sans horizon ϟ rien qu'une bande d'ignares. Faut l'être, pour appeler ses gamins Johnny et Brandi. Elle n'avait pas d'avenir, pas d'horizon, rien pour la faire rêver, dans ce pays qui mise tout sur la poursuite du bonheur. Et pourtant, Dieu sait qu'ils sont américains jusqu'à la moelle chez les Cox. Ils sont des rêveurs déchus, les oubliés du système, qui continuent de croire sagement en ce pays de demeurés. Les Cox sont pauvres depuis dix générations, des ouvriers, des débrouillards, qui aspirent un jour vivre la success story que les Etats-Unis d'Amérique leur ont promis. Ils sont bêtes. Johnny et Brandi ont été élevé aux fast food, aux coupons de réduction et aux heures sup. Débrouillards dès le plus jeune âge, mais lésés dès le départ. Les parents ont pourtant tout essayé pour donner de meilleures chances à leurs enfants. Pas en économisant pour les études, ça non, mais Johnny a été élevé en bonne petite star de football américain dès son enfance, dommage qu'il n'y a jamais trouvé aucun plaisir, et Brandi a arpenté les castings pour pub enfant, les photoshoot et les concours de mini miss. Odette, sa maman, croyait beaucoup en sa beauté, elle que la vie n'avait pas gâté. Elle a reporté ses frustrations et ses désirs inavouées sur les maigres épaules de Didi qui n'était pas tellement intéressée par tout ça. Mais elle se pliait au jeu, à chaque fois, parce que c'était sa seule chance, qu'elle se disait, que sa mère lui disait. Sa seule chance de faire autre chose de sa vie qu'être la concierge d'une barre d'immeuble mal famée, de devenir riche, de partir loin.  sous les pavés ϟ Quand on vit au rez-de-chaussée de l'un des immeubles d'une grande cité, on n'a pas vraiment vu sur le ciel. De la fenêtre de sa chambre, Didi ne voyait que les centaines de fenêtre et balcons identique de cet immeuble année 60 qu'ils occupaient. Elle est née et a grandi dans cette cité un peu craignos, elle y a appris les codes, la vulgarité, le franc parler et la violence que ça implique. Elle a vécu cette mixité mal acceptée, sauf qu'ici, valait mieux être noir que blanc. Elle a connu les guerres raciales, les voitures en feu et les sirènes de police à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, les deals se faisaient devant le pas de sa porte, elle, fille de la concierge. Mais elle a connu aussi cette solidarité unique des oubliés de l'Etat. Sa banlieue elle l'aime autant qu'elle la hait au fond d'elle, mais elle ne l'avouera jamais. Elle a voulu la quitter depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne. Fuir cet appartement trop petit pour quatre, fuir le béton poussiéreux et les briques, arracher les pavés pour voir un peu de monde. Et elle a réussi, à force de persévérence, à force de la haïr, elle a fini par se créer sa porte de sortie. Depuis, moins elle y fout les pieds et mieux elle se porte. Elle déteste rentrer chez ses parents, elle déteste absolument tout quand elle revient, elle se sent en décalage, tout le temps, même avec les amis qu'elle a gardé malgré tout. Son frère la fatigue, ses parents la dégoute et ses amis, elle n'a plus grand chose à lui dire. Mais faut croire que quelque chose la rattachera toujours à son passé, même si elle n'en fait même plus mention à ses nouvelles connaissances maintenant. Elle préfère s'inventer une enfance dans une ville tranquille de l'Etat, change de version selon les personnes qu'elle rencontre, n'avoue la vérité qu'à ceux qui pourraient comprendre, et qui ne lui accorderont pas un sourire hypocrite et un haussement de sourcils dégoûté. violents désirs ϟ elle a perdu sa virginité à 13 ans, du moins, c'est ce dont elle s'en souvient, même si son père avait déjà volé tout chez elle un an plus tôt. Didi a toujours eu une relation assez particulière avec le sexe, avec cet aspect qui la dégoûte autant qu'elle en a besoin. Elle n'a jamais tellement pris ça au sérieux, et parfois, ça fait tellement mal que ça fait du bien. C'est ce qui la décrirait le mieux. Des partenaires, elle en a eu beaucoup trop. Elle ne les compte plus, ça lui donnerait la nausée. Mais y a ce moment, pendant l'acte, ce moment où elle se sent importante, aimée, bien. Un tiers de seconde, pas plus, pas mieux. Elle couche avec tout ceux qu'elle ne veut pas perdre, elle couche pour oublier, elle couche pour s'amuser, elle couche pour retenir et pour se perdre. Et pourtant, juste après, y a un grand vide. Un désintérêt total. Elle ne ressent rien. Et chaque fois elle espère que ça changera. Chaque fois. Mais y a que Tommy qui la connait, qui sait ce qu'elle veut. Y a que Tommy à qui elle ose demander, que Tommy qui sait faire ça bien. Que Tommy qui sait à quel point faire mal pour qu'elle ressente quelque chose. Ça ne lui a jamais plu, à lui, mais elle s'en fiche. Et quand elle est lassée de ses amours sans joie, elle revient irrémédiablement vers lui. cigarettes after sex ϟ elle fume. Absolument, tout le temps. Elle a vécu dans un trois pièce enfumé en permanence. Tout le monde a toujours fumé autour d'elle, des lucky strike, parce qu'elles sont moins chères. Didi a commencé à fumer à 12 ans, elle piquait dans le paquet de son père. Il l'a tout de suite su, et bizarrement, ça ne l'a pas dérangé, ça lui plaisait de la voir fumer si jeune. Il continue à lui donner ses cigarettes, après le repas, à table, avec le café. Et ces cigarettes là font mal à la gorge quand elle aspire cette fumée, car elle sent ce regard insistant sur elle. Quoi qu'il en soit, Didi ne passe pas une demi heure sans fumer. Elle finira avec un cancer des poumons, de la langue et de la gorge et tout ça en même temps, elle tousse un peu tout le temps, mais elle s'en fiche et si y a bien une chose qui l'énerve plus que tout, ce sont ces idiots qui ne supportent pas la fumée de cigarette. Dans ces cas-là, elle prend un malin plaisir à en allumer deux fois plus et recracher la fumée en plus dans leur visage. Elle aime contaminé son atmosphère, elle aime l'odeur de tabac froid sur ses doigts et sur ses fringues, et surtout que personne ne lui fasse la moindre réflexion dessus. déphasée ϟ Vivre la nuit, cuver le jour. Ne parfois pas voir le soleil pendant des semaines. Tenir au café trop serré et aux gin tonic de l'open bar. Boire beaucoup. Fumer aussi. Dormir peu. Didi ne dort jamais plus de quatre heures, légèrement insomniaque, elle a tout simplement pris l'habitude des soirées à répétition, c'est son fond de commerce. Chroniqueuse et blogueuse ne demande pas un rythme de vie suivi et elle détesterait se retrouver au milieu de tous ces col blancs dans le bus le matin à 8 h 30. Non, elle, ce qui lui plait c'est la liberté que son travail lui permet. Toutes les accréditations pour les événements mondains, rencontrer du monde, ne pas se faire d'amis mais avoir des tonnes de connaissance. Didi est une fille sociable, assez pour s'adapter à n'importe quel groupe d'humains, si elle n'a jamais un air jovial, elle est capable de tenir une conversation avec à peu près n'importe qui, capable de se faire aimer par tout le monde, et pourtant, elle, elle n'aime pas. Alors pourquoi elle raffole de ces nights clubs ? De ces endroits bondés et branchés ? Elle ne sait pas, ça lui donne l'impression d'exister quand elle est au milieu d'une foule ivre. Elle boit énormément, mais c'est pour le boulot. Elle est complètement déphasée, jamais sur le bon fuseau horaire et son corps finira par lâcher un jour ou l'autre, elle qui n'a jamais fait un repas à une heure normale depuis qu'elle a quitté le domicile familiale. Mais tant pis, live fast, die young comme disait l'autre. les flammes dans le coeur ϟ être amoureuse, Didi ne sait pas vraiment ce que ça veut dire. Elle ne comprend pas ce sentiment car y a toujours un arrière goût de cendre dans sa bouche et pourtant, elle l'est amoureuse, depuis ses treize ans. Elle est fondamentalement accrochée à Tommy. Il a brûlé pour elle, ce soir-là, le soir de leur première fois. Un incendie s'est déclaré dans son appartement et ils se sont perdus en voulant s'échapper de l'immeuble. Elle a réussi à partir de son côté, par les escaliers de derrière, et pourtant, ne la voyant pas derrière li, Tommy a foncé dans les flammes pour la retrouver. Il a trinqué le pauvre, et son torse calciné en porte encore les marques. Mais bizarrement, même s'il en a honte, Didi elle aime ces cicatrices. Elles la rassurent quand elle doute. Elles sont la preuve irréfutable de l'amour trop fort qu'il a pour elle. La preuve qu'elle compte, quand elle se sent juste tellement creuse qu'elle aurait envie de s'ouvrir le ventre pour vérifier. Tommy qui la comprend et la suit dans toutes ses envies, dans toutes les étapes de sa vie, Tommy qui a toujours fait partie du paysage. Et leur amour brûle souvent, s'éteint parfois, reprend toujours. nue sur les galets ϟ ils ont regardé un reportage animalier une fois. Tous les deux. Ils rentraient du squat, avaient pu trop de bière malgré leur jeune âge, ils étaient bourrés. Odette était chez sa soeur en floride, Johnny était chez sa copine et le père de Didi bossait de nuit. Il n'y avait rien à la télé, rien. Ils ont fumé des cigarettes devant ce reportage sur les pingouins, ou peu importe ce que c'est. Didi ne se souvient que d'une chose de ce reportage, qui les avait fait pleurer de rire à l'époque. Cet espèce de danse nuptiale avant de copuler. Y avait une histoire de galet. Offrir un putain de galet, c'est la pire des déclarations d'amour et pourtant, c'est la première qu'elle a fait. La seule qu'elle a fait. Aller en choisir un, alors que Johnny venait de l'appeler pour lui dire que Tommy était encore à l'hôpital à cause d'une de ses conneries, quelques semaines après ce putain de reportage animalier. Alors Didi elle est allée le voir, un caillou dans la poche de son manteau. Elle n'osait pas le sortir, elle le tournait dans sa main moite pendant toute la durée de la visite où Tommy racontait, les yeux brillants de fierté sa nouvelle frasque. Et elle entendait sans écouter, y avait que ce galet qui l'obsédait, c'était comme s'il irradiait dans sa main. C'était l'idée la plus stupide qu'elle n'avait jamais eu, la plus stupide. Alors elle la simplement lancé sur le lit, sans oser le regarder. C'est la première fois qu'elle lui a dit je t'aime. Parce qu'ils n'ont jamais été fichu de se le dire avec des mots. Les galets, c'est leur truc à eux. Elle a gardé le premier qu'il lui a offert, il est dans sa valise, elle l'emporte partout avec elle, sans jamais voulu expliquer le pourquoi du comment. sans gluten ϟ elle a rencontré Carl a un vernissage. Le style impeccable du mec branché mais socialiste, les lunettes rondes juste pour le stylé, le chignon à la mode et les références culturelles avisées. Carl est un type intelligent, gentil, plutôt marrant. Carl est un type qui plairait à n'importe quelle nana random. Il ne plaisait pas du tout à Didi. Et pourtant ils se sont rapidement mis ensemble, parce qu'ils ont commencé à se croiser partout. Carl il était végétarien, et il mangeait sans gluten. Il avait toujours le dernier iPhone, et il était très engagé politiquement. Carl il aimait la fête mais également passer des journées à peindre. C'est un artiste slash designer. Un bohème à la vie bien rangé. Carl avait un appartement super en centre ville, c'est surtout pour ça que Didi est sortie avec lui. Son propriétaire la mettait à la porte à ce moment-là. Il l'a hébergé et ils ont vécu en ménage sans même avoir eu le temps de développer des sentiments l'un pour l'autre. La routine a pris le pas sur la passion avant même qu'ils aient le temps de vivre quoi que ce soit de transcendant. Carl présentait bien aux yeux de tous, ils formaient un couple incroyablement bandant, même s'il ne l'a jamais fait vibrer. C'était pas faute d'essayer, mais il n'aurait pas compris ce qu'elle attendait de lui. Didi a toujours été du genre fidèle, en tout cas pendant le peu de vraie relation qu'elle a eu. Et pourtant, au bout de quelques mois déjà, elle étouffait. Mais comment se débarasser de lui? Elle n'en savait foutre rien. Y avait juste un moment où tout allait super bien. Carl et elle s'entendaient bien et faisaient des double-date avec Ivy et Meo. Tout le monde étaient très copains, tout le monde s'entendaient à merveilles et Didi elle avait l'impression de crever à petit feu. A ce moment là, elle ne parlait plus à Tommy, plus du tout. ils s'étaient quittés de la pire des manières la dernière fois et y a eu un trou d'un an dans cette passion dévorante. Elle se faisait chier, clairement. Y avait plus rien qui lui donnait envie de vivre. Plus rien. Alors didi a commencé à fantasmer sur Meo parce qu'il avait ce côté inaccessible, ce côté aussi toxique qu'elle. Elle a couché avec lui, mais ça n'a toujours pas été suffisant pour faire fuir Carl. Elle pouvait même pas le dire parce qu'elle aurait perdu Ivy dans la bataille, et puis Meo s'est tiré et elle ne voulait pas se retrouver toute seule. La routine a commencé à devenir toxique, comme si elle avalait une cuillère de mort aux rats tous les matins pendant que Carl mangeait son muesli avec un sourire niais. Elle a commencé à le détester. Elle a songé à se jeter par la fenêtre, juste parce qu'au moins elle n'aurait jamais à assumer une conversation gênante avec lui. Alors elle a appelé Tommy. Elle l'a appelé pour qu'il la baise une bonne fois pour tout, pour ressentir à nouveau quelque chose, et pour briser la confiance de Carl pour les femmes par la même occasion. Tout était calculé, tout. Et tout s'est passé exactement comme elle l'avait prévu. Un an de relation qui vole en éclat en un tiers de seconde, c'était magnifique, c'était dingue, c'était excitant. Et Carl était tellement en colère, et Didi se sentait tellement mieux d'un coup.  tout détruire ϟ vous l'aurez compris, didi elle sait pas être heureuse, en fait elle n'en a même pas envie. Dès qu'elle commence à l'être, faut qu'elle foire tout avant que tout foire. Elle aime tout casser, tout détruire. Le malheur a ce côté rassurant de ne jamais vous laisser tomber trop longtemps, la dépression non plus. Elle ne sait pas si elle est dépressive, sa mère a essayé de l'emmener voir un psy un jour, mais elle a refusé. Elle n'a pas envie de guérir, si jamais elle est malade. Elle est juste comme ça, et si ses éclats de rire sont trop sincères, elle ne se reconnait plus. Y a un côté cinglant et blasé chez elle, mais c'est la seule chose de stable. La seule chose qu'elle veut garder avec elle. Comme si un coin de sa tête lui rappelait que le bonheur, c'était pas pour elle, en permanence. Alors Didi foire tout, et quand tout finit par se casser la gueule, elle se dit qu'elle le savait, que ça allait mal finir. Elle cherche le malheur et en même temps le subit, y a rien qui tourne rond chez elle. Rien. Comme si elle avait le coeur dans le mauvais sens. Elle fait toujours le mauvais choix, elle aime quand ça fait mal. Elle voudrait bine que tout s'arrête. Et puis elle replonge. Elle aime la chute, elle aime le noir. D'ailleurs, elle ne porte pratiquement que du noir. Parce que c'est ce qui la représente le mieux. Le noir. mourir demain ϟ elle est trop narcissique pour tenter de se tuer. Et pourtant, quand on n'a aucune foi en la vie, pourquoi vouloir qu'elle continue ? On se contentera de dire que si Didi n'a pas envie de mourir, elle n'a pas spécialement envie de vivre non plus. Elle est devenue cynique au point de se promener dans la vie comme un funambule, attendant simplement quele vent ne la pousse d'un côté ou de l'autre. Parfois elle réfléchit à ce que ça serait, comment ell ele ferait. Les médicaments ou quelque chose de plus théâtral. Les veines ouvertes dans une baignoire. Faudrait déjà qu'elle ait une baignoire, et depuis que Carl l'a foutu à la porte, si elle a une douche décente, c'est déjà un bon point. Et sa réflexion s'arrête là.
J'ai pas de baignoire pour me suicider comme je le voudrais de toute façon. Et puis la flemme, ce soir y a un concert intéressant. Désintéressée de son propre sort, tout simplement.