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MessageSujet: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptyLun 5 Fév - 14:15

« KANYYYYE ! » Et comme toujours elle beugle, à s'égosiller sur ce fils qui n'cesse de lui filer entre les doigts, à faire trembler les murs de la baraque, faire saigner les tympans du reste des filles et des gosses. Y a Carrie qui la regarde de travers parce que son môme se met à pleurer à cause de ses cris, et au lieu de s'excuser elle brandit son majeur. Kanye qu'elle chope à la volée alors qu'il court avec un tas de clopes à la bouche – elle sait pas à laquelle des filles il les a prises, mais elle s'promet de toutes les incendier, ce soir, quand tout le monde sera rentré. Elle a pas l'temps pour ça, putain. « DONNE-MOI ÇA ! » Elle lui arrache tout sans la moindre délicatesse, les bâtons à moitié déchirés qu'elle jette au sol avant de les piétiner pour tout réduire en miettes. Le tabac qui jonche le parquet, Kanye qui tire la tronche. « Tu veux que j'te ramène à la maison hantée ? Hein ? » Ses yeux qui s'écarquillent un peu et elle sait qu'il en a peur, elle sait qu'il veut plus jamais y retourner, il en fait encore des cauchemars à cause de la dernière fois. Il secoue frénétiquement la tête en signe de négation et elle emprisonne ses joues d'une seule main, entre le pouce et le reste de ses doigts, ses yeux dans les siens. « Alors tu t'calmes avant que j'me fâche pour de bon. » Elle sait pas ce qu'il a ce matin mais il est surexcité. Peut-être à cause d'elle, ses nerfs à vif et sa mauvaise humeur palpable, plus que d'habitude en tous cas. Elle a pas envie d'le gérer, pas la force ni l'énergie, aujourd'hui elle veut pas se le coltiner. « J'vais bosser j'vous le laisse ! » Pas un regard en arrière, pas le moindre intérêt pour les protestations qui résonnent derrière elle.

Elle rumine tout le long du trajet, à bougonner dans sa barbe en shootant dans tout ce qui se trouve sur son chemin – les cailloux les poubelles les canettes abandonnées et même un groupe de pigeons qui s'envolent juste à temps quand elle leur fonce dessus. Elle est toute débraillée, les cheveux en vrac, son blouson et son pantalon beaucoup trop grands pour elle, alors que son t-shirt paraît bien trop petit. Elle a sa gueule des mauvais jours pourtant elle fait un effort en arrivant devant la maison de Jem, elle souffle un grand coup, se force à desserrer les mâchoires. Deux coups frappés sur le bois et déjà elle ouvre la porte sans prendre la peine d'attendre une réponse quelconque. Elle fait comme chez elle, comme toujours. « Yo c'est moi ! » Ça fait quelques temps qu'elle a trouvé ce job, venir faire du ménage dans la semaine c'est facile, ça rapporte pas grand-chose mais c'est mieux que rien et ça se cumule à tous les autres trucs qu'elle trouve, qu'elle enchaîne sans jamais réussir à rien garder.

Ça non plus, elle a pas réussi.

Il lui a dit qu'elle était virée mais elle est là quand même, après tout c'était sous le coup de la colère, il était même pas sérieux. Si ? Au fond elle en sait trop rien mais elle s'en fiche, elle a décidé de continuer à bosser ici quand même. Elle sait bien qu'il ne l'aime pas – elle lui porte pas la plus grande des affections non plus – mais qu'importe, elle est pas là pour faire copain-copain. Elle est pas vraiment là pour bosser non plus, pas tout de suite. La cuisine dans laquelle elle s'engouffre sans attendre, sans-gêne quand elle fouille dans les placards comme si elle en avait le droit. Elle se prépare un café tranquillement, bassin appuyé contre le meuble pendant que la machine fait son boulot. Ses yeux qui finissent par tomber sur Jem, un vague hochement de menton en guise de bonjour, elle le devance quand elle ouvre la bouche. « Y a plus d'café. » Elle vient d'utiliser tout ce qu'il restait pour se faire le sien. « Eh fais pas cette tête, si tu m'files dix dollars j'vais t'en racheter hein. » Une partie pour le café, le reste pour elle. Mais elle sait que s'il la regarde comme ça c'est pas pour ça, pas vraiment. C'est surtout qu'il devait pas s'attendre à la voir revenir, après l'autre fois. Elle fait mine de soupirer et lève les yeux au ciel un peu trop fort. « Oh allez c'est bon, j'te signale que j'aurais pu faire la gueule, mais non, j'suis venue et j'vais t'faire ton ménage quand même. » Comme si c'était lui qui était à blâmer, comme si elle lui faisait une fleur en balayant leur dispute. « Sois pas ingrat. » Ouais. C'est l'hôpital qui se fout d'la charité.
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptyLun 5 Fév - 23:45

Grand coup sur le réveil et les yeux qui font la mise au point sur le plafond blanc cassé dégueulasse, juste le temps que le cerveau recontextualise, place les évènements dans l’ordre comme tous les matins depuis qu’il vit ici. Pas la peine de toucher du bout des doigts, il se souvient qu’y a plus rien sous le genou, qu’y a juste un moignon cicatrisé qui le dégoûte profondément, un bout de jambe à peine bon à être vaguement gigoté pour y attacher la prothèse. Même matin que tous les autres foutus matins, la boule au gorge et le regard vitreux, à se repasser en boucle des images de sa vie, comprendre ce qui a merdé, en vouloir à la terre et surtout à ses parents, dix-neuf ans, bientôt vingt, ça fera deux tiers de sa vie qu’il aura passés sans eux, autant de temps à valdinguer de famille en famille, jamais chez lui nulle part, éternel nomade. Les valises maintenant posées dans une maison qu’il ne connait quasiment pas, héritage trop lourd, trop coûteux, trop moche aussi. Putain ce qu’elle est laide cette baraque, avec son crépi qui fout le camp, avec le vieux papier-peint aux murs, l’odeur de renfermé trop présente et les meubles qui ont trente ans, impossibles à remplacer vu sa petite rente d’ancien soldat. Il pourrait entamer des travaux, ouais, dans une autre vie où il aurait toute sa mobilité mais plus maintenant, il se voit pas monter à un escabeau pour faire un ravalement de façade ni décoller les vieilles tapisseries pour tout repeindre dans des couleurs plus neutres. Non, au lieu de ça du coup, il baigne dans une atmosphère rétro dégueulasse, les yeux qui gerbent ce que sa bouche ne veut pas, qui se posent n’importe où sauf sur son corps mutilé qu’il regarde à peine dans la glace. N’importe où, ça inclut ce plafond absolument ignoble. De toute façon c’est l’heure de se lever, petite grimace alors qu’il se redresse, attrape sa béquille pour aller jusqu’à la salle de bain, ça lui prend pas moins de quinze minutes et il est prêt, normal en apparences, le survêtement qui retombe mollement sur la jambe de plastique et le t-shirt US Army prêt à faire oublier au monde qu’il n’est qu’un ancien soldat que la guerre a déglingué.
C’est un bruit venant de la pièce d’à côté qui lui fait froncer les sourcils. A priori ça ne ressemble absolument pas au raffut que causerait un cambrioleur, mais il s’équipe quand même d’une bombe anti-agression qu’il glisse dans son dos, entre l’élastique du pantalon et sa peau. Il n’aurait clairement pas l’avantage dans un combat à la loyale alors autant ne pas s’embarrasser de règles qui n’ont plus cours quand on a une jambe manquante. C’est à pas de velours qu’il sort de la salle d’eau, rejoint le couloir, béquille appuyée le plus discrètement possible sur la moquette pour ne pas se faire repérer, comme si c’était possible d’être vraiment silencieux quand on a la patte qui râpe mécaniquement dès qu’on ose la bouger, « Anca ? » il ose demander lorsqu’il pénètre dans le séjour, avant de voir que non, ce n’est pas du tout Anca. Elle a le culot, putain. Elle a le culot de revenir ici après tout ce qu’elle a fait, les vols impudiques, le saccage et les moqueries, elle a l’indécence de repointer son cul de blondasse dans sa baraque sans se préoccuper du fait, oh par exemple, qu’il l’ait renvoyée en lui claquant la porte au nez et en menaçant d’appeler les flics la dernière fois qu’ils se sont vus. « Putain mais tu fais quoi là ? » Il a attendu qu’elle ait fini de parler, notez. C’est pas suffisant pour calmer la colère qui s’empare de lui, la lave qui menace de tout ravager sur son passage, les pas qui s’accélèrent quasiment sans l’aide de la béquille et la tasse qu’il lui arrache des mains, sans se préoccuper du café qui gicle un peu partout. C’est pas seulement elle, s’il était honnête, y a une flopée de raisons à son énervement, les matins qui sont toujours pires que les fins de journées, la jambe en plastique sur laquelle il tient pas encore tout à fait, la déception de ne pas avoir Anca en face de lui. « T’es virée, bordel de merde, t’es vi-rée », il lâche en détachant les syllabes, les yeux rouges de fureur. On touche pas à ses affaires, putain. « Maintenant tu te barres d’ici, j’te donnerai plus un putain de dollar tu m’entends ? » La voix un peu chevrotante, il n’a pas l’habitude d’hurler, de trop montrer ses émotions, mais y a quelque chose chez Toni qui l’insupporte, l’ineffable nonchalance qui s’échappe d’elle, sa capacité à se sentir absolument à l’aise lorsque la bonne éducation voudrait qu’elle soit mortifiée. « Barre-toi ou j’appelle les flics. » Et il le ferait, c’est pas des paroles en l’air. Sûrement pas.
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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptyDim 11 Fév - 15:32

« Anca ? » Manifestement c'est pas à elle qu'il s'attendait mais ça lui fait rien, elle se contente d'arquer un sourcil en l'observant entrer dans la pièce. Pas la peine de répondre, il voit bien tout seul qu'elle n'est pas cette Anca. Mauvaise surprise, à en juger la gueule qu'il tire quand leurs prunelles se croisent.

Pourtant elle se démonte pas Toni, elle fait comme si de rien n'était, se met à déblatérer un tas de trucs sans importance alors que Jem semble au bord de l'implosion. « Putain mais tu fais quoi là ? » Et c'est pas très poli, ça la heurte dans son égo alors qu'elle se renfrogne comme une enfant, sourcils froncés et moue boudeuse. « Ouais bah bonjour connard. » Ça sonne même pas agressif – on dirait juste une gamine vexée. De toute façon elle est mal placée pour parler. Elle l'a pas salué, elle, quand elle l'a vu arriver. Elle a même pas attendu qu'on vienne lui ouvrir la porte, vraiment elle est personne pour donner des leçons sur les bonnes manières, dans le fond elle le sait. Ça l'empêche pas de jouer la susceptible. Mais si elle est froissée dans sa fierté, Jem est carrément énervé. Il avance jusqu'à elle et lui arrache la tasse avant même qu'elle l'ait portée à ses lèvres, le café qui gicle un peu partout et l'éclabousse, tache son top, brûle sa peau. « AÏE MAIS PUTAIN ÇA VA PAS OU QUOI ? T'ES MALADE ! » Elle le fusille du regard mais faut croire que ça n'lui fait rien à l'ancien soldat, les balles il en a trop l'habitude et c'est pas les yeux mitrailleurs de Toni qui vont lui faire peur. « T’es virée, bordel de merde, t’es vi-rée. Maintenant tu te barres d’ici, j’te donnerai plus un putain de dollar tu m’entends ? » C'est pas la première fois qu'elle le voit se mettre en colère – elle est douée pour pousser les gens à bout, c'est peut-être son seul talent finalement – mais la fureur qu'elle lit dans ses yeux la fige un instant. Elle le dévisage, interdite, pas sûre de la marche à suivre. Elle a bien envie de le gifler mais elle ose pas trop, ça s'fait pas sur les handicapés pas vrai ? « C'est bon, pas la peine de m'parler comme ça. C'est juste un café hein. » On dirait une gamine, à croiser les bras contre sa poitrine et à se concentrer sur les choses sans importance, à faire mine de n'rien comprendre. Elle sait bien que le problème c'est pas la tasse qu'il lui a arrachée, c'est toutes les autres ; toutes les fois où elle s'est servie dans ses placards, où elle a laissé Kanye mettre ses mains partout, où elle s'est moqué de sa jambe en plastique.

C'est juste que c'est plus facile de faire la sourde oreille.

« Barre-toi ou j’appelle les flics. » Un ricanement qui lui échappe dans un souffle alors qu'elle lève sa main comme une pince qu'elle ouvre et ferme, pour mimer une bouche qui parle trop à son goût. « Blablabla. » Elle hausse les épaules, son regard effronté qui se plante dans le sien avec un air de défi. « C'est déjà c'que t'as dit l'autre fois, et j'attends toujours. » Elle le jauge de haut en bas, sale gosse méprisante. « Puis si on fait la course jusqu'au téléphone, c'est moi qui gagne. » Même s'il avait ses deux jambes elle serait persuadée de gagner – elle a un excès de confiance en ses compétences athlétiques et elle a pas tout à fait tort, même si elle passe son temps à les gâcher.

Elle finit par soupirer d'un air résigné. Ce job elle veut le garder, elle a trop besoin d'argent et pas envie de chercher autre chose, alors elle prend sur elle même si sa moue trahit son irritation. Elle sait pas faire semblant, de toute façon. « Écoute on s'est engueulés l'autre jour, c'est bon c'est fini. Moi j'ai besoin d'thune alors j'suis prête à oublier. Fais comme moi au lieu de beugler, on dirait un vieux con alors que t'es pas si vieux qu'ça. » Pour le con, elle se prononce pas. « Allez c'est bon on fait la paix, j'te pardonne. » Comme si c'était lui qui devait être excusé, comme s'il avait quoi que ce soit à se reprocher. Elle tend la main en signe de bonne foi – quelle blague – et le fixe d'un regard inquisiteur, bien décidée à tout balayer du revers de la main et faire comme si rien n'était jamais arrivé. Pas la moindre considération pour les demandes de Jem, elle se comporte comme si elle était la figure d'autorité.
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptyVen 16 Fév - 23:44

Elle l’énerve, Toni, avec son foutu aplomb qui lui gicle au visage, comme une gosse insolente qui aurait pincé sa langue entre ses dents, attendrait la prochaine connerie à faire. Elle l’énerve, ça fait pas un pli, rien que de la voir il pense à la stérilisation, pour pas risquer d’avoir un jour une fille qui lui ressemble, même si le premier problème serait de trouver la mère. Elle l’énerve parce qu’il a l’impression que c’est l’une de ces personnes à qui la vie aurait pu sourire mais qui en avait décidé autrement, sciemment, fière de foutre en l’air un destin qui aurait pu n’être pas aussi minable que ça. Elle n’a pas déployé beaucoup d’efforts jusque là, de ce qu’il a vu, elle n’est pas aussi bosseuse qu’Anca et certainement pas aussi intelligente que Siam, y a pas grand-chose qui joue pour elle à part la pitié attendrissante que le vieillard moyen pourra ressentir en la voyant au coin d’une rue, la morve au nez. Elle l’énerve, c’est peu dire, surtout quand elle parle de son handicap comme d’une blague, elle qui n’a jamais été foutue de lever le petit doigt pour l’aider alors qu’il la payait pour ça, juste pour ça. Ta gueule il voudrait dire, ta gueule parce qu’il ne l’a pas invitée, parce qu’elle est chez lui, parce qu’elle se sert son café sans demander la permission et parce qu’elle va encore lui chourer des trucs pour peu qu’il ne fasse pas attention. Ça serait bien, oui, si elle fermait sa gueule, mais certains souhaits sont a priori faits pour n’être jamais exaucés et c’est sûrement le cas de celui-là, entre autres. Y en aurait beaucoup sur la liste genre retrouver sa jambe, avoir une nana, un labrador et un monospace, des envies simples qu’il sait qu’il n’exaucera jamais. Ça le fait chier de voir une nana qui tient droit sur ses pattes être aussi incapable, inutile, intrinsèquement lâche parce que c’est le sentiment qu’il a, fondamentalement, elle n’a même pas le courage de vraiment bosser pour gagner sa croûte, préfère piquer les pensions d’invalidités des anciens soldats. « Ta gueule putain », il lâche, épuisé, lorsqu’elle lui dit qu’elle gagnerait la course. Il s’en branle comme de sa première paire de pompes, de la compétition, faudrait être marteau pour espérer gagner au 500 mètres contre une gamine de vingt ans qui a un membre en plus. C’est pas ça, le problème. Le problème, c’est qu’elle est dans sa cuisine, qu’elle lui a piqué une tasse pour y foutre son café (celui qu’il comptait prendre ce matin, de surcroit) et qu’elle ne compte pas bouger d’un pouce, comme si ses pieds étaient cloués au sol. Et c’est véritablement épuisant, se dit Jem alors qu’il la regarde tendre la main, opter pour un pseudo accord tacite qui n’existe que dans sa tête. Foldingue. Abrutie. Le regard qui jongle entre la main et le visage enfariné de la blondinette, à deux doigts de lui demander explicitement si elle ne se foutrait pas de sa gueule. Bien sûr que si, elle se fout de lui.
Parce qu’elle sait qu’il ne dira rien.
Parce qu’elle sait qu’il est trop gentil.
« Va te faire foutre. » C’est craché les yeux dans les siens, il n’a pas l’intention de serrer sa main, pas l’intention d’accepter ses excuses ni de lui en présenter. Il a la colère calme, Jem, le ton de la voix pondéré, posé, comme s’il ne tenait pas vraiment compte de la condescendance que Toni expire à travers les mots qu’elle prononce. « T’es pas ma pote, t’es une inconnue qui est juste là pour foutre le bordel, et j’ai pas l’intention de te laisser me dépouiller, j’ai pas assez de fric pour me le permettre. Je préfère le donner à des gens qui le méritent et pas à une p’tite branleuse qui est à peine bonne à dépoussiérer un meuble télé. » C’est méchant, très méchant, il s’en moque. Il n’a jamais été du genre à ne pas froisser les gens, à faire gaffe à ne jamais insulter quelqu’un. Pas dans sa nature, il a grandi dans la rue entre deux poubelles, plus souvent avec Taggart et la bande qu’avec les membres de sa famille. Il ne connait pas la délicatesse, la tendresse, la douceur, la proximité, et il ne connait surtout pas la miséricorde. Ce n’est pas maintenant qu’il va apprendre toutes ces valeurs, pas alors que la plus grosse arnaque de l’histoire se tient droite dans ses bottes à quelques centimètres de lui. « Si tu veux du pognon t’as qu’à épouser un milliardaire mourant, ça ira plus vite et tu m’feras moins chier. » Il n’a pas tort et elle le sait sûrement, c’est pas en s’accrochant à lui qu’elle gagnera une fortune. Tout ce qu’elle fait, c’est renforcer le sentiment terrible qu’il a de n’être digne d’intérêt que s’il a quelque chose à apporter. On l’aimera jamais pour lui, et il est tellement habitué à force qu’il finit par s’en foutre. Presque. « Tu déconnes totalement si tu penses que j’suis pas capable de t'éclater la gueule juste parce que j’ai une jambe en moins. » Y a des jours où il est moins en forme, c’est vrai, mais faut pas oublier qu’il a sa béquille et que l’autre fois, il a démonté la mâchoire d’un mec qui l’avait un peu trop cherché. Bon, bien sûr, il ne taperait pas sur une femme, mais elle n’est pas obligée de le savoir. Y a son corps qui avance d’un petit mètre, plus proche de celui de Toni, les yeux qui ne la quittent pas, p’tite branleuse, qui semblent lui hurler de se casser d’ici. « Fous-moi la paix. Vraiment. J’veux juste que tu te barres. »


Dernière édition par Jem Bogart le Dim 25 Fév - 14:49, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptySam 24 Fév - 16:08

« Ta gueule putain. » Et sûrement qu'elle devrait en tenir compte, ça sonne comme un avertissement, comme la jauge de tolérance de Jem qui s'remplit beaucoup trop vite et bientôt le baromètre va exploser – lui avec. C'est ce qu'elle fait Toni, la patience des gens elle en use en abuse et ronge la corde comme le ferait un chien avec un os, jusqu'à la moelle. Une fois qu'elle a commencé elle sait pas s'arrêter, alors elle tient pas compte des mots de Jem, ni de la lassitude qu'on sent poindre dans sa voix, dans ses traits. Sa mauvaise foi en étendard, elle va jusqu'à dire qu'elle le pardonne et c'est peut-être le pire des foutages de gueule. Main tendue vers lui, elle attend qu'il la serre ou qu'il baisse les armes, qu'il lâche l'affaire et lui laisse la victoire comme elle en a l'habitude avec le monde entier ou presque.

Elle se plante.
« Va te faire foutre. »

Ses sourcils se froncent alors qu'elle laisse retomber son bras contre son flanc, ses yeux dans ceux de Jem. Il a l'air tellement calme que ça la fout en rogne finalement. « T’es pas ma pote, t’es une inconnue qui est juste là pour foutre le bordel, et j’ai pas l’intention de te laisser me dépouiller, j’ai pas assez de fric pour me le permettre. Je préfère le donner à des gens qui le méritent et pas à une p’tite branleuse qui est à peine bonne à dépoussiérer un meuble télé. » Elle sait pas trop à quoi elle s'attendait mais pas à ça c'est sûr, et elle reste là à le dévisager sans même trouver quoi répondre, trop prise de court pour pouvoir réfléchir. Tout ce qu'elle arrive à articuler c'est un « Ben toi ta gueule, tu t'prends pour qui ? » qui manque un peu de conviction. De toute façon il n'en a pas fini avec elle – comme un clébard qui aurait enfoncé ses crocs dans la chair et refuserait de lâcher. « Si tu veux du pognon t’as qu’à épouser un milliardaire mourant, ça ira plus vite et tu m’feras moins chier. » Peut-être qu'elle pourrait, si ça la dégoûtait pas autant. Elle a déjà considéré l'idée mais c'est hors de question. « Tu déconnes totalement si tu penses que j’suis pas capable de t'éclater la gueule juste parce que j’ai une jambe en moins. » Elle éclate de rire c'est quasi instantané, comme si c'était la blague de l'année. Faut dire qu'elle est pas toujours maline, elle manque d'éducation et sûrement de tolérance aussi – elle le voit comme un handicapé et pas grand-chose de plus, c'est pas comme si elle le connaissait au-delà de sa sale gueule et sa prothèse. Elle n'a pas peur. Peut-être qu'elle devrait c'est vrai, après tout elle sait rien de lui, elle sait pas de quoi il est capable ou non. Mais l'idée lui paraît ridicule, et puis elle aime trop jouer avec le feu pour s'en éloigner, surtout quand c'est lui qui s'approche, surtout quand Jem grignote la distance qui les sépare. « Fous-moi la paix. Vraiment. J’veux juste que tu te barres. » Elle voit bien qu'il le pense, pourtant elle reste plantée là. Elle fait un pas dans sa direction, bras qu'elle croise contre sa poitrine, ses yeux défiant les siens. « Et j't'ai dit que moi j'voulais bosser. » Si on peut appeler ça comme ça, quand elle passe plus de temps à faire comme chez elle et se foutre de sa gueule qu'à faire le ménage. On lui a pas appris le respect. « J'partirai pas alors vas-y, essaie de m'éclater la gueule pour voir. Au pire j'porterai plainte et tu t'retrouveras à m'payer des dommages et intérêts. »

En réalité elle sait pas pourquoi elle fait tout ça, pourquoi elle s'acharne. Elle pourrait se radoucir et essayer de l'amadouer, en parlant de Kanye, en disant qu'elle arrive à peine à joindre les deux bouts – ce qui est la vérité. Ou elle pourrait lui dire d'aller se faire foutre et se barrer comme chaque fois qu'elle se fait virer, partir en chasse pour trouver un autre patron assez con pour l'engager. Mais plus ça va, plus elle a du mal. Et puis elle aime bien venir ici, elle pensait avoir trouvé sa planque, parce que Jem n'est pas si emmerdant que ça, parce qu'elle a su prendre ses aises comme elle le fait toujours, faisant mine d'ignorer tout ce qu'il pouvait bien en dire. Peut-être qu'elle le prend pour un pigeon parce qu'elle le pense diminué, parce qu'elle est assez limitée pour croire qu'un estropié est plus facile à arnaquer que la moyenne. C'est peut-être un mélange de tout ça à la fois, et surtout, maintenant qu'il l'a défiée elle ne veut plus reculer. Il l'a mise en colère il l'a vexée, et comme l'enfant capricieuse qu'elle est, elle compte bien se venger. « Tu peux pas m'virer, t'as besoin d'moi. » Elle reprend la tasse qu'il lui a arrachée un peu plus tôt, la lâche entre eux sans le quitter des yeux, les éclats et le café qui se répandent à leurs pieds. « Comment tu vas faire pour nettoyer ça hein ? » Elle lui tourne le dos, attrape une chaise et la fait tomber au sol, donne un coup de pied dedans pour l'éloigner. « Et pour ramasser ça ? » Elle va jusqu'au frigo, attrape ce qui semble être les restes d'un ragoût, vide tout sur le sol en prenant le soin d'encrasser le plus de superficie possible. « Et ça ? C'est dangereux en plus, tu pourrais glisser et péter la jambe qui t'reste. » Un haussement d'épaules et elle repose le récipient vide dans le frigo, se tourne vers lui, affronte son regard sans ciller. « J'vais ranger tout ça, et toi tu vas m'payer. » Ça sonne comme un ordre, sa voix vibrante de rage. Elle pensait tout contrôler mais il la rejette, son autorité n'a aucune emprise ici et ça l'insupporte. Rien ne se déroule comme elle le voudrait et elle est incapable d'accepter la frustration qui en découle, elle sait pas gérer ses émotions quand la situation lui échappe, quand elle peut pas jouer la conquérante et partir le menton levé. Il la remet en doute, la remet à sa place, il lui montre aussi peu de respect qu'elle en a envers lui et ça rend tout de suite les choses moins drôles. C'est plus fort qu'elle – elle pète les plombs dès qu'elle n'a plus le contrôle.


Dernière édition par Toni Margolis le Sam 3 Mar - 11:27, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptyDim 25 Fév - 16:24

Patience. C’est quelque chose qu’on lui a appris depuis son plus jeune âge, à chaque nouvelle candidature pour adopter son petit cul pâle, à chaque nouveau visage de futur parent indigne, patience ça viendra, patience on t’aimera, à chaque renvoi à l’orphelinat, chaque arrivée en maison de redressement, patience tu grandiras, patience ça s’arrangera. Patience à l’armée, avant d’aller au combat, attendre derrière les lignes qu’on lui fasse signe de s’engager, patience, laisse-les autres mourir avant, se prendre les premiers coups de semonce, patience ton tour viendra. Son tour n’est jamais venu. Patience, il aurait peut-être pu récupérer Billie une fois rentré, il serait allé chez elle, l’aurait attendue avec un bouquet de pivoines, lui aurait déballé son cœur, servi une belle déclaration sur un plateau. Aurait prétendu être quelqu’un qu’il n’a jamais été. Patience, sauf qu’elle n’a jamais payé, sauf qu’il est toujours resté sur la touche, quelque part, pas assez bon pour rester entier mais pas assez bon pour mourir non plus, dans un entre-deux étrange entre vie et décès, entre paradis et enfer. Au putain de purgatoire depuis que l’obus a dézingué son mollet, depuis qu’il se balade en faisant des bruits mécaniques. Il aurait pu la garder, la patience, suivre ses séances de rééducation plus assidument, essayer de s’habituer à n’avoir plus qu’une jambe, prendre exemple sur les athlètes paralympiques qui sont aussi doués que des valides. Il aurait pu, mais c’était sans compter son caractère de clébard mal léché, la putain de bave aux babines, c’était sans penser qu’il a une mentalité de merde, pourri trop d’années par les reproches, l’impression de ne rien valoir, de ne pas être capable d’accomplir le quart de ce que feraient les gens normaux, ceux qui ont grandi dans une vraie famille avec des vraies valeurs. Patience, un jour il ne sera plus un gros connard, sûrement. En attendant, il fait face à un dilemme qu’il n’avait jamais connu.
Frapper une femme ou fermer sa gueule.
Il n’a jamais été lâche, Jem, c’est sûrement pour ça qu’il était un excellent soldat, prêt à se foutre sur une grenade dégoupillée pour se faire sauter et sauver son escouade, prêt à se sacrifier pour le bien commun, pragmatique au possible. Parfaitement dispensable. C’est sûrement ce que Toni pense lorsqu’elle le regarde, lorsqu’elle l’écoute déballer calmement les insultes, une à une au garde-à-vous, trop évidentes pour être subtiles, les reproches adressés sans filtre, sans retenue, bouche décousue alors qu’il énumère les raisons pour lesquelles elle lui est inutile. Comme quoi, ils pensent sûrement la même chose l’un de l’autre. Un point commun. Mais ce n’est pas pour ça qu’ils se lieront d’amitié, qu’ils éclateront de rire et se serviront une tasse de thé. Ils ne sont pas ce genre de personne, lui et elle, le genre à mettre des gants avant de frapper, le genre à édulcorer le moindre reproche pour le transformer en point perfectible. Ce n’est pas pour ça qu’il fera comme s’il ne remarquait pas le bordel qu’elle est en train de foutre, les objets qu’elle balance au sol, le reste de bouffe qu’elle étale sur le carrelage du coin cuisine. Ce n’est pas pour ça qu’il se contiendra, cette fois, qu’il réfrènera la violence qui le caractérise, qui coule dans ses veines, rougit son sang. Cette fois-ci, il ne se contient plus. Cette fois, il ne laisse pas à Toni le temps de réagir, balance sa béquille en direction de son visage, clac, le bruit macabre du plastique contre les os de sa tempe, profite de l’assommement temporaire pour enjamber avec une dextérité surprenante la douve de ragoût et saisir Toni à la gorge. C’est peut-être l’adrénaline qui pulse trop fort dans ses veines, qui lui redonne de la vigueur, du souffle, l’instinct meurtrier qui lui souffle de douces mélodies à l’oreille alors qu’il pousse violemment la jeune-femme contre le frigo, resserre les phalanges autour de son cou trop frêle. Elle a franchi la limite. Elle a foutu les deux pieds en dehors de la ligne sans voir les dents trop acérées du loup, les canines qui brillent dans le noir. Le piège fatal qui se referme lentement sur elle.

« Vas-y, crie », sifflé bien trop calmement, à bout de bras. Elle ne peut pas parler, il le sait. Elle peut juste l’écouter maintenant, espérer qu’il relâchera sa poigne. Qu’il n’aille pas jusqu’au bout. La distance se réduit lentement, sûrement, lorsqu’il s’approche pour coller son corps au sien, pour approcher la bouche de son oreille. « Tu veux porter plainte ? » Souffle, la peau de ses lèvres contre le lobe avant de reculer de quelques millimètres, les yeux qui cherchent leurs semblables, ceux de Toni, attendent le moment où ils seront révulsés. « Tu penses que les flics croiront qui, entre une espèce de cassos paumée qu’a jamais gagné sa vie honnêtement et un vétéran invalide qui a consacré sa vie à sa patrie ? » Il le sait, elle aussi. Elle est entrée chez lui par effraction, a foutu le bordel, l’a menacé. Il s’est juste défendu, c’est ce qu’il dira quand la police trouvera le corps inanimé, quand ils pourront juste constater l’heure du décès. Une seconde il relâche, juste un peu, histoire de lui donner de l’air. Pitié, faiblesse. Le regard qui glisse sur son visage, ses joues blanches, ses lèvres encore roses. C’est pas aujourd’hui qu’elle mourra, sans doute. « Trouve-moi une bonne raison de pas t’buter. » Grosse faiblesse. Il ne devrait même pas lui donner une chance de s’expliquer, devrait se contenter de l’achever, c’est trop bon de sentir une vie glisser entre ses doigts, il avait oublié il croit. L’une de ses mains file lorsqu’il sent un mouvement, attrape le poignet qu’elle était sur le point de bouger, le pouce de l’autre main se presse contre la carotide, de nouveau. Preuve qu’il a la poigne aussi forte que deux ans en arrière, quand il avait encore ses deux jambes, quand il portait encore l’uniforme. Quand il était encore entier.
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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptySam 3 Mar - 12:47

Ses yeux brûlent dans les siens et elle pense reprendre le dessus, elle pense prouver qu'elle perdra jamais face à lui. Elle pense qu'elle gère, lueur victorieuse au fond d'ses prunelles, menton levé comme si c'était elle qui dominait. Pourtant quand elle le voit lever sa béquille elle n'a pas le temps de réagir, l'impact contre sa tempe qui la sonne et lui fait perdre l'équilibre. Elle titube vers l'arrière, sa carcasse qui s'échoue à moitié contre le frigo alors que la douleur se répand dans son crâne. Un instant y a une flaque de ragoût qui les sépare, le suivant il est beaucoup trop proche. Il lui faut quelques secondes pour réaliser qu'il a empoigné sa gorge, que si elle n'arrive plus à respirer c'est à cause de lui. « Vas-y, crie. » Et elle essaie mais rien ne vient, elle voudrait l'insulter mais aucun son ne passe, ses cordes vocales pressées trop étroitement pour pouvoir vibrer. Ses yeux s'écarquillent alors qu'elle s'agrippe bêtement aux poignets de Jem, tirant pour le faire lâcher. Ça n'fait que resserrer l'étau un peu plus et elle sent la panique la submerger comme un foutu tsunami, les vagues qui s'écrasent violemment entre ses côtes et secoue son palpitant qui s'affole un peu plus à chaque seconde.

Lâche-moi articulé par ses lèvres muettes, connard qui résonne dans un murmure étranglé.

Il se colle à elle et ses mains viennent se poser contre son torse pour tenter de le repousser, pour rétablir une distance de sécurité. Elle fait pas l'poids – il ne bouge pas d'un millimètre. « Tu veux porter plainte ? » Son souffle lui chatouille l'oreille, lui arrache un frisson désagréable et elle n'écoute plus rien de ce qu'il raconte, seulement concentrée sur ce qu'il fait. Ses phalanges qui compriment sa trachée, son corps plaqué au sien, ses iris qui la toisent et lui glacent le sang.

Elle aurait jamais cru avoir peur de lui un jour.

Y a quelque chose dans ses yeux, dans sa façon de la tenir, dans le calme qu'il affiche et qui tranche avec la violence qui émane de lui. Quelque chose qui promet qu'il pourrait serrer jusqu'à sentir la vie disparaître entre ses doigts, quelque chose qui susurre qu'il l'a sûrement déjà fait. Elle veut pas crever.

Elle n'entend que la moitié de ses mots, ne se soucie pas de ses histoires de cassos paumée et de vétéran invalide, trop concentrée sur ses poumons qu'elle sent s'atrophier douloureusement. Elle a l'impression que sa tête va exploser, un bourdonnement à ses oreilles et ses membres trop engourdis pour qu'elle puisse lutter comme elle le voudrait. Elle se sent comme une poupée de chiffon, marionnette qu'il pourrait si facilement désarticuler, démembrer, n'en faire qu'une bouchée. Elle n'est plus rien entre ses mains, complètement à sa merci et la rage qui vient se mêler à la panique. « Trouve-moi une bonne raison de pas t’buter. » Même si elle voulait elle pourrait pas, trop en manque d'oxygène pour réfléchir – même si elle sent qu'il relâche la pression, l'air qui s'engouffre à peine, maigre filet qui lui permet de n'pas s'évanouir mais qui a encore un goût de trop peu. Son poing se serre et elle commence à le lever sans calculer son coup, sans voir qu'elle est bien trop lente pour arriver au bout de son geste sans qu'il puisse réagir. Il attrape son poignet trop fermement pour qu'elle puisse s'en libérer, ses griffes qui la gardent prisonnière, pression contre sa carotide qui lui donne envie de hurler. Pourtant tout ce qu'elle arrive à sortir c'est un « Fils... de... pu..te » essoufflé, à peine compréhensible. Elle voudrait lui donner un coup de genou bien placé pour le faire lâcher mais il est bien trop proche pour qu'elle puisse atteindre son entrejambe, lui retirant le moyen le plus efficace d'incapaciter un homme.

Mais Jem n'est pas un homme comme les autres, Jem est déjà diminué – du moins c'est ce qu'elle pensait jusqu'à ce qu'il lui prouve qu'une jambe en moins ne lui enlève rien de sa force et sa violence. La seule chose que ça lui ôte c'est l'équilibre, la béquille abandonnée et les deux mains accrochées à elle, son cou, son poignet. Si son genou n'peut pas atteindre son entrejambe, son pied est à portée de sa prothèse. Elle donne un coup, franc, brutal. C'est suffisant pour le faire déraper, le privant de sa stabilité et détournant son attention. Elle en profite pour balancer sa main libre dans son visage, un coup de poing foireux et peu efficace – elle se fait mal au passage – mais c'est bien assez pour lui permettre d'échapper à son emprise. Elle le pousse de toutes les forces qu'il lui reste et se libère de lui, s'éloigne rapidement et attrape une chaise pour la brandir devant elle en bouclier, de peur qu'il revienne à la charge. « T'ES UN GRAND MALADE PUTAIN ! » Elle beugle de sa voix éraillée et se met à tousser juste après, la sensation des doigts de Jem qui continue de brûler sa gorge, l'impression que ça va la poursuivre pendant des jours et des jours. La trace s'imprime déjà sur sa peau. « C'est quoi ton problème hein ? Qu'est-c'qui tourne pas rond chez toi ?! » Elle continue de s'égosiller à moitié, comme elle le fait chaque fois qu'elle enrage, chaque fois qu'elle sort de ses gonds.

Pourtant derrière la colère on devine parfaitement la peur, ses mains tremblantes et ses épaules voûtées, sa silhouette un peu trop recroquevillée qui lui donne l'air minuscule derrière sa chaise. Animal apeuré, elle fait du bruit pour oublier les alarmes qui sonnent dans sa tête, qui lui hurlent attention danger.

« La guerre t'a bouffé la cervelle en plus de ta jambe, c'est ça ? T'allais faire quoi t'façon ? Me buter pour un putain de café ? » Elle éclate de rire mais elle a juste l'air névrosée, au bord de la rupture. « Faut t'faire soigner sans dec... M'APPROCHE PAS ! » La chaise qu'elle lève un peu plus haut, les pieds du côté de Jem, à surveiller le moindre mouvement qu'il pourrait esquisser. Mais même quand il ne bouge pas, elle a l'impression qu'il va lui bondir dessus et venir finir le travail. Elle peine encore à reprendre son souffle et elle fait qu'aggraver la situation en s'agitant comme ça, en lui hurlant dessus alors que sa trachée est en feu – elle a l'impression qu'il lui a fait gober du verre pilé. « T'aurais jamais dû faire ça. J'te jure que tu vas m'le payer. » La menace paraît risible, perdue derrière les relents de sa panique. Pourtant elle est sérieuse, elle laissera pas passer ça et tant pis si l'idée de l'approcher à nouveau lui glace le sang. Elle se vengera.
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Jem Bogart

Jem Bogart
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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptySam 3 Mar - 22:40

Plus rien ne répond, silence radios dans les neurones inhibiteurs, violence brûlante et dévastatrice. C’est son être entier qui transpire le meurtre, l’instinct animal. Flashbacks froids et flippants d’un gamin de vingt piges terrifié au milieu des dunes, le fusil à la main, le sang qui dégouline le long des joues. Trop d’explosions, trop d’éclaboussures. Hémoglobine omniprésente, jusque derrière ses paupières lorsqu’il s’allonge sur le matelas dur du camp. Dans le matelas trop mou de la maison.
Calme apparent, la poigne toujours resserrée sur le cou pâle de Toni, il sent à peine les larmes qui coulent sur sa peau, glissent sur ses lèvres irrémédiablement fermées. Il n’a pas envie de parler, plus envie. Il veut juste la regarder tenter de s’échapper, lui laisser de quoi respirer pour ne pas succomber, jeu malsain du chat qui tient une souris entre ses griffes. Il y a quelque chose de grisant à voir la vie s’échapper d’elle, à comprendre qu’elle se débat mais qu’elle ne pourrait pas s’échapper s’il le voulait vraiment, s’il faisait en sorte qu’elle n’ait plus la force d’utiliser ses jambes. Ça a un côté doux, plaisant, cette nostalgie dont il n’était plus coutumier, trop habitué à se plaindre du présent pour regretter le passé. Qu’il est agréable, pourtant, ce souvenir de l’époque où tout allait mieux, la sensation presque réelle de sa jambe bien présente, en chair et en os, des muscles qui se tendent en resserrant le piège sur la proie. Que ça fait du bien, putain, y en aurait de quoi chialer, louer le ciel, jouer au loto en pensant à un jour de chance, trop de veine, pas assez. La jambe n’est plus là, la proie l’est. Entre ses doigts comme une vulgaire poupée de chiffon, elle s’affaisse doucement au fil des secondes, alors qu’il se rapprocher, lorgne son visage d’ange. Essaie de capter le moment où la vie la quittera vraiment, où elle expirera son dernier souffle.

La tuer.

Il n’aurait eu qu’à serrer un peu plus, presser le bout des doigts contre ses veines, il n’aurait eu qu’à faire preuve de plus de force et de moins de sentimentalisme. Oublier qu’elle est une femme, oublier qu’il est censé la protéger, qu’il n’aurait jamais fait ça il y a quelques années, jamais envisagé de lever la main sur une personne aussi frêle. Fallait vraiment qu’elle l’ait poussé à bout. Fallait vraiment qu’il n’ait plus eu le choix. C’est ce qu’il se dira pour pouvoir vivre avec, parce qu’elle ne mourra pas aujourd’hui, parce que le poing s’ouvre, la paume s’écarte, lèvres légèrement tremblantes qui le trahissent. Elle en profite pour s’échapper, la musaraigne, claquer un coup de pied contre sa fausse guibole pour le faire ciller légèrement, foutre un poing contre sa mâchoire et l’étourdir, suffisamment pour pouvoir s’éloigner, attraper une chaise en guise de bouclier. Pathétique. Terrifiant. Ça le saisit d’effroi de la voir se tenir là, menacée plus que menaçante, la voix éraillée par le traitement qu’elle vient de subir. Ça lui fait perdre pied, un peu, alors qu’il l’écoute parler, déblatérer, alors qu’il l’entend lancer des menaces dans le vent.
Conne. Une putain de conne. Elle lui dit qu’il va le payer mais elle n’a aucune putain d’idée, ignore à quel point c’est vrai, à quel point il paye déjà de la voir comme ça, sauvage, affolée, à quel point ça le glace d’avoir provoqué ce genre de réaction, persuadé que ça pourrait se reproduire, qu’Anca pourrait en faire les frais. Putain, pas Anca. Il se penche, rattrape sa béquille. Se donner une contenance quoiqu’il arrive, c’est mieux que de se regarder en chiens de faïence. Ou pas, faut croire, elle a presque un mouvement de recul en le voyant saisir sa canne de fortune. Il s’appuie un peu, ne la lâche pas des yeux, frotte sa joue endolorie de sa main libre. « J’t’ai pas butée. » Ça sonne creux et plat, des excuses qui n’en sont pas. Il ne compte pas lui dire qu’il est désolé parce que ça puerait le mensonge, parce qu’elle ne trouverait aucune honnêteté dans les mots qu’il lâcherait bêtement, par automatisme, par éducation. « J’t’ai pas butée espèce de conne, et tu sais que j’aurais facilement pu le faire. » Bang, bang, bang, trois coups nets, les mots qui se barrent, diarrhée verbale. Il aurait voulu la tuer, vraiment. La tuer, la baiser. Se tenir si proche d’elle avait quelque chose de beaucoup trop excitant, sans qu’il ne veuille vraiment se l’avouer. Ce serait admettre qu’il pourrait avoir des faiblesses, des moments où son cœur flanche. « Barre-toi d’chez moi ok, j’vais pas t’tuer. » Il ne va pas le faire, non. S’il avait dû faire quoi que ce soit, il l’aurait fait longtemps avant, quand ils étaient tous les deux collés au frigo, les yeux en duel mexicain, le premier qui tire se fera descendre par l’autre. C’est pas ça, pas ce genre de film, ça ne se jouera pas de cette manière cette fois. Cette fois, il n’y a qu’elle avec une chaise brandie à bout de bras et lui accoudé au plan de travail poisseux de la cuisine. « CASSE-TOI PUTAIN TONI. » Casse-toi, dernier ordre hurlé, la première fois qu’il élève vraiment la voix depuis leur échange musclé. Casse-toi, sauve ta peau la souris.
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MessageSujet: Re: sorry not sorry (jem)   sorry not sorry (jem) EmptyDim 4 Mar - 15:21

Elle a réussi à lui échapper, pourtant la sensation de ses doigts continue de planer autour de son cou comme un toucher fantôme, un étau de fumée. Ça fait mal et ça brûle elle voudrait s'en débarrasser, mais chaque déglutition lui fait l'effet d'une coulée d'acide le long de sa trachée, chaque souffle fait flamber ses poumons. Il se redresse et elle le regarde faire, chaise en bouclier, seul rempart entre elle et lui parce qu'elle n'a plus confiance maintenant qu'elle a vu l'élan prédateur – proie effrayée qui n'pourra pas oublier qu'il a voulu la bouffer. Elle le regarde il la regarde, elle voudrait lui arracher les yeux. « J’t’ai pas butée. » Pourtant il a voulu il aurait pu, elle l'a lu au fond de ses yeux, elle l'a deviné dans les tressautements de ses lèvres. Il a beau garder cette façade calme, la voix plate, quelconque, impersonnelle, ça n'change rien à ce qu'il a failli faire. Maintenant elle sait. « J’t’ai pas butée espèce de conne, et tu sais que j’aurais facilement pu le faire. » C'est vrai et ça la terrifie autant que ça l'enrage. Peut-être qu'elle l'a poussé à bout c'est vrai, sûrement même qu'elle aurait mérité une bonne paire de claques – celles qu'elle n'a pas assez reçu quand elle était môme, celles qui ont manqué, l'encadrement qui n'a jamais été là pour l'empêcher de vriller. Mais elle juge qu'il est allé trop loin, que sa réaction dépasse les affronts qu'elle a pu lui faire. Peut-être que c'est ce qui s'passe quand les résidus de la guerre viennent flirter avec une patience érodée, poignardée par l'insolence détestable et le mépris dégueulasse. Peut-être qu'elle aurait dû l'voir venir, mais elle rejette toutes les fautes sur Jem pour pas avoir à assumer ses propres erreurs. « J'sais surtout que t'es complètement taré, putain ! T'avises plus jamais de m'toucher. » Elle lève la chaise un peu plus haut, comme pour se donner l'air menaçant, comme pour promettre qu'elle est prête à l'embrocher s'il tente de l'approcher. Pourtant elle fait pas peur, trop frêle derrière sa barrière de bois, trop flippée pour paraître crédible.

Elle tremble c'est ridicule, elle se déteste de trembler comme ça.
Elle le déteste parce que c'est lui qui la rend soudain si vulnérable.

« Barre-toi d’chez moi ok, j’vais pas t’tuer. » Elle sait plus ce qu'elle doit croire, elle sait plus de quoi il est capable ou non. Elle l'a toujours pensé inoffensif, comme s'il n'était qu'un estropié plutôt qu'un soldat revenu du front, l'âme fracturée qui a évolué dans le sang la terre la mort pendant des années. Faut croire qu'elle n'a gardé que ce qui l'arrangeait, que la partie émergée de l'iceberg et maintenant qu'ils sont entrés en collision elle a trop peur de faire naufrage. Elle veut pas s'noyer dans l'écume d'un pauvre con tourmenté, elle laissera pas les vagues de sa colère la fracasser. « CASSE-TOI PUTAIN TONI. » Il hurle et elle se fige, parce qu'elle est pas sûre de l'avoir déjà entendu gueuler – jamais comme ça. Elle continue de le fixer un instant, la respiration encore sifflante, sa gorge qui prend déjà des teintes rougeâtres qui se dégradent dans le violacé. Et soudain elle balance la chaise dans sa direction, ne regarde même pas si elle le heurte ou pas, elle s'en fout. Elle se tourne vers la table, passe son bras sur la surface pour faire tomber tout ce qui se trouve dessus. « J'me casse, ouais ! » Un coup de pied dans le placard le plus proche et elle fait volte-face, disparaît dans le couloir pour continuer sur sa lancée. À flanquer des coups dans tout ce qui croise sa route, à tout faire tomber, les objets qui se fracassent contre le sol et les meubles qui grincent sous ses assauts. C'est le trop-plein d'émotions qui se transforme en crise de colère, une violence chaotique qu'elle dirige contre les objets inanimés à défaut de pouvoir s'en prendre à Jem. Elle casse tout ce qu'elle peut, lâche un cri qui sort des tripes, à en coller des frissons.

À bout de souffle, une main qui se pose sur son cou meurtri, elle a la poitrine qui se soulève trop vite et le cœur au bord des lèvres. « Ils auraient mieux fait de t'exploser la cervelle plutôt que la jambe. » C'est craché sans même le regarder et déjà elle s'éclipse, ouvre la porte d'entrée à la volée et n'prend même pas la peine de la refermer avant de se ruer loin de cette foutue baraque. Elle court même si elle n'a déjà plus de souffle, parce que c'est le meilleur moyen qu'elle connaisse pour se vider l'esprit, pour évacuer les restes de sa colère – c'est ce qu'elle a fait toute son enfance toute son adolescence et elle n'a jamais arrêté. Alors elle court, encore et encore, mais elle n'arrive pas à se sortir Jem de la tête, Jem qui a osé levé la main sur elle et même s'il n'a pas frappé il a fait pire, il lui a fait perdre tous ses moyens, lui a ôté toute illusion de contrôle. Elle supporte pas ça, elle peut pas gérer, c'est impossible à avaler. Elle reviendra. C'était pas du bluff, quand elle a dit qu'elle lui ferait payer.

( RP TERMINÉ )
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