Partout autour y'a des gens qui discutent, des gens au téléphone, des gens qui sirotent leur café et des gens qui tapent à l'ordinateur. Des uniformes bleus partout, c'est à en crever les yeux, et le combiné sent le mexicain et Niamh sait pas trop comment c'est possible. Et y'a l'officier qui la regarde dans le blanc des yeux alors qu'elle compose le numéro, et elle a bien envie de lui en foutre une entre les deux yeux mais ça l'aidera pas trop à sortir d'ici et elle le sait. Déjà qu'elle est parvenue à s'faire mettre les menottes sans qu'on l'associe aux dizaines de braquages qu'elle a pu faire depuis qu'elle est à Savannah, c'est un foutu miracle et elle va pas pousser sa chance non plus. Alors elle termine de composer, mets le combiné contre son oreille et plante son regard dans le grand blond qui lui fait des yeux de chien méchant sans vraiment y arriver.

Ça sonne, une fois, deux fois. Et finalement il répond. « It's me » dit-elle, le regard toujours fixé sur l'officier devant elle. Il essaie de l'intimider, peut-être ? Pas impressionnée pour deux sous, Niamh soupire. « Can you come pick me up ? »

Elle l'entend, le soupir. Elle l'entend à l'autre bout du fil, premier signe de vie de Novak depuis qu'il a décroché le téléphone. Et elle attend patiemment les mots qui tardent à venir, alors qu'elle continue le concours de fixe qu'elle fait avec l'officier en charge d'elle. Son regard à elle est mauvais, et lui tente de garder son sérieux. Elle a mal à la gorge d'avoir crié, la poitrine lourde du chagrin qui l'habite. Et finalement, la voix de Novak perce la distance. « Why? Where are you? » Elle se mordille l'intérieur de la joue. « Police station. »

Elle voit le petit sourire qui se forme sur l'officier en face d'elle, et elle plisse des yeux, le défiant de faire un commentaire. Salopard. Mais elle ravale un quelconque commentaire, après tout elle veut pas s'attirer plus d'ennuis. Asher est pas dans le coin pour lui sauver la mise cette fois. « Bring some money too. » Elle sait qu'il en trouvera, ce n'est pas le problème. Elle lui remboursera avec le prochain job. Et finalement, l'officier est distrait par un collègue qui vient lui murmurer à l'oreille et Niamh est libre de lui tirer la langue alors qu'il a le dos tourné.

Elle sait qu'elle fait chier. Que derrière le combiné, Novak doit avoir l'air encore plus bête que d'habitude, les yeux bien emmerdés et la moue à peine déguisée. Elle ne sait pas où il est, ce qu'il fait. Elle le dérange peut-être. Sûrement. Peu importe. Il faut que quelqu'un la sorte d'ici, et vite. Elle ne va certainement pas appeler Peadar, et encore moins Willis qui en a déjà tellement sur les bras. Non, c'est Novak qu'elle veut, parce qu'il ne l'emmerdera pas comme d'autres pourraient le faire, et qu'elle sait qu'il a les moyens de venir la chercher. Il faut qu'elle sorte, elle se sent comme un animal en cage, comme une lionne au cirque. « Could take me some time. » Elle hausse les épaules avant de se rappeler qu'il ne peut pas la voir, et donc lâche juste un « ok ». Elle attendra. Elle l'attendra.

« How much money ? » Elle fait la moue, hausse les épaules encore, ça va devenir une habitude. « Few hundreds. 300$, I think. » Et soudainement y'a le sourire qui naît sur son visage, alors que l'officier revient lui faire face, et elle ne lâche pas, elle a le rire au bord des lèvres. « Apparently I'm a public disturbance » Et elle ne cache pas le mépris dans ses mots, et l'officier croise les bras en face d'elle. Elle résiste le clin d'oeil - essaie de rester sage, Niamh, en attendant que Novak ne débarque.

Il soupire. Encore. Elle a envie de lui dire, come on, hot stuff. 300 dollars, c'est rien. C'est que de la poussière. Que des billets qui traînent. Mais elle se retient la langue, pas seulement parce qu'elle n'a pas envie de s'attirer des regards curieux ou des questions de la part du pervers qui la dévisage, mais aussi parce qu'elle ne veut pas énerver Novak plus qu'il ne le faut. Elle reste immobile, donc, ou presque. Y'a juste sa jambe qui saute un peu, ses dents qui mordillent ses lèvres. Elle a besoin de sortir d'ici avant de faire une autre connerie.

Une douche et il sera là. Une heure. Une heure. C'est long, pour endurer l'ambiance d'un commissariat, et pour inhaler l'haleine de celui qui a hérité le job ingrat de garder un oeil sur elle. « Oh, you know me » qu'elle lui lance à la volée avant qu'il ne raccroche, en sachant très bien qu'il ne l'a pas écoutée ou même entendue. Elle raccroche aussi, le sourire toujours un peu au bord des lèvres, et lance un regard pointu vers l'officier. Il se fait un plaisir de la raccompagner là où elle doit poser son cul et ne pas ouvrir la bouche, et elle a la langue et les doigts qui picotent mais elle ne rechigne pas. Novak lui a demandé. Elle sera sage. Et elle attendra. Une heure. C'est juste une petite heure.

Elle sait rester en place pendant une heure, pas vrai ?