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 last trip (sereo)

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Serena Gianelli

Serena Gianelli
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MessageSujet: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyVen 1 Déc - 12:24


Elle aurait préféré un coin reculé de Nouvelle-Calédonie ou une petite île perdue entre l’océan indien et l’océan pacifique. Mais c’est trop loin maintenant. Trop tard à présent. Elle aurait dû partir avant. Quand son corps aurait encore pu tenir le choc des plus de huit heures de vol. Elle se contentera des Carraïbes. C’est déjà bien comme destination pour mourir. Guatemala, Nicaragua, Jamaïque, Mexique, Honduras… Elle choisira le premier avion qui décolle vers une de ces destinations une fois à l’aéroport. Elle a un petit peu de temps avant. Même si tout est vidé. Appartement et boutique. L’enseigne à disparu, le bail cédé, tout s’est bien goupillé. L’univers bien accordé sur cette fin la réconforte presque. Il ne lui reste plus que ce dernier tour en ville à faire et elle pourra partir.

Si seulement tout ne prenait pas autant de temps. Si seulement chaque geste, chaque souffle ne lui coûtait pas autant, elle serait déjà partie et elle ne l’aurait pas croisé devant sa porte. Ça ressemblerait presque à ce départ en week-end camping direction la Floride qu’ils s’étaient improvisés il y a quelques mois, quand ils avaient emprunté le van de sa grand-mère. Mais ça semble si loin maintenant. Et même si ils ont tous les deux le don de voir au-delà des apparences, ils sont bien obligés de faire face à leurs allures respectives. Si différentes. Si branlantes. Mais elle ne dit rien. Parce qu’elle a trop mal et que lui aussi certainement. Les tu m’inquiètes, dis stop si tu en as envie, pourquoi tu te dégoûtes à ce point, pourquoi tu es si exigeant, pourquoi tu te laisses grignoter ainsi… tu es fait pour être adoré, Leo… tu ne prends pas assez soin de toi, j’ai peur parfois. qu’elle n’a pas eu le temps de lui dire… C’est maintenant ou jamais. Parce qu’elle lui doit bien ça, depuis leur rencontre au Tibet jusqu’à tous ces croisements où ils se sont attachés l’un à l’autre. Parfois loin, mais toujours proches. Ça a toujours été comme ça. Peut-être que leurs âmes se connaissent d’avant. Peut-être qu’ils viennent de la même essence. Ils ne le sauront jamais et d’ailleurs, ça n’a pas d’importance. Elle n’a pas toujours aimé mettre des mots et étiquetter ses ressentis. Surtout pas pour cet espèce d’amour absolu mais unique qu’elle éprouve pour Leo. Ce truc indéfinissable qui se suffit à lui-même, rend son coeur plein mais vide ses mots.

J’pars en voyage. Donc je te dis au revoir. Ça ne sort pas correctement. L’émotion et la douleur ont gorgé sa voix au mauvais moment, fait trébucher ses mots sur sa langue. C’est bien pour ça que je voulais partir de cette façon et ne croiser personne. Elle a besoin de s’asseoir, elle a besoin de partir. Le taxi m’attend. Il faut que j’y aille, il faut, il faut, il faut… Qu’elle y aille. Avant qu’il ne remarque la chèche qu’elle lui a empruntée et qu’elle ne lui rendra jamais, bien trop utiles pour dissimuler les cheveux blonds manquant. Il faut qu’elle y aille avant qu’il ne comprenne. Parce que Leo n’a jamais voulu saisir ce qui se passait, même si il sait. Il est plus enfant qu’on ne pourrait le croire. Rien à voir avec l’homme engagé, enflammé qui ouvre sa poitrine et offre son coeur à toutes les humanités possibles. J’aimais le son de sa voix, son esprit, son rire, son regard sur le monde. Tu vas terriblement me manquer Leo.
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Leonard River

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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyVen 8 Déc - 15:11


Pas de routine, plus d'horaires, plus de nuit blanche sur le tournage, beaucoup trop de temps pour se retrouver seul avec soi-même, seul dans cet appartement où la lumière froide de l'hiver filtre à travers les baies vitrés. Quand Leo a pris cet appartement, après la Bolivie, après son retour forcé, il l'a choisi grâce à la vue sur mer et les baies vitrées. Fenêtre sur le monde vaste qu'il n'avait pas encore exploré. Qu'il n'explorerait peut-être plus jamais de la même manière. Puisqu'il n'a plus d'heures, Leo vit en décalé, comme il l'a toujours fait de son temps libre. Incapable de savoir l'heure exacte, il traîne, un thé à la main, le plaid patchwork sur ses jambes, affalé dans son canapé de recup. Quand la sonnette retentit, il ne s'attend à rien. Aucune visite, rien d'exceptionnel. Peut-être le voisin du dessous qui vient lui demander de lui dépanner 10 balles de beuh, comme la dernière fois. Alors il se lève, et baisse un peu Pink Floyd sur ses platines et se traîne jusqu'à la porte.

Ce n'est pas tellement son apparence qui le percute en premier. Ses joues si creuses, ses mains qui tremblent et son teint blafard. Non, ce n'est pas ça qui le frappe, c'est la lumière de ses yeux : elle n'est plus là. Juste de la fatigue, beaucoup de fatigue. Serena est éteinte et ce qu'il croit deviné derrière son regard efface le sourire qui s'était étiré quand il l'avait reconnu. Le voilà, à tenir sa porte, à la regarder, sans même dire un mot. Elle brise le silence en premier, de toute façon, se passant de la même façon de salutations. J’pars en voyage. Donc je te dis au revoir. Normalement, il aurait sauté de joie et bavé de jalousie à l'entente de ces mots. Tu vas en voyage ? Cool, où ça ? Putaaain j'aimerais tellement t'accompagner. Voilà ce qu'il aurait répondu, la seconde suivante, si y avait pas cette grande vague de froid qui se balade et l'émoi qui vibre entre eux. Leo se contente donc de pencher la tête sur le côté, il est fatigué lui aussi de toute façon, et pas tellement en forme. Y a pas de méfiance dans son regard, il sait qu'elle est en train de mentir, par omission en tout cas. Mais il ne lui en veut pas. Non, il ne peut jamais lui en vouloir pour rien à elle. Il lui laisse la place de s'exprimer, voilà tout. Sa chevelure blonde se repose contre l'encadrement de la porte. Le taxi m’attend. Qu'elle ajoute, et c'est comme si elle voulait étirer les secondes, faire ça doucement, pour que la déchirure fasse moins mal. Leurs âmes, à Leo et Serena, elles sont tellement liées, qu'en arracher une à l'autre, c'est quasi barbare. Et ça sonne comme un déchirement tout ça. Parce qu'elle est là, avec cet air-là, parce que sa voix tremble. Pourquoi il a l'impression qu'il ne la reverra pas, hein ? Encore une fois il reste silencieux, peut-être parce que l'info remonte au cerveau, et le percute. Il sait tout, quasiment tout. Elle lui a dit, quelques semaines auparavant. Elle lui a raconté en long, en large et en travers, sur la route de Florine. J'ai eu un cancer. Le cancer revient peut-être. Et puis il est revenu, et puis il gagne du terrain. Elle lui a dit, mais y a trop d'optimisme chez eux pour se laisser impressionner, non ? Et puis Serena peut pas disparaître, elle peut pas se laisser grignoter de l'intérieur. Elle est trop lumineuse, elle est trop belle pour ça. Belle du cœur. Le karma, le destin, n'importe, il peut pas laisser faire ça. Alors Leo s'est pas laissé submerger, jusqu'ici. Jusqu'à maintenant. Jusqu'à ce que d'un regard, il comprenne.

Tu vas terriblement me manquer Leo. Qu'elle conclut. Il veut répondre mais les mots sont bloqués dans sa gorge. Il veut répondre, la retenir. Il veut lui dire non : non tu pars pas. Y a encore des tas de choses à faire, des tas de choses à voir. Alors non, tu pars pas. Tu restes ici, avec moi. On va trouver une solution. Son visage, à Leo, n'est pas fermé, mais il est triste. Y a des petites rides qui cisaillent son front parce qu'il a les sourcils froncés. Et puisqu'il ne peut pas parler, il attrape son poignet avant qu'elle ne fasse demi-tour. Il l'attire contre lui et la serre dans ses bras. Assez fort pour qu'elle sente son cœur battre contre le sien, battre pour le sien. Pas trop fort pour ne pas la casser, elle se frêle. Il pose une main contre sa nuque pour la retenir une seconde de plus, et il ferme les yeux. Quand ses yeux se ferme, il voit le Tibet, les montagnes. Il voit la tente sous laquelle ils ont dansé, ri, et pris cette mixture mystique. Il sent presque le vent aride et l'oxygène qui manque à cause de l'altitude. Et il la revoit, belle à crever, en train de se laisser guider par le rituel du shaman. Il la revoit aussi, se déhancher sur du Zucchero au milieu d'une foule joyeuse d'autochtones, pendant que lui et ses grosses valises pleine de matos, ses 23 ou 24 et son coeur plein d'amour, posaient le premier pied au village. Alors, rapidement, Leo y pense : la traîner de force voir ce shaman aux mains miraculeuses, enlever ce mal qui la ronge, la ramener en pleine forme. Il y croit dur comme fer, mais il ne dit rien, encore. Car dans sa tête à Serena, la décision semble déjà prise. La décision n'appartient pas à Leo.

Il se recule, sans la lâcher, et la regarde, de si près. Il la trouve belle malgré tout, belle même s'il devine son crâne lisse sous ce chèche qui lui dit vaguement quelque chose. Belle malgré le teint si pâle, les cernes et les os saillants. Il monte ses mains jusqu'à ses joues pour caresser son visage du bout de ses pouces. D'une voix calme, décidée, il parle enfin : J'viens avec toi Serena. Je veux faire ce voyage avec toi, voir ces choses avec toi. Je veux pas que tu sois seule, je veux être là pour toi. Je veux qu'on se serre dans les bras l'un de l'autre, qu'on s'embrasse et qu'on parle, qu'on écoute du Zucchero. Évidemment que je viens ! Qu'il ajoute, sans trop savoir si c'est pour elle ou pour lui. Il se plait à penser qu'elle savait qu'il dirait ça, et que c'est pour ça qu'elle est passée. Il ne sait pas si c'est vrai, mais ça lui fait du bien de se le dire. Là il recule d'un pas et le traîne dans son appartement pour fermer la porte derrière elle. Il la lâche, un peu fébrile : J'ai besoin de deux minutes. Juste deux. Tu pars pas, tu promets ? Son regard se fait si intense qu'il la croit incapable de mentir de toute façon. Il part à reculons dans sa chambre.

C'est un peu comme s'il savait sans savoir. Comme s'il avait deviné mais que les mots ne s'inscrivaient pas dans son crâne. C'est comme s'il ne voulait pas y croire. Il veut juste profiter de l'instant, de Serena. Il veut juste partir, laisser derrière lui toute cette merde à Savannah au lieu de la laisser partir elle. Parce qu'elle est lui, et il est elle. Ils sont trop proches, trop semblables, trop compatibles pour se séparer. Il n'a pris qu'un change, et un sac à dos en tissu brodé, c'est tout. Son passeport, sa carte, un peu de cash. Il ne sait même pas où ils vont. Tant pis, tant mieux, non ? Quand il revient dans le salon, son coeur bat tellement fort qu'il en est presque essoufflé. Il s'est rendu compte qu'après à quel point il avait peur. Peur qu'elle parte et qu'elle le laisse là.
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Serena Gianelli

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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyJeu 28 Déc - 15:20


L’univers lui a dit. Tu as eu ton temps. Tu as eu ton présent. C’était bien. Parfois dur mais toujours aimant. C’est bon maintenant, tu peux te reposer. Et c’est ainsi que l’histoire se finit. Ça ressemblerait presque à un happy end. La fin d’une histoire, joli conte qui n’endormira personne. Mais temps que personne ne s’endort avec des larmes dans les yeux, le conte reste beau. Qui ne rêverait pas de partir en beauté ? Qui se termine par un voyage à la plage ? Sauf qu’il y a des petits détails, des petites tâches sur le pola souvenir. Des petites choses qu’on remarque avec nostalgie, qu’on affectionne peut-être plus que la photo du moment en elle-même. Comme le regard de Leo, la crispation de ses muscles et la volonté bloquée dans ses veines, sous sa peau. Les mots imprononçables et si visibles à la fois. Ça a quelque chose de transparent cet instant, suspendu entre eux. Ils peuvent essayer de dire tout ce qu’ils veulent, y a toujours cette nudité des sentiments tissée entre leurs âmes. Tellement que ça en devient trop triste, presque insupportable. Et comme elle s’apprêtait à le faire, parce que finalement Serena ne pouvait décemment pas juste se détourner, sans rien de plus… C’est lui qui étouffe ses pensées en sang par le geste. Les palpitants complices et les peaux mimétiques. Il l’étreint et elle l’étreint plus encore. Je sais., que son corps dit. Moi aussi., que son coeur tait. Et elle entend tout ce qu’il ne dit pas après. L’homme-enfant, l’homme-amant, l’homme-aimant. Il est là et il sera encore là après tout ça. Ça a quelque chose de rassurant alors qu’elle se sent encore plus nue que jamais devant lui. Si nue qu’elle n’ose plus rien dire quand il affirme qu’il vient. C’est pas l’envie de lui dire non qui manque pourtant. Comme si elle avait envie de partager ses pires moments avec l’une des plus belles personnes de l’univers ? Ce dernier ne peut pas laisser ça arriver. Leo a déjà trop conscience. J'ai besoin de deux minutes. Juste deux. Tu pars pas, tu promets ? Mais elle ne peut pas lui dire non. Comme elle n’a pas réussi à partir sans l’enlacer. C’est pas naturel. Les conflits et les batailles entre eux, c’est pas eux. Alors elle hoche la tête, positive. Je promets., qu’elle ne dit pas mais qu’il devrait voir.

Je vais me reposer sur toi tu sais…, qu’elle lui a dit de toutes les façons possibles pendant le trajet jusqu’à l’aéroport, et ce, pour toutes les significations imaginables. Comme quand elle a calé son corps contre le sien parce son propre poids contre le cuir du siège auto lui aurait laissé des bleus. Comme quand il a fallu disséminer entre leurs affaires et enrober avec créativité les dernières herbes de Seven dont elle aurait besoin. Comme quand elle lui a laissé trouver cette cabane sur la plage, négocié avec les locaux, alors qu’elle attendait sagement, l’esprit déjà sur l’horizon. Seule force inéluctable, inébranlable aujourd’hui. Y a des choses qu’on perd et qu’on regagne parfois. Comme quand elle a pris les billets pour le Guatemala sans le laisser en placer une.
J’ai souvent mal et plus grand chose qui tient…, qu’elle a tenté de lui expliquer pendant le vol. Qu’il saisisse bien qu’elle l’a fait frauder, risquer la prison, pour des calmants beaucoup trop temporaires maintenant. Que ce n’est pas pour rien qu’elle veut être sous un soleil plus chaud que celui de Savannah, dans une mer plus calme que celle de Savannah. Y a des choses qu’on gagne et d’autres qu’on perd finalement. Comme la force de son corps à s’ancrer au sol et l’impression d’avoir été mitraillée par une vieille arme de guerre. Cette bataille-là contre le cancer, elle l’a perdu. Mais si ce n’avait pas été pour mettre de côté ce premier round avec la maladie, elle ne l’aurait jamais rencontré au Tibet. Comme elle ne serait probablement jamais retourné à Savannah ouvrir une boutique pour ses créations. Et elle ne l’aurait jamais revu. Elle n’aurait jamais rencontré Madame, Caïn, Jael, Asher et tous les autres. Elle ne serait pas devenue fan d’un groupe d’enfants perdus à 24 ans. Elle n’aurait pas adoré son dealer capricieux. Tout ça : elle ne l’aurait pas vécu, et aujourd’hui, elle ne s’imagine pas sans tous ses bagages dans son univers. Alors quelque part, dans un recoin de son âme, y a un merci qui traîne et qui ne sortira jamais. Sa seule crainte maintenant, c’est de partir quand Leo est là. Qu’il se réveille avec un cadavre sur les bras. Elle n’a jamais rien voulu contrôler dans sa vie, mais ça, rien que ça, elle aimerait avoir la main dessus. Mais elle se dit qu’elle le sentira bien arriver et qu’elle dénouera la situation comme on défait une couture loupée. Quelques gestes minutieux, une figure chaloupée, des frôlements de voie lactée : elle s’est tellement entraînée au Troisième Oeil qu’elle sait trop bien faire maintenant.

J’ai faim Leo. Ce n’est pas arrivé depuis plus d’un mois. Cette sensation vivante et éveillée au fond de son ventre. Et ce matin, c’est bien là. Tous ses sens semblent plus forts aussi. Les vagues ont l’air de grignoter le sable d’un peu plus près. Le soleil a l’air plus gourmand en voulant picorer la percienne jusqu’à leurs peaux emmêlées et un peu endormies. J’me sentirais d’aller sur le marché chercher des fruits. Après avoir avancé dans sa construction de sable qu’elle a commencé hier dans un moment de régression totale. La faute à Leo qui a réussi à trouver LA mixture locale qui la soulagerait encore plus. Tu viens avec moi ?. Demande posée contre ses lèvres. C’est presque taquin mais aussi pour se prouver à elle-même qu’il tient à ses mots et à ses idées. J'viens avec toi Serena. Je veux faire ce voyage avec toi, voir ces choses avec toi. Je veux pas que tu sois seule, je veux être là pour toi. Je veux qu'on se serre dans les bras l'un de l'autre, qu'on s'embrasse et qu'on parle, qu'on écoute du Zucchero. Que c’est son meilleur compagnon de voyage et qu’il lui ferait presque regretter de ne pas avoir fait plus avec lui.

Pourtant, elle sait ce que signifie ce regain d’énergie.

Okay.
Allez, c’est notre dernier voyage ensemble et on a toute la journée pour en profiter.
Perfect last day.

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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyMar 9 Jan - 16:05

Elle n’a pas cessé de lui dire sans pour autant prononcer les mots. Il a deviné chacune de ses inquiétudes et s’est donné pour mission de les balayer d’un revers de main. L’herbe dans l’avion ? t’inquiète j’ai fais ça mille fois. Partir pour une destination au hasard, sans billet retour ? C’est ce que je préfère. M’occuper de toi ? Avec plaisir, j’adore ça. Les avertissements de Serena se sont envolés, suivant le courant froid de l’air hivernal, Serena et Leo, quant à eux, ont pris la direction d’une île perdue des caraïbes, à deux heures d’avion, un petit peu plus peut-être, là où règne un éternel été. Dès qu’ils ont posé pied à terre, Leo retrouve ses vieux réflexes. Prendre quelques photos, se promener dans la ville, très vite Serena s’affaiblit et il faut trouver où dormir, quoi de mieux que cette cabane le long de la plage, à l’écart des touristes et des baigneurs que Leo a négocié avec le propriétaire. Elle lui sert d’entrepôt pour quelques matériels de plongé et planches de surf, il tente parfois d’initier les touristes, même s’il n’a aucune licence pour ça. En déplaçant deux ou trois conneries, Leo et Serena auront largement de quoi dormir, on utilisera les sacs de couchage, les paréos et quelques coussins déjà dénichés sur le marché pour être confortablement installé, et puis le propriétaire de la cabane à promis d’offrir thé ou café le matin.
C’est dingue l’air que ça fait de s’éloigner de sa ville natale, des Etats-Unis et du reste. Malgré le drame qu’inspire ce dernier voyage, il n’y a rien qui est lourd, non, c’est meme plutôt léger. Leo s’occupe la plupart du temps des repas (Serena mange à peine), de laver leur vaisselle improvisée, rouler les joints qu’elle ne peut pas rouler. Pour le reste, ils vivent au rythme des humeurs et de la fatigue de Serena. Quand elle a la force, on se promène le long de la plage, on se baigne un peu, on s’aventure dans le village, on va au marcher, on a aussi passé toute une après-midi rien qu’à discuter, allonger juste devant la cabane, à prendre un peu de soleil et à fumer. Il fait bon vivre cette vie sans attache, sans projet, sans rien : juste du temps à perdre. Un mode de vie qui convient tout à fait à Leo, si vous voulez mon avis. Car dès qu’il se trouve autre part que dans sa ville natale il va mieux. C’est psychologique, physiologique, l’un ou l’autre ; mais il sourit. Et il en oublie presque la gravité de la situation. Tous les signes que le corps de Serena envoie en rafale : il les manque. Pour lui, ils se sont échappés, voilà tout.
J’ai faim Leo. La voix pleine d’énergie de Serena n’alerte pas Leo, il sort doucement de son demi sommeil dans lequel il se trouve depuis peut être une heure maintenant. Quand les premiers rayons on commencé à filtrer à travers les lattes mal fixée de la cabane, il a ouvert un oeil, s’est retourné dans son sac de couchage pour chercher le contact, il a caressé la peau de Serena du bout des lèvres pour bercer ses rêves, au final, il s’est bercé lui-même au rythme des vagues et s’est rendormi aussi sec, à mi-chemin entre les songes et la réalité. Hmm. qu’il répondit en étirant son corps nu sans oser encore ouvrir les yeux. J’me sentirais d’aller sur le marché chercher des fruits. Encore une fois, rien ne lui semble anormal. Il ouvre un œil pour la regarder. Son crâne nu ne choque plus, il ne voit que ses dents du bonheur apparentes grâce au large sourire qu’elle lui offre et qu’il lui donne en retour. La vie semble naturelle avec Serena, loin de Savannah. Une vie que Leo pense, une seconde peut-être qu’ils auraient pu avoir. Si seulement elle n’avait pas perdu son numéro de téléphone, si seulement lui n’avait pas cassé le sien quelques jours après. Au moment où ils se sont promis de se revoir, certainement pas aux Etats-Unis, mais de se retrouver quelque part sur le globe, après le tournage au Tibet, s’ils s’étaient appelés, recontactés, si jamais… Une vie pleine de “et si” défile en un quart de seconde devant les prunelles encore endormies Leo. Ils auraient eu une magnifique vie ensemble, il en est persuadé. Une vie sauvage très loin d’ici, forcément ailleurs, une vie entrecoupée d’autres choses, une vie qui ne répond à aucune norme, pleine de rencontres. Ils auraient pu ne faire que se croiser pour les vingt ans qui auraient suivi, se retrouver, s’aimer et repartir. Cette vie aurait été si paisible. Mais ces pensée ne durent que si peu de temps, que Leo s’en souvient à peine. Il est simplement envahi d’une grande vague de bien être qui lui donne bien sûr tout de suite envie de la suivre quand elle propose d’aller sur le marché.
Il se lève, sans être gêné par sa nudité, sort même de la cabane pour retrouver ses affaires de la veille qu’il a posé négligemment sur le sable, il jette un coup d’oeil à la construction qui s’érige juste devant, quand ils faisaient des pâtés de sable la veille encore, sourit du coin des lèvres en repensant au fou rire qui accompagnait cette magnifique fresque éphémère et s’habille dans la hâte sans trop se préoccuper de l’hygiène élémentaire d’un début de journée occidental normal. En trois minutes il est prêt à se fondre dans la masse de gens, Serena aussi. Tu veux que je roule avant de partir ? Qu’il propose tout de même, sourcils froncés, quand ils s’apprêtent à partir, étonné de voir que les douleurs insupportables de la veille ont fini par s’envoler comme Serena le laisse sous entendre. Il hausse les épaules, pas très inquiet, même plutôt heureux. Son optimisme naïf va le perdre, car il va s’habituer. En quelques secondes, cette nouvelle routine va s’imprimer dans son cerveau et cette escapade de dernière minute va se transformer en idéal de vie. Il aura oublié. Oublier que Serena est mourante, oublié tout ce qu’elle lui a dit dans l’avion. Il commence déjà à oublier, parce qu’elle va un peu mieux aujourd’hui. Parce qu’elle ne semble pas aller si mal que ça, au quotidien. Il oublie qu’elle ne subsiste que grâce aux herbes emportés et aux drogues locales, au soleil et à la bonne humeur qui doit primer sur tout. Il oublie aussi qu’elle va bien parce que Serena est si solaire qu’elle éclipse tout le reste. Il oublie tout, jusqu’aux signes annonciateurs de la mort. Pourtant quand Serena lui sourit et qu’ils prennent la direction du marché, y a comme quelque chose d’un peu plus froid qui les suit, d’un peu plus amer. Et ça sonne déjà comme une dernière fois.
…donc, je vais voir le type, qui au passage m’a demandé comment t’allais et si tu revenais ce soir, j’ai dis peut-être, j’en sais rien, enfin bref, il m’expliquait que son cousin partait à la pêche sur les coups de 4 heures du matin juste à côté de la cabane où on squatte mais vraiment pas loin il m’a montré sur une carte. Donc je lui ai dis que ça serait super cool d’aller le retrouver à son retour de pêche pour prendre ses poissons, parce qu’en fait, il va pas directement au marché, il arrive d’abord sur la plage et vend ses meilleurs poissons juste aux connaisseurs qui viennent directement le retrouver. J’voulais y aller ce matin, mais j’me suis rendormi, on ira demain ? Leo, le bras enroulé autour de l’épaule de Serena, racontait la discussion enflammée qu’il avait eu la veille, après que Serena soit allée se coucher et qu’il ne trouvait pas le sommeil, avec un type qui tenait un bar non loin d’ici. Il s’impatientait de rencontrer ce pêcheur et imaginait déjà leur prochain repas à base de poissons grillés à même le feu qu’ils allumeraient tous les deux.
La place du marché est bondée à cette heure-ci. Et ils s’enfoncent dans cette marée humaine qui crie de l’espagnol d’un côté ou d’un autre, ils passent devant tous les étalages sans se pression, ils s’arrêtent presque à chacun d’entre eux, ne serait-ce que pour sentir les fruits, et se questionner l’un et l’autre sur ce qu’ils avaient déjà goûter ou non. Ils échangent quelques mots avec les commerçants, passent à l’étalage suivant. Ils ne sont pas pressés, en tout cas, Leo ne l’est pas. Il se contente d’étirer ce moment d’accalmie, persuadé que si rien en vient les perturber, il pourra durer pour toujours.
Ils ont quelques fruits dans leur sac quand ils passent devant cet étalage de vêtements et autre foulard dans lequel Leo la traîne, presque de force. Il connaît leur passion commune pour les jolis tissus, il veut s’en acheter. Il veut lui en acheter aussi, aussi stupide que ça soit, parce qu’il n’y pense pas, il ne pense pas qu’elle n’en aura plus aucune utilité, non vraiment. Au fond de la boutique, une femme est en train de tisser et Leo se perd dans la contemplation. Il présente Serena, “elle est styliste” qu’il précise même, et fait un tour du propriétaire, en essayant quelques foulard dans ses cheveux ou autour de son cou, il en tend un à Serena : Essais ça pour voir, j’suis sûr que ça t’ira bien. Il en profite, car il est ravi qu’elle soit assez en forme pour aller jusqu’au marché, qu’il a peur que ça ne dure pas. Y a comme un frisson qui le parcours, ça ne durera pas, il le sait maintenant, l’électrochoc voile son regard une seconde, heureusement il se retourne vers d’autres tissus.
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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyDim 28 Jan - 23:45


La question de rouler ou non qui s’échappe trop naturellement alors que la réponse est toujours oui. Mais ça fait partie des rituels, de ces pointillés dans la vie, dans cette vie qui garnissent le vide qui se fait pourtant au fond d’elle, même si Leo feint pour ne pas le sentir.
La suite de ces habitudes déjà prises entre eux quand elle est capable de tenir debout : ça a des airs de dolce vita. C’est pas l’Italie mais ça ressemble à un retour aux sources. Et dans un sens, la boucle est bouclée, ça sera le meilleur moment pour partir, aussi cruel que cela puisse paraître pour Leo. Elle aurait aimé l’emmener rencontrer sa famille, et que ses parents connaissent sa grand-mère, ils s’entendraient bien et les débats seraient vifs, feraient vibrer les murs de cette maison où il fait trop chaud pour dormir alors qu’elle flirte avec les flancs des collines toscanes bordés de syprès. Vieiles bandes de hippies heureux. Eux aussi ils sauraient apprécier chaque parfum, des épices -Serena tique, plus sensible que d’habitude-, et des fruits savoureux. C’est dingue de se dire qu’ici, loin de chez eux tout a plus de goût. Parce qu’aujourd’hui, elle en a. Ça tombe bien. Et ce poisson péché au petit matin lui fait envie, alors elle dit oui. Bien sûr qu’on ira. La vivacité et la générosité des marchands qui leur font tout tester sans rien demander lui rappellent combien elle peut aimer les gens et les rencontrer. Et même si Leo ne le sent pas, elle se repose inconsciemment sur lui à chaque contact. Comme si elle lui piquait égoïstement un peu de force à chaque fois, alors quand il la tire vers cette boutique de tissus, elle fait la moue juste une seconde avant de le suivre docilement. Il a des airs d’indispensable, surtout aujourd’hui. Enfant trop curieux, Serena avait tout de suite su, au Tibet, qu’elle pourrait le suivre n’importe où sans crainte. Elle aurait eu envie de le faire depuis plus longtemps, pour plus longtemps encore. Parce que c’est lui qui a la capacité de rendre toutes ces choses belles. Et Serena regarde à peine la femme tisser, ses yeux sont rivés sur les expressions tendres de Leo. Reflet.
Elle s’est finalement laissée prendre entre les fils de la propriétaire du magasin. Juste pour quelques mots et quelques gestes bien connus. Puis l’italienne revient à son nord magnétique. L’aura de Leo en boussole. Sans lui à ses côtés aujourd’hui, elle serait déjà partie. Il ne le sait pas que c’est à ça qu’elle pense quand il lui tend un foulard qu’elle noue autour de son crâne pour qu’il approuve ou désapprouve tout de suite. Mais le blond se retourne plus vivement qu’à l’accoutumé. Le regard fuyant et les épaules qui se baissent, la blonde se faufile dans son dos et passe ses mains autour de ses hanches. Menton sur son épaule, elle se blottit contre lui. Ça nous va bien. Mais ça serait encore mieux si tu ne pensais pas à des choses sans importance. Contre lesquelles tu ne peux rien. Tu sais Leo, ces choses que l’univers chuchote et qui n’ont pas forcément de sens tout de suite. Qui vont faire mal sur le coup, mais qui passeront avec le temps. Un peu comme la sensation d’un sparadrap qu’on arrache d’un coup sec. Instant présent Leo, instant présent. Ses lèvres en bandage dans son cou. Viens on va fumer.
Et plus pour effacer tout ce qui peut lui passer de mauvais dans la tête. Surtout pas après avoir fait des achats aussi classes, qui leur ressemblent trop. Son index trouve le sien et elle le tire doucement à l’extérieur pour y retrouver cette chaleur tropicale qui fait du bien. Ils rejoignent une autre cabane qui a les pieds dans le sable. Petite cahute en bois où tous les consommateurs locaux se retrouvent pour partager leur délires ou leur paix. Autre façon de se retrouver. C’était il y a deux jours où ils ont failli se faire plumer à un jeu dont ils n’ont compris que la moitié des règles ? Oui, probablement, ou peut-être pas. Mais elle a bien l’intention d’avoir sa revanche aujourd’hui tout en sirotant un de ces cocktails sucrés. Ils y retrouvent des habitués et se fondent au milieu d’eux comme si ils faisaient partie de la communauté depuis longtemps. Les checks s’improvisent, se ratent toujours autant pour Serena et puis le rire de Leo qu’elle veut voir revenir plus vite. Alors elle embobine leurs voisins de tablée dans la combine. Jusqu’à ce qu’ils se remettent en mouvement, qu’ils oublient l’épine au milieu de leurs coeurs, qu’elle le fasse rire et manger. Parce que leurs herbes ici et l’air -même à l’extérieur- sont enfumés de plus costaud que tout ce que pouvait fournir Seven. Donc elle aussi, elle mange plus, picore bien plus dans ces bols de fruits frais préparés à partir de leurs courses. Elle rit à nouveau toujours plus à chaque méprise avec ses complices, jusqu’à ce sa mâchoire lui fasse mal jusqu’à ce qu’elle contamine le blond. Mais si j’te dis que c’est mangeable Leo ! Piment plus ananas, ça passe. Si si. Elle ne voit pas où est le problème. Okay ou sinon alternative de fragile : ananas et tabasco. Baiser furtif. Elle rit contre lui, le résultat de son idée entre ses doigts, approchant directement vers la bouche de Leo. Alleeez !! Roberto l’a bien mangé ! Il me soutient lui au moins... Ses joues creuses parviennent à se gonfler, fausse boudeuse. Sinon, je ne danserai pas avec toi tout à l’heure et on est tous les deux privés de sieste ! De toute façon, ils ont du boulot encore. Ils doivent terminer un château de sable et elle veut réussir à voir des tortues dans leur espace naturel. Ou peut-être aller plonger juste avec un masque, des palmes et un tuba. Peut-être qu’elle risque de trop forcer, se surestime vraiment aujourd’hui. Mais trop d’envies et ce regain d’énergie inespéré, inestimable, elle veut mettre tout ça à profit : ça sera peut-être la dernière fois qu’elle peut se sentir aussi bien. Mais en tout cas, elle se projette déjà à cet après-midi et tout ce qu’ils vont faire. Rêveuse, le sourire incrusté, tatoué, posé là, sur elle, sur eux. Et elle les voit, ça se dessine et oscille dans sa tête. Les fleurs sauvages qu’ils iront cueillir pour la cabane, mais aussi pour la petite mamie deux cahutes plus loin après la leur. La petite marche qui les mènera un peu plus loin dans la forêt, au bord de la cascade. Ils pourront se baigner dans l’eau douce, et puisqu’elle aura emmené cette huile végétale magique, elle convaincra Leo de la laisser approcher de sa tignasse, vendant le soin et le massage du crâne, voire plus vu les affinités. Tout ce qu’elle sera capable de faire, Serena a décidé de le mener à bout. Rien ne l’arrêtera.
Même si la douleur décide de l’attraper brusquement. Qui sait si elle se réveillera demain, ou si ça sera pour après-demain ? Dans les prochaines heures ?
Non, ça, ce n’est pas possible. Elle a encore des choses à lui dire à Leo. Elle aussi elle en a des mots à lui chuchoter. Ces mots qui ne feront pas sens ou ces mots qui en donneront peut-être trop… Elle les tisse dans sa tête depuis qu’ils ont mis les pieds ensemble dans l’avion. Et aujourd’hui, elle est prête.
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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptySam 17 Fév - 19:08

Comment on fait, pour penser à l’instant présent ? Leo avait toujours su pourtant, se laisser porter par une lubie du moment, envie précise, lutte d’un jour. Il n’avait jamais fait de plan et tout avait toujours très bien fonctionné, pendant très longtemps. Il était né sans avoir été désiré mais ça avait marché, il avait grandi sans trop y penser, et ça avait marché. Il s’était tourné vers des études artistiques sans savoir ce qu’il voulait vraiment faire de sa vie, et il était devenu à 20 ans à peine caméraman. Tout avait marché. Quand on vit au rythme des tournages on n’a de toute façon pas le choix que de vivre dans le présent. On ne sait pas de quoi demain est fait, on ne sait pas quand on rentre exactement, quand on repart. Leo avait vécu dans l’instant présent par choix, par amour de moment, amour de l’incertitude. Alors pourquoi aujourd’hui il n’y arrivait plus ? Pourquoi le seul moment où il devait vraiment, vraiment, se concentrer sur ces instants bonus, ces moments capturés, peut-être les derniers qu’il n’aura jamais avec Serena, il n’y arrivait pas ? Sans doute parce que ce serait les derniers. Serena n’avait pas d’autre choix que de vivre dans le présent. Le futur, pour Leo, semblait trop dur, trop insurmontable pour être ignoré. Comment il était sensé y arriver ? En construisant des chateaux de sables et en mangeant de la papaye ? Alors Serena fit ce qu’elle faisait le mieux. Elle comprit Leo en un quart de seconde, elle posa ses grands yeux sur lui, sonda son âme et réussi à se glisser jusqu’au plus profond de lui, juste comme ça, en le regardant, peut-être même en posant une main sur sa joue. Elle y devinait la peur, la tristesse qui commençait à gagner du terrain. Elle devina tout. Leo se laissa faire, si y avait un remède, il le désirait volontier. Le remède, c’était elle. Elle et sa joie de vivre, sa bienveillance, cet éclat d’éternité qui se dégageait d’elle. Elle chassa les peurs, les laissa pour plus tard. Pour demain, tiens. Leo lui fit confiance. IL n’avait pas le choix de toute façon. Il lui fit confiance pour ne vivre que l’instant présent.

L’heure d’après, ils étaient passablement défoncés, entrain de baragouiner une langue entre l’anglais et l’espagnol et Serena tentait de faire avaler quelque chose d’horrible à Leo. Il en pleurait de rire, la pipe à eau dans une main, que Sebastian venait de lui passer. Et devant les suppliques de Serena il faisait non de la tête et de la main. No, no, no ! C’pas mangeable c’truc. Elle insistait depuis de longues minutes, et les locaux avec eux ne pouvaient plus s’arrêter de rire. Leo tira une latte sur la pipe avant de la passer à la nana de Roberto qui était lovée contre lui, le regard braqué sur le nouveau mélange que Serena concoctait du bout de ses doigts fins. Maaaais noooon. s’étranglait Leo en enfouissant sa tête dans ses mains. Mais la menace d’être privé de danse arracha bien une oeillade triste au blond. Il ne la croyait pas une seconde bien sûr, car l’empêcher de danser celle là ce n’était tout simplement pas possible. Et si elle réussissait à faire danser des gamins tibétains sur du Zucchero, c’était simplement parce que c’était plus fort qu’elle. Et puis y avait cette lueur espiègle au fond du regard de Serena. Sous le chapeau que Leo lui avait acheté un peu plus tôt dans la journée, le châle qu’elle lui avait volé quelques semaines plus tôt couvrait son crâne nu, deux pans retombaient doucement sur son épaule maigre jusqu’à sa clavicule apparante. Mais elle avait le même sourire qu’un nouveau né, le même teint frais, et puis ses dents du bonheur se laissaient voir. Leo se mordit la lèvre et secoua doucement la tête de gauche à droite. Qu’est=ce qu’elle lui faisait faire encore ? Il gonfla ses joues et souffla un bon coup avant de piquer le panama de Serena pour le mettre sur sa tête. OK, j’ai besoin de rhum. Il répéta cette phrase en espagnol à Sebastian, l’assemblé tapa fort dans ses mains, on lui ramena un grand verre. Leo tapa plusieurs fois dans ses mains pour se donner du courage. Il prit une grande rasade de Rhum ambré qui enflammèrent sa gorge, il secoua la tête et se pencha vers Serena pour manger d’une bouchée l’association qu’elle tenait encore entre ses doigts. Ca va, c’pas si terrible. déclara-t-il la bouche pleine. Trois secondes plus tard, il hurlait. AH SI, SI ! AGUAAA. Le four rire était général, sauf pour le blond, dont le visage s’approchait plutôt du rouge piment. Il mit du temps à pouvoir reparler normalement, et essuya ses dernières larmes vingt bonnes minutes après. Roberto se moquerait de lui pour les quinze jours à venir. Mais l’important n’était pas là, non l’important c’était qu’encore une fois, Serena avait réussi son paris. Elle lui avait fait oublié demain. Leo s’était laissé capturé dans l’univers sans futur de son amie. Comme souvent, elle contaminée avec sa sérénité, comme si rien ne pouvait l’atteindre, plus rien en fait. Il en avait oublié tout ce qui les attendait encore, enchaînant les verres de Rhum proposés même si on était en plein milieu de la journée. Mais ça désaltérait, sous ce soleil de plomb.

Dans le petit restaurant en bord de mer, il n’y avait pas beaucoup de places, les tables bancales de bois se chevauchaient presques les unes sur les autres, et dès qu’on voulait se lever, tout le monde devait se décaler de cinq centimètres. En plus les tables étaient trop petites sur cette terrasses, et on était tenté d’utiliser le cendrier du voisin de derrière. Mais de la vieille radio des années 2000 diffusaient ses ondes non stop. En fait, avec le café d’à côté, c’étiat à celui qui montait le son le plus fort, et on entendait plutôt un mic mac entre les deux stations. Mais, malgré les grésillements, quand les premiers accords de Zucchero se firent entendre, Leo en sursauta presque. Il était affalé au fond de sa chaise, en train de discuter très sérieusement de la situation géopolitique de l'Amérique Latine avec son voisin de tablée en partageant un cône. Mais son regard fut comme happé par celui de Serena, qui l’avait regardé en même temps. Y a pas le choix là ! Dit-il seulement, dans un souffle, en essayant de slalomer jusqu’à elle pour lui présenter sa main. Comme je le disais, il n’y avait aucune place sur cette terrasse. Mais entre quatre tables particulièrement bancales, Leo et Serena se dressèrent au milieu du seul et unique mètre carré de disponible. Cette danse ressemblaient surtout à une longue enlaçade. Ils n’étaient même pas en rythme. Leo avait perdu son visage dans le cou de Serena, il la tenait fermement par la taille, lui laissant le temp de relâcher la pression, se sentir faible une seconde. Il était là pour la retenir. Zucchero, la chanson sembla durer des heures. En fait, Leo n'entendait plus qu’elle et non les remarques de leurs nouveaux amis. Il n’entendait que le souffle de Serena, et son coeur qui battait contre ses côtes. Qui battait encore. Leo leva les yeux pour regarder sur l’horloge accrochée non loin. Il ne voyait plus très clair, faut bien l’avouer, mais il devina que le soleil était déjà en train de descendre. L’après midi était bien avancée. Faut pas qu’on tarde si on veut finir le château de sable. Il n’y avait que de la légèreté dans sa voix, quelque chose de doux, détendu à la fois. J’ai pas vu passer l’temps, on a encore trop de truc à faire. Il recula la tête pour pouvoir regarder Serena, avec cette douceur qu’il ne retrouvait qu’avec elle. Et on devait décorer la cabane. Rappela-t-il aussi, juste parce que ça lui traversait l’esprit. Toutes ces choses qu’ils devaient faire. Ils n’auraient pas le temps avant que le soleil se couche. Ce n’était pas si grave, si ? Leo monta l’une de ses mains jusqu’à la joue creusée de Serena, J’pense qu’on devrait faire un autre tour au château, j’veux qu’il soit énorme. Et peut-être qu’on devrait, tu sais, faire un genre de statue devant qui garde l’entrée. T’en penses quoi ? Alors que le ciel se teintait d’orangé, et que les derniers accords de Zucchero résonnait sur les ondes, Leo ne pensait qu’à l’animal qui pourrait garder l’entrée du château. A rien d’autre, que ces projets qu’ils n’auront pas le temps de finir, de toute façon. Car déjà, il avait baissé ses lèvres sur celle de Serena pour lui voler un baiser.
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Serena Gianelli

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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyDim 11 Mar - 21:13


Si elle avait su plus tôt. Si elle avait comprit plus tôt qu’il suffisait de lui sourire de cette façon pour obtenir ce qu’elle voulait, qu’il n’aurait jamais résisté, elle en aurait abusé bien avant ce moment. C’est faux, mais elle aime le croire. Leo cède, se prépare et réalise le défi. Sa réponse et les rires qui crépitent autour d’eux comme des milliers de feux d’artifice sont la plus belle réaction en chaîne. Ça vient aussi secouer ses côtes et jusqu’à son palpitant. Y a rien de mieux, rien de plus pur que ça. Avec Leo, le soleil ne se couche pas, c’est sa chaleur qui lui fait de l’ombre. Et c’est à tout ça qu’elle dit merci en déposant un baiser furtif au coin de sa bouche, aussi rapide que naturel, presque ni vu ni connu, ces derniers petits gestes, ces petites choses qu’elle ne pourra bientôt plus faire, dont il ne se rappellera probablement pas. Ces petits points qui forment des pointillés distillés ici et là, entre Attention et Affection, un jour, il reconnectera peut-être tout.

Leo s’emportait déjà dans une autre conversation qu’à la table d’à côté, Serena discutait avec Chiara, italienne elle aussi, en plein tour du monde. Une version plus jeune d’elle-même, revenant tout droit du Bhoutan. L’anglais et l’espagnol étaient mis de côté depuis un moment déjà, et d’un point de vue extérieur, la conversation pouvait ressembler à une dispute tellement elles parlaient vite et fort, si seulement il n’y avait pas leurs rires pour se percuter, accompagnés de gestes larges et enflammés. À cause de ça, elle avait mis plus de quinze minutes à lui recoudre la lanière de son sac en toile qui venait tout juste de céder. Serena en avait des crampes à l’estomac et des larmes au coin des yeux tellement cette fille avait connu la poisse dans ses voyages. Mais malgré tout ça, y a des accords qui savent en faire taire d’autres. Aimants dans les yeux, le même timing de réaction et des airs de télépathie : les deux voyageurs se regardaient sans se lâcher, Leo affirma le premier qu’ils n’avaient pas le choix, Leo l’embarqua en premier pour une fois. Le tempo original est là tout autour d’eux, probablement bien à plus de cent-vingt battements par minute. Mais eux sont au ralenti, leur version du slow-motion sur du Zucchero fait sourire la plupart des clients du bar avant que chacun ne reparte dans ses discussions. Mais d’un coup, c’est presque plus intéressant à ce rythme-là qu’au tempo de la première fois. Poésie imperceptible, grâce du moment, invisible à vitesse réelle. Des accros sur la bande son, de nouvelles couleurs détectées sur la peau du caméraman, un autre parfum mêlé à sa sueur. Comme un monde encore inaperçu. Lenteur magnifique. Comme si tout était plus beau au ralenti. Certainement parce que c’est avec Leo qu’elle danse cette fois. Parce qu’avec ce ralenti, Serena et la musique respirent mieux. Et même si ils se tiennent debout sur un mètre carré, elle a l’impression qu’ils ont poussé les murs, qu’il y a de l’air dans chaque cellule de son corps, qu’elle pourrait voler et l’emmener. C’est la peau de Leo contre la sienne qui fait ça. Elle le sait. Et ce n’est pas juste leurs corps dansant lentement qui rend cet instant étonnement doux. C’est leur capacité à activer ce ralenti, comme sur un vieux magnétoscope. C’est leur pouvoir magique dans la vie. Prendre le temps de se regarder, de se sentir l’un l’autre. Combinaison d’humains à part entière. Les instants se dilatent et livrent leurs secrets. Quand elle se détache un petit peu pour le regarder dans les yeux et mieux l’écouter, elle voit des planètes à la place de ses pupilles. En ralentissant le temps, elle voit autrement, elle créé déjà et tout paraît plus vivant. Le pouls de Leo bat contre ses doigts qu’elle fait traîner sur sa gorge. Elle n’avait jamais remarqué la petite cicatrice sous son menton. Monde de détails. Ils ne sont pas dans le même espace-temps que les autres, c’est ça. Le monde n’est pas moins beau qu’hier, mais peut-être qu’ils allaient trop vite. Encore ces nouvelles frontières. Un bouddha ou un animal ? Elle n’avait aucune idée de ce que ça pourrait être, aucun animal totem ne se dessinait clairement dans sa tête, mais elle était d’accord avec tout ce qu’il proposait, peu importe ce qu’il voulait. Parce qu’il n’avait même pris conscience de ce qu’il lui venait de lui donner, là maintenant, mais aussi depuis qu’ils sont montés dans l’avion. Alors ce baiser volé, ce n’était pas assez. Serena rattrapa le visage de Leo d’une main et remonta ses lèvres sur les siennes. Juste la volonté d’être un peu plus proche, la volonté de lui faire l’amour en un baiser. Comme si les deux étaient encore imaginables.

Au lieu de rentrer directement à la cabane pour finir le château de sable, ils se sont fait happer par une bande de gamins jouant au foot sur la plage. Elle n’était pas sûre de pouvoir faire un sprint, dribbler et tirer, mais si. Elle a réussi. Une fois. La seule fois où ils ont marqué. Les adultes ont perdu une bonne guerre. Ridiculiser par des mômes beaucoup trop intrépides et rieurs. Ils ont vite été dépassés. Tant pis. Une prochaine fois. Puis ils se sont arrêtés partout et nulle part à la fois. Les feuillages, les fleurs, les coquillages, les tissus et bouteilles en verre abandonnés… Tout pour composer cette déco, cet univers qu’ils auraient dû faire dès le premier jour. Ça leur prend presque la soirée, surtout qu’ils ont été à court de bougies au milieu du projet. Mais ils ont fini leur entreprise. Ça ressemble peut-être un peu trop à un foyer. Serena s’fait piquer le coeur avec le sentiment qu’elle n’aurait peut-être pas dû lui laisser tout ça prendre autant de place. Mais sa confiance en un Leo sans attache matérielle la rassure et efface l’instantané soucieux. Ils n’ont pas fini le château alors pour se rattraper, elle dessine leur prochain gardien. Des feuilles volantes d’animaux qu’elle croque, qu’elle annote de bêtises. Tigrou. Panda kungfu. Cochon sauvage. Dragon des eaux. Manchot royal. Tortue centenaire. Lapin touffu. Loup éperdu. Raton-laveur rieur. Loutre malicieuse. Ours légendaire. Elle noircit des pages et des pages, posée à l’entrée de la cabane, pieds et fesses dans le sable, cône dans sa main libre. Elle attend que Leo fasse à manger et qu’il la rejoigne pour regarder les étoiles se disputer le ciel. Ils vont encore être en désaccord sur les constellations, chacun y voyant ses préférés, des dieux grecques qui n’existent peut-être même pas, ils ne savent jamais vraiment puisqu’ils préfèrent se perdre dans leurs arguments. Quand il arrive, elle le débarasse des assiettes qu’ils partagent depuis le début. Il a malheureusement compris qu’elle grignotait un peu de tout, sucré, salé, son assiette, la sienne, un peu tout mélangé, sans système précis, au gré de sa gourmandise qui passe par vague. Et elle lui tend ses dessins et le joint. Faut que tu choisisses, que je façonne déjà dans ma tête la bête pour demain. Parce que oui, ils ont encore du travail. Elle lui mord doucement l’épaule quand il se moque de ce choix cornélien, mais elle insiste. Chacun sa part. Surtout quand il y a encore la nuit à passer. Elle commence à fatiguer, les gestes et les souffles à nouveau plus engourdis. Mais ce n’est pas encore douloureux. Juste quelque chose d’un peu pesant, lent et intense mais dans le bon sens, comme de l’électricité statique juste avant un orage d’été. Ça ressemble plus à ce moment de tout à l’heure, couplé au souvenir de leur première nuit. Elle avait les membres lourds, fiévreux, sous lui, les hanches remontant rapidement pour s’approcher des siennes et obtenir ce qu’elle voulait une deuxième ou troisième fois. Ils avaient partagé un regard fondant, un silence mutuel qui pouvait leur laisser à penser qu’ils n'en auraient peut-être jamais assez de ces instants, que des bouts de vie idéale comme celle-là, pour eux c’était probablement d'être ici, n’importe où, mais dans les bras l'un de l'autre. Et même si cela n’aura jamais été exclusivement leur réalité, ça aurait déjà été quelque chose pour eux qui parviennent à se construire leur propre pays en un seul échange. C’est pour ça qu’ils ne pouvaient finalement pas rester loin de l’autre, sachant qu’ils se retrouvaient dans la même ville.

Et elle a tenu quasiment toute la nuit. La sensation de ne pas avoir parlé autant depuis des siècles. Mais tout est sujet à débat avec Leo, tout s’agrandit et prend une autre ampleur sur ses mots. Il suffit d’y rebondir. Il fallait parfois creuser pour trouver des désaccords mais tous les deux ont rencontré assez de gens différents pour pointer la nuance, la vision qui pourrait faire changer de perspective. Dialogue infini, entrecoupé de moments de liesse de la part d’une Serena obstinée et d’un Leo qui se laisse faire. Le voir se déhancher sur du ukulélé. Réimprimer un nouveau système stellaire grâce aux nouvelles tâches de soleil sur sa peau. Aller déloger le perroquet trop bruyant coincé dans le palmier derrière chez eux pour qu’il retrouve les siens. Passer par la case bain de minuit. Puis s’endormir avec cette odeur mélangée, salée, incrustée dans les peaux, huile de coco, sable encore chaud et fleur de bougainvillier.
Son corps l’a réveillée en premier. Douleur qui se dissout dans tout son être, aspire et ravage tout sur son passage… Alors que dans son dos, son cou, y a le souffle calme de Leo. Mais ça ne suffit plus, ça ne berce plus sa maladie. Quelque chose lui pompe son énergie de l’intérieur. Et y a un instant d’urgence dans le peu de muscles encore actifs en elle. Elle a besoin de sortir de l’univers trop cotonneux dans lequel Leo l’a emmené, elle a soudainement peur de le contaminer. Elle glisse hors de leur lit et se laisse presque tomber sur le sable. Elle tremble, étrangement paniquée, mais ne pas l’avoir réveillé calme immédiatement sa crainte. Parce qu’elle a compris ce qui se passe en elle. C’est si agressif tout à coup qu’elle se sent privée de son propre corps, organisme cannibal qui se referme sur ses dernières forces. Sa respiration siffle et elle essaye de l’étouffer, mains plaquées violemment sur sa bouche. Le réveille pas, le réveille pas. T’éteins pas devant lui. Elle le fixe en se répétant ce dernier mantra. Elle sait pas combien de temps elle reste comme ça, mais au bout d’un moment tout ce qu’elle se dit, c’est qu’elle ne l’a pas assez embrassé, qu’elle ne lui a pas assez donné, et elle commence à s’étouffer sous ses pensées et c’est l’électrochoc. Mauvaise adrénaline qui lui permet de se lever, de sortir, s’éloigner juste pour réaliser, juste pour pleurer qu’elle va enfin crever et que ça n’a rien d’un soulagement. Pas encore en tout cas. Il lui faut un peu de temps face à l’océan pour retrouver son calme olympien. Au moins elle aura vu un dernier lever du jour. Au moins après ça, elle aura réussi à lui laisser un message sur son téléphone sur lequel elle dépose un post-it improvisé “Play me when you’re ready”. Au moins, elle lui aura rendu sa chèche posée à côté de tous les croquis et d’une autre note manuscrite “Don’t forget to choose”. Ces petites choses, ces toutes petites choses, petits pointillés distandus mais toujours tissés entre eux… ça l’aide à retrouver sa force d’esprit alors que celle de son corps disparaît, que le château de sable ne sera jamais fini.
Droit vers l’océan, elle quitte tout ce qui la définit petit à petit, s’effeuille sur le rivage, puis se retrouve enfin nue face à son mal, juste une enveloppe charnelle qui pénètre l’eau pour laisser l’univers décider jusqu’où il la portera avant de l’engloutir définitivement… Son être, son énergie sont peut-être bien restés sur cette plage.


**


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    Ola hum... Ça enregistre ? Oui okay. (rires) Pardon, tu sais que je suis pas douée avec la technologie. (pause) Alors voilà, c'est le moment. Cazzo! J'ai la voix qui tremble. (rires) Bon, j'avais encore tellement de choses à te dire mais on se garde ça pour plus tard hein ? J'voulais juste... Tu sais, on est doués, Leo, tous les deux, on est terriblement bons à vivre au jour le jour, dans l’instant. Mais peut-être que ça serait encore mieux, peut-être que ça nous… te ferait grandir encore plus, de penser à l’avenir, te projeter plus loin. Avec une camera ou non, t’auras certainement plus d’un métier dans ta vie. Et puis, avec une seule âme ou non, tu vas encore découvrir tellement de choses sur le monde. Je suis jalouse de toi tu sais. Mais s’il te plaît, te laisse pas engloutir par ton propre coeur. T’as le corps trop mince pour contenir toute sa générosité, on le sait tous les deux. Faut que tu te renforces s'il te plaît. (pause un peu plus longue, on entend son souffle se briser, le combiné tomber et être rattrapé, posé près d'un battement avant un nouveau moment de silence, coupé par un reniflement) J’vais me sentir seule sans toi, loin de ton univers. Tu vas me manquer Leo. Mais crois-le, je t’aimerais encore longtemps. À bientôt dans une autre vie.


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MessageSujet: Re: last trip (sereo)   last trip (sereo) EmptyLun 12 Mar - 23:14

Leonardo ! Holà ! Café y té, vale ? Leo pénètre dans le café, comme tous les matins pour payer quelques centimes un des meilleurs cafés qu’il n’a jamais bu, tous les matins, Serena prend un thé différent, que le barista choisi pour elle. Cette fois, il est venu seul. Si, si. Gracias. Qu’il prononce à mi-voix en se prenant une chaise mal rangée au passage. Il dévie jusqu’au comptoir sur lequel il se laisse lourdement tomber. Ses jambes semblent faites de coton. Avec son grand sourire aux lèvres, Roberto commence à préparer la commande, la pression de l’eau dans la machine à café siffle dans les oreilles de Leo et son regard vitreux. Onde es la chica ? Doucement son regard se lève jusqu’à Roberto et y a un bug de quelques longues secondes avant qu’il ne puisse répondre. Tout naturellement, il secoue la tête et se force à dire quelque chose, n’importe quoi. Euuuh.. Ella duerme. Vale qu’il répond, sans doute. Leo n’a pas entendu. Il se contente d’attraper, comme tous les matins, le journal local posé sur le comptoir en bois et de parcourir les dernières nouvelles. Quand Roberto lui apporte le café et le thé, il lui explique ce qu’il a choisi aujourd’hui pour la jolie Serena. Un peu de jasmin qu’il vient de recevoir, une pointe d’épice et quelques fleurs d’oranger. Paraît que c’est son nouveau chef-d’oeuvre. Serena lui en dira des nouvelles. Tiens, d’ailleurs, ils ont manqué la pêche ce matin. Leo s’excuse platement en reposant le journal. On viendra demain, qu’il précise, trop perdu pour dire autre chose. Il attrape le café et le thé et laisse trop de monnaie à Roberto, comme d’habitude. Là il rebrousse chemin et parcourt les quatre cents mètres qui le séparent de leur bivouac improvisé. Ce cabanon investi dès leur arrivée, qu’ils n’ont pas tardé à mettre à leur goût, ça ressemble désormais à l’endroit rêvé pour grandir, vivre une longue et belle vie, vieillir. Mourir. La cabane a l’air trop grande maintenant que Leo est seul dedans. Et pourtant le monde a l’air désespérément plus petit, moins intéressant, plus triste aussi.

Il a laissé le thé refroidir jusqu’à ce qu’il n’y ai plus de fumée pour s’échapper élégamment. Il a bu son café en parcourant des yeux les pages noircies d’idées que Serena a crayonné la veille. Il les a étalé devant lui, sans oser les toucher davantage, il se contente de les regarder maintenant, sans un mot. Sans musique, sans rien d’autre que les vagues qui se brisent et les feuilles de palmier secouées par le vent pour se donner un rythme de travail, pour se prouver que le temps ne s’est pas arrêté. Et pourtant ça y ressemble. Il n’arrive pas à penser à autre chose que cette putain de statue de sable qu’il doit construire. Faut qu’il le fasse aujourd’hui, faut qu’il le fasse tout de suite. Mais il est bloqué. Il ne sait pas quoi choisir. Et c’est le néant dans sa tête. Il aimerait que ça soit une évidence, il n’a pas envie de se tromper. Penser à cette statue et la seule et unique chose qu’il peut faire aujourd’hui. Alors la chaque parcelle de son organisme se met à fonctionner juste pour ça. Il y passe des heures et des heures. A cogiter devant les croquis, à imaginer ses mains attrapant le sable, l’humidifier, créer des formes à partir de ces minuscules petits cailloux. Mais rien ne prend vraiment de consistance dans son esprit et chaque fois qu’il semble décidé sur une idée, il change d’avis. Ce n’est pas assez bien ce n’est pas à la hauteur.

Il retrace petit à petit le chemin en sens inverse. Il revit chaque instant à l’envers, à partir du moment où il s’est réveillé ce matin. Il se souvient d’une nuit légère, douce et sans rêve. Une nuit installée au milieu du cocon moelleux de ce petit havre de paix bâtit à partir de trois fois rien. Il sent la peau douce et iodée de Serena entre ses bras frêles, il la sent parfois bouger pour échapper à un insecte venu visiter leur campement, il l’entend respirer et surtout y a le boum boum régulier de son coeur qui fait vibrer sa peau, la leur. Il se souvient qu’il était si tard quand ils ont enfin fermé les yeux pour se laisser happer par la nuit réparatrice. De leurs discussions qui ne voulaient plus finir, de ces débats partis d’un rien, d’une étincelle envoyée qui trouverait un foyer pour s’enflammer. De ces anecdotes partagées d’abord, de ces bons vieux souvenirs et de ces réflexions balancées dans le vent pour refaire le monde avec des si. Il sent encore l’eau fraiche mais bonne éclairée par la lumière pâle de la lune presque pleine, de ce bain de minuit sans rien porter sur soi, l’âme à nue dans le creux des vagues et le sourire franc sur ces visages éclairés d’étoiles. Et puis il entend à nouveau leurs rires quand elle a montré ses dessins fantastiques. De ce choix impossible, de ces pensées qui s’entrochoquent gracieusement dans la tête, des idées parties d’un simple sentiment, d’une sensation quelconque qui se propage jusqu’à la main assurée de Serena, si concentrée pendant qu’elle dessine, alors que Leo est occupé à la cuisine. Les senteurs épicées envahissent donc la cahute, éveil un appétit soudain. Et puis tout ce qui s’est passé avant, la balance le long de la place, les quelques passes de ballon, le but légendaire. Et finalement l'entièreté de ce voyage, qui forme un tout créé de rien.

Il cherche le moment où la décision exploserait en lui, fatalement cohérent. Quelle statue faut construire, quel animal totem ? Qu’est-ce qui la ferait sourire, si elle se tenait là, juste devant lui.

A ce moment-là il sait déjà que Serena n’est plus de ce monde.

Qu’elle est partie ailleurs, qu’elle s’est volatilisée dans une autre dimension. Qu’elle a quitté son soi organique pour fusion avec la masse d’énergie qui circule entre nous. Serena n’est plus là physiquement, elle est perdue quelque part sur les ondes, elle se promène autour de lui le couvrant de son aura protectrice. Serena s’est dissoute quelque part, elle n’existe plus matériellement. Elle a réalisé le rêve de tout bon communiste, elle s’est débarrassée de tout ses biens. Même de son enveloppe charnelle. Il l’a compris tout de suite, à la minute où il a émergé de ce sommeil de plomb. Il a su à l’instant où sa présence manquait à ses côtés, il avait arrêté de sentir la douce odeur de son corps au réveil. C’était comme si on avait touché aux boutons, qu’on avait baissé l’éclairage, la saturation. Tout est devenu un peu plus terne, dans sa tête comme autour de lui. Elle avait arrêté d’éclairer le chemin avec la lumière naturelle que dégageait son coeur, alors tout était devenu un peu plus sombre. Les indices laissés derrière elle ne laissait aucun doute. Il a trouvé le téléphone portable, l’enregistrement. Il a respecté sa parole, il a promis de l’écouter quand il sera prêt. Mais prêt, il ne l’est pas du tout, il ne l’est pas encore. Alors il se lève d’un pas chancelant, et prend la direction du café à quatre cents mètres d’ici, pour le café et le thé, comme chaque matin.

Pour dire la vérité, il ne pense pas une seconde à son corps, à sa dépouille, à où est-ce qu’elle peut-être. Il n’a ni besoin de confirmation visuelle, ni besoin de réponse. Il sait que son corps s’est envolé, s’est évaporé. Il n’a pas besoin de plus. En réalité il n’arrive pas à penser à quoi que ce soit d’autre que cette statue. De cette discussion inachevée, de cette construction pas terminée. Et même en se repassant tout le film à l’envers, il ne sait plus comment s’est conclue la dernière allusion à leur chef-d’oeuvre de demain. Il ne sait même pas les derniers mots échangés, juste avant de sombrer dans la nuit. Quelques mots doux, une blague, un projet fou ? Il ne sait plus, et ça l’énerve, vraiment. Parce qu’il est sûr qu’ils se sont mis d’accord, à un moment donné, sur la forme de la statue. Mais c’est le blanc total dans sa tête. Aucun souvenir.

S’il reste concentré là-dessus, c’est parce qu’il n’est pas si bête, il sait qu’une fois qu’il aura réglé cette dernière affaire, il aura tout le loisir d’assimiler la nouvelle. Soudain, les connexions se feront, et il se rendra compte qu’elle n’est plus là. Qu’elle ne serait plus jamais là. La nouvelle va se répandre dans son organisme, tout va s’enflammer. Et il ne sera plus jamais capable de retirer la flèche qui allait le transpercer de part en part. Pour tout dire, une part de lui refuse catégoriquement qu’il ne résolve se problème. Il pourrait passer le restant de ses jours buggé, à cette même place, en train de réfléchir à l’animal totem qui corresondrait le mieux à la bâtisse de sable. Et ainsi, jamais il n’aurait à passer à la prochaine étape. Celle où il prend conscience que Serena est morte.

C’est une chose de ne pas savoir où elle se trouve sur le globe, s’en est une autre de savoir qu’elle ne s’y trouve plus. Du moment exact où leurs regards se sont croisés pour la première fois, au tibet, au milieu d’une foule fan de poterie sur les accords dansants de Zucchero, jusqu’à ce matin là, sur une plage inconnue, d’une destination inconnue, quelque chose s'était produit de plutôt rare. Les planètes étaient alignées d’une certaine manière, parfaitement, et deux âmes-soeurs ont échangé un premier sourire. Celui qui allait tout bouleverser dans l’univers, celui qui les marquera à jamais jusqu’au plus profond de leurs cellules et de chaque micro-nano-particules invisibles. Ce sentiment unique, quasi religieux, a cessé d’exister. Et tout prend un putain de sens différent. Non, Leo ne pourra jamais, jamais résoudre l’énigme de la statue. Jamais. Il ne terminera jamais leur château, parce qu’il ne pourra tout simplement pas le faire sans elle. Il ne se sent plus capable de rien là, maintenant. Juste de rester planter là avec un regard si vide qu’il semble presque mort, anesthésié par le déni réconfortant. Leo est beaucoup trop lâche pour vivre Serena. Sans cette présence rassurante, sans ses mots salvateurs et son sourire guérisseur. Il n’y a plus la moindre étincelle d’espoir dans ce chaos infernal qu’est sa tête si elle n’est plus là pour allumer la lumière. Tout est éteint. Absolument tout. Il ne trouve même pas la force de réfléchir deux secondes à sa condition, parce que c’est trop d’effort. Leo vrille ainsi des heures durant, parfois, il allume un pétard pour calmer l’angoisse qui grimpe, mais il ne bouge désespérément pas. Le soleil ne filtre même pas à travers les lattes de bois qui forment le toit, il reste dans une semi-obscurité, à moitié dehors, à moitié dedans, à moitié éveillé à moitié amorphe. Des heures pendant lesquelles la terre continue de tourner autour du soleil, et puis sur elle même, dans un cosmos à la forme incertaine. La lune tourne toujours autour de la Terre. La marée monte aussi.

Y a une vague un peu plus forte que les autres. Pendant ces quelques jours d’acclimatation, Leo et Serena s’étaient fait chatouiller le bout des orteilles quelques fois par l’une de ces vagues fourbes qui arrivent d’un coup et s’écrasent sur vous sans ménagement, avant de se faire aspirer à nouveau par l’attraction terrestre, lâchant celle de la lune quelques instants. C’est exactement ce qui s’est produit, en plein milieu de l’après-midi alors que Leo fume un nouveau pétard en fixant les croquis. Une vague est littéralement sortie de nulle part. Elle s’est littéralement écrasée sur le château de sable. Leo sursaute et se redresse, lâchant le joint, sa bouche s’entrouvre dans une expression horrifiée. Il est littéralement paralysée pendant quelques secondes, et enfin dans un souffle, la première syllabe depuis des heures s’échappe d’entre ses lèvres minces : Non. Et il le répète en boucle, en boucle, dans des souffles saccadés pendant que son coeur s’emballe, manquant à chaque battement de faire exploser ses cotes. il bondit sur ses pieds et se jette devant le château pour tenter de faire barrage à la marée, mais les vagues dégringolent à nouveau vers l’océan, emportant avec elle des briques de la construction inachevée. Leo se laisse lourdement tomber devant les tourelles effondrées en tentant de rattraper comme il peut le sable gorgé d’eau, il n’arrête pas de le répéter. Non, non, non, non… c’est presque inaudible, étranglé. Ses yeux se sont remplis de larmes qui dégoulinent le long de ses joues creusent, le voilà qui sombre dans une crise de sanglots incontrôlée. Il hurle désormais en tentant de rattraper les pâtés informes qui s’écroulent de chaque côté. Il hurle, à s’en péter les cordes vocales, s’arracher la voix, il ne veut pas il refuse, c’est pas possible, pas comme ça, pas maintenant. Non, pas maintenant. Il tremble de tout son maigre corps sans la moindre réserve, il tremble comme si chacun de ses membres allaient se disloquer, ses doigts s’enfoncent maintenant dans sable, qui se lisse à chaque passage de l’eau. Il ne reste plus rien du château. Tout a été englouti. Et quand il en prend finalement conscience il retire brusquement ses mains des cailloux, il les place devant ses yeux noyés et les regardent une seconde. La prise de conscience est brutale. Il a l’impression de se faire écorché vif. L’impression qu’on est en train de fouiller dans ses entrailles pour en retirer une partie, un morceau. Le plus joli des morceaux d’ailleurs. Il se lève et chancelle sur deux pas avant de se stopper net. Il a la bouche entrouverte, il est à deux doigts du malaise. Il ne percute qu’à moitié, il est assommé. Assommé par ce qui se passe, complètement sous le choc. Il passe ses mains pleine de sable dans ses cheveux et enfonce ses doigts dans son crâne comme pour se réveiller. C’est pas possible, ce n’est pas arrivé. Et pourtant si.

La nuit sans rêve, le sommeil réparateur, les débats enflammés, le bain de minuit, le repas épicé, les dessins crayonnés, la balade sur la plage, le match de foot improvisé, les rires, la danse, le bar, l’alcool. Tout repasse en sens inverse, dans un sens puis dans l’autre, en avant et en arrière. Il a le tourni, il va s’écrouler sur le sol. Il tremble encore. Enfin il s’accroupit devant les restes pâteux du château, enfouit sa tête dans ses mains granuleuses et ne bouge plus pendant de longues minutes.

**

Il n’écoute l’enregistrement que cinq jours plus tard. Il est rentré à Savannah maintenant et il ne reste que son teint légèrement hâlé pour prouver qu’il s’est effectivement passé quelque chose. Pourtant tout est comme avant, tout est exactement pareil, rien n’a bougé, rien ne s’est passé. Et personne, absolument personne ici ne sait où il s’est éclipsé, où est-ce qu’il est parti, ce qu’il y a vécu. Il n’a prévenu personne encore, pour Serena. Il chérit ce secret jusqu’au plus profond de son corps, car il a ce côté réconfortant de ne pas encore s’être inscrit dans la réalité. Il ne sort pas de chez lui, il n’a pas senti le soleil sur sa peau depuis des jours, depuis qu’il est rentré de l’aéroport, qu’il a pris un taxi, et qu’il s’est enfermé et a fermé les volets pour emmener la lumière d’entrée. C’est cliché mais il a besoin de ce calme morbide, besoin de se couper de tout, besoin de silence apaisant et profond. Il écoute l’enregistrement donc cette nuit-là, il doit être deux heures du matin. Il délire un peu parce qu’il n’est pas sobre, il est avachi dans une position improbable en plein milieu de son lit, lové dans sa veste à capuche Sea Shepherd dont la fermeture éclair est glissée jusqu’en haut, il porte ce vieux jean souple et abimé et il tient entre ses mains ses écouteurs et son téléphone portable. Il ne sait pas s’il est véritablement prêt, mais il le pense une minute, assez pour appuyer sur play. Il est trop tard maintenant, les premières notes de sa voix chantante se cognent contre ses tympans, Serena parle encore, là, juste pour lui. Elle lui fait ses adieux avec son naturel habituel, cette façon qu’elle a de tout donné avec un simple rire clair, même s’il est étranglé d’une peur palpable. Il écoute ses dernières phrases, ses derniers conseils, il absorbe l’espoir qu’elle veut bien dégager, derrière ses inquiétudes. Il ressent l’amour pur, le bel amour, celui qui chamboule tout. Et il pense une seconde à cette incroyable vie qu’ils auraient vécu tous les deux. Cette vie qu’ils auraient partagé, réunis par la seule force de cette passion qu’ils étaient prêts à partager, de ce goût du risque et de l’aventure, de cette connexion si forte qui s’est fait tout de suite entre eux. Cette vie fractionnée en plein d’autres, ces centaines de vies qu’ils auraient vécu ensemble en l’espace de cinquante ou soixante ans. Ces aurevoirs et ses retrouvailles, ces instants magiques mêlés à ceux d’une banalité affligeante. Toute une vie douce et belle qui s’était échappé dans l’espace. Leo est un enfant ce soir. Un enfant à qui on a arraché son rêve le plus cher. Les larmes ont envahi ses joues bien sûr, dès le premier mot prononcé par Serena. Et il pleure tout le long, et encore de longues heures alors qu’il écoute l’enregistrement en boucle, ce petit bout de vie enregistrer sur un appareil électronique. Le dernier petit bout de vie qu’elle a bien voulu lui laisser. Il l’écoute encore, et encore, et encore. Il s’endort au son féérique de son rire, épuisé.
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