ah les festivités. c'est pas vraiment ta tasse de thé, toutes ces effusions à n'en plus finir. quitter une année pour goûter à une autre. tu n'sais pas vraiment c'que tu fous là mais t'y es, autant en profiter. traînée hors de chez toi par des potes qui n'en sont pas vraiment au final. tu ne trouves pas vraiment d'intérêt à célébrer ce genre de choses. en même temps, tu ne trouves pas grand intérêt au mois d'décembre. enfin, plus maintenant. poupée qu'a bien changé en si peu de temps. pourtant, tu trouves le moyen d'faire bonne figure. à ta manière. t'es pas vraiment habillée pour réveillonner. tu t'en cognes royalement. t'es là déjà, c'est le principal. ils devraient s'estimer heureux que tu ne leur ais pas balancé ta caisse claire à la tronche. poupée nerveuse, poupée râleuse, poupée boudeuse. tu t'plains souvent, tu grognes tout l'temps. mais là, t'as eu comme une envie de leur laisser l'bénéfice du doute, juste pour une soirée. juste parce que ta sœur aurait probablement voulu qu'tu sortes de chez toi c'soir. parce que tu la connais par cœur la gamine, et qu'elle aurait été triste de savoir que t'étais restée seule. déjà qu't'as prétexté une intoxication alimentaire pour noël, tu ne pouvais pas te permettre une autre excuse bidon pour ta p'tite sœur. t'as même pris une photo pour la lui envoyer par message. tu sais bien que, quand son téléphone sonnera, y aura toujours quelqu'un pour lui expliquer, lui montrer. si tu l'pouvais, t'installerais ta sœur chez toi. t'en rêves souvent d'ailleurs. mais c'est impossible. bref. la soirée donc. tu t'es volontairement mise à l'écart. t'es partie t'réfugier à l'extérieur. besoin d'un peu d'calme avant la tempête des hurlements qu'on sert généralement à l'heure fatidique. minuit approche poupée, et toi, tu t'éclipses comme si de rien n'était. t'sais pas vraiment ce que tu cherches à fuir mais tu l'fais quand même. par habitude probablement. princesse déchue qui s'colle dans un coin pour s'rouler un joint. parce que t'envisages pas l'début d'une nouvelle année autrement que dans l'illégalité. la cancéreuse dépiautée, l'herbe moulue, l'carton mis en place. langue qui glisse le long du collant d'la feuille et tes doigts habiles qui s'occupent du roulage. l'pétard prêt, tu l'cales entre tes lippes et part à la recherche de ton briquet. l'une de tes mains prise par une bière à peine entamée, tu galères et tu n'trouves pas ce que tu convoites. poupée qui commence à s'agacer. putain, fais chier. qu'tu grognes, probablement un peu trop fort. à qui tu l'as refourgué encore ? ou pire, qui a osé d'le piquer et n'pas te le rendre ? poupée qui fulmine, poupée qui commence à voir rouge. encore une raison valable pour que tu pètes un câble. tout est sujet à controverse. toi, t'es faite pour t'prendre la tête. paraît que ça rallonge l'espérance de vie, qu'c'est bon pour la santé. à c'rythme-là, tu s'ras increvable.

C’est bien la seule fois dans l’année où il regarde l’heure pendant qu’il boit. Il vit chaque soirée comme si c’était la dernière, vit chaque soirée comme si on avait des vies entières de soirées à dépenser, vit chaque soirée comme si elle allait durer une éternité et que l’horloge de la fin du monde affichait minuit moins un. Ses nuits ne sont que des successions de fêtes qui se ressemblent tellement que tout ne semble être qu’une grotesque farce. Le coup de gong du nouvel an ne brise pas les routines, il n’y aura pas de nouvel homme, de nouvelles résolutions, pas d’épiphanie. Pour lui c’est juste une raison différente de descendre la bouteille de vodka et d’attraper une inconnue pour l’embrasser. Il ne titube pas encore le bougre mais il y a dans sa démarche une certaine légèreté artistique et aléatoire qui ne trompe pas sur les misères à venir. Anton a cherché Bran, peut-être même qu’il a commencé la soirée avec lui, qui sait – pas lui – mais il l’a perdu ou bien il ne l’a jamais trouvé. Peut-être que ça n’a guère d’importance, il retrouvera toujours la deuxième moitié de sa pièce, dans deux minutes ou trois jours quand il se lèvera des morts par coma éthylique. Anton a cherché Bran mais il a abandonné, il se rabattra bien sur la compagnie que lui offre la rue en ce jour de fête. Il cherche une étrangère avec qui fêter la fin d’une année qu’il a plus haï que la précédente, il cherche un peu plus de vodka aussi, si possible sans avoir à la payer. Il hésite encore quelque peu entre les options qui s’offrent à lui, entre l’idée d’aller chercher la reine du bal de promo, la plus brillante qui sera entourée de toutes les foules, ou d’aller chasser loin du troupeau vers celles qui sont vulnérables. En quelque sorte c’est le destin qui fait le choix pour lui, ou c’est l’impression qu’il a, quand la lumière vacillante d’un réverbère attire son œil sur une tignasse dont il n’arrive pas à identifier la couleur. Chevalier à la rescousse ou loup à l’attaque, il s’élance vers elle sans se démonter et allume son joint. Elle commence la nouvelle année en douceur là où lui prévoyait plus le rail de coke pour partir du bon pied. Mais le serbe ne va pas là où sont les drogues, il va là où sont les filles, et l’heure fatidique s’approche bien trop pour aller en courtiser une autre. « You share ? »

panique à bord, ton précieux a disparu. tu dois absolument arriver à mettre la main dessus sinon la nouvelle année ne risque pas de bien débuter. en même temps, avec toi, difficile de dire si t'es de bonne humeur ou non. cela dit, il ne vaut mieux pas trop tester tes talents en matière de nerfs à vif, ce serait rapprocher une allumette d'un baril de pétrole, mettre le feu au poudre ou laisser une tempête souffler sur un incendie déjà bien actif. poupée râleuse qui ne compte pas déroger à la règle juste parce qu'on change d'année. manquerait plus que ça, que tu t'calmes, que tu t'adoucisses. t'es sur le point de faire un carnage à l'intérieur. il vaudrait mieux que tu retrouves ton briquet avant d'mettre un pied dans la baraque. passer pour la folle de service, c'est une question d'habitude. les convives doivent bien se demander pourquoi t'as encore rien dit, pourquoi t'as pas encore pété un câble ou x ou y raison. poupée qui s'en va satisfaire les doutes de ces gens avec qui tu partages cette soirée dont tu te fiches éperdument au final. tu n'iras pourtant pas jusqu'à ta destination. stoppée en plein élan pour une flamme qui vient embraser ta précieuse consommation. mouvement de recul immédiat. il faut que t'analyses la situation. prendre en considération la silhouette masculine qui se dresse devant toi. il est probable que tes prunelles se soient déjà arrêtées sur lui mais t'as dû rapidement passer à autre chose après ça. you share ? chevalier servant qui semble bien avoir l'intention de te pourrir ton moment de solitude tant recherché. t'arques un sourcil, bien dubitative. la fourmi n'est pas prêteuse, il devrait se souvenir de ces comtes pour enfants que l'on entend au moment voulu. c'pas parce que t'as mis l'feu au poudre que t'auras l'droit d'y goûter. fidèle à toi-même. rembarrer, toujours. ne jamais laisser à l'autre le temps d'envisager quoi que ce soit. faudrait pas que ça t'atteigne. ce serait embêtant, et plus encore. j'partage pas ma cam' avec les inconnus. plantation personnelle planquée dans ton appartement. pour sûr que c'est ta cam' et pas celle d'autrui. poupée méfiante, faudrait pas qu'ton cercle de clientèle s'élargisse de trop, ça pourrait éveiller les soupçons. tu portes ta bière à tes lippes, en avale une grande gorgée, avant de rappeler à ta lèvre le joint tant convoité. provocation naturelle de la gamine qui n'a rien à perdre puisque, de toute façon, elle estime qu'elle n'a plus rien dont elle puisse être dépossédée.