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 the day you slipped away (pire st valentin)

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Asher Bloomberg

Asher Bloomberg
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MessageSujet: the day you slipped away (pire st valentin)   the day you slipped away (pire st valentin) EmptyDim 18 Fév - 23:04

the day you slipped away (pire st valentin) ChYae6q2_o

Clope.

T'as toujours aimé le goût de la cigarette après l'amour, faut croire, toujours aimé aspirer le tabac entre tes lèvres et recracher la fumée comme tes draps rejetteraient une mauvaise amante. T'as toujours su, au final, que ça serait le duo ultime, toi et elle contre le reste du monde, quand tous les autres se seront barrés. Ils partiront, ils partent tous. Lui aussi. Ça fait mal de le penser, bizarrement, ça fait peur d'être aussi infiniment conscient de la vacuité qui constituera votre relation, dans un an, dans dix, dans cent. Tu l'as toujours su, peut-être, ça devait être plus facile de fermer les yeux jusqu'à maintenant. C'était ton meilleur pote, y avait pas de quoi se poser des milliers de questions, pas besoin d'interroger les étoiles, tu lui faisais confiance et t'avais raison, mille fois raisons. Il ne t'a pas fait défaut jusque là, jamais, ne t'a pas rejeté quand les choses devenaient trop compliquées, lorsqu'affronter l'avenir semblait risqué, même pour l'aventurier que tu sembles être les trois-quarts du temps.
Mais il y a quelque chose qui a changé, hein.
Un baiser, y avait fallu que ça pour basculer, pour tomber de l'autre côté de la rambarde, la tête la première, pour suffoquer au milieu des flammes, au milieu de l'océan. T'as une crampe maintenant, en plein dans le mollet, ça t'empêche de gigoter les jambes et d'avancer, ça te fige sur place et ça te terrifie. T'as une crampe parce qu'évidemment que les sentiments ont fleuri, évidemment que ça a poussé trop vite, trop haut, ça a déplacé le toit de la baraque et ça a fait tanguer les murs. T'avais envie de lui, envie de ça. T'as toujours envie, ça ne risquait pas de changer en se foutant à poil. T'as toujours envie et quand tu le regardes, tu vois l'homme que tu aimes. Et ça serait parfait si t'avais pas ta fiancée qui t'attend dans un hôtel hors de prix à quelques centaines de mètres. Ça serait merveilleux, si tu ne te mariais pas dans une semaine.

"Ça va ?"

Il t'aurait presque réveillé. Faut croire que tu n'as pas vraiment les yeux en face des trous, ce soir. "Ouais." Non. Ça se voit à la façon qu'a ta clope de pendouiller au coin de ta bouche, à la manière dont tes ongles arrachent les petites peaux autour de leurs voisins, ceux de l'autre main. Ça se voit à tes yeux qui scrutent la fenêtre, New-York qui s'étale sous tes pieds, roi du pétrole ici et roi des cons ailleurs. "Mens pas." Ça claque, il fait chier à si bien te connaître, à si bien déchiffrer la moindre de tes émotions comme si tu étais un putain de livre ouvert. Il t'exaspère et il te terrifie, ou bien c'est ce que tu ressens pour lui. Tu n'as jamais été du genre à regarder les choses en face, préférant les éluder quand elles devenaient trop délicates, funambule à jouer sur le fil. En équilibre au-dessus de la lave. "Ta gueule, ça va j'te dis." New-York à tes pieds et Samuel pendu à tes lèvres. Ça fait trois mois que tu te le tapes, trois mois que tu n'as pas eu le courage de faire exploser la vérité. Tu sais que c'est ce qu'il attend, lui. Vous vous connaissez depuis toujours, c'est quelque chose que tu ne peux pas lui cacher, il te connait comme s'il t'avait pondu. Ta gueule ça sonne tellement juste dans ta bouche, tu n'as jamais été du genre à mâcher les mots, à faire attention à ne pas les cracher trop vite. T'as toujours dégueulé la vérité à la face du monde, des autres, de tes amis comme de tes ennemis. C'pour ça qu'on t'aime, pour ça qu'on te déteste.

"Tu vas lui dire ?"

Ça se pète dans l'air, ça se craquèle dans tes oreilles. T'aimerais lui dire que oui. T'aimerais lui avouer que tu n'as jamais aimé d'autre garçon avant et que tu n'as pas envie d'en aimer d'autres, d'en connaître d'autres. T'aimerais lui jeter un bon on se casse, charger la Mustang et rouler jusqu'à l'aube, envoyer juste un texto à Scarlett, faire les choses comme le gros connard que tu prétends ne pas être mais que tu es en réalité. T'aimerais lui dire viens on se marie, nous deux, t'aimerais prendre sa main et l'attirer à ta suite, l'embrasser sur le lobe de l'oreille, le mordre jusqu'à ce qu'il puisse porter des créoles, t'aimerais baiser avec lui jusqu'à ce que vous soyez trop fatigués pour respirer. T'aimerais mais tu ne le feras jamais. Famille, honneur. Deux trucs qui te bousculent, brouillentnaréférentiel. Deux trucs qui te bousillent. "Non." Il sait que c'est vrai, il sait que tu n'aurais pas de raison de lui mentir. Ça se paume dans l'atmosphère enfumée de la pièce, tu te lèves pour t'asseoir sur le rebord de la fenêtre, l'ouvre pour aérer. "J'le ferai, dans ce cas."

Quelque chose se brise. Quelque chose, ton coeur, le sien, les débris de votre amitié qui vole aux éclats. Et votre amour aussi. Tu n'as pas l'intention de le laisser faire ça, comme tu n'as pas l'intention de rester avec Scarlett. Le cul entre deux chaises, personne sortira vainqueur de ce combat. Toi y compris. "J'ai entendu dire que ma mère t'avait pris dans son cabinet." T'as pas entendu, tu le sais, pourquoi tu mens alors ? Pourquoi tu t'évertues à faire comme si ce n'était qu'un bruit de couloir, une vulgaire rumeur qu'on aurait lancé pour le discréditer ? "Ça serait dommage que ça tombe à l'eau. Pour toi, avec elle et avec tous les avocats de New-York" Parce que t'es un connard. T'as rien trouvé de mieux, c'est malheureux. Rien trouvé de mieux qu'esquinter quelqu'un que tu aimes pour ne pas ternir ta précieuse réputation. Tu donnes vraiment envie de gerber, parfois. Surtout quand t'es là, à poil sur un bord de fenêtre, à regarder d'un air hautain le mec avec qui tu viens de t'envoyer en l'air. Surtout quand tu ajoutes, alors que la cigarette s'écrase cent mètres plus bas : "en d'autres termes, si tu fais ça, je te détruis."
Et tu te lèves, te rhabilles rapidement, pas un regard pour Samuel, pas une excuse, pas un je t'aime, tous ces trucs qu'il mériterait amplement pour rattraper un minimum ton attitude merdique. Tu récupères ta montre en or que tu remets négligemment, ton portable, tes clés de bagnole. T'as besoin de faire un tour, de t'aérer, de vous oublier. De faire comme si tu n'étais pas un sombre salopard. "Oh, et bonne Saint Valentin." Il est minuit, tu viens de le voir, lui aussi du coup. Une façon de lui dire que vous êtes ensemble. Que vous étiez ensemble. Tu te détestes, quand tu sors de la chambre. Bonne Saint Valentin, ouais.
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