origine ; charlotte. elle déteste. char-lo-tte. elle grimace. les consonnes qui empiètent sur les voyelles. char. elle aime pas. chuck. elle peut pas. charlie. elle supporte pas. jamais contente de comment on la surnomme, charlotte elle peut pas s'empêcher de haïr ses parents pour lui avoir donné un prénom qui ne lui colle pas. trop dur pour ses traits de poupée, il écorche même la bouche des plus beaux garçons. elle cherche un diminutif qui lui plaît, un surnom qui lui conviendrait depuis des années, mais faute de trouver quelque chose qui lui donne pas la nausée, elle se contente de ce que les autres peuvent bien lui dénicher.

dieu ; ses rapports avec dieu ont toujours été compliqués. son père et sa mère sont des fervents croyants et tous les dimanches, ils obligeaient charlotte à se lever aux aurores pour enfiler des tenues blanches immaculées et se rendre à l'église. maman lui demandait de sourire et papa de bien se tenir, il fallait discuter avec tout le monde, le temps était long et quand par malheur, elle se risquait à le faire savoir à ses géniteurs, elle se faisait punir en rentrant. elle, elle ne croyait pas en dieu. elle trouvait que tout ce que racontait le pasteur n'était qu'un ramassis de conneries simplement elle évitait d'en parler à ses parents. puis, il y a eu sa désintoxication, des heures dans une chambre blanche à pas savoir quoi faire, à personne avec qui parler, avec le corps qui hurle son manque, sa dépendance, les douleurs physiques et morales du sevrage. elle s'est agenouillée et elle s'est mise à prier. elle veut y croire aujourd'hui, elle veut croire qu'il y a une puissance supérieure, quelqu'un là-haut qui peut lui tendre la main pour la sortir du gouffre dans lequel elle est tombée. dans lequel, elle risque à chaque instant de replonger.

décalée ; d'aussi loin qu'elle et les autres se souviennent, elle a toujours eu un look un peu décalé. alors que tout le monde se contente d'un jean et d'un tee-shirt propre, elle, elle préfère sortir de cette norme en s'affublant de pièce parfois incongrue. parfois, faut plisser les yeux pour se rendre compte du détail comme quand elle se contente de mettre une chaussette rouge et une autre jaune, ou qu'elle porte un élastique rose bonbon de la taille d'un beignet dans ses cheveux bruns. mais elle a toujours un truc qui détonne, qui n'est pas à sa place. peut-être qu'elle cherche à se faire remarquer, c'est vrai que sans ça, elle a tendance à être invisible aux yeux des autres.

ben ; c'est le premier et le seul garçon dont elle soit jamais tombée amoureuse. d'aussi loin qu'elle se souvienne, ben a toujours été quelque part en arrière plan, il a toujours fait partie du décor. il était à l'église avec ses parents le dimanche comme elle, il jouait dans le quartier avec les autres comme elle, il allait à l'école publique comme elle. parfois, ils étaient dans la même classe d'autres fois non, ils ont été connaissances, puis copains jusqu'au lycée où ils sont réellement devenus amis. ben avait ce truc qui forçait les autres à l'apprécier, toujours le sourire aux lèvres et une blague amusante pour détendre l'atmosphère. elle ne pouvait pas faire autrement que tomber sous son charme et il ne pouvait pas faire autrement que de ne rien voir car dans la bande d'amis avec laquelle ils traînaient à cette époque-là, charlotte était l'une des filles les moins visibles, les moins solaires et bien qu'il appréciait sa compagnie, il ne l'adorait pas autant que celles des autres. charlotte ne se souvient plus à quel moment précisément il lui a brisé le coeur, elle se souvient simplement du chagrin, des larmes et de sa dépendance à l'alcool qui encore bégnine commençait doucement à venir ronger l'intérieur de son être.

addiction ; la première fois qu'elle a bu une bière, elle a trouvé que le goût n'était pas extraordinaire. puis les autres l'ont relancé, ils lui ont dit de réessayer, que c'était comme la clope que le plaisir venait progressivement. alors au fil des soirées improvisées, elle buvait des bières de toutes les couleurs, de toutes les sortes. au départ, elle refusait de boire quelque chose de plus fort, mais charlotte a toujours été influençable et après un énième verre tendu dans sa direction, elle a fini par céder, par boire une lampée. elle a recraché sa gorgée sur les pieds de quelqu'un et ils se sont tous marrés, même ben. elle a pas apprécié, et la soirée d'après elle est venue avec la ferme intention de montrer à tout le monde qu'elle savait boire elle aussi et qu'elle le faisait mieux qu'eux. alors c'était pour impressionner les copains qu'elle s'asseyait pour les jeux d'alcools et puis c'était pour eux aussi qu'elle buvait plus que la normale pour montrer qu'elle tenait debout plus longtemps, qu'elle était plus résistante. elle s'est entraînée pendant les nuits où ils sortaient et d'autres aussi où elle restait chez elle. toujours un moyen de se procurer une bouteille, toujours quelqu'un pour tendre la main à une adolescente qui veut juste s'amuser. finalement boire s'est devenu une habitude plus qu'un jeu, on débarque avec ses potes quelque part, on se siffle quelques bières et puis on se rabat sur l'alcool fort. on transfère la bouteille dans des fioles pour se bourrer la gueule au lycée, pour tanguer pendant les cours de maths et de français. elle a commencé à comprendre que sa consommation était excessive quand elle devait boire deux fois plus de verre que ces copains pour ressentir les effets, qu'elle devait commencer la journée pour être dans le même état qu'eux la nuit et puis elle a compris qu'elle devenait dépendante quand ses mains tremblaient parce qu'elle n'avait pas bu de la matinée. qu'elle suppliait des inconnus devant les supermarchés pour qu'il lui procure une bouteille. au final, c'est vrai c'est comme la clope, on commence parce que quelqu'un en soirée nous la tend et qu'on est pas assez fort pour dire non. on commence parce que ça paraît cool et branché et puis les mois passent et on est en plein dedans. plus capable de sortir de la merde dans laquelle on est tombée.

lollipops; quand elle a commencé à faire face à ses problèmes d'addictions, mais qu'elle refusait de se faire aider par qui que ce soit, elle cherchait des solutions dans les trucs les plus idiots qu'elle pouvait trouver sur le net. elle surfait des heures dans l'espoir de tomber sur la réponse miracle à ses problèmes évidemment, elle buvait en même temps. un jour, elle est tombée sur un article qui parlait du fait de remplacer une addiction nocive par une autre plus saine. les témoignages étaient principalement centrés sur le sport, mais il était hors de question pour la brune d'enfiler un jogging pour faire autre chose que dormir. celle qui lui a fait de l'œil, c'est cette histoire de meuf qui racontait qu'elle mâchait un chewing-gum pour éviter de se ronger les ongles. ça n'avait rien avoir avec son problème de base à charlotte, ça ne concernait ni l'alcool, ni des problèmes réellement nocifs, mais la gamine avait le cerveau embrouillé sûrement déjà un peu bourrée. elle est allée au tabac le plus proche de chez elle pour se procurer un paquet de chewing-gum, mais ceux qu'elle adorait étaient déjà tous sold out et elle se refusait à mâcher un truc mentholé. c'est de là qu'est apparue son addiction pour les sucettes. à défaut de se procurer ce qu'elle était venue chercher, elle s'est rabattue là-dessus. au final, ça l'a vraiment pas aidé avec sa dépendance initiale au contraire même, elle s'en est crée une nouvelle.

knox ; elle sait plus exactement comment les choses se sont déroulées. elle était à une réunion des alcooliques anonymes, il y avait ce type qui avait les yeux rivés sur elle comme si elle était la huitième merveille du monde, elle avait beau lui jeter des œillades froides, il continuait de mater comme un sale pervers. elle était bien contente de sortir à la fin, de prendre l'air et de fuir loin de ce taré, mais le gars n'avait apparemment vraiment pas compris le message, il est venu jusqu'à elle en lui demandant si elle voulait déjeuner. elle a dit non. si elle voulait boire un café. elle a dit non. si elle voulait donner son numéro. elle a encore dit non. elle a fini par perdre patience et l'insulter, lui demander de rentrer chez sa mère ou un truc du genre, il a vraiment pas apprécié, il a commencé par lui attraper le bras pour la tirer vers lui et c'est là que les choses se sont pas passées comme prévu. alors qu'elle aurait dû lui tomber toute cuite dans la bouche, le type était le dos à terre à deux doigts de chialer. quelqu'un venait de le tirer en arrière pour lui foutre son poing dans la figure. knox. il lui a défoncé le nez sans remord et quand il en a eu terminé, il a offert un petit sourire contrit à charlotte. elle voyait bien dans ses yeux qu'il avait adoré cette bagarre improvisée, il semblait électrique, elle avait presque peur de s'approcher. elle aurait dû. pourtant, elle lui a rendu son sourire et c'est avec lui qu'elle est partie déjeuner.

vie de couple ; elle est avec knox depuis moins d'un mois pourtant elle a l'impression que ça fait déjà un moment. la plupart du temps, elle est blasée de son couple, de cette vie qu'elle s'est choisie, elle sait pas pourquoi elle s'est attachée à lui, il est tout ce qu'elle devrait éviter depuis qu'elle est sobre. il respire les fêtes, les drogues, les problèmes. il lui tend des verres comme si c'était des bonbons en oubliant sans arrêt qu'elle est en rehab. il la regarde pas. parfois ça la saoule, elle se demande si elle est assez jolie pour lui et puis elle s'aperçoit que de toute façon, il regarde personne. il est violent, sans arrêt le nez ou les mains en sang, il pète un câble pour rien, il s'énerve dès qu'il peut juste pour le plaisir d'envoyer son poing dans la figure de quelqu'un. charlotte voit bien qu'il a un problème, mais elle les collectionne alors elle se tait à ce sujet. et puis y'a le revers de la médaille aussi, quand knox prend conscience qu'elle existe, qu'il fait gaffe à ses problèmes, qu'au lit il s'y prend plus comme un bourrin et que dans la vie il lui tienne la main.

crash ; c'est comme ces paquets de glace dans les supermarchés. il y a trois parfums dans la boîte, celui que vous adorez, celui que vous appréciez seulement et celui que vous détestez au plus haut point. pourtant vous êtes obligés d'acheter la boîte complète, vous pouvez pas vous pointer à la caisse avec deux pots de crème glacée et l'autre que vous avez laissé aux rayons frais. bah avec crash, c'est un peu ça, c'est le parfum qu'elle aime le moins. c'est celui qu'elle laisserait bien sur le côté, mais qu'elle a été obligée d'acheter. elle l'a eu avec knox. c'est comme si elle avait deux trucs pour le prix d'un, mais que l'un des deux était dysfonctionnel. parfois, elle aimerait dire à son mec que son jumeau la met mal à l'aise. elle aimerait lui demander qu'ils passent plus de temps tous les deux et pas tous les trois, mais elle sait que si elle ouvre la bouche à propos de ça, alors knox la plaquera sans se retourner et ça, elle ne peut pas l'accepter.


sobre ; ce qu'elle est et ce qu'elle essaie de rester. elle compte les jours, elle compte les heures, mais ce n'est pas comme un chronomètre qui risque de brusquement s'arrêter, ce n'est pas comme s'il y avait une vraie récompense à la fin, ce n'est pas comme des vacances qu'elle attendrait avec impatience. non, c'est sa vie. son addiction qui la ronge à l'intérieur, qui menace à tout moment de refaire surface. charlotte, elle essaie de se convaincre qu'elle ne veut pas replonger, que ce qu'elle veut vraiment c'est avoir une vraie discussion avec ses parents, pouvoir voir ses frères, trouver un job sans être menacée de se faire virer, ne plus avoir besoin de l'alcool pour exister. mais au fond d'elle, elle sait qu'elle finira par céder.