encore foutu les pieds dans le piège mais il s'est déjà refermé sur elle. Maintenant qu'elle se tient devant lui c'est fini, il la retiendra quitte à devoir le faire de force.

Les secondes s'étirent comme l'éternité, jusqu'à ce qu'elle finisse par trancher. « C’est bon, magne. » Il inspire, expire, craque un sourire comme l'allumette qui la réduira en cendres. Elle se cale dans la bagnole sans un mot de plus et il se sent conquérant, persuadé d'avoir déjà gagné. Une dernière taffe jusqu'au filtre et il balance le mégot sans regarder, sans même prendre la peine de l'écraser avant de s'installer sur le siège conducteur. « Tu peux au moins m’offrir une blonde, nan ? Ça laisse à désirer la relation clientèle là... » Il tourne la clé et arque un sourcil avant de se tourner vers elle, le moteur qui tourne et la radio qui se met à cracher du vieux rap, son regard qui la transperce. « S'tu veux un geste commercial, tu vas chez l'épicier du coin et tu t'achètes un tube de colle à sniffer en espérant qu'il te file un paquet de chewing-gums avec. J'te retiens pas. » Mouvement de menton vers la portière comme pour lui rappeler que c'est ouvert, qu'elle est libre de s'en aller – la vérité c'est qu'elle a cessé de l'être à la seconde où elle lui a donné rendez-vous ce soir. Il attend. Elle reste. Son rictus n'a rien de chaleureux. « C'est c'que j'pensais. » Il monte le volume de la radio pour couper tout espoir de conversation et démarre en trombe, les pneus qui crissent sur l'asphalte. Il conduit trop vite, trop fort, ses phalanges qui serrent le volant comme il voudrait serrer la gorge d'Eanna là maintenant. Prunelles rivées sur la route il ne voit pourtant qu'elle, attentif à ses mouvements du coin de l'œil, obnubilé par l'idée de lui faire mal, lui faire payer les crimes d'un autre. Il serait capable de foncer dans un mur à toute allure juste pour la détruire, quitte à finir en morceaux lui aussi. Il est plus à ça près.

Ils arrivent quand même à destination sans encombre.

Il se gare à l'arrache sur le trottoir en bas de son immeuble et s'extirpe de l'habitacle, l'attend avant de verrouiller la voiture puis de s'engouffrer dans le bâtiment. C'est moche, c'est vieux et mal entretenu. Les escaliers qu'il monte quatre à quatre et la porte qu'il laisse ouverte derrière lui quand il arrive à son appartement. Il ôte sa veste et la balance dans un coin, les clés qui volent sur la commode usée. C'est le bordel et le sol est crade, y a d'la poussière, des cendres, des sachets et des cadavres de bouteilles, vestiges de soirées passées à s'déchirer en espérant oublier. Ça s'est accumulé pendant des semaines et des semaines, personne pour venir ramasser, plus d'Anca pour nettoyer ses dégâts. Maintenant c'est elle le dégât qu'il a laissé, c'est elle le dommage collatéral qu'il sait pas comment recoller. « Tu peux t'asseoir, j'vais aller chercher la marchandise. » D'un geste désinvolte il désigne le canapé défoncé, sort son paquet de clopes pour s'en allumer une, l'espoir vain que ça l'aide à se détendre. « Dis-moi c'que tu veux et j'vais voir en fonction de c'qu'il me reste. » Il reste pas grand-chose – il a essayé de tout balancer dans les chiottes avant de se réfugier chez Noa. Les traces de son carnage jonchent encore le sol de sa chambre et de la salle de bains, mais elle a pas besoin de savoir. La vérité c'est qu'il se fout de ce qu'elle veut, il choisira lui-même ce qu'il donnera selon la came rescapée, selon le meilleur choix pour l'achever. Ses prunelles dans les siennes il attend qu'elle nomme son poison en sachant qu'il prendra la décision à sa place, lui donner l'illusion du contrôle quand il fera tout pour avoir les pleins pouvoirs sur elle. « T'façon ça avait l'air d'urger alors tu feras pas la fine bouche, si ? » Il la toise et il sourit en coin comme il le fait pour provoquer ou amadouer, cet angle aussi détestable qu'attachant, à mi-chemin entre la menace et l'innocence. Il lui sourit et c'est salaud – le bourreau qui se fout d'la gueule du condamné qu'il mène à l'échafaud.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyLun 2 Avr - 13:16

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Seven & Eanna
STOLEN

A peine a-t-il les mains sur le volant qu’il démarre en trombe. Vite et fort. Crissements de pneus et moteur qui grogne. J’me retrouve collée au dossier de mon siège et le whisky me remonte précipitamment dans la gorge.
Seven m’envoie bouler lorsque j’ai le malheur de l’ouvrir trop grand. Sa manière de s’exprimer me paraît déjà plus normale. Ça me fiche moins les jetons que sa fausse sympathie. La norme, c’est l’ton assassin et une dague à la place de la langue. Restons dans les clous svp.
Tout m’agace chez lui. Ses mèches rebelles qui lui obscurcissent le regard, les crispations des muscles de sa mâchoire, le timbre de sa voix. Même sa respiration m’exaspère. Alors je m’abstiens de répondre et lui dégaine mon majeur que j’rêve de lui enfoncer en travers de la trachée.
J’me concentre sur la route qui défile à toute vitesse. Deux ou trois fois j’ai le palpitant qui s’accélère parce que j’suis persuadée qu’on va finir dans le décor. Pour m’occuper – et évidemment sans effleurer l’idée de demander la permission – je m’allume une blonde. J’baisse en grand la fenêtre pour couvrir la moindre protestation qu’il pourrait m’opposer. L’air froid envahit l’habitacle et vient dissiper la tendre rougeur éthylique sur mes pommettes.
Du coin de l’œil, je détaille mon chauffeur. S’il s’agissait pas du Yobbo, s’il s’appelait pas Popescu, si ç’avait pas été l’ennemi juré de JJ, j’aurais pu reconnaître objectivement qu’il était plutôt beau mec. Mais comme on est pas dans une putain de réalité parallèle j’décrète que c’est définitivement un sombre connard. Alors j’me prive pas pour cendrer à même le plancher.
Et puis il a un drôle de regard. Une sorte de brasier qui crépite au fond d’ses orbites creuses à chaque fois qu’il les risque vers moi. Ça m’fout mal à l’aise.
Mais y a toujours la perspective d’une ligne qui me cloue sur le faux-cuir du siège.

On finit par arriver en bas de son immeuble. C’est pas un taudis, mais pas loin. Tout est à l’image de ses habitants avec sa cage d’escalier pourrie et les graffitis qui vous murmurent des choses obscènes.
Le Yobbo file devant moi en avalant les marches quatre à quatre. Personnellement, j’dois faire avec ma nausée et les jambes cotonneuses. Elles protestent devant les étages à gravir : pas assez de carb pour être performantes. J’me traîne donc tant bien que mal jusqu’au palier visé.
Lorsque je parviens devant, la porte d’entrée est béante sur ses gonds. Ca peut passer pour une invitation mais moi elle m’évoque une immense bouche prête à m’engloutir. J’me décide à suivre Seven à l’intérieur.
Mais je la referme pas derrière moi.
Pas totalement, y a juste de quoi l’ouvrir précipitamment si besoin est.
L’intérieur de l’appartement est pire que le reste. Une odeur tenace de renfermé et de vapeurs d’alcool s’y balade. La couleur du sol est inidentifiable tellement y a de trucs qui le recouvre. Tessons de bouteilles, vaisselle sale, des fringues, feuilles froissées… Je fronce le nez légèrement en m’demandant comment il peut faire pour vivre dans un bordel pareil. Enfin, sans attraper la polio ou le tétanos quoi.
Je regarde avec circonspection le canapé qu’il m’indique.
« J’préfère attendre debout. Y en a pas pour long de toute façon. »
Alors j’me désape pas et reste ferme sur mes guiboles. Ce qui est sûr, c’est que j’vais pas m’attarder ici. Je continue à enregistrer le bordel qui nous entoure et répond distraitement à son interrogation. Pour dire vrai, j’suis plus passionnée par la quantité de choses qui s’entassent que par ce qu’il peut raconter.
« De la coke. Si t’as pas, du speed fera l’affaire. »
Mes prunelles reviennent à lui pour le dévisager. J’arbore une mine presque détendue. C’est ma tactique pour en profiter pour décortiquer mes interlocuteurs. Et le constat me glace l’échine. Plus que jamais y a cette lueur d’excitation malsaine dans son regard : il reste dur en dépit des sourires qu’il distribue.  
Sa gueule m’revient pas. C’est toujours ce que disait JJ quand on lui demandait pourquoi y avait autant de haine entre les deux. J’comprends mieux maintenant. Seven m’inspire pas la confiance. Au contraire, il a l’air de faire disparaître toute la faible lumière de la piaule avec son ombre démesurée et tordue qui se découpe sur le mur.
Fine bouche.
J’ai l’impression d’être une oie qu’on va gaver pour emmener à l’abattoir.
Mon pressentiment se renforce toujours davantage. C’est hors de question que j’prenne quoi que ce soit s’il le goûte pas avant. Mais ça il a pas besoin d’le savoir.
« L’client est roi. Putain t’as vraiment zéro notion de la vente ou quoi ? »
Il tourne les talons pour aller chercher la came. J’ai trois minutes devant moi. Pas plus. Trois minutes pour improviser un plan de secours. Toujours juste au cas où.
Je cherche de vue un objet qui pourra m’rendre service. En dehors des cendriers plein ras la gueule y a pas grand-chose qui peut faire l’affaire. Jusqu’à cet éclat terni qui m’accroche la rétine. Une fourchette. Une putain de fourchette sale qui doit faire office d’arme.
Je la fourre précipitamment dans ma poche arrière de jean.
Juste au cas où.
Une horloge qui traîne sur un meuble - même pas daignée d’être fixée - indique quatre heures du mat’.
L’heure du crime.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyLun 2 Avr - 16:14

« J’préfère attendre debout. Y en a pas pour long de toute façon. » Elle fait tache. Plantée là, perdue dans cette veste qui lui donne l'air encore plus minuscule qu'elle ne l'est vraiment, droite au milieu de la pièce comme si elle se tenait prête à fuir au moindre geste brusque. Il la jauge un instant, biche prise entre les phares qui n'semble pas savoir si elle doit se tirer ou attendre l'impact. Lèvres étirées en coin, haussement d'épaules désinvolte qui laisse deviner le comme tu veux qu'il ne prononce pas. Elle regarde son bordel, il la regarde elle. « De la coke. Si t’as pas, du speed fera l’affaire. » Il sent ses yeux le scanner et il fait la même chose, détaille ses cheveux coupés à l'arrache et son teint translucide, les cernes qui soulignent les deux billes claires dans leurs orbites, sa silhouette qu'il devine frêle sous les vêtements – il pourrait la briser si facilement. Creuser sous sa peau, effriter les os, la réduire en poussière et faire un p'tit tas. Il visualise Nana en charpie et la gueule que ferait JJ, il s'imagine lui envoyer les restes d'elle et le regarder se décomposer jusqu'à ce qu'il ne reste rien plus rien, jusqu'à ce que sa vengeance soit assouvie pleinement. La dernière. Celle qui détruira l'Ouroboros qui les a liés.

« L’client est roi. Putain t’as vraiment zéro notion de la vente ou quoi ? » La voix d'Eanna le ramène sur terre et il la dévisage comme s'il avait oublié qu'elle était là, sa clope qui continue de se consumer, la cendre qu'il fait tomber sur le sol déjà trop encrassé. Il arque un sourcil et il s'approche, encore encore encore jusqu'à ne laisser que quelques centimètres entre eux. Ses yeux se braquent sur elle comme le canon d'un flingue, la fumée qu'il lui souffle à la gueule sans ciller. « Pas quand l'client s'appelle Nana. » Il lui colle la cigarette entre les lèvres sans lui laisser le temps de réagir et il s'éloigne sans se retourner.

Quand il arrive devant la porte de sa chambre, il a la nausée.

Par terre y a un tas de sachets, sur le lit y a encore l'attirail qu'Anca a utilisé. Ça lui revient en flashs – son corps inerte son teint blême ses traits apaisés, les j'suis désolé qu'elle a pas entendu qu'elle entendra jamais, le brancard qui l'a emmenée, les secouristes penchés sur elle dans l'ambulance. Tout ça pour un shoot d'héroïne. Il serre les dents, serre les poings, ne cherche même pas s'il a ce qu'Eanna a demandé. Il lui donnera ni coke ni speed, il lui donnera rien d'autre que la même chose qui a failli tuer sa sœur. Ses phalanges crispées autour d'un sachet de brune, il attrape tout le matériel dont il a besoin avant de revenir au salon d'un pas raide, l'allure robotique.

Eanna est toujours là. Il a perdu son sourire. « J'ai pas. » Il se laisse tomber dans le canapé, lève la tête vers elle, explique. « Problèmes avec mon fournisseur, l'meilleur truc que j'peux te proposer c'est de l'héro. » Il lui ment en la regardant droit dans les yeux, se penche au-dessus de la table basse en étalant tout ce qu'il a ramené avec lui. « C'est pas d'la merde. On peut la tester ensemble. » Ça fait longtemps qu'il en a pas pris trop longtemps – il voulait pas tomber dans ces travers-là, il voulait garder le contrôle et rester sur les prises épisodiques, de la weed de la coke et pas grand-chose d'autre.

Ce soir il en a plus rien à foutre.

Il se concentre sur ce qu'il fait, les gestes posés et assurés. Le trésor brun qu'il dose dans la cuillère, l'acide ascorbique et l'eau pour diluer, le briquet qu'il allume sous le métal pour faire cramer. Ses prunelles se lèvent une seconde, cherchent celles d'Eanna qui ne semble toujours pas avoir bougé. « T'en as déjà pris ? » Est-ce qu'elle sait doser, se piquer ? Est-ce qu'il pourra la berner facilement ou est-ce qu'il devra ruser ? Y a trop d'inconnues dans l'équation mais la machine est lancée, il peut plus reculer. La flamme qu'il laisse allumée pour stériliser la seringue – celle qu'Anca a utilisée, il pousse le vice et il sait plus si c'est pour achever Eanna ou juste se punir lui-même. « Viens t'asseoir putain, j'vais pas te bouffer. » Pourtant il a les crocs acérés et les babines retroussées, ses mains qui s'activent pour nouer le garrot autour de son propre bras. S'il le faut il se trouera le premier pour gagner sa confiance ; c'est ce qu'il se répète mais la vérité c'est peut-être qu'il en a envie, besoin, pour calmer la douleur et laisser son esprit s'échapper. « Si ça peut t'rassurer, j'en ai plus rien à foutre que tu sois une Kids et toutes ces conneries. » Il attrape la seringue et dose le mélange – petite quantité, il veut pas être défoncé au point d'oublier pourquoi il l'a amenée ici. « J'ai quitté les Yobbos. » Ça sonne comme une confession et cette fois il ne ment pas. Il a plus les Yobbos il a plus rien, il est seul et c'est peut-être pour ça que plus rien ne le retient. Dans ses yeux y a comme un vide, le même qu'au creux de sa poitrine. Il la fixe et il attend, seringue en suspens, l'invitation qui continue de planer dans le silence. Pendant une seconde l'air prédateur disparaît, étouffé par le reste, remplacé par les fissures d'un môme fracassé, esseulé. Il laisse filtrer la faiblesse en guise d'appât, une seconde, juste une seconde. Celle qui sera déterminante.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyMar 3 Avr - 18:26

Worst love
Seven & Eanna
HEAR MY PAIN HEAL

J’prends une moue sarcastique pour lui faire remarquer son manque de sens commercial. Étrangement, parler me détend légèrement : à force de prétendre être sûre de moi j’peux p’t’être arriver à en convaincre mon cerveau.

Seven réagit pas tout de suite. Il est aux abonnés absents, pendant quelques secondes seulement. Parce que passé ce laps de temps y a plus qu’un condensé de haine qui transparaît sur ses traits. Il s’approche de moi irrésistiblement, aussi inquiétant que le Boggeyman. J’suis obligée de bander toute ma volonté pour pas reculer. J’bronche pas lorsqu’il m’envoie sa fumée dans les yeux. Mieux : j’les plante dans les siens, histoire qu’il comprenne bien qu’il est pas en train d’essayer d’intimider une débutante.
Qu’est-ce qu’il croit ? Que j’vais me laisser impressionner par un mec simplement humain ? Maintenant je sais c’que c’est la vraie terreur, et c’est pas Seven qui me l’a apprise. Elle est pas physique mais plutôt vicieusement immatérielle. C’est celle qui couve au fond de vos synapses et qui se réveille à n’importe quel moment. C’est cette douleur qui vous tord le cœur, physiquement. C’est la fièvre froide qui transforme vos os en verre. C’est l’incapacité à se rappeler la dernière fois que vous avez souri. C’est l’horreur qui vous ligote et vous bâillonne avant de vous jeter au fond d’un puits.
La clope que le Yobbo m’offre de force me fait l’effet de celle du condamné à mort.

Quand il réapparait j’lutte pour pas sursauter. Discrètement je me repasse les doigts sur les reins gainés de jean: les dents en métal m’égratignent l’épiderme. Ça m’rassure.
Je le regarde s’avachir dans son canap’. Je l’entends m’dire qu’il y a pénurie et qu’il faut faire avec autre chose. Sans vraiment comprendre, je fais l’inventaire de tout ce qu’il bazarde sur la table basse. La cuillère qui retentit clairement sur le plateau usé du bois. La seringue, plus discrète. Le sachet, inaudible. Les liquides et le briquet qui clôturent l’étrange symphonie.
L’héro j’ai jamais pris. Enfin jusqu’ici.
L’H c’est la limite. L’inconnu. Le dernier jalon. La frontière qu’il faut pas dépasser pour pas être au-delà du récréatif. Mais regarde-toi Nana. Tu te retrouves au beau milieu de la nuit chez Seven. SEVEN putain. A quémander n’importe quoi. Parce que faut pas s’mentir : de la blanche, un buvard ou de la kéta, tu t’en fous en vérité. Alors on est d’accord que l’cap de la junkie il est passé depuis perpète, nan ?
« Sérieux ? Nan, j’ai jamais eu l’occas’ de tester. » Ma voix est assurée. Détente. Comme si je savais exactement ce que j’suis en train de foutre.
Tendue comme un arc j’viens me poser à côté du brun, à bonne distance. Mon acquiescement n’est qu’implicite pour le moment parce que j’ai toujours un intense débat interne qui s’éternise.
J’ai peur du mythe du brown-sugar. Peur de la dépendance et de la douleur physique du manque dont on nous rabâche les oreilles.
Tu es idiote ou quoi ? La voix totalement fictive de mon paternel me susurre dans l’creux de la cervelle. Merde. C’est le dernier coup de semonce envoyé avant le canon final : l’hallu’ auditive. Après j’penserai plus qu’à comment me procurer de quoi m’déconnecter.
De toute façon y a pas grand-chose qui m’retient. Je pensais avoir fait quelques trucs de biens. Oona, Mae, Nolan, Finn.
J’pensais avoir eu des amis avec qui on est pas toujours d’accord mais qui sont prêts à défoncer d’autres gueules pour vous quand il faut.
J’pensais même avoir connu le grand amour, le vrai, à la manière live fast, die young.
Mais les Gynt sont trop éparpillés. J’sais pas par où commencer pour leur expliquer les désastres en chaîne qui fleurissent autour de moi, même avec Finn.
Les Kids ont explosé.
Et JJ est plus occupé à s’autodétruire méthodiquement en emportant tout avec lui dans un rayon de dix kilomètres.

« D’accord. » Je finis par lâcher prise. C’est pas facile, mais c’est simple.
L’autre est déjà passé à l’ouvrage, seringue prête à distiller son poison. Et il parle. Plus qu’on a jamais échangé en l’espace d’une décennie. Devant mes yeux y a son armure qui déblaye du ch’min. Y a plus que le visage flou du gosse ébranlé. Une image familière. Douloureuse. Je l’ai contemplé trop de fois pour l’ignorer : c’est la même que JJ aussi ironique que ça puisse être. C’est peut-être aussi la même que la mienne dans le miroir.
C’est affreux. Parce que quand tu fais ça Seven, t’incendies les murs. Ça gronde et ça s’effondre dans un sublime chaos. Et on en a besoin de ces barrières pourtant. Car ce sont elles qui tiennent nos fondations depuis l’adolescence.
« Par contre j’passe en première. »
Il vaut mieux que j’saute dans le vide sur l’impulsion du moment, sinon je risque de reculer.
Je détache le morceau délavé de plastique qui entoure le biceps de mon voisin et l’enroule autour du mien. J’note la peau translucide, les veines qui gonflent. De l’autre main je saisis délicatement le pistolet de plastique et applique l’aiguille. J’sais m’piquer moi-même parce que la coke y a pas qu’en volatile qu’elle est bonne. J’l’ai goûté par tous les pores.
Pression.
Décollage.
Flash.
Mes sourcils forment un arc au-dessus de mes pupilles qui s’étrécissent et mes lèvres s’ouvrent. Je me laisse choir contre le dossier. Un frisson me parcourt le dos comme la première fois où j’ai embrassé JJ. Les picotements s’intensifient et me remontent des lombaires jusqu’à la nuque. Je voudrais serrer les genoux mais j’ai juste la force de reposer ma tête sur un des coussins crades. Un énorme sourire me fend lentement la bouche, et les couleurs de l’appart’ dansent sous mes yeux.
Je m’abîme en flottant. J’me dissous en m’envolant.
J’sens même plus l’arête métallique dans ma poche qui marque ma chaire. C’est plus qu’un détail.
Rien qu’un détail.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptySam 7 Avr - 15:20

« Sérieux ? Nan, j’ai jamais eu l’occas’ de tester. » Entre ses doigts la cuillère flambe mais ses yeux restent fixés sur Eanna – Eanna et ses cernes son manque de couleur son air de fantôme, il s'demande si elle aurait vraiment l'air différente, une fois morte. Y a comme l'ombre d'un sourire qui plane quelque part au coin de ses lèvres alors qu'il se reconcentre sur ce qu'il fait sans répondre, satisfait.

Elle obéit quand il lui demande de venir s'asseoir et son sourire grandit, parce qu'il sent la tension de ses muscles, parce qu'elle a toujours l'air prête à détaler. Méfiante. Il trouve qu'elle met trop de distance entre eux mais il cherche pas à y remédier, pas pour l'instant. Il veut pas risquer de la brusquer. C'est pour ça qu'il fait mine d'ouvrir les vannes, qu'il annonce son départ des Yobbos comme pour montrer patte blanche, prouver qu'y a plus rien qui les oppose officiellement. Rien si ce n'est une putain de double lettre.

« D’accord. »
Il la tient.

D'accord c'est foutu elle a passé le pacte avec le diable même s'ils ne se sont pas serré la main, d'accord elle s'est laissée tomber dans la gueule du loup sans le savoir. Son cœur se met à pomper plus vite plus fort parce qu'il est près du but, parce qu'il a l'impression de voir le bout du tunnel mais y a pas de lumière, rien d'autre qu'un noir trop intense, trop profond. C'est le vide, le néant, et il est prêt à s'y jeter à corps perdu. « Par contre j’passe en première. » La seringue en suspens, il tourne la tête vers elle, scanne ses traits un instant. Elle le coupe dans son élan et il sait pas si c'est pour le meilleur ou le pire, il sait pas s'il aurait préféré se défoncer en premier. Elle arrange son plan – plus il est sobre mieux c'est pour agir – mais pas sa conscience. « D'accord. » Un seul mot, comme un écho. Il ne bouge pas quand les mains d'Eanna viennent ôter le garrot. Il se contente de la regarder faire, spectateur malsain de la déchéance à laquelle il veut la pousser. L'aiguille qui traverse la peau trop fragile, les veines qui se remplissent, le rush qui frappe. Il la voit se détendre, devenir molle et retomber contre le dossier du canapé, le sourire qui grignote son visage comme la gangrène qu'elle vient de s'injecter sous la peau. Elle est là sans l'être il le sait, elle est ailleurs et y a soudain cette envie viscérale de la rejoindre, de faire la même chose, de s'laisser aller et de se piquer pour tout oublier. Noyer sa haine, étouffer sa peine, saturer son organisme pour empêcher son cœur de continuer à se morceler, pour faire taire les démons qui prennent trop de place dans sa tête. Ce serait si facile. Au moins autant que ce serait inutile.

On répare pas les ravages d'une bombe nucléaire avec un bout de scotch.

Il a l'air étrangement calme, quand il attrape la seringue. Ses gestes sont lents et mesurés, pourtant ses doigts tremblent. Il la remplit à nouveau, juste un peu, juste assez. Dose de trop si elle rejoint celle qu'Eanna s'est déjà administrée, dose overdose. Ses yeux reviennent détailler son visage fendu en deux, ses pupilles trop petites, ses membres qui semblent soudain faits de chewing-gum. Pantin désarticulé, poupée de chiffon – il aurait pas de mal à tout arracher. Il se rapproche, attrape son bras d'une main, l'autre qui plane dangereusement là où le trou a déjà été creusé. Compte à rebours lancé.

Il inspire, expire. Plante l'aiguille. Il la regarde une seconde mais se ravise, parce qu'elle lui paraît trop vulnérable, parce que son expression est proche de celle qu'avait Anca quand il l'a trouvée. Son regard chute sur les chemins sinueux qui se devinent sous sa chair, les sillons bleutés qui se rejoignent et font des nœuds.
Il inspire, expire. C'est son pouce qui est posé contre le poussoir de la seringue, pourtant il a l'impression d'avoir l'index collé la gâchette d'un flingue. Ses phalanges enroulées autour du bras d'Eanna resserrent leur prise, encore et encore et encore jusqu'à ce que l'étau devienne trop étroit, douloureux pour lui comme pour elle. Ça laissera une trace.
Il inspire, expire. Mains moites et doigts tremblants, il se demande si Anca a hésité comme lui avant d'appuyer. Il regarde Eanna pourtant c'est elle qu'il voit, c'est elle qui lui échappe, c'est elle qu'il a assassinée.
Il inspire expire mais l'air ne passe plus, sa gorge est trop nouée, ses poumons s'atrophient. Il voudrait presser mais ses muscles refusent d'obéir, il est figé, incapable de bouger. Il suffoque et son cœur s'affole dans sa poitrine, la sensation qu'il va broyer les os déchirer la peau et échouer au sol. Ses sourcils se froncent ses traits se crispent et les tremblements s'étendent comme une épidémie – c'est plus seulement ses mains c'est sa carcasse toute entière, son cerveau qui tente d'envoyer l'ordre mais son corps qui ne répond plus.

Il y arrive pas et il voudrait hurler à s'en péter les cordes vocales, il voudrait la poignarder à coups de seringue, la lui enfoncer dans le cœur, libérer l'héroïne et la regarder crever comme Anca a failli le faire. Pourtant il peut pas.

C'est pas elle, qu'il veut.

Elle s'agite et il la laisse lui échapper, laisse tomber la seringue sur le canapé en se levant vivement, les muscles bandés, veines saillantes sur son cou comme s'il se retenait de hurler. Ses mains passent dans ses cheveux et tirent sur les mèches alors qu'il se met à tourner en rond comme un fauve en cage, frustré, désespéré. Il essaie d'inspirer expirer mais il n'y arrive plus, le souffle court et les pensées qui déraillent, il pose les yeux sur Eanna et putain ça fait trop mal. Même avec le meilleur des atouts entre les mains, il arrive à rien. Son pied s'abat sur le bord de la table basse brusquement, si fort qu'elle recule de plusieurs centimètres et que tout ce qui était posé dessus finit par terre. « PUTAIN. » La rage le submerge comme un tsunami, c'est trop violent trop soudain tous ses sens sont assaillis, y a un bourdonnement à ses oreilles et il voit rouge noir flou, il vibre de la tête aux pieds, on dirait une grenade dégoupillée. Il se met à s'acharner sur tout ce qui l'entoure, les meubles les objets les murs, ses poings qui cognent n'importe où pourvu qu'ils trouvent une surface contre laquelle s'échouer. Tant pis si les os craquent et si la peau se rompt, il sent même pas la douleur, pris en otage par une fureur incontrôlable, envahi par la rage qui déborde et suinte par tous ses pores comme une traînée de lave qui ronge tout sur son passage. Il fracasse tout autour de lui, tout sauf sa cible, tout sauf elle.

S'il s'arrête c'est seulement parce qu'il n'arrive plus à respirer, la bouche ouverte pour avaler de grandes goulées d'oxygène mais rien ne passe, y a comme une barrière dans sa trachée. Il finit assis par terre au milieu du champ de bataille, en sueur, une main sur sa poitrine comme pour vérifier que son cœur continue de battre même s'il n'arrive plus à respirer. Son souffle erratique prend toute la place. S'ils étaient pas au milieu de son appartement, on croirait qu'il est en train de se noyer.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyDim 8 Avr - 15:45

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Seven & Eanna
DO YOU FEEL REAL

T’es où ?
Tu piétines Nana.
Tu piétines, tu piétines tu piétines. Nulle part.

Pendant une vingtaine de secondes j’suis partie. Complètement ailleurs et incapable de dire à quoi ça peut bien ressembler. Vous êtes même plus conscient d’vos propres battements d’cœur. Ou de l’air qui irrigue vos poumons. Des frontières de votre corps, pourtant apprises par cœur depuis votre naissance. Tu te dissous sans douleur dans l’creux paisible de la vague.
T’es juste plus là.

J’suis complètement aveuglée par le flash. L’intégralité de ce que perçoivent mes nerfs optiques virevolte dangereusement. J’suis tellement détendue qu’j’en suis totalement engourdie et je peine à reconnecter la gigantesque toile de mes synapses. Dans la brume, j’regarde vaguement Seven en train de préparer une nouvelle dose. Elle est carrément plus stoc' que l’autre… J’me dis que c’est la sienne et qu’il doit avoir l’habitude de se shooter.
C’est bizarre à prononcer c’mot. ShOO-ter.
Mais vachement agréable.

C’qui est bizarre c’est qu’il soit en train de foutre l’aiguille exactement sur le trou que j’viens de m’faire.
La piqûre est plus douloureuse que la précédente et me fait grimacer. J’sursaute à peine parce que j’ai du mal à sortir de l’état nirvanique de relâchement dont font preuves toutes mes cellules.
Bordel c’est trop b…

Y a la conscience qui r’dévale sur une pente glissante. Ma tête dodeline et mes paupières se ferment d’elles-mêmes. J’ai qu’une envie : restée pelotonnée sur ce canapé crade et plus avoir à me préoccuper de ce qu’il y a de l’autre côté des murs.
Seven est toujours en train de m’planter.
Ses doigts sont ancrés dans mon avant-bras, une précaution inutile parce que j’suis parfaitement incapable de m’débattre là tout d’suite.
J’ouvre un œil paresseux pour constater lointainement la terrible expression qui s’incruste sur ses traits. J’peux voir tous les muscles en filigrane sous la peau tendue à éclater. La crampe concentrée de ses dents qui s’acharnent les unes contre les autres. Et puis ses yeux. Toujours ses yeux et leur aura trou noir.
Il va m’bouffer toute crue.

Plateau.

J’trouve un soupçon de résistance quand une brusque remontée acide m’brûle le diaphragme. J’vais dégueuler, c’est une certitude. Et pas forcément dans cet ordre-là.
Le creux du coude s’arrache à la seringue dans une perle vermillon. Juste une goutte qui m’raccroche presque à mes terminaisons nerveuses. J’me laisse tomber à quatre pattes au milieu des détritus alors que Seven se redresse en serrant les poings. Y a un grand coup d’pied qui s’échoue quelque part sur ma droite. Mes pupilles en tête d’épingle sont rivées à la porte qu’il a ouverte précédemment. Autour de moi y a des trucs qui volent, si j’me fie aux sifflements qu’ils produisent en passant juste à côté de ma boîte crânienne en bouille. J’fonce jusqu’au battant en chancelant, à deux doigts de m’ouvrir l’arcade alors que j’vacille en me raccrochant au vide. Dans mon dos y a un craquement terrible. J’en déduis qu’une pièce du mobilier vient d’rendre l’âme.
J’débarque dans ce qui doit lui servir de chambre. En tout cas c’est pas la salle de bain que j’espérais et j’ai pas l’temps de la chercher. Alors je m’empare du premier truc qui me tombe sous la main – à savoir une sorte de seau remplit de mégots – alors qu’à côté il y a toujours des chocs sourds à répétition.
L’autre est en train de péter un câble.
C’est la dernière pensée que j’ai avant d’laisser filer un flot de bile et d’whisky.

La nausée reflue et j’me laisse basculer en arrière, le dos appuyé contre le mur et les jambes tremblantes. J’essaye de faire la mise au point sur c’qui m’entoure. C’est pas facile vu le bordel sans nom. Y a des sachets froissés partout. Des pochons d’toutes tailles. Des poudres et des cachetons. Ça pue la misère et la haine.
C’est quoi ce merdier ?
Je reprends appui sur mes mains pour me lever. Étrangement j’ai aucun soubresaut cardiaque devant cet inquiétant tableau. Pas plus qu’en entendant les vibrations sonores qui forment une symphonie percutante dans l’salon.
Y a un truc qui cloche avec Seven. Avec cette deuxième piqûre avortée. Avec cet étalage de fureur gangrénée.
Faut que j’sorte d’ici.
La solution est simple, limpide, j’dois juste la mettre en pratique. L’héro annihile toute l’angoisse qui essaie de se déployer et me dévoile l’évidence dans une logique implacable. L’une des mes mains sort enfin la malheureuse fourchette qui traîne toujours dans ma poche. Je crispe les phalanges aussi solidement qu’possible autour du manche ; le métal est agréablement chaud.
Maintenant un pas après l’autre.
J’sais pas trop ce que j’vais trouver dans la pièce principale. J’me souviens juste confusément que la porte d’entrée est toujours ouverte et non pas fermée à clef. Du dos de la main j’écarte maladroitement les mèches poissées par la sueur qui m’collent aux joues.
Le yobbo est toujours là. Il trône au milieu du champ d’bataille, les jointures sanguinolentes et les lèvres blêmes qui tranchent avec la coloration nerveuse qu’ont pris ses pommettes. Il a la poitrine qui se soulève au rythme des inspirations vaines. Son regard se braque sur moi. J’ai l’impression de voir un chien fou d’rage tous crocs dehors. Et cette fois-ci, j’ai peur de la morsure.
« Tu m’laisses sortir… » C’est rien qu’un filet de voix mais il brise le silence planant comme une rafale de mitraillette. « Et tu t’approches pas putain… »
Les mots sont difficiles à sortir parce que ma langue est toute sèche. Elle me fait l’effet d’un énorme vers collé à mon palais.
J’esquisse quelques pas vers ma planche de salut.
Faut qu’je sorte d’ici.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyJeu 12 Avr - 10:52

Dans sa folie destructrice il ne voit même pas Eanna ramper et chanceler hors de la pièce, trop occupé à briser tout ce qui l'entoure. Et il voudrait que ça tombe sur elle, il voudrait la réduire en morceaux et amener les restes à JJ pour le voir se décomposer. Il comprend pas pourquoi il a pas réussi, pourquoi il est pas allé au bout de cette machination merdique – c'était simple pourtant, juste une pression et c'était fini, une pression et il gagnait la partie.

Faut croire qu'il est pas aussi insensible qu'il aime le prétendre.

C'est même tout le contraire – à fleur de peau y a tout qui l'agresse et il sait pas gérer, ni les émotions des autres ni les siennes, encore moins les siennes. Ça le submerge avec une telle violence qu'il se retrouve là, à faire voler les objets à faire craquer les meubles, l'envie de démolir le monde entier pour lui faire payer de l'faire se sentir comme ça. L'air devient irrespirable et il a l'impression qu'une main invisible est venue s'enrouler autour de sa gorge, ça serre et il suffoque, ça serre et il est obligé de s'asseoir par terre, ça serre ça serre ça serre putain il va crever.

La main posée contre son cœur il voudrait se l'arracher, creuser la peau écarter les os et enfoncer ses griffes dans l'organe gangréné, le réduire en poussière pour se libérer. Il a les yeux dans l'vide et les traits tirés, sourcils froncés alors qu'il lutte pour se concentrer sur un point au hasard, calmer les tremblements de son corps et l'affolement de sa respiration. Ça marche pas vraiment mais il arrive à rester stable plutôt qu'empirer, c'est toujours ça. Et quand il voit Eanna réapparaître elle a des airs de spectre, et il s'dit qu'elle peut pas le voir comme ça faut qu'il se reprenne, mais il y arrive pas. Son regard se braque sur elle comme le canon d'un flingue mais il sait qu'il n'a pas la force de tirer, il sait qu'il n'arrivera pas à l'achever même si c'est son seul moyen de se venger. Et ça l'rend fou, fou de rage fou de haine, contre elle contre JJ contre lui-même contre tout l'univers. « Tu m’laisses sortir... » Lentement il se redresse, les articulations qui craquent, la respiration toujours aussi erratique. Il se sent chanceler à son tour mais il n'a rien dans le sang, rien d'autre que la fureur qui le rend trop bancal. Il se force à se tenir droit, épaules déployées et poings serrés, il a l'air gigantesque et elle minuscule. « Et tu t’approches pas putain... » Ses yeux tombent sur la fourchette qu'elle tient et il voudrait rire mais il est trop à bout de souffle pour ça, alors à défaut il sourit, un truc moche qui fend son visage comme une balafre, comme celle qui trône sur sa joue. « Sinon quoi ? » C'est croassé trop bas, il a la voix aussi étranglée qu'éraillée.

Elle esquisse un mouvement vers la porte et soudain il s'élance. Deux enjambées lui suffisent à la rejoindre et il attrape ses poignets brutalement, la force à lever les bras de part et d'autre de sa tête, la tient en place fermement pour l'empêcher de bouger. Qu'elle garde sa fourchette, ça n'lui servira à rien si elle peut pas le planter avec. Y a ses prunelles qui viennent flamber dans les siennes, la certitude que s'il pouvait la tuer d'un regard il l'aurait fait. Mais il peut pas et elle est là, parce qu'il est incapable de finir ce qu'il a commencé.

Faible.

« J'veux qu'il paye. » Articulé entre deux inspirations tremblantes, il a du mal à aligner plus de cinq mots à la suite. Pas besoin de préciser qui est il, elle comprendra. Ils comprennent chaque fois. « C'toi qui vas prendre. » C'est elle puisqu'il ne peut pas buter un homme en prison, c'est elle puisqu'elle est le moyen le plus sûr de l'atteindre en plein cœur, la faiblesse qu'il connaît le mieux. Il s'en est pris à sa sœur, il s'en prendra à celle qui prend trop d'place dans son myocarde jusqu'à le bousiller et le regarder agoniser. Mais s'il ne peut pas la pousser à l'overdose faut qu'il trouve autre chose, il la fixe et il s'demande si la tabasser serait suffisant – pourtant il n'est même pas sûr d'en être capable, plus maintenant, plus avec les victimes qui se sont accumulées et qui le hantent à la nuit tombée, le poids d'la culpabilité qui est trop lourd à porter. Il voudrait la frapper l'étrangler l'achever, mais il n'y arrive toujours pas. Un substitut sera pas suffisant à éponger sa rage et il le sait. Sa poigne se resserre sur elle encore et encore jusqu'à ce qu'il finisse par la lâcher brusquement, avant de la pousser avec une telle force qu'elle s'écroule en arrière. « J'DEVRAIS T'BUTER. » Qu'elle crève et que JJ sache que c'est d'sa faute – au fond il est même pas sûr que ça fonctionnerait, il l'a jamais vu éprouver la moindre once de remord. Mais il sait que ça le toucherait et c'est tout c'qui compte.

Et il a beau trembler de tout son être, il n'a toujours pas réussi à s'en prendre à elle. Pas vraiment, pas comme il le voudrait, pas comme il le faudrait. Il bouge de façon à être dans le chemin vers la porte, pour la dissuader de s'enfuir. « Tu restes là. » Pourtant il ne fait toujours rien. Simplement planté là, sa poitrine qui continue de se soulever trop fort, ses yeux qui la mitraillent comme s'il était en train de tergiverser sur le sort qu'il lui réserve. Il tremble et il voudrait lui sauter à la gorge – au moindre mouvement trop brusque il le fera, comme un fauve enragé. Il est incapable de s'en prendre à elle seulement au nom d'la vengeance. Il a besoin qu'elle lui fournisse une excuse pour agir directement, pour la blâmer de l'avoir poussé à bout. Il est au bord de la rupture, aussi paumé que furieux et c'est p't'être ce qui le rend encore plus dangereux. À mi-chemin entre le môme égaré et le géant enragé. Instable, il devient bombe humaine et y a plus d'issue. C'est soit le désamorçage, soit l'explosion.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyJeu 12 Avr - 23:53

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Seven & Eanna
EAZY

J’fais l’erreur de fixer mon regard ailleurs. La porte est là, juste à côté. À portée de main. Et si j’étais dans mon état normal j’serais déjà en train de la franchir à toutes jambes pour le fuir.
La grimace perturbante qui s’affiche sur les lèvres de Seven est glaçante. Elle m’promet des choses que j’ai pas envie de connaître.
Il me manque presque rien.
Une petite vingtaine de secondes à tout casser.
Mais c’est suffisant pour que ce soit trop tard et qu’il entre en collision avec mes membres désarticulés. L’air déserte mes poumons quand je sens ses mains m’attraper avec violence. Impossible de m’débattre : j’parviens tout juste à rester debout et à agiter les doigts.
Ses pupilles rugissent CARNAGE. Sa poigne m’envoie des décharges nerveuses tout le long de mes avant-bras, ça m’contamine jusqu’à la moelle épinière.
Seven est tellement près qu’un bourdonnement désagréable s’ensuit après ses susurres qui ressemblent pourtant à des hurlements. J’percute pas tout de suite. Mon cerveau est dans le déni l’plus complet.
Parce qu’on sait tous les deux qu’il a pas besoin de notifier de qui il s’agit. Y a qu’une seule personne dans mon entourage pouvant causer autant de torts à lui tout seul. JJ.
J’sais parfaitement de quoi il est capable.
Supernova en pleine extinction.
Et le cercle de victimes qui n’fait que s'étendre.

J’sens les tremblements compulsifs qui parcourent le Yobbo tout entier. J’vois bien qu’il voudrait m’éventrer proprement au milieu du salon. M’déchiqueter la carotide. Traîner le cadavre dans la poussière et l’déposer en trophée à bas de son antagoniste.
Pourtant il me relâche d’une poussée en vociférant. Constat douloureux de son incapacité à réaliser le crime tant espéré. Il en a mal physiquement, ça s’entend jusque dans le vibrato en fin de phrase.
Mes paumes rencontrent durement le sol dans une vaine tentative d’amortir le choc. Seven se remet à tourner comme un fauve entre la sortie et moi. Et il peut bien me mettre en garde ; j’ai aucune intention de bouger maintenant.
La litanie démarre au fond d’mon crâne avant de s’envoler en rumeur ininterrompue. Mes lèvres remuent fébrilement en semblant lancer une vieille malédiction.
« Qu’es-ce qu’il a fait ? Qu’est-ce qu’il a fait ? QU’EST-CE QU’IL A FAIT ! »
J’ai la nuque tordue pour affronter le feu de son regard. J’veux qu’il comprenne qu’il faut que je sache. Que j’ai besoin de lever le voile, briser la loi de l’omerta que tout le monde s’oblige à respecter pour nous protéger.
C’est des conneries.
Personne n’a pensé à lui faire payer les jours dans un lit d’hôpital. Les entrailles pulvérisées. Les côtes brisées. Parce que c’est un chien fou et qu’c’est la vie. Alors OK.
J’les emmerde.
Seven lui n’a aucune raison de sauvegarder la réputation de JJ. Il a aucune raison de me mentir.

J’finis par me taire. J’reprends la position verticale même si elle est pas stable et m’approche de lui de la même manière qu’on s’approche d’un spécimen particulièrement dangereux. Centimètres après centimètres. J’peux presque le toucher. J’hésite une fraction de seconde : j’ai conscience de jouer gros sur ce coup-là.
Et néanmoins je pose ma main sur son poignet souligné de veines palpitantes. C’est à peine un contact, juste un frôlement dans une volonté de trêve. J’remarque qu’une ombre commence à s’étioler sur ma peau, là où il a serré comme un dingue pour m’envoyer l’OD. A croire que le violet est la couleur qui m’va le mieux.
« Faut que tu me racontes. »
Il a pas l’choix. Aucun membre des Kids acceptera de me parler alors que j’ai maintenant la preuve éclatante des secrets encore enfouis sous l’tapis. S’il refuse, s’il se tait, j’ai plus qu’à me rendre à l’asile direct. Ou alors il a qu’à me battre à mort, ça m’évitera de devenir cinglée.
« Après j’m’en vais et t’entendras plus parler de moi. J’te laisse tranquille. Tu pourras bien faire c’que tu voudras avec JJ, c’est plus mon problème. »
J’ai les canaux lacrymaux complètement asséchés. Trop mal au cœur pour pleurer. A moins que ce n’soit l’H qui enraye la crise. J’ressens une brusque fatigue s’abattre sur moi comme des coups de marteau.
Mais ce qui est vraiment terrible c’est que j’sais parfaitement que le pire est à venir.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptySam 14 Avr - 16:01

« Qu’est-ce qu’il a fait ? Qu’est-ce qu’il a fait ? QU’EST-CE QU’IL A FAIT ! » Les émotions d'Eanna qui suintent dans sa voix dans ses cris, qui le heurtent de plein fouet sans qu'il soit capable de les accueillir. Il a déjà trop à faire avec les siennes. Et même s'il avait envie d'lui répondre il saurait pas par où commencer, la liste ne fait que s'allonger encore et encore sans qu'aucun d'eux ne puisse s'arrêter. C'est vengeance sur vengeance, les coups bas qui n'ont plus de limite et qui les mèneront sûrement à la tombe. Y a trop de choses que JJ a faites qu'il est incapable de nommer, qu'il ne pourra jamais avouer. Encore moins digérer. Et il sait que la réciproque est vraie.

Il se contente de la regarder dans un silence qui s'éternise, des secondes qui paraissent des heures et les tremblements qui n'se calment pas. Il finit par lâcher un rire étranglé parce que c'est tout ce qu'il est en mesure de faire, parce que sa voix est bloquée quelque part dans sa trachée et qu'il s'étouffe sur les mots qu'il ne prononcera jamais. Alors il se marre dans un souffle fatigué, une main qui vient se poser sur le haut de son visage comme s'il voulait se cacher les yeux, comme s'il supportait même plus de la regarder. Ses doigts qui se resserrent de part et d'autre de ses tempes – il a l'impression que sa tête va exploser. Il tente désespérément de faire redescendre la pression mais il n'y arrive pas, sa cage thoracique qui continue de se soulever trop vite même s'il a retrouvé une respiration correcte. Suffisamment pour ne plus donner l'impression qu'il se noie dans ses propres émotions.

Il ne l'entend pas se lever et s'approcher, trop focalisé sur l'orage qui secoue ses entrailles, enfermé dans une bulle de rage qu'Eanna décide de venir frôler dangereusement. Le contact sur son poignet le fige de la tête aux pieds. « Faut que tu me racontes. » Il retire enfin la paume de son visage pour la regarder, prunelles qui cherchent à s'ancrer aux siennes alors que tout n'est que chaos. « Après j’m’en vais et t’entendras plus parler de moi. J’te laisse tranquille. Tu pourras bien faire c’que tu voudras avec JJ, c’est plus mon problème. » Ça suffit à le sortir de sa torpeur. Sa main qui inverse les rôles – c'est son tour de se poser sur le poignet de Nana, mais il est bien plus ferme qu'elle, ses phalanges qui s'enroulent franchement, mais cette fois il ne serre pas assez pour faire vraiment mal. « Tu comprends pas putain ! » Y a quelque chose de pressant dans l'fond de ses yeux, quelque chose de l'ordre des détraqués ou juste des désespérés. « J'veux pas qu'tu partes, j'veux juste me servir de toi. » La vérité est là, sale et laide comme tout ce qui le lie à JJ. Il se penche sur elle encore et encore, la surplombant de toute sa hauteur, ses yeux qui brûlent dans les siens et sa main toujours accrochée à son poignet. « J'veux lui faire regretter. » Œil pour œil et dent pour dent ou presque, jusqu'à ce qu'ils n'aient plus rien à s'arracher.

Elle veut savoir et ça lui rappelle Sam, les mêmes questions qui reviennent. Qu'est-ce qu'il a fait ? P't'être qu'à elle, il peut le dire. C'est pas qu'il lui fait confiance ni même qu'il l'apprécie, c'est juste planter ses griffes là où il le peut pour faire autant de dégâts que possibles dans sa chute. Parler à Eanna c'est se donner une chance d'atteindre JJ, parce que s'il lui fait mal à elle, elle lui fera peut-être mal à lui. Il sait pas mais c'est tout ce qu'il lui reste. C'est le dernier sursaut du condamné, la dernière tentative désespérée. « Il sortait avec une autre meuf en même temps qu'toi. » Ses prunelles se plantent dans les siennes comme pour la retenir, la forcer à se concentrer sur lui et lui seulement, pour mieux marteler chaque mot dans son crâne. Il espère que chaque coup descend jusque dans son myocarde. « Ma sœur. » Ça lui écorche la gueule de le dire – il n'arrive même pas à prononcer son prénom. Comme si ça risquait de la salir, comme s'il pouvait sauver quoi que ce soit en refusant de l'associer aux actions de JJ à haute voix. Mais c'est trop tard et il le sait, elle a déjà été trop éclaboussée. Dommage collatéral. « J'sais pas combien d'temps exactement, j'sais pas les détails, j'sais juste qu'il l'a fracassée et pas qu'avec les poings. » La rage suinte dans chaque intonation, chaque syllabe qu'il crache. « Il a fait ça juste pour m'avoir moi. » Il l'a détruite pour l'atteindre lui et ça a si bien marché que ça lui file la nausée. La seule chose qui peut le consoler, c'est de savoir que JJ n'est pas là pour constater l'ampleur de sa victoire.

Mais Nana, si.

« J'peux pas t'laisser partir. » Pas tant qu'il aura pas réussi à l'utiliser, parce qu'elle est la meilleure arme dont il dispose. Peut-être même la seule.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyDim 15 Avr - 13:22

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Seven & Eanna
FIVE MINUTES

Ses doigts m’emmaillotent le poignet dans un réflexe reptilien quand il prend conscience de la profanation qui se déroule. J’peux même pas dire si ça m’fait mal : toute ma concentration est rivée sur ce que j’appréhende de comprendre. Le vide entre nous est infime et mon regard crocheté à ses lèvres dans l’attente désespérée d’une révélation qui tarde à venir.
J’voudrais le secouer, lui ouvrir le crâne pour fouiller dedans et savoir.
Mais y a que la vengeance qui brûle au milieu d’nous deux, toujours plus violente.
Qui m’transforme en chaire à canon palpitante.
Je dégage mon bras d’un geste brusque pour que ses phalanges cèdent. Il peut bien essayer de me garder enfermée, j’en ai plus rien à foutre. Sa vendetta passe au second plan. Maintenant faut qu’il crache le morceau et… Et après ? Après tu tombes.

J’ai la poitrine qui se soulève à toute allure et la respiration qui siffle. Qui s’arrête lorsqu’il commence à raconter. Ses lèvres convulsent en paroles qui ne devraient avoir aucun sens. L’érosion continue de plus belle à l’encontre de mon esprit déjà malmené.
Y a tout qui s’met en place. L’absence, les silences.
J’comprends que c’était pas juste une ou quelques fois pour aller sauter quelqu’un d’autre.
J’imagine une jeune fille brune aux prunelles aussi sombres que Seven, les lèvres posées sur celles de JJ. Un sourire qu’elle lui offre. Les membres déliés, reliés, dans les froissements des draps.
J’me revois en train de lui envoyer des SMS à répétition restant sans réponse. Les excuses du bout des lèvres, jamais claires.
J’voudrais qu’une balle perdue m’fasse sauter le caisson.
J’l’accueillerai avec toute ma bénédiction.

« Pourquoi toi ? Qu’est-ce que vous avez foutu pour en arriver là ? »

Ma voix dégouline d’incrédulité et d’horreur. J’arrive pas à m’souvenir quand est-ce que les freins ont lâché pour nous envoyer droit dans l’mur. Y a forcément eu un déclencheur pour que le jeu devienne une tuerie à la kalachnikov.
Un haut-le-cœur me tenaille sans discontinuer. J’ravale ma salive et continue l’interrogatoire.
« Comment ça fracassée ? Il a… »
Mon regard s’égratigne sur la presque arme du crime. La seringue gît tristement au pied du canapé comme un relief atroce au milieu des restes de la furie de Seven.
Cette fois-ci, les digues rompent.

Mes jambes me lâchent d’un bel ensemble et j’me retrouve agenouillée à-même le sol. Poupée de chiffon secouée par des sanglots qui sont étranglés par un rire d’aliénée. Mes yeux sont agrandis par le choc et ne dévient pas de l’aiguille tâchée de pourpre.
Le Yobbo qui me surplombe lâche toujours pas l’affaire avec ses idées de revanche macabres.
« Mais tu comprends pas putain… » J’relève la tête vers lui, un masque de pure déraison sur le visage. « Il est mort pour moi. T’as du entendre parler de c’qu’il a fait, hein ! » J’relève mon Tshirt à la hâte en tirant dessus comme une forcenée. Y a une boursoufflure dévoilée, toute fine et qui coure du nombril jusqu’au bas-ventre. C'est par-là qu'on m'a cruellement sauvé en découpant les organes abîmés. La dernière des cicatrices visibles. Elle tire encore un peu parfois, mais les pires sont à l’intérieur. Perpétuellement à vif, elles se gangrènent jusqu’à l’os pour ne laisser qu’un amas putride.
Le tissu s’affaisse à nouveau, comme mes épaules. De nouvelles plaies se sont ajoutées à celles qui me labourent tous les nerfs.
« Tu penses qu’il m’aime ? Tu penses qu’il sait comment faire ? Alors explique-moi, puisque t’as l’air de bien mieux l’connaître que moi, comment on fait pour rétamer la personne qu’on est sensé adorer jusqu’à ce qu’elle finisse à l’hôpital ? C’est quoi l’mode d’emploi pour juste tourner le dos et te barrer alors que t’as repeint les murs en rouge ? »
L’amour cogne et vacille. Il me casse la gueule sans trop de difficulté.
J’serais presque prête à participer à sa combine tellement la peine est intolérable.
Mais la loyauté est encore trop profondément ancrée pour porter l’coup fatal. Ou en tout cas pour en partager la gloire.
Et j’oublie pas non plus qu’un instant auparavant Seven a essayé de m’envoyer dans les veines de quoi sombrer. Ils ont laissé tomber toute notion de morale. Pire que des animaux justes bons à piquer.
« Vous êtes complètement fous… Et vous avez tout perdu. »
Finalité amère. Terriblement pure.
« Tu comptes faire quoi ? M’assassiner ? » Un sourire mauvais et incertain déforme la pulpe de mes lèvres.
Après tout, tu peux bien essayer Seven. Ce sera une grande première ; devenir l’meurtier d’une morte-vivante.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyDim 15 Avr - 14:58

« Pourquoi toi ? Qu’est-ce que vous avez foutu pour en arriver là ? » La question plane dans l'air et il serre les dents, silencieux, l'histoire qui se rejoue en flashs qui brûlent ses rétines. Les coups de poings les coups de reins, les insultes et les moqueries, le sang, les plaies. L'humiliation, cuisante. Il donnerait tout pour revenir au soir où tout a dérapé, faire les choses autrement, ne jamais le croiser, ne jamais le toucher. Mais c'est trop tard et y aura pas de retour en arrière, ils sont allés beaucoup trop loin. La machine est infernale et il ne sait pas comment l'arrêter. « Comment ça fracassée ? Il a... » Un rire sec lui échappe. Sa gorge en papier de verre, même respirer devient un exercice douloureux. « Tu veux un dessin ? » Il se souvient du soir où il a trouvé Anca couverte d'hématomes, à la secouer pour qu'elle parle mais à n'essuyer qu'un silence borné, une loyauté dégueulasse. Si elle avait donné son prénom, les choses auraient tourné autrement il en est convaincu. Il aurait pas eu à la trouver en train de crever sur son lit.

Eanna se laisse tomber au sol et il la regarde faire, aux premières loges pour la voir sombrer. Droit comme un piquet, prunelles toujours braquées sur elle comme s'il attendait le meilleur moment pour presser la détente. Il voit sa carcasse se mettre à vibrer et il n'arrive même pas à dire si elle est en train de rire ou pleurer. Peut-être les deux. Ça sonne détraqué – elle aussi, elle perd pied. « Mais tu comprends pas putain... » Elle le regarde et il a l'impression d'faire face à son propre reflet, il reconnaît la douleur la colère la folie, ça résonne en lui trop fort. « Il est mort pour moi. T’as du entendre parler de c’qu’il a fait, hein ! » Ses sourcils qui se froncent trahissent son incompréhension, mais il n'a pas l'temps de réagir qu'elle répond à ses questions en un geste. Son t-shirt qui se lève et dévoile la peau diaphane, marquée par une cicatrice longue et fine. Il n'a pas les détails mais ça lui suffit à comprendre que si on a dû l'ouvrir, c'est qu'il a dû y aller fort. « J'vois qu'il épargne personne. » Pas même Samih, pas même Eanna. Il savait pas et y a quelque chose de dérangeant dans ces découvertes, s'rendre compte que ses ennemis sont pas si différents de lui, qu'au fond ils ont peut-être tous un bourreau en commun. Y a un rictus qui vient tirer sur le bord de ses lèvres, la jubilation qui prend le dessus alors qu'il devine que JJ est en pleine auto-destruction.

Ce sera facile, d'aller lui porter le coup fatal.

« Tu penses qu’il m’aime ? Tu penses qu’il sait comment faire ? Alors explique-moi, puisque t’as l’air de bien mieux l’connaître que moi, comment on fait pour rétamer la personne qu’on est censé adorer jusqu’à ce qu’elle finisse à l’hôpital ? C’est quoi l’mode d’emploi pour juste tourner le dos et te barrer alors que t’as repeint les murs en rouge ? » Il pourrait lui cracher dessus, lui dire qu'il n'est ni psy ni assistante sociale et qu'elle peut aller s'faire foutre avec son histoire d'amour explosée. Pourtant il se tait. Il la contemple un instant, s'accroupissant pour se mettre plus ou moins à sa hauteur, ses yeux qui cherchent à accrocher les siens. « Tu piges pas ? Il aime personne. » La vérité c'est qu'il n'en sait rien, il ne l'connaît pas comme elle semble le croire. Ils ont jamais tenu la moindre conversation, pas capables d'aligner plus de deux phrases d'affilée sans finir par se cogner. Ce qu'il connaît c'est les pires aspects, ceux qui sont sales et violents, les bas instincts, les mêmes que les siens. « Moi j'le déteste, mais toi, Sam, vous avez été là pour lui. T'as vu l'remerciement ? » Sa main vient remonter le t-shirt de Nana brusquement, pour que sa cicatrice revienne brûler à la lumière. Il remue le couteau dans la plaie, cherche à jouer sur les sentiments. Il sait pas ce qui s'est passé, ni entre JJ et Eanna, ni entre JJ et Sam. Tout ce qu'il sait c'est qu'il trouve les deux en morceaux et s'il peut finir de déchirer tous les fils qui relient JJ aux gens qu'il aime, il le fera. « Ma sœur a voulu crever à cause de lui. » Sa voix est basse comme s'il ne voulait pas qu'elle l'entende, l'aveu qui lui écorche la langue et lui crame les lèvres. Dans ses yeux ça flambe, ses poings qui se serrent alors qu'il approche son visage du sien, détachant chaque syllabe pour qu'elles lui martèlent le crâne une à une. « Il te laissera dans l'même état. »

« Vous êtes complètement fous... Et vous avez tout perdu. » La vérité est toujours douloureuse à entendre. Il ne la quitte pas du regard, sa mâchoire qui se contracte férocement. Elle sait pas combien elle a raison, elle sait pas combien ils ont tout fait cramer. Ses mains tremblent mais il reste figé. « Tu comptes faire quoi ? M’assassiner ? » Ses yeux dévient sur ses lèvres qui s'étirent dans un sourire mauvais, sourire qu'il voudrait lui arracher. Il secoue la tête. Même si c'était son plan initial, il voit bien qu'il n'y arrivera pas – il a pas ça en lui, pas de sang froid. Y a quelque chose de résigné au fond de ses prunelles, une fêlure qui s'ajoute aux autres, plus profonde, plus sombre. Il est trop calme. Son souffle s'est finalement apaisé, sa rage est contenue, il a arrêté de s'agiter. C'est le pire des présages, toute la haine ravalée qui l'empoisonne et le gangrène de l'intérieur, ça lui bouffe la cervelle et lui ronge le cœur. « J'm'en fous d'toi. C'est sa peau que j'veux, pas la tienne. » Et ça le désespère de n'rien pouvoir faire, la sensation d'impuissance qui le rend barge et lui donne envie de tout casser. Il a une grenade au creux des tripes, qui attend sagement qu'on vienne la dégoupiller – la promesse d'un attentat suicide pour être sur de l'emporter avec lui. En attendant il n'y a qu'Eanna et il sait plus quoi faire d'elle. Il pourrait la tabasser en espérant que l'information remonte jusqu'à JJ, mais il n'en a même plus envie. « T'aurais pas dû venir putain. » Elle aurait pas dû le tenter, lui faire miroiter l'illusion d'une vengeance qui a explosé en plein vol. Il n'a rien gagné. Ses faiblesses un peu trop dévoilées, ses poings qui se serrent dans le vide. Il s'est jamais senti aussi pathétique.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyLun 16 Avr - 15:50

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Seven & Eanna
BLOOD // WATER

Il se baisse à son tour pour mieux m’braquer de son regard noir.
Il aime personne.
Traumatisme cardiaque, j’ai l’cœur qui loupe plusieurs battements lorsque j’entends cette évidence prononcée par la voix sourde de Seven. Ce sont des mots dégueulasses. Leur écho me laisse un goût infect dans la bouche et j’ai envie de protester. Pas parce que j’y crois encore mais par pur esprit de contradiction. C’est pas au Popescu de prononcer cette sentence, il a aucun droit sur mon chagrin.
« Ta gueule ! Ferme-la ! »
Je crache ma haine en vain, parce qu’il faut bien qu’elle aille quelque part. J’peux pas la garder toute entière ou j’vais brûler vive. L’hero agit obligeamment en m’empêchant de trouver une quelconque motivation physique à lui lancer mon poing dans la figure. Dommage, parce qu’il est pile poil dans l’bon angle.
En réalité j’arrive même pas à esquiver sa main qui fait s’envoler le bas de mon Tshirt. Le courant d’air me fait frissonner. La honte engendrée par l’humiliation me colore les joues. Parce qu’il a raison. A un moment de notre relation est venue la compréhension que l’amour consiste, entre autres, à ménager en soi une place aux haines irrationnelles de l’être aimé. J’ai beau avoir tout accepté de JJ – une réciproque vraie elle aussi – y a quelque chose de fondamental qui a largué les amarres entre nous. A partir du moment où je n’avais rien décelé d’autre que l’égarement au fond de ses yeux pendant que la douleur éclorait dans mon bas-ventre. Aucune tendresse. L’amour déficient.

Un brusque sursaut m’agite quand je l’entends dire le pire. Toujours le pire puisque le mieux ne semble plus avoir cours ici. A nouveau mon imaginaire déformé s’habille avec la silhouette diaphane d’une jolie brune au teint tour à tour exsangue ou parsemé d’ecchymoses. J’ai de la peine pour elle. D’la haine aussi qui flambe, à l’idée qu’elle ait vécue les mêmes moments d’intimité que moi avec JJ. Le cerveau est pas d’accord avec le cœur. Pour l’premier il faut tout effacer. Annihiler. Absoudre toute forme d’affection qui pourrait subsister.
Bon Dieu, j’en viens à regretter l’overdose manquée.
Et l’autre qui tourne en boucle avec ses idées de vengeance à la con.
« J’ai compris ! J’AI COMPRIS PUTAIN ! »
Tais-toi. Tais-toi ou j’te bute. J’t’arrache les globes oculaires à mains nues. Te déchire la langue avec les dents et laisse pourrir c’qui reste de toi au milieu de ton appart’ tristement ravagé.
La rengaine agressive ne s’arrête plus.

J’me soustrais à ses doigts d’un revers et me lève péniblement. Pour aller où ? Qu’importe, je n’supporte plus le grain de sa voix et de partager le même air que lui. Je sais pas encore s’il va m’laisser partir sans esclandre ou continuer à essayer de me retenir là. Si c’est la deuxième solution j’suis mal parce que j’suis pas en état de piquer un sprint.
Les larmes ont séché sur mon visage en lui plaquant dessus un masque mortuaire.
« Alors t’as qu’à m’laisser foutre le camp. Tu veux faire quoi de toute façon ? Il est au placard pendant un bon moment, t’as plus qu’à l’attendre gentiment à la sortie. »
Il. Le traître. L’infidèle. Le renégat. L’hypocrite et sournois bonimenteur à qui j’ai fait confiance les yeux fermés. Il peuvent bien aller s’enterrer tous les deux dans un duel à mort.
« Puis si y en a un qui meurt on aura p’t’être enfin la paix. »
Elles sont moches ces paroles. Affreuses, mais elles sonnent putain de vraies.
« Ça serait même mieux qu’vous disparaissiez tous les deux. »
J’veux aller à la touche, envoyer le coup final. Létal. Au stade où j’en suis j’me fous de savoir s’il va m’cogner pour les calamités qui me sortent de la bouche. Ils se sont crus tous puissants à jouer avec la vie des autres. De personnes qu’ils sont sensés aimer et qui les aiment très certainement en retour. Deux despotes de merde, voilà tout c’qu’ils sont. Alors ils doivent bien se douter qu’à force de nous fouler aux pieds comme des moins-que-rien y a la révolte qui va se mettre à gronder. Sortez les fourches et les piques, à bas l’oppresseur !
Et j’veux bien me la jouer martyre si ça permet de les faire dégringoler de leur piédestal.

« Tu vas m’lâcher les basques. »
C’est pas une prière, une question ou une autorisation en suspend. Juste une constatation glaciale. J’ai assez de colère pour me faire indifférente, au moins quelques instants.
Avant que la façade se craquèle et que la consternation s’répande.
Seven aura pas mon désespoir.


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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyMer 18 Avr - 18:01

« Ta gueule ! Ferme-la ! » Non. S'il peut pas la crever de ses poings, il essaiera d'le faire en transformant ses mots en venin. Il voit son visage se transformer et il sait pas si c'est parce qu'il a visé juste ou parce qu'elle se fait mal toute seule. Il s'en fout, tant qu'elle souffre. Ça sera jamais assez pour rattraper le mal qui a été fait à Anca.

Anca comme un spectre dans sa tête, elle plane à chaque mot qu'il prononce, à chaque vibration de rage, à chaque décibel qui descend quand il avoue dans quel état elle a fini. Ça lui arrache la gueule de l'dire – révéler à quel point la machination de JJ a bien marché. Et si la haine est contrôlée, elle n'en reste pas moins palpable quand il se répète, la vengeance comme obsession, en boucle en boucle en boucle comme un disque rayé. « J’ai compris ! J’AI COMPRIS PUTAIN ! » Quand elle lui échappe, il ne cherche même pas à la retenir. Il la regarde se lever et finit par l'imiter, cloué sur place par le poids des émotions qu'il a ravalées jusqu'à s'étouffer avec. Il est figé, bras collés le long de son corps, poings serrés, muscles tendus. Statue d'acier, qui attendra le bon moment pour entrer en fusion et tout cramer.

« Alors t’as qu’à m’laisser foutre le camp. Tu veux faire quoi de toute façon ? Il est au placard pendant un bon moment, t’as plus qu’à l’attendre gentiment à la sortie. » L'esquisse d'un rictus se dessine sur ses lèvres, les dents qui se dévoilent à peine. Bien sûr qu'il va l'attendre. Bien sûr qu'il sera là pour le cueillir à la sortie. « T'inquiètes. Je l'oublierai pas. »

Cinq mois. Le compte à rebours est lancé.

« Puis si y en a un qui meurt on aura p’t’être enfin la paix. Ça serait même mieux qu’vous disparaissiez tous les deux. » Au stade où ils en sont rendus, il est persuadé qu'y aura pas d'autre fin possible que celle-là. Ils ne s'arrêteront qu'une fois dans la tombe, et peut-être qu'ils s'y pousseront mutuellement.

Ça lui paraît même pas important. Rien ne l'est – la fureur a placé un voile trop opaque sur ses yeux, il fonce droit dans l'mur et il n'en a plus rien à foutre. Il peut bien crever, du moment qu'il emporte JJ avec lui.

« Tu vas m’lâcher les basques. » Elle a l'air sûre d'elle. Trop, peut-être. Assez pour l'irriter. Il tique, sa tête qui se penche sur le côté alors qu'il la dévisage un instant, toujours immobile. Et puis soudain il fond sur elle, l'agrippant pour la plaquer contre le mur facilement, comme si elle n'était qu'une plume et lui un géant. Il sent l'impact vibrer de la carcasse d'Eanna jusqu'à ses doigts, accrochés au tissu de son haut. L'une de ses mains qui grimpe jusqu'à son visage pour l'empoigner, ses joues prisonnières de l'étau de ses griffes. Il se rapproche, son corps pratiquement collé au sien pour entraver ses mouvements, son visage si proche que leurs souffles se mêlent. Le regard aussi sombre que les abysses qui menacent de l'avaler. « C'est pas parce que j't'épargne que tu dois t'sentir pousser des ailes. » Elle devrait pas jouer avec le feu, suffirait d'une étincelle pour qu'il explose. « J'peux encore changer d'avis. Y a qu'toi et moi, et t'es pas en état d'me résister. » Ses lèvres s'étirent alors qu'il resserre sa prise sur elle, comme pour imprimer cette idée à travers le brouillard de l'héroïne. Qu'elle sache qu'il lui offre la grâce, et qu'il peut la lui retirer aussi vite qu'il la lui a donnée. Il se sent souverain – empereur à l'égo détraqué, qui cherche à rattraper la faiblesse qu'il a laissé apparaître face à elle. « Alors tu fermes ta gueule, et tu t'casses. Maintenant. » Il réduit la pression qu'il exerce sur elle, sans la lâcher pour autant. C'est assez pour qu'elle puisse se dégager, mais il n'est pas capable de couper le contact lui-même, de renoncer volontairement à la vengeance qu'il a touchée du doigt. Le goût amer qui vient tapisser son palais a quelque chose de trop familier. C'est celui de la défaite.
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MessageSujet: Re: Worst love _ (Naven)   Worst love _ (Naven) EmptyDim 22 Avr - 21:11

Worst love
Seven & Eanna
OVER

J’suis trop concentrée sur l’air qu’il faut inspirer. Les genoux chancelants à verrouiller. Et pas pleurer. Pas pleurer. Trop de paramètres qui m’empêchent d’anticiper Seven et sa bouche de travers qui n’présage rien de bon. Il me cueille comme un boulet de canon.
Le mur m’égratigne les omoplates et me vide d’oxygène. Je grogne sous l’impact mais ça ressemble plus à un piaulement. Normalement j’devrais lui bourrer les jambes de coups d’pieds et le griffer en tous sens. Marquer, blesser, contusionner, meurtrir. Mais tout ce que j’peux faire c’est subir.
Il est tellement proche que sa chaleur m’étouffe. A moins que ce n’soit sa main qui me harponne durement la mâchoire. J’ai l’pouls qui bat follement la mesure juste sous ses doigts. J’ai l’envie paradoxale d’en rire : il peut rien m’faire de pire que ce qu’il a dit juste avant. La contrainte physique est une délivrance, exutoire malsain à l’affliction.
Cogne, cogne, cogne.
Noie donc la rébellion qui me maintient en vie et t’arrêtes pas tant que toutes les braises sont pas éteintes.
Rends-moi service enfoiré.

J’me contorsionne légèrement quand l’étau s’étrécit encore. Face à moi j’ai qu’un sourire funeste. Une ligne béante, maudite que je voudrais dissoudre d’un jet d’acide. J’remonte dans bien que mal mes paumes jusqu’à son torse en raidissant mes bras. J’suis pas foutue de le faire bouger d’un millimètre même si mes ongles se plantent sans ménagement dans la peau en dessous du T-shirt.
« C’est ça, merci pour l’cadeau. »
Ma voix est enrouée malmenée par la déshydratation, les cris et la gorge serrée. Ce qui ne l’empêche pas de ruisseler de sarcasme. J’espère ardemment arriver à l’provoquer assez pour allumer la mèche. Qu’il vienne m’éclater les lèvres et faire sauter l’cartilage.
J’veux pouvoir sourire aussi, à pleines dents teintes de pourpre.
J’veux que cette hideuse balafre s’ajoute à ses cauchemars.
J’veux qu’il s’en souvienne en détail pour l’comparer à celui d’sa sœur.

La déception est immense quand il laisse du jeu. Suffisamment pour que j’reprenne une respiration régulière, mais pas assez pour m’libérer complètement. J’ai toujours mes mains crispées sur son thorax en vaine tentative de séparation. Des fourmillements traînent encore dans mes membres, signe incontesté des traces importantes d’héro qui s’y trouvent.
« Lâche-moi putain ! »
J’finis pas rassembler suffisamment d’énergie pour le repousser médiocrement. Cette fois-ci je le lâche pas des yeux, bien décidée d’arrêter de me faire avoir. J’ajuste deux pas à reculons. La tête tourne. L’horizon plie. Mais la colère qui frôle le fanatisme me maintient suffisamment en place pour que j’mette la main sur la poignée gelée. Sortie de secours tangible.
« Tu vaux pas mieux que JJ. » Non, vraiment pas. Parce que si l’un m’a laissé le corps en morceaux, l’autre s’est chargé avec brio de l’esprit. Les chiens fous se sont acharnés sur la carcasse avec grand soin et y ont foutu le feu une fois l’festin terminé. Y a plus que les plumes calcinées de l’hirondelle. « T’fais pas d’illusion Seven » Le mépris est fulgurant et dur comme une masse qu’on abat sur l’béton. « Ça va pas en rester là. Si c’est pas moi ce sera quelqu’un d’autre, si c’est pas quelqu’un d’autre ça sera encore une autre personne. Tu vas forcément récolter c’que t’as semé. Regarde ta frangine… »
On sait tous les deux que c’est le futur qui l’attend. Même s’il veut pas savoir, même s’il se voile la face. Moi en tout cas, j’oublierai pas les bleus qui finiront par s’estomper ni l’aiguille homicide.
Pendant que je parle la porte grince sur ses gonds et déverse un brusque courant d’air froid. J’sens à peine la différence de température, en revanche j’hume parfaitement la liberté qui m’tend les bras.
« Tu peux toujours essayer de t’convaincre du contraire mais tu vas tomber comme lui. »
Y a une crampe qui se distord du côté de ma poitrine quand j’prononce ces mots.

J’lui adresse même pas un hochement de tête et m’empresse de franchir le seuil pour aller rebondir contre les parois. J’m’esquinte les coudes et les épaules dans les escaliers en titubant avant de finalement déboucher dehors.
J’ai qu’une envie : me rouler en boule dans l’caniveau et m’laisser pourrir là. A la place j’avance docilement dans les rues désertes. Machinalement, j’sors mon téléphone maintenant fêlé et compose un nouveau numéro. Y a encore celui de Popescu qui trône en tête de liste, ça m’fout la gerbe.
« Bonjour, la communication n’a pu aboutir. Nous vous rappelons que les détenus ne peuvent recevoir d’appels extérieurs. Les cabines téléphoniques sont accessibles tous les jours de 7H30 à 11H15 et de 13H00 à 18H00… »
« BORDEL ! »

Le cellulaire termine sa course contre le trottoir et explose. J’reste un instant à le fixer en tremblant de toutes parts. Puis ramasse les morceaux en sanglotant.
J’suis misérable.
Et j’ai plus qu’à attendre comme une conne.
L’hirondelle se crash.


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