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 en attendant Godot (Libre)

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Jem Bogart

Jem Bogart
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MessageSujet: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyDim 14 Jan - 19:36

« Putain t’as dit quoi enculé répète ? »

Le poing qui s’abat sur la mâchoire du mec qui vient de le héler, sûrement qu’il aurait pas dû, pas s’en réfléchir, pas sans tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant, y avait le infirme qui avait trouvé son chemin hors de la benne à ordures qui lui servait d’orifice buccal et l’oreille de Jem qui s’était tendue, parce que les mots ont une résonnance particulière pour lui aujourd’hui, parce qu’ils blessent plus qu’ils n’embrassent, là où hier il se marrait, là où il sortait des éclats de rire comme des comètes. C’est plus drôle quand ça arrive aux autres, plus drôle quand c’est pas nous, y a une part de lui qui jalouse le petit groupe de mecs qui se bidonnent en entendant l’insulte. Il aimerait bien aussi se foutre de la gueule des handicapés, cracher sur leur passage, ça pourrait être marrant avec une bière dans le nez, avec une bande de décérébrés pour applaudir l’offense, ça pourrait être fun si seulement c’était pas dégueu, triste à mourir, si seulement son propre corps démembré ne venait pas parfaire le tableau. Alors il a craqué, y a son corps qui a tourné à 180 degrés et le poing qui a frappé le visage de l’inconnu, lui a fait pisser le sang, et soudain quatre mecs sur lui, les coups qui s’enchaînent, se dévient, les larmes et la sueur et le sang à force de trop de douleur, crachat écarlate au sol, ils se barrent alors qu’il se tient à peine au mur, sans prendre la peine de ramasser la béquille. Suffit de glisser une main vers son arcade sourcilière pour constater les dégâts, pour grimacer sous l’acide de l’inflammation, la bouche qui s’ouvre et se referme dans un craquement, tous les os qui le font souffrir terriblement. Ça va se finir au rhum, cette histoire, avec un trop-plein d’alcool dans les veines et le regard désolé d’un barman, il le sait. C’est maladroitement qu’il se penche pour ramasser sa canne, il manque de se viander par terre parce qu’il ne tient plus vraiment debout, parce que sa seule jambe fonctionnelle s’est pris trop de coups pour pouvoir vraiment encaisser, ils lui ont peut-être pété le tibia même, faudra sûrement aller à l’hosto. Fait chier.
Fait chier, y a ses pas qui l’amènent au Smoking Dog, son cul qui se pose sur la première chaise qu’il chope, pas très loin de l’entrée, la jambe en métal qui se replie dans un clic sous la table vermoulue. « Une bière » il commande à la serveuse, histoire de rester soft, de ne pas aller trop loin trop vite, de ne pas brûler les étapes d’une nuit trop imbibée, il a le cerveau encore trop vif pour l’instant, les idées trop claires alors qu’il suit le regard inquisiteur de la jeune-femme sur son visage. Il s’est pas regardé dans une glace, en fait, il doit vraiment pisser le sang si ça s’trouve, il va faire fuir les clients. Fébrilement, il se lève, ignore le geste qui lui est adressé, compassion, douceur, pitié, il n’en a pas besoin ce soir, non, c’est la violence qui le nourrit, qui le stimule, comme une tortue qui rentre dans sa carapace, se ferme au reste du monde, attend juste le bon moment pour sortir, déchaîner sa fureur. Il s’appuie autant que possible sur sa béquille, se traine jusqu’aux toilettes miteuses, referme la porte derrière lui, discrètement. Personne en vue, pas qu’il sache, alors il prend un instant pour souffler, pour gémir, les mains crispées sur ses côtes, y en a peut-être une de fêlée même si c’est lui qui l’est vraiment, fêlé, pour s’être pointé ici au lieu d’être allé directement à l’hôpital. Un coup d’œil au reflet dans le miroir et il blêmit, ils l’ont pas loupé, y a son œil qui est un peu gonflé, sa lèvre inférieure pourpre et le teint cireux malgré l’hémoglobine qui colore ses joues, y a sa main qui frémit lorsqu’il ouvre le robinet et attrape un peu d’eau pour nettoyer les restes de cette soirée pitoyable. Son cœur fait des bonds dans sa poitrine, pas loin de la tachycardie, et il tousse, crache un peu de sang dans le lavabo, c’est que dalle, trois fois rien, une blessure superficielle. Quand il revient dans le bar, sa bière vient d’être posée et il remarque le regard compatissant lancé par la serveuse, comme s’il avait besoin de ça. Se rasseoir, faire bonne figure. Lorsqu’il porte la chope à ses lèvres, on croirait presque qu’il sourit. Dingue, l’effet qu’a le houblon sur lui.
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Anca Popescu

Anca Popescu
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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyDim 14 Jan - 22:03

C’est qu’un extra, pas grand-chose. C’est qu’un extra mais quelques billets au creux de la paume. Elle n’a jamais aimé le Smoking Dog Anca, le regard trop appuyé sur Nash et Malo et la combine qu’ils ont monté derrière. C’est qu’un extra, rien qu’une fois, elle force le passage parce qu’elle a besoin d’argent, parce que c’est facile de demander une soirée aux patrons quand on les connait depuis vingt quatre ans. Ou peut être que c’est un peu plus dur qui sait. Entre les deux, elle hésite. S’il te plait, la fatigue dans la voix, parce que les factures s’accumulent, qu’elle a encore le semestre a payer pour Tereza, puis que toutes ces merdes ça coûte un bras. Noël, les cadeaux, y a plus rien sur son compte, pas envie de passer la soirée au Fight Club pour se faire payer, pas envie de voir des gueules ensanglanté.
Pourtant c’est raté.
Cheveux en bataille, cernes sur le visage, y a quand même le sourire un peu aimable pour les clients, pour l’autre serveuse aussi, Judith ou Bethany, elle ne sait plus vraiment. Les soirs comme ça elle préfère oublier, juste se concentrer sur la tâche, empocher son argent et rentrer se coucher, la couette sur la tête, se protéger du reste du monde et puis dormir. Dormir putain. Tu peux aller dans la réserve Anca on a plus de soda. Hochement de tête, elle connait le chemin, par cœur, malheureusement, pas qu’elle y bosse souvent, plutôt qu’elle vient les voir souvent. Ils sont où ce soir d’ailleurs et le cœur qui manque de déraper quand elle pense à Nash, trop triste. Bien trop triste. Il lui manque. Tout le monde lui manque. Y a que de la solitude en ce moment, même sa famille c’est du vide. Putain.
A l’arrière elle entend rien, trop concentrée sur sa tâche, fouille parmi les caisses poussiéreuses, tangue un peu parce que c’est lourd. Alors elle se laisse tomber un instant, ferme les yeux, pose la tête contre le mur. Le silence, rien qu’un peu, essayer de ne pas se faire absorber, elle brûle. Pleure pas Anca. Mais c’est difficile pas vrai ? Quand tout explose, quand rien ne va. C’est Judith qui la surprend quelques instants après. Non Bethany ? Elle passe la tête dans la réserve et Anca se redresse doucement, essuis ses paumes sur son tablier, offre un sourire à la jeune blonde. Tu peux venir s’il te plat y a… Un client bizarre, je veux pas être toute seule en salle. Des clients bizarres y en a tout le temps ; Au fond elle préfère ceux du Smoking Dog plutôt que du club débile à Tybee, ici ils ont pas l’argent dans les poches, pas l’impression que tout leur est permis. Ou du moins le plus souvent. Ici ils ont grandit comme elle, ici ils ont la rue dans le sang, et c’est plus facile à contrôler. Plus que tous ces putains de cols blancs. « J’arrive » le regard qui se pose sur une caisse à moitié ouverte, bingo, Anca qui la prend sous son bras et suit sa collègue dans la salle principale. « Pourquoi tu dis bizarre ? » peut être qu’un geste vaut mieux qu’une explication et Bethany-Judith lui fait signe de la main, lui montre l’homme qui la perturbe tant et Anca sent son cœur se casser un peu plus. Pourquoi ce soir ? « Je le connais. Tu me laisse m’en occuper ? » surement qu’elle est bien trop contente de s’en débarrasser, elle attrape la caisse des mains d’Anca et commence à ranger alors qu’Anca passe de l’autre côté du comptoir pour se laisser tomber face sur une chaise vide face à Jem. « On te laisse seul cinq minute et tu te retrouve dans cet état là » qu’elle murmure doucement, la main qui vient se poser sur sa pommette abimée, glisse doucement jusqu’à son menton pour le forcer à tourner la tête, elle observe les dégâts, moue attristée collée sur les lèvres. « Qu’est-ce qu’il t’arrive Jeremiah. On avait pas déjà parlé de ça ? » la dernière fois ? Et ça remonte à quand déjà ? Elle sait plus trop Anca, les jours qui se confondent, elle se perd un peu dans tout ça.
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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyMar 16 Jan - 19:20

C’est plus facile de se foutre la tête dans le sable et c’est ce qu’il fait la plupart du temps, trop égoïste pour regarder au-delà du bout de son petit nez, trop superficiel pour penser qu’on pourrait aimé un désarticulé, qu’on pourrait s’intéresser à lui, qu’y aurait quelque chose à sauver, au fond, dans sa carcasse, alors il ignore le joli sourire de la serveuse, il ignore les regards en coin qui veulent dire trop de choses, il pose les billets sur la table quand une autre silhouette s’approche, histoire de payer, qu’on lui foute la paix, il veut juste se noyer dans l’alcool et pas dans les larmes, pour une fois. Sauf que c’est plus facile mais pas toujours possible, pas quand il reconnait la voix de la personne qui a pris place face à lui, pas quand leurs iris se croisent et qu’ils se reconnaissent, ça doit faire des semaines qu’il a pas vraiment vu Anca et y a quelque chose qui se réveille dans son cœur, une douleur aigue, un manque, un point de côté, les côtes qui frémissent et pas seulement parce qu’elles sont en miettes, le sourire bancal, la goutte de sang sur la lèvre inférieure. Il aimerait lui dire d’aller se faire voir parce qu’il n’a pas envie de sa pitié, parce que c’en est, et qu’il n’a pas envie de la croire juste parce qu’elle est elle, parce qu’elle a ses grands yeux et ses mains trop pleines d’amour, ça le fait chier de foutre sa fierté de côté pour des cils un peu trop longs et des lèvres un peu trop rouges. Il pourrait le faire pour leur amitié, remarque, elle est sûrement ce qui se rapproche le plus d’une amie, d’une confidente, la seule qui ait vraiment approché son intimité, à rafistoler la jambe en fer à chaque fois qu’elle se barre, que Jem s’énerve, qu’il envoie tout valser. C’est la seule à l’avoir vu à moitié chialer, un jour, parce qu’il s’était une fois encore rétamé dans les escaliers, c’est la seule à avoir pu entrevoir ce qu’il cache sous des couches de distance, de cynisme, sous des injures, sous le masque de diable qu’il porte trop souvent. « Sauf qu’tu m’as pas laissé seul cinq minutes », les reproches déjà pinçants alors qu’il observe ses gestes, se laisse pourtant faire, docilement, elle l’a pas laissé cinq minutes mais bien plus longtemps, fallait pas qu’elle s’attende à tellement mieux venant de lui, qu’elle espère qu’il se tiendrait bien droit sur ses guiboles en attendant son retour. « On avait aussi dit qu’fallait qu’tu m’appelles Jem et tu continues pourtant d’m’appeler Jeremiah. » Pas de sourire, il est lugubre, détaché, ses yeux trop perdus au fond de sa bière, il se dégage naturellement de la main d’Anca lorsqu’il porte de nouveau la chope à ses lèvres, en avale plusieurs gorgées. Elle se doute pas, elle de ce que c’est que de subir les insultes des abrutis, de se sentir toujours inférieur à n’importe qui, de ne plus pouvoir se défendre, de ne plus pouvoir survivre. S’il était un animal, il survivrait pas dix minutes en environnement hostile, y aurait déjà une meute de lions affamée sur lui, à lui déchirer les entrailles. Elle sait pas. Elle sait pas ce que ça fait que d’avoir besoin d’une nana pour se sortir du pétrin, de pas pouvoir porter ses couilles et aller au combat. Stupide Anca. Jolie Anca. « T’as une sale gueule », il lâche en reposant le verre, décoche un léger sourire, le premier, elle a l’air au moins aussi nase que lui, sans les ecchymoses et le nez pété, ça lui fait plaisir quelque part de trouver aussi éclopé que lui sur cette foutue terre, dans cette foutue ville. Il souffle, pince l’arête de son nez, y a quelque chose qui lui fait mal dans le creux de sa tête et il est quasiment sûr que ce n’est pas normal, que c’est anomalique, mais il veut pas l’inquiéter, pas davantage. Anca a déjà suffisamment douillé pour lui, suffisamment subi, ses sautes d’humeurs, ses matins fiévreux, ses angoisses, elle a suffisamment ramassé de pots cassés pour pas qu’il l’accable, et c’est bizarre qu’il pense ça alors que d’habitude, il ne pense qu’à sa gueule, faut croire qu’elle a une mauvaise influence. « J’déconne. » Rajouté pour atténuer la distance qu’il a délibérément placé entre eux parce qu’il est stupide, parce qu’il est ce clébard blessé qui mord la main qui le caresse et qui accepte d’être roué de coups par le reste du monde. « T’inquiète pas pour moi, j’m’en sors. » C’est ajouté pour souligner le fait qu’il n’a pas besoin d’elle, même si ça n’arrange rien, même si ça prouve encore plus qu’il a besoin d’aide, d’elle, d’eux, qu’y a un bout de lui qui se réjouissait de leurs rendez-vous quasi quotidiens, que ça lui manque, affreusement, la présence d’Anca dans un coin de la pièce pendant qu’il fait la sieste, son sourire quand il lui adresse un regard noir lorsqu’elle interrompt son programme télé. Tout. « Tu m’trouves p’têtre moche mais tu d’vrais voir l'état des types en face », petit rire qui s’estompe rapidement, sourire qui se perd, il ment bien sûr, il ment, les mecs en face s’en sont sortis indemnes, y a que lui pour être aussi bousillé jusqu’au trognon.
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Anca Popescu

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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyDim 21 Jan - 2:05

Anca si elle pouvait, elle voudrait soigner le monde entier, recoudre les plaies, enrouler les bras cassés dans des bandages et des bandages, donner de l’amour en trop, tout ce qui bouillonne dans son cœur, l’impression qu’elle pourra jamais se vider, épancher le tout, c’est trop douloureux ce trop plein. Elle pourrait en gerber. Et c’est toujours aussi triste, quand elle regarde le visage abimé de Jem, le sang qui goutte sur son sourire fracassé. Il est mauvais le sourire, jamais très bon de toute façon, à croire qu’il est pas doué pour ça Jem. Pas faute d’avoir essayé de lui apprendre, de remplir un peu le vide, le manque, devenir sa béquille un instant et lui montrer que tout ça c’est pas rien, c’est pas vain. Sauf qu’tu m’as pas laissé seul cinq minutes. Les lèvres qui se serrent, le sourire toujours présent, un peu plus fade maintenant, elle ne dit rien, pas encore, contente d’évaluer les dégâts avec un regard neutre. Dans sa tête elle accumule les données, les blessures, essaye de comprendre comment et pourquoi, se retient de chialer, de craquer encore une fois, tant ça la frustre de récupérer ceux qu’elle aime un peu trop en morceaux sur le pavé. On avait aussi dit qu’fallait qu’tu m’appelles Jem et tu continues pourtant d’m’appeler Jeremiah. ça aussi elle ne répond pas, regarde sa main soudan vide parce qu’il a recommencé à boire sa bière, elle secoue la tête doucement. Inspire. Expire. Chasse la putain de boule dans la gorge, celle qui la prend aux tripes trop souvent, qui lui donne envie de pleurer encore et encore crybaby comme toujours, ce surnom qui lui colle aux talons. T’as une sale gueule. Et le sourire qu’il lui offre, c’est maigre, pas grand-chose, ça souligne la remarque acide et Anca qui riposte comme un miroir, maintient son sourire à elle avant de glisser une mèche derrière ses cheveux. Bien sur qu’elle a une sale gueule. Bien sur. Elle a toujours eu une sale gueule, c’est juste qu’avant elle avait le temps de camoufler le tout, et puis l’envie aussi. Aujourd’hui elle est juste épuisée. J’déconne. « Non t’as raison. Mais au moins on est deux comme ça.» qu’elle souffle tout bas, du tac au tac, première parole qu’elle accepte de libérer depuis qu’il a commencé à parler. T’inquiète pas pour moi, j’m’en sors. Les sourcils qui se haussent, elle le regarde de haut en bas, secoue la tête parce que clairement elle ne croit pas un seul de ses mots. Parce qu’elle le connait trop bien, malgré les cinq minutes qui se sont écoulées depuis la dernière fois. Elle l’a vu au plus bas Jem – Jeremiah – les larmes dans les yeux et la douleur d’un homme mutilé. La guerre, putain de guerre, et ce genre de lumière éteinte dans un regard, et elle qui sait plus où trouver l’interrupteur. C’est le même regard que Ioan, dangereusement fatigué, le sourire névrosé, puis tout ce sang sur le visage.
Tu m’trouves p’têtre moche mais tu d’vrais voir l'état des types en face. Ptêtre que c’est le rire de trop, le mensonge qui fait déborder le vase, la fatigue et la tristesse qui prend le dessus, parce qu’elle craque un peu Anca. Joli masque de poupée qui se fissure, il avait déjà vu de toute façon, que c’était pas joli en dessous. Mais là elle arrache les bouts, les morceaux de porcelaine imaginaires fichés dans sa peau. « Arrête. » juste. Arrête. « Pourquoi tu mens » pourquoi est-ce qu’ils mentent tous ? Pourquoi est-ce qu’elle, elle ment ? « C’est moi tu sais. C’est pas n’importe quel clampin que tu dois impressionner ou repousser avec tes épines » de nouveau elle vient chercher son visage, pose sa main sur sa mâchoire pour le forcer a rester en face d’elle. [color=crimson] « Jm’en fous des mecs en face Jeremiah » et pas Jem, presque sournoisement. « C’est toi qui m’intéresse » la voix qui fait un dératé, parce que ça fait trop longtemps qu’elle a pas regardé autour d’elle, trop enfermée dans son monde avec Jemmy, avec Seven, avec Lucian, quand tous les hommes de son entourage se battent en duel dans son cerveau, l’isolant un peu plus, la coupant de ceux qu’elle avait apprit à aimer un peu plus doucement, un peu plus calmement. « Fais pas semblant parce que je suis partie plus que cinq minutes » qu’elle finit par murmurer, le regard trop désolé. Parce qu’elle s’en veut tellement. Mais qu’elle a pas pu faire autrement. Que la vie est une amante exigeante et qu’il devrait le savoir lui aussi, depuis le temps. « Viens j’vais te rafistoler comme je peux à l’arrière » elle se lève, lui fait signe de la suivre, parce qu’elle ne compte pas le laisser comme ça, à saigner sur des tables qu’elle vient de nettoyer, puis à servir d’amusement pour toute la galerie désagréable du Smoking Dog.
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyMer 24 Jan - 11:44

Au moins on est deux comme ça, t’as raison Anca, autant se rassurer comme on peut, pas être seuls dans la mer de misère qui nous noie, trouver une bouée qui a à peu près la même couleur, ça fait du bien à tes bleus, à tes rouges, à ce camaïeu dégueulasse qui a toujours un peu trop marqué ta peau ? Il a les pensées qui s’affolent, Jem, qui tournent à 200 à l’heure, les méninges qui se ravagent, qui s’étripent, le manque qui se fait soudain ressentir lorsque la main d’Anca lâche sa joue alors que c’est lui qui l’a voulu. De toute façon faut pas, jamais laisser quelqu’un approcher trop près, et elle a déjà dépassé toutes les limites à ce niveau-là, toutes les fois où elle a remis sa prothèse, où elle l’a aidé à faire ses étirements, à rééduquer ce qui ne l’a jamais été, sale gosse des rues au membre manquant, c’en serait presque drôle. C’est un personnage de Dickens, Jem, une caricature, un type mal né, mal grandi, un gamin pas récupérable, voué à être seul, seul, seul, elle l’entend pas mais ça hurle dans son cerveau, seul, pas avec une Anca, pas avec une Siam, seul, y aura personne pour le convaincre du contraire parce qu’il n’écoutera pas. Il sait pas pourquoi elle s’acharne, Anca, pourquoi elle laisse ses doigts l’approcher, le soigner, on lui a pas appris que les chiens des rues peuvent mordre, peuvent filer la rage ? Peut-être qu’elle l’a cerné, au fond, peut-être qu’elle a su lire sous les couches de distance et de froideur, gratter la glace, peut-être qu’elle a compris qu’il ne lui ferait jamais de mal, jamais, jamais, pas en cent ans ni en mille, qu’il ne lèverait jamais la main sur elle, ne la blesserait pas, quoiqu’il arrive, que c’est pour ça qu’il se tient loin, à l’horizon, qu’il ne l’approche pas trop, pour pas s’ajouter à la liste des gens qui l’ont esquintée, ça pourrait arriver si elle le laissait approcher trop près. C’est moi elle dit, c’est toi qui m’intéresse elle ajoute, n’importe quel type normal cillerait, baisserait les yeux, offrirait un sourire, ça fait longtemps qu’on ne s’est plus intéressé à lui justement, longtemps qu’on a fermé les volets sur son malheur, qu’on a volontairement choisi d’esquiver. N’importe qui serait touché, donc, mais pas lui, en apparences, y a son cœur qui se fendille mais il ne veut pas lui laisser la vue sur ça, pour lui ça n’est qu’une arme de plus pour le dézinguer, pour en terminer avec lui, lui asséner le coup de grâce. Il garde ses yeux rivés à ceux d’Anca, mâchoire serrée, faut pas lui montrer qu’y a quelque chose qui bat sous la carapace. « Toi aussi tu mens. » La connerie, toujours la connerie, c’est mieux que d’admettre qu’il y a quelqu’un qui lui tend la main, quelque part, quelqu’un qui veut pas le laisser dériver comme une épave. Pourtant il gobe ce qu’elle dit, il se lève et la suit en claudiquant, la main agrippée à la béquille, le regard qui dévie vers la serveuse apeurée, il a l’impression d’être un putain d’animal sauvage échappé d’un zoo et ça lui retourne le bide, un peu. Y a un bout de lui qui espère qu’Anca ne voit pas ça quand elle le regarde, qu’y a autre chose qui se dessine dans ses yeux que cette même pitié qu’il lit partout, cette même angoisse à l’idée qu’il sorte les crocs.
Arrivé à l’arrière du bar, il se laisse tomber sur une chaise, l’envie de pleurer au bout des lèvres parce que la douleur devient froide, piquante, parce qu’elle s’insinue dans son corps tout entier, enflamme le moindre de ses nerfs. Y a toujours le souvenir du départ d’Anca, du jour au lendemain, plus de cinq minutes, la remplaçante qu’était bonne à rien à part lui piquer des trucs et foutre le bordel, le manque d’elle, la voir, lui parler, la laisser entrer dans son quotidien alors qu’il repousse tellement de personnes, pourquoi pas elle, pourquoi il peut pas juste lui dire de se barrer, de lui foutre la paix, d’arrêter de se foutre en travers de sa route comme une biche prise dans les phares d’une voiture. « Tu fais quoi du coup ? Depuis qu’t’as arrêté d’venir me voir ? » C’est pas soufflé méchamment, y a pas tellement de sentiments qui passent dans sa voix, juste une indolence générale, le ton qui traine comme s’il n’en avait rien à faire. Menteur. Elle est revenue, Anca, y a son visage trop proche, il peut pas s’empêcher de la détailler, comme s’il avait oublié le détail de ses traits depuis le temps, comme si elle était trop floue sur les clichés stockés dans sa mémoire. « J’t’ai manqué ? » Il ose la question, les yeux qui la scrutent, c’est peut-être complètement con de demander ça parce qu’il est un boulot comme un autre, une manière de payer son loyer, c’est même pas lui qui la paye mais l’Etat, ça devrait en dire suffisamment sur le degré d’attachement qu’elle doit avoir pour lui. Mais il a pas vraiment de barrières, Jem, il a jamais appris ce qui se disait et ce qui ne se disait pas, alors il tente, demande, enquête, espère.
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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyMer 7 Fév - 16:53

Toi aussi tu mens. Nouveau coup dans la poitrine, Anca qui serre les dents, vacille un instant et lutte pour garder son sourire. Mais dans ses yeux ça ne brille plus. Bien sur qu’elle ment. Bien sûr. Tous les jours, perpétuellement, au monde entier. Foutue menteuse qui se construit une cage dorée, comme si ça pouvait la protéger, la rassurer, lui dire qu’au fond elle a pas tout foiré. « Arrête » qu’elle murmure tout bas, juste un souffle, incapable de détourner le regard. Elle veut qu’il comprenne qu’il la blesse. Qu’il la blesse et que ce n’est que justice. Parce qu’elle l’a mérité. Parce qu’ils l’ont mérité tous les deux. A croire qu’elle arrive pas à entretenir une relation saine avec qui que ce soit sur cette foutue terre.
Quand elle se lève, elle s’attend presque à ce qu’il ne la suive pas. Elle le connait Jem, avec ses bouderies dignes d’un enfant de trois ans qui n’a pas eu sa glace. Combien de batailles, pour l’amadouer, rentrer dans ses défenses, accepter qu’il se repose sur elle chaque matin quand elle venait le voir pour s’assurer que tout allait bien. Mais il la suit finalement, le son de la béquille sur le sol, visage fermé quand elle se retourne pour le regarder.
Elle pousse doucement la porte, salle vide aujourd’hui, c’est pour Malo et Nash quand ils sont là. Mais ce soir y a personne. Juste Jem et elle. Anca lui fait signe de s’asseoir sur une chaise qui traine là pendant qu’elle rassemble ses cheveux en un chignon plus fonctionnel qu’esthétique. Dos tourné, elle farfouille dans les placards pour sortir la trousse de premier secoure, y a pas grand-chose dedans, mais comme à chaque fois elle improvisera. Tu fais quoi du coup ? Depuis qu’t’as arrêté d’venir me voir ? Elle se retourne, le dévisage, lui et sa gueule cassée, son regard qui la transperce, elle se sent soudain un peu trop coupable. Lentement elle tire une chaise, s’installe face à lui, la trousse sur ses genoux, cherche autre chose pour se concentrer, pour pas qu’il voit à quel point ses mots la touchent. J’t’ai manqué ? les doigts qui serrent trop fort le sachet de coton, elle inspire, expire, cherche le courage de redresser la tête. « Non c’était calme sans avoir à batailler pour te faire avaler tes cachets » qu’elle marmonne avant de soupirer, repose ses mains à plat et finit par le regarder. « Oui. » et c’est vrai. Parce qu’il y a comme un vide, l’absence de tous ces gens qui ont marqué son quotidien mais qui se sont fait effacer petit à petit par Jemmy qui prend trop de place, égoïste, carnivore. « Je pouvais plus venir, je sais que j’aurais du te prévenir mais » mais quoi Anca ? Mais quoi ? « C’était compliqué. C’est compliqué, toujours. » l’impression de porter le monde sur ses épaules, la fatigue immense qui la bouffe un peu plus à chaque seconde, elle marche sur un fil trop fin, s’attend à ce qu’il casse à chaque instant. Lentement elle verse du désinfectant sur le coton, se rapproche pour nettoyer délicatement le visage de Jem, concentrée sur sa tâche elle se tait, le temps de finir, les cotons rougis qu’elle pose sur la table à côté. Surement que ça doit piquer. Mais elle n’est pas là pour le plaindre. « J’ai eu un accident, j’ai passé un petit moment en fauteuil » le sourire qui se dessine sans qu’elle ne s’en rende compte sur son visage, elle se recule un peu essuie ses mains sur sa jupe et lève un peu sa chemise pour lui montrer son abdomen, la cicatrice gonflée qui barre sa peau trop blanche. « Pas mal hein. » elle se vante, comme si ça pouvait détendre l’atmosphère. Lui montrer qu’elle aussi fait parti du camp des cassés. S’il ne l’avait pas deviné depuis le temps. Elle plaque de nouveau le tissu contre sa peau, soupire avant de reprendre son inspection, les mains qui palpent son visage, descende sur son torse, comptent les côtes comme pour s’assurer qu’il n’y a rien de brisé. « Ils ont cassé quoi cette fois ? Et t’avise pas de me dire rien » le ton ferme, celui qu’elle utilise contre ces grands garçons qu’elle passe son temps à recoudre.
« J’ai quelqu’un aussi. Dans ma vie. » qu’elle finit par lancer, un peu au hasard, entre deux silences. Parce qu’elle ne sait pas trop comment aborder ça. Parce qu’elle voudrait en parler avec quelqu’un qui ne la jugera pas. Parce que tous les autres l’ont vu avec le visage fracassé par les poings de Jemmy, l’ont vu rentrer les yeux remplis de larme, l’ont vu s’enfermer petit à petit dans sa foutue cage. « Il est exigeant. » elle soupire. Ptêtre qu’elle peut l’avouer, même si ça lui fait terriblement mal de dire du mal de Jemmy comme ça. Elle s’en veut. Tellement, tellement. Mais peut être que ce soir elle est un peu trop fatiguée pour continuer de faire semblant. « Et jaloux » pas besoin de plus, surement que Jem saura faire l’addition. Elle lui offre un pâle sourire, espère que ça compensera pour les cinq minutes qui se sont étirées en mois.
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Jem Bogart

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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyDim 11 Fév - 17:29

C’est étrange qu’Anca lui fasse cet effet, ce manque d’effet, étrange et inédit parce que la palette de sentiments qu’il utilise lorsqu’il s’agit de peindre ses relations avec les autres est composée de couleurs ternes et froides, parce qu’il préfère les verts aux roses et qu’elle bouleverse tout ça, elle ajoute du pastel à la toile, affine les traits, sublime l’œuvre. Ça l’emmerde de penser ça, de baisser ses défenses, ça l’agace d’être aussi faible, d’avoir toujours une partie de lui qui lutte, qui se sent obligée de balancer des idioties, de lui dire qu’elle ment, de lui faire des reproches. Il y a quelque chose d’éteint dans le regard d’Anca et il devrait le voir, il devrait comprendre, il devrait cesser de jouer au gamin capricieux et essayer d’être présent pour elle comme elle a pu l’être pour lui, mais la vérité c’est qu’il a souvent dû se montrer sage, qu’il a souvent dû relever ses manches, pour ses cadets et pour le reste du monde, la baïonnette à la main et le cerveau de côté, obéir docilement, aider sans se préoccuper des conséquences, et il n’est pas prêt à réitérer. Pourtant y a des airs de promesse dans les regards qu’ils échangent, dans les silences qui rythment leur conversation, il y a une myriade de sentiments et d’interdits, Anca qui avoue qu’il lui a manqué et sa respiration retenue dans l’air, brièvement, le regard qui dévie sur ses lèvres qui n’en révèlent pourtant pas assez, et la confession qui vient comme un mur qui se dresserait sur sa route et qu’il percuterait à pleine vitesse. Pas mal hein, la cicatrice qui s’exhibe impudiquement sous ses yeux, à croire qu’ils n’arrivent jamais qu’à se faire du mal, tous les deux, un jeu malsain pour savoir lequel achèvera l’autre en premier. Il y aurait bien des choses à dire. Lui demander comment elle s’est fait ça, savoir si elle a souffert, s’enquérir de qui était là pour elle, à son chevet, qui poussait son fauteuil, mais poser toutes ces questions lui semble incongru, malvenu, il a peur de paraître trop inquisiteur, intrusif, alors il reste silencieux, les sourcils froncés, sans aucune idée de ce que sa mine renfrognée peut inspirer à Anca. Rien de bon, sûrement. Elle le connait, Anca, c’est difficile de l’admettre pour quelqu’un qui aime autant garder une part de secret mais elle le connait, sait décoder ses silences, comprendre ses tics, la façon qu’il a de pincer les lèvres et de planter les prunelles dans un point fixe, quelque part entre ses lèvres et son cou, elle arrive à savoir lorsque la ligne est franchie, lorsqu’il se retient d’exploser, lorsque le sentiment d’impuissance devient trop envahissant, qu’il le pétrifie. Le changement de sujet est bienvenu, même s’il n’efface pas la distance que la blessure d’Anca a creusée entre eux. « J’sais pas j’suis pas médecin », il répond presque trop sèchement quand elle lui demande s’il a quelque chose de cassé, trahi malgré lui lorsqu’il tressaille à la sensation des doigts qui survolent une côte sûrement fêlée. Y en a pas qu’une, probablement, faudrait qu’il aille à l’hôpital pour faire une radio mais il n’a pas envie de quitter sa sauveuse, pas alors qu’il y a trop de questions en suspens. Des questions qu’il ne posera pourtant jamais.

Elle le connait. Elle le connait tellement bien qu’il est certain qu’elle entend le ah informulé lorsqu’elle lui avoue qu’elle a quelqu’un dans sa vie. Il y a une douleur qui s’installe entre ses côtes, en plein dans l’estomac ou juste à côté, et il n’arrive pas à se l’expliquer, met temporairement ça sur le compte les coups récoltés. Vaut mieux ça que de se dire que c’est de la jalousie, du regret, de la tristesse, un mélange des trois, vaut mieux ça que de s’auto flageller, se dire qu’il est stupide d’avoir pensé qu’il pourrait être autre chose qu’un patient à ses yeux, qu’un malade, qu’un infirme, autre chose que tout ce qu’il semble être pour le reste du monde. Quelque chose qu’il taira, encore une fois, pour éviter de trop s’épancher, de lui avouer qu’il n’a confiance qu’en elle, qu’elle est ce qui se rapproche le plus d’une amie, d’une vraie amie, d’autre chose si le monde avait été différent, s’ils s’étaient connus autrement que par le biais d’un contrat. « Ok », il répond, ok comme s’il attendait la suite, pas certain des mots qu’elle va prononcer suite à l’aveu désolé, et puis le portrait se dessine, doucement, le caractère dépeint en deux mots et il voit déjà à qui il a affaire. Exigeant. Jaloux. Et Jem revient quelques instants en arrière, quelques minutes à peine, tend la main pour rattraper un pan de la chemise d’Anca et le soulever délicatement, la cicatrice de nouveau dévoilée, toujours aussi moche. « C’est lui qui t’a fait ça ? » Dans les yeux, faudrait pas qu’elle songe à lui mentir, à lui cacher la vérité. Y a ses phalanges écorchées qui se posent, le bout des doigts contre la peau meurtrie d’Anca, y a aucune main au monde qui devrait la frapper, aucun mec sain d’esprit qui ne devrait songer à lever la main sur elle. « T’as pas l’air d’être heureuse, Anca. » C’est soufflé pour ne pas trop lui laisser montrer que ça le rend triste, qu’il n’est pas seulement bon à râler, à ouvrir trop grand la gueule, à refuser de prendre ses cachets. Il replace son vêtement par-dessus la cicatrice, on fait comme si on n’avait rien vu. Elle n’est même pas obligée de lui répondre, même pas obligée de l’écouter. Même pas obligée de lire entre les lignes, de voir qu’il est vraiment concerné, vraiment inquiet, qu’il y a quelque chose qui s’anime en lui quand leurs regards se croisent et que l’alcool n’a rien à voir là-dedans. Pour autant, il veut qu’elle comprenne. Pour autant, il veut qu’elle abdique, un peu. Doucement, il attrape le poignet de la main de l’infirmière qui procède toujours à l’inspection de rigueur. « T’es heureuse ? » Une question, une prière. Il la regarde, ne bouge plus, marchandage ignoble alors qu’il l’empêche de continuer l’examen, de voir s’il a d’autres fractures, d’autres bleus. Il montrera plus rien si elle ne répond pas. Stupide gamin.
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Anca Popescu

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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyDim 18 Fév - 19:14

J’sais pas j’suis pas médecin les mots trop secs qui s’écrasent contre sa peau, elle s’arrête un instant, serre les dents, les lèvres, moue désapprobatrice collée sur le visage. Pire qu’un gosse qui refuse d’avouer ses fautes. « T’as vraiment pas changé » non vraiment pas. En même temps elle aurait pas imaginé autre chose, ça n’aurait pas été juste, pas bien. Parce qu’il est comme ça Jem, tout entier, intègre, recouvert d’acidité. Elle a appris à l’apprécier pour ce qu’il est, ses défauts trop omniprésents, comme pour camoufler les vérités, les qualités cachées au plus profond, elle a su les trouver.
La moue crispée qui se voit remplacer par un air concentré, quand ses doigts reprennent le dessus, qu’elle recommence à examiner le corps de son patient de fortune. Y a les côtes qui ont prit un coup, elle le sang, surement que sur son torse y a déjà un hématome qui se développe, peinture bleutée qui grimpe, dévore, signal le mal entre les os. Ca la fait grimacer, elle imagine la douleur un instant, laisse ses mots prendre le dessus pour penser à autre chose, arrêter de se sentir soudain trop impliquée dans la souffrance de celui qu’elle essaye d’aider. C’est pas comme ça qu’elle pourra faire son boulot, quand les sentiments l’étouffent, la frustration qui coule dans ses veines, bouche sa gorge, elle a du mal à respirer.
C’est lui qui t’a fait ça ? « Hein ? » elle n’a même pas senti, le tissus soulevé, trop concentrée dans ses gestes, accumuler les dégâts et faire l’addition dans sa tête. C’est ses doigts contre sa peau qui la ramènent à la réalité, elle suspend son geste pour dévisager Jem. Est-ce que c’est lui qui a fait ça ? elle s’apprête à protester mais déjà il reprend. T’as pas l’air d’être heureuse, Anca. Surement que c’est trop visible, ça lui ôte les mots de la bouche, pâle sourire qui s’étale sur le visage parce que c’est la deuxième fois en si peu de temps qu’on le lui fait remarquer. D’abord Seven. Maintenant Jem. Pourquoi t’as la gueule des jours mauvais ? Parce que les jours sont mauvais, parce que y a ce putain de tourbillon de sentiments dans son ventre, dans sa poitrine, l’impression de couler encore et encore sans réussir à respirer, à toucher le fond pour remonter. C’est du néant, une chute dans le vide, manque d’air dans les poumons, elle agonise. T’es heureuse ? Et lui qui lui attrape le poignet, la stop dans son examen, dans son échappatoire, la force à le regarder, à assumer.
Alors elle soupire Anca observe ses doigts autour de sa peau, mains trop grandes, poignet trop fin, elle voudrait qu’il la laisse, qu’il la lâche. Comme un truc qui dérape dans sa poitrine, quand ils ont ce geste vers elle, prendre le dessus. Elle panique. « Arrête lâche moi s’il te plait » dans un souffle, pendant qu’elle fixe toujours ses doigts abimés, fronce les sourcils, essaye de respirer. « Je suis heureuse. »  oui. Voila. C’est mieux comme ça. « Et Jemmy me ferait jamais de mal. Jamais. Il est pas capable de ça. »  menteuse menteuse menteuse. Y a le souvenir de son crâne contre le pavé, tout qui résonne trop fort, lui qui frappe et elle qui supplie. Juste une fois ; Un écart. C’est ma faute pas la sienne, mantra murmuré pour s’en persuader. « C’est l’ouragan, une barre de fer, mauvais endroit mauvais moment. Aucun n’humain n’est impliqué dedans »  les mots qui sifflent, un peu trop vite, les yeux toujours baissés. « lâche moi s’il te plait. »  qu’elle finit par murmurer, comme un truc bloqué dans la voix. « Jem »  c’est pas fort, il ne serre même pas, mais c’est juste comme ça. Elle se sent acculée, collée contre un mur, il exige, elle étouffe, c’est pas comme ça que ça devait se passer, et son cerveau qui bat de l’aile, encore, toujours, fallait qu’il choisisse ce soir pour flancher.
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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyMar 20 Fév - 0:16

C’est présomptueux de se croire suffisamment important aux yeux d’Anca pour qu’elle lui dise la vérité. La raison est simple, la raison est conne, elle lui a accordé un minuscule intérêt et elle récolte aujourd’hui ce qu’elle a semé, des graines d’amitié ou d’amour, fallait se douter que le sel de ses larmes nourrirait suffisamment la terre pour foutre en l’air le peu de sens commun qu’il avait. Il se prend sûrement pour ce qu’il n’est pas, Jem, à espérer l’entendre avouer ce qui la ronge, juste parce qu’il a osé demander, pointer le doigt sur l’évidence. Mais n’importe qui aurait pu le faire, même quelqu’un qui ne la connaitrait pas particulièrement, suffit de la regarder dans les yeux pour voir l’air éprouvé, les cernes creusées dans les joues et la peau trop terne, trop jaune. Il suffit de lui jeter un coup d’œil pour comprendre qu’elle est usée, Anca, si jeune et si âgée à la fois, le poids du monde sur ses épaules et personne pour l’aider à le porter, la délester d’une partie du fardeau. Elle le lâche rapidement, le premier ordre, celui qui l’intime de la lâcher. Pas de réponse, réflexes éteints, ça vibre trop fort dans sa tête, leurs deux peaux qui se touchent, ça grave trop de choses sous son épiderme pour qu’il n’obéisse instinctivement. Faudrait une force herculéenne pour résister à ça, à ce qu’elle lui inspire, à ce qu’elle lui insuffle, la paume moite contre son poignet trop fin et les yeux comme deux dagues plantées dans leurs jumelles, combat d’assassins avec une adversaire qui ne manie pas les mêmes armes. Qui s’efface trop facilement lorsque le combat devient rude. Faut dire qu’il ne combat pas vraiment à la loyale, Jem, les mots trop brutaux, la verve trop acide, à croire qu’il réserve ses poignards pour les maux du cœur, à croire qu’il avait tout gardé de côté depuis des années, juste pour elle. Je suis heureuse elle répond, y a un bout de lui qui voudrait y croire, celui qui ne veut que son bonheur, le Jeremiah altruiste qu’Anca n’a pas souvent pu voir sous les couches de givre. Il voudrait, parce qu’il sait qu’elle a besoin de ça, de quelque chose qui la transporte, qui lui donne envie de sourire, de rire aux éclats, de se pendre au cou d’un inconnu et de lui murmurer de jolies choses, il sait qu’elle aspire à davantage, que sa vie actuelle n’est pas celle dont elle avait rêvé étant petite. C’est présumer de beaucoup, au final, lorsqu’il pense la connaître autant, c’est soupçonner qu’il a su lire sous ce qu’elle voulait bien montrer, le zèle et la douceur, qu’il a pu voir le couvercle bouger au-dessus de l’eau qui bout, les échos feutrés dans le silence.
Sauf qu’il ne sait rien, parce qu’il ne la connait pas vraiment. Et c’est exactement ce qu’elle lui dit, au final. Exactement ce qu’elle sous-entend lorsqu’elle évoque l’homme qui partage sa vie, lorsqu’elle parle du banal accident qui lui a esquinté le bide. Les prunelles tiennent le coup pourtant, affrontent le reflet ocre. Terre contre mer. Et toujours la mer qui l’emporte parce qu’elle est plus forte, parce que les vagues s’enroulent autour des corps comme les phalanges autour du poignet, parce que ça ne fait pas mal mais que la symbolique est grave, montre à quel point Anca ne saurait se démêler de l’abysse dans lequel elle sombre. Et pas un mot entre les deux, pas l’ombre d’une parole, la langue collée contre le palais qui attend sagement que l’infirmière ait terminé, qu’elle ait fini de lâcher les chiens fous sur le reste de leur confrontation. Jem. Elle lui a demandé de la lâcher et il s’exécute, fidèle serviteur. Tout pour elle. Tout, et surtout n’importe quoi, y compris ignorer la vérité, faire taire les cris qui s’abattent sur lui, percutent sa peau, se déchirent sur ses os. Les phalanges qui se dénouent et la main qui retombe mollement sur sa cuisse valide. Regard toujours pendu à elle, il en faudra plus pour le déloger. « Merci. » Hors de tout contexte, il désigne négligemment les cotons d’un geste de tête désabusé. « Pour m’avoir soigné, et tout. » Et tout comme dans et tout c’que t’as pas dit et que j’lâcherai pas, prêt à n’importe quoi pour connaître la vérité. Il insistera, sûrement. Plus tard. Quand il aura fini de la briser, de les briser. Il fouille dans sa poche, en tire un billet qu’il plaque contre la petite table sur laquelle elle a laissé les cotons imbibés de sang. Il ne tient pas vraiment sur ses guiboles mais ça devrait lui permettre tout juste de regagner son chez lui. Au pire, il prendra le bus. « Mais t’as pas b’soin de moi et j’ai pas b’soin de toi. » C’est faux, archi faux. Ça sonne faux, même. Il n’arrive pas à donner aux mots les accents meurtriers qu’il souhaiterait. Faut croire qu’il ne la déteste pas suffisamment. Qu’il ne la déteste pas du tout. « T’es partie pendant des mois et j’ai su me débrouiller. J’étais pas là quand tu t’es mangée cette barre de fer et t’as su te débrouiller. On est heureux comme des rois et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. » Ça sonne à peu près comme ça, lenteurs sur certaines syllabes en plus. L’alcool, faut croire. Il claudique jusqu’à la porte, s’appuie contre le montant quelques secondes, « putain » il râle, douleur quelque part entre les poumons, avant de repartir lentement, la béquille appuyée à intervalles réguliers sur le sol carrelé dans un cliquetis distinctif. Il n’ira certainement pas loin à ce rythme mais mieux vaut ça que de montrer qu’il a mal, mieux vaut ça que de lui laisser penser qu’elle a une quelconque influence sur lui.
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MessageSujet: Re: en attendant Godot (Libre)   en attendant Godot (Libre) EmptyLun 5 Mar - 23:32

Il serre. Elle agonise. Encore. Prise avec la réalité, il la tire hors de sa cage, de ses illusions perpétuelles, la remonte à la surface alors qu’elle ne veut que couler. Lâche moi, c’est pas douloureux mais pourtant ça brûle, l’impression qu’il pourrait la briser et surement que c’est le cas. C’est trop souvent le cas. Brindille, bout de papier qui s’enflamme trop facilement, des cendres dispersées par le vent. Il pourrait. Mais il ne le fera pas. Elle sait Anca. Elle sent son cœur, la chaleur qu’il essaye d’éteindre à coup de grand seau d’eau. Ca n’empêche que ça brule. Reflexe, habitude de la proie, même en sécurité elle se rebiffe. Lâche moi et il le fait, elle s’éloigne un peu, quelques pas, les sourcils froncés alors qu’elle le dévisage. Merci. Pourquoi ? Ses lèvres qui forment la question mais déjà qu’il répond. Pour m’avoir soigné, et tout. Silence, elle serre les dents, l’impression de ne pas mériter ces remerciements. Elle n’a rien fait. Pas vraiment. C’est juste quelques gouttes d’alcool sur des plaies qui méritent plus, bien plus, un séjour à l’hôpital peut être pour qu’on lui bande les côtes, quelque chose qu’elle ne peut pas faire. Toujours sans un mot elle le regarde sortir un billet. Ca la brule, comme une gifle.  Rouge qui lui monte aux joues quand elle regarde le montant. Mais t’as pas b’soin de moi et j’ai pas b’soin de toi. Elle a les doigts qui se referment sur le billet, le froissent lentement, il ne se rend pas compte ce que ça veut dire pour elle. Ou peut être que si, justement. Peut être qu’il sait pertinemment que cet argent place une sorte de barrière entre eux, juste une relation entre patient et soigneuse. Et c’est dégueulasse. T’es partie pendant des mois et j’ai su me débrouiller. J’étais pas là quand tu t’es mangée cette barre de fer et t’as su te débrouiller. On est heureux comme des rois et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Menteur. Qui est heureux ici. Pas elle. Pas lui. Menteur, tout autant qu’elle. Et ça la bloque, ça l’empêche de le rattraper quand il commence à partir, il lui faut un instant pour ravaler la colère qui grimpe, l’envie de hurler, avant de se lancer à la poursuite de l’estropié, trop fier pour lui demander de l’aide. putain Ca résonne, elle s’avance, le rattrape sans trop de difficulté, comme un éclat de défi dans le regard quand elle se glisse devant lui plaque contre sa poitrine le billet froissé. « Mais tu te prends pour qui putain » oui c’est ça aussi Anca, des gens qui oublient trop souvent d’où elle vient, que son sang c’est tout autant Lavinia que Lucian, et qu’il y a des restes de feu grégeois qui n’attend que l’étincelle pour s’embraser. Elle vient chercher sa main, y glisse le billet avant de reprendre, tremblante, un peu. « Déjà ça marche pas comme ça, t’as cru que j’étais une pute, que tu pouvais me payer pour service donné et te casser comme ça ? »  la tête penchée sur le côté elle fronce, les sourcils, moue fatiguée sur le visage. « Mais merde Jem, depuis quand c’est comme ça ? Ravale ta fierté cinq seconde, je ravale la mienne et tu me laisse t’aider » sale gosse insolent, elle voudrait le mettre face à un miroir pour lui montrer sa propre stupidité. « T’as besoin de moi en ce moment, ose dire le contraire. » elle a la main qui descend contre son torse, appuie un peu trop fort sur la côte abimée, le regard toujours plongé dans le sien.  « Tu vas retourner t’asseoir et me laisser appeler un taxi. Je t’emmène à l’hôpital. »  c’est froid, sec. Y a rien dans sa voix qui laisse penser qu’elle craquera, elle est bien trop décidée, bornée jusqu’au bout, parfois elle laisse la jolie poupée s’effacer pour que la lionne reprenne place. Pas pour rien qu’elle a survécut tout ce temps dans ces milieux poisons, y a de l’acier sous sa peau, même si on l’oublie trop souvent. « Je te laisse pas partir tant qu’ils t’ont pas examiné. Et essaye même pas de négocier ou je te fout la raclée de ta vie et je te traine moi-même aux urgences »  le souffle court, elle tremble toujours, l’émotion qui lui donne envie de hurler, ça lui rappelle quand elle avait retrouvé Seven aux urgences, au bord de l’agonie, visage recousu au fil. Plus jamais elle veut ressentir ça, pour qui que ce soit. Elle se l’est promis Anca.
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