- Tu sais je crois qu'il me plait.
- T'es sérieuse ? T'as vu sa tête de con ? On dirait qu'il est monté à l'envers, tout ce qu'il a pour lui c'est son corps.
- T'es relou putain y en a jamais un qui te plait
- Quoi ?
Chocolat enfourné dans la bouche et Moira qui roule sur le lit avant d'attraper Meora sous elle. Y a un rire qui s'élève alors qu'elle commence à chatouiller la blonde, blonde qui ne tarde pas à riposter et bientôt ça finit comme toujours, les deux à se courir après dans la maison, en hurlant, oreiller à la main pour assommer l'autre. Elle préfère ça Moira, les conneries faites l'après-midi plutôt que de parler garçons et amours. C'est pas pour elles, elles sont trop jeunes, trop au-dessus de ça aussi, trop tout. C'est Moira et Meora, aucun garçon pour se glisser entre elles, décider de donner son cœur à un brun ou un blond, peau dorée ou chocolat. De toute façon ils ne seront jamais assez bien. Jamais au niveau de Meora, de ses grands yeux bleus, de son rire qui la fait frissonner. Non. Meora est trop parfaite pour ça, pour toute cette foule de garçons qui lui briseront le coeur et à qui Moira devra briser les genoux en retour.
- Arrête, arrête j'abandonne
Le souffle court elle tape trois fois sur la cuisse de Meora pour lui faire comprendre qu'elle ne ripostera pas.
- Donc on sort ce soir, t'as promis que si je gagnais on sortait.
- T'es chiante putain. Je vais prévenir Ismaël
- T'es la meilleure Mo'
Baiser qui claque sur la joue, tornade blonde qui quitte la maison pour regagner la sienne sans doute pour se préparer alors que Moira se redresse tant bien que mal, offre un sourir à son frère qui passe la tête dans l'embrasure de la porte, sourcils froncés.
- Tu l'a laissé gagner. Tu m'avais promis de pas la laisser gagner
- Vous me soulez là avec vos promesses à la con. Y en a jamais un qu'est content ! Allez Isma, ça va lui faire du bien et à toi aussi. Vous allez vous morfondre encore en disant bouhouhouh c’est la saint valentin. Mon cul. Je vous laisserait pas.
Ismaël qui regarde sa sœur avec fatigue. Déjà. Alors qu’ils ne sont même pas en boîte, qu’il est encore tôt, que la nuit n’a pas encore commencé. Mais il est déjà fatigué. Parce qu’il sait, il sait que tout ça va mal se terminer, comme toutes les idées débiles de Moira qui ne marchent jamais vraiment. Mais il ne dit rien, se contente de secouer la tête avant de retourner se cacher dans sa chambre.

***

Y a du monde, peut être un peu trop, les corps qui se collent, qui s’enlacent, qui se perdent. La musique trop forte, les rires, l’alcool qui joue peut être aussi. Trop de verres ou pas assez, comme d’hab elle a perdu le reste, comme d’hab y a plus qu’elle sur la piste de dans et tout son cœur qui bat trop fort. Elle bouge Moira, du haut de ses seize ans, faire semblant, fermer les yeux et profiter de la nuit, Tel-Aviv et ses soirées brulantes, elle ne voudrait que ça s’arrête jamais.
Puis y a des mains autour de sa taille, légèrement envahissantes quand elles glissent sur la peau nue de son ventre, ça provoque comme une trainée de chaleur, la force à se retourner.
-  Adam ! C’est pas moi que tu devrais chercher
Adam avec sa gueule de travers, Adam trop grand pour ses dix-sept ans, Adam qui la tire un peu plus vers lui, danser collé serré alors que le rythme ralentit un peu.
- Pourtant c’est toi que j’ai trouvé
Adam avec sa gueule de travers, Adam avec ses fossettes qui la font frémir, Adam et les baisers en secrets, quelque chose qu’elle n’avouera jamais. Parce qu’il n’est pas à elle. Et qu’elle n’est pas à lui. C’est une erreur. Une putain d’erreur qu’elle n’arrive pas à corriger. A chaque fois elle le laisse rentrer, elle le laisse venir, elle le laisse l’embrasser, la toucher, la faire vibrer. Adam Adam Adam. Elle se perd un instant, quand il la regarde, la force à lever la tête. Même son sourire est de travers, elle comprend pas ce que Meora lui trouve. Ou alors c’est juste pour se mentir un peu plus.
- T’es pas heureuse de me retrouver Nova ?
- Pas comme ça Black Hole, pas comme ça
Les surnoms sur le bout de la langue, elle voudrait lui dire d’arrêter, de partir, de la lâcher. Elle voudrait lui dire qu’on va les voir, que ça va encore jaser, que ça va encore merder. Elle voudrait Moira, mais comme toujours y a ses lèvres à lui, ses mains sur ses hanches, l’envie de le plaquer contre ce foutu mur encore et encore. Et il l’embrasse, un peu plus fort, elle qui enroule ses bras autour de sa nuque comme pour l’empêcher de fuir. Ca brule. Deux foutues étoiles en fin de vie, l’explosion trop proche, pas assez de place pour eux dans cette putain de boite de nuit.
- Je t’aime Moira.
Les mots qui la transpercent, elle qui recule, un peu, les yeux dans les yeux, surement qu’il doit lire la panique dans les siens, la déception aussi.
- Non on avait dit que tu n’avais pas le droit.
- J’emmerde tes règles Moira. Je t’aime putain. Tu peux pas m’enlever ça.
Si elle peut. Elle peut. La preuve, elle le lâche définitivement, s’écarte comme s’il était trop brulant. Et c’est là qu’elle la voit. Meora. Comme une statue au milieu de la piste, elle est belle l’étoile filante, cheveux blonds en bataille les larmes sur les joues. Trop belle pour ce monde, trop fragile aussi, éphémère comme les paillettes sur ses paupières.
- Putain putain putain ! Meora !
Plus un regard pour Adam, elle le repousse du plat de la main, se glisse entre les corps, entre les gens pour atteindre Meora, mais déjà elle n’est plus là. Plus rien qu’une trace de douceur dans l’air et de cœur brisé. Bravo Moira, t’as encore tout fait foiré.
- Bonne Saint Valentin à toi aussi chère sœur. Comme quoi, tu ne me déçois jamais.
Moquerie dans la voix d’Ismaël pendant qu’elle le dépasse en courant, le cœur qui bat, trop fort, elle a mal Moira. Ouais. Bonne Saint Valentin Moira. Bonne fête des cœurs cassés. Faut croire que t’es incapable de les protéger.