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 malbolge (meth)

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MessageSujet: malbolge (meth)   malbolge (meth) EmptyMer 10 Jan - 0:21

Il sait pas trop depuis quand il a pris c’nouveau virage dans sa lente et méticuleuse autodestruction Seth. Dans la descente aux enfers, t’es censé prendre toujours à gauche, et puis par deux fois, il sait pas pourquoi, mais il a tourné à droite. Il a tourné à droite Seth. Y a peu. P’t-être à cause de Toad. P’t-être à cause d’Asher. Surement à cause des deux. Asher sans l’un, c’est un pote. Juste un pote putain. Le seul qu’il avait à qui il faisait pas d’mal, malgré les mandales et autres joyeusetés crasses dans les ombres du Fight Club. Toad sans l’autre, c’est… Toad quand même. Le seul qui a jamais compté. Le seul qui l’a jamais fait exister, Seth. Seth qui s’barre, qui perd tout et condamne lui-même aux cercles infernaux. Et toute l’immensité du gouffre qu’est creusé au fond de ses entrailles, le vide qu’appelle le vide, qu’aspire tout. Mais y a Toad et Asher. Et c’est pire. Il a pris à droite. Il est arrivé au Malbolge. Aux rivières de merde, aux types enterrés tête en bas, et au reste qu’il connait pas encore putain, il a pas fini le bouquin. Il aurait p’t-être dû. Il le finira demain. Au moins l’Enfer. Plus que quelques bolges avant d’arriver au centre, à Satan lui-même. Il sait pas trop c’qui l’attend encore Seth. Il sait pas trop c’qui pourrait être pire. Qui est Lucifer, putain ? Il a longtemps cru que c’était Wini, mais nan, ça peut pas être si doux. Mais pour Dante la Bête a trois faces, peut-être que dans l’une d’elle il y trouvera quand même les yeux d’une amie. Peut-être. Il sait pas. Tout c’qu’il sait, c’est qu’il a pris à droite. Tout c’qu’il sait c’est qu’après, s’il survit à tout ça, y aura encore le purgatoire à traverser. Tout c’qu’il sait, c’est qu’après le purgatoire, y aura pas de paradis. Parce qu’il le méritera sans doute jamais. Et parce qu’on est trop bien en Enfer.

Ça doit être son avis aussi. Au petit oiseau dont les pas font sonner les marches métalliques qui mènent à la cave qui sert de ring au FC. Septième cercle, premier giron, les Violents contre leurs prochains, plongés dans un fleuve de sang bouillant. Septième cercle, deuxième giron, Violents contre eux-mêmes, suicidés changés en arbres qui parlent et se lamentent, dissipateurs déchirés par des chiennes. Il sait pas trop dans lequel il va finir Seth. Surement le second. Les souffrances des autres uniquement pour précipiter sa propre perte. Surement pourchassé par des clebs affamées, parce qu’il est trop faible pour se suicider. Ironique, le fil d’Ariane de sa vie, enroulé autour de la race canine. Ironique, sachant que le Minotaure de l’Ariane sillonne ce même cercle. Peu importe. Rien n’importe. Sinon en ce moment les vibrations de l’escalier sous l’avancée de Merle. Oiseau, mon cul. Ou alors descendu assez bas pour devenir harpie. Putain, elles sont dans ce même cercle les gueuleuses. C’est presque trop drôle. « Toi qui si tranquillement vient poser tes pieds bien vivants sur le sol de l’enfer... » L’Enfer, chant XIII, huitième cercle, le Malbolge. Il avait kiffé ces vers. Il les avait écrits sur un bout de papier qui trainait là. Il avait retrouvé le bout de papier scotché contre la porte du frigo. A croire que Wini aussi avait aimé. Il avait pas bougé de là depuis. Il le connaissait par cœur depuis. C’est c’qui franchit naturellement ses lèvres en guise de salutation à la harpie qui pose ses semelles sur le sol en béton. Enfin plus tant harpie que ça puisque c’est plus, ou que ça a jamais vraiment été, une meuf. Peu importe. C’est pas une harpie. C’est pas une meuf. C’est pas un oiseau non plus. Et il a encore moins les pieds bien vivants, Merle. C’est pour ça qu’il est là, c’est pour ça qu’ils sont là. C’est ce qu’il y a après le virage à droite. Merle. Le vide qu’appelle toujours ce putain de vide, dans son bide jusqu’au fond de ses pupilles. Il l’a vu, il l’a reconnu. Imprimé dans les gestes oubliés d’une baston de ruelle sombre. Ceux qui faiblissent pas dans la douleur. Ceux qui blessent même ceux qui devraient être plus fort. Il les connait Seth. Il a les mêmes. C’est les pires. Ceux qu’on appréhende d’affronter au fight club. Parce qu’ils ont rien à perdre. Et certainement pas leur santé mentale. Bafouée, reniée et oubliée. Ceux qui te frappent pas que pour être forts, pour gagner, pour s’prouver qu’ils valent un truc, même si peu. Ceux qui frappent aussi parce que ça fait plaisir. Il l’a reconnu Seth, dans les dédales sombres de Savannah. Il s’est reconnu. Il s’est regardé se battre et se faire battre. Jusqu'à c’que tout s’arrête. qu’il s’approche du gamin, et qu’il s’prenne pour Virgile, à le guider jusqu’en Enfer. Jusqu’ici. En cet endroit et en cet instant. Au Malbolge.

Seth il a le cul posé sur une caisse dans un coin. Une de celle qui leurs servent de banc. A l’emplacement exact où il s’trouvait quand il a causé à Asher. De c’qu’il fallait causer. Même s’il voulait pas. Même s’il le perdait. Il l’avait déjà perdu de toute façon. Il est assis là parce que ça fait mal. C’est son truc. Comme d’hab’. Septième cercle. Il se fait mal, pas pour réparer, ça changerait que dalle. Il s’fait mal pour pouvoir mieux détruire après. Tout, premier giron. Lui, deuxième giron. Mais il le montre pas, il reste juste là, iris sombres levés vers son invité, coudes osseux ancrés sur ses genoux, à enrubanner avec une étrange douceur ses métacarpes de bandes de gaze qu’ont été lavées de bien trop nombreuses fois. Histoire de pas faire encore sauter la peau qui tient à peine sur la chaire. Histoire de pas en foutre partout. Le sol a déjà plus sa couleur d’origine. Et ça serait con de maquiller c’brave Merle qui lutte pour son statut masculin. Ahah. T’es une crevure Seth. Putain. Tu t’en balances en vrai qu’il ait été, ou p’t-être jamais, t’en sais rien, tu t’en fous, une meuf. Tu t’en balances de ses problèmes qui résonnent déjà trop avec les tiens. Tu t’en balances du pourquoi du comment. T’as pris à droite. Il a fait un truc qu’il avait jamais fait Seth. La première fois qu’il a pris à droite, il a souillé le sacro-saint Fight Club. Il y a apporté le sournois serpent du pari. Dix dollars qu’il tient pas dix minutes. Un dollar par minute. Ça a pas plu, ça a pris quand même. L’odeur de l’argent ça pue jamais longtemps. Et il a commencé à amasser Seth, en bon patron, en bon tenancier, en bon bookmaker. Et puis il a encore tourné à droite, avec Merle. Parce que Merle, ils ont tous pariés qu’il tiendrait pas. Mais Seth il savait, il avait vu, il a tenu le pari, et il s’en est foutu plein les poches. Alors il a décidé de recommencer. Dans faire son chien de concours, sa bête de combat, pour quand lui est pas d’humeur. Ou pour juste se faire plus de blé. Ou juste pour. Parce que Toad et Asher. Parce que faut détruire. Parce que faut le détruire. Peut-être qu’il faut qu’un jour l’élève dépasse le maitre. Et que la créature butte son créateur.

« Salut mon poulet. » Y a presque de la tendresse dans la voix de Seth. Y en a. Toute celle dont il est capable. Pas grand-chose en somme. Mais quoi ? Bien sûr qu’il l’aime, Merle. Il les aime tous, ces déchets, ratés et autres brisés échoués ici-bas. A sa manière. Même pour la froide fonctionnalité qu’ils ont dans sa vie. Fais-moi mal. Je te ferais du bien. Et l’inverse aussi. Oué. Il finit tranquillement son ouvrage, protéger le peu d’épiderme qui lui reste, sourire indéfinissable figé sur ses lèvres. Ceux qui oscillent entre la joie, la douleur, la peine et la folie. Ceux qu’on les types comme lui. Et les types comme Merle. « Prêt pour ta leçon ? » qu’il s’enquière, comme un prof attentionné, en s’mettant debout, lippes toujours étirées. Comme si c’était le but … Ça l’est. A moitié. Peu importe. Dans tous les cas, il aura ce qu’il voudra Seth. Comme toujours quand il s’agit de s’enfoncer toujours plus loin, toujours vers la gauche, sauf quelques fois.
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MessageSujet: Re: malbolge (meth)   malbolge (meth) EmptyMer 10 Jan - 22:17

Ca a commencé à la sortie de prison. Ca a commencé et c’était pas une mauvaise chose, c’était plutôt une bonne résolution en vérité. Ca a commencé et il s’est juré qu’il allait tenir. Pas d’alcool, pas d’esclandre, pas de crimes, pas de bastons, profil bas, profil bas, les yeux rivés sur le ciment et les épaules voûtées, profil bas, profil bas, pour pas se faire remarquer. Il s’est promis, sur son rond-point, promis juré craché, croix de bois croix de fer, il s’est juré de pas retomber, de pas recommencer, de pas refaire les mêmes erreurs encore et encore, de pas toucher à une caisse de pas regarder en direction de la drogue, de refermer les bouteilles qui lui tendent les bras, de pas cogner les mecs qui l’emmerdent. C’était facile, allongé au milieu des voitures qui ronronnaient dans la nuit, c’était simple, les yeux rivés sur les constellations de lampadaire, entre la prison et Savannah, entre ses deux réalités, facile d’oublier à quel point ses habitudes lui collent à la peau, à quel point elle font parti de son identité. Il a oublié les démangeaisons au bout des doigts lorsqu’il aperçoit une voiture un peu trop jolie pour le quartier où ils sont ou le goût du whisky au fond de la gorge, il a oublié le vent qui fouette sa peau et ses cheveux, qui siffle dans ses oreilles et fait taire le monde entier, il a oublié l’adrénaline, il a oublié la joie, le bonheur, l’ivresse, il a tout oublié et il ne restait que la peur, ce soir-là, lorsqu’il a craché dans l’herbe humide. Savannah s’est chargé de lui rappeler.  Elle lui a rappelé quand il est descendu du bus et qu’il a vu la mercedes, elle lui a rappelé quand il est passé devant le pub où il allait parfois, elle lui a rappelé quand un type a tenté de lui tirer son sac et qu’il a sorti son couteau.

Il a pas changé, Merle, malgré toutes les bonnes résolutions, malgré toutes les promesses, croix de bois, croix de fer, et le bat qui blesse, son poing dans la mâchoire du mec et son pied dans ses couilles et le regard du mec, derrière, qui observe, qui se repaît, le regard du prédateur qui vient de trouver quelque chose d’intéressant, le regard du carnivore qui reconnaît son prochain. Merle connaît ce genre de mec. Il en a rencontré plein. Ils se pensent tous différents sans l’être vraiment, un éventail de déclinaisons aux saveurs presque identiques. Merle a fréquenté suffisamment de marchand de glace pour savoir que c’est pas parce que les couleurs sont différentes que les goûts sont pas les mêmes, que c’est pas parce que ce mec de l’autre côté de la rue a l’air presque comme lui qu’il ressemble pas à tous les autres. Ça a pas d’importance. Pas vraiment. Du sang goutte de ses poings lorsque le dernier type tombe et il relève le menton en direction du mec, une provocation, ni plus ni moins, un toi aussi t’en veux alors qu’il fouille dans sa poche ventrale pour vérifier que Bob va bien, alors qu’il fouille dans son pantalon pour sortir de quoi se rouler une clope, alors qu’il fouille le visage de l’autre pour savoir sur quel pied danser. Il a pas eu besoin d’attendre longtemps, de toute façon, parce que Seth a tendu la main, parce qu’il a signé un pacte avec le démon, parce qu’il s’est transformé en chien, encore une fois, mais qu’on lui a pas limé les crocs ou attaché les pattes, mais qu’on lui a dit de se battre et de cogner et de tout donner et qu’il a accepté, un flambeau dans les yeux et un feu de joie dans le bide. Il se rappelle des regards incrédules, la première fois, des rires et de la façon dont les billets ont été échangés, la façon dont personne a accepté de parier sur lui. Il se souvient du goût du sang dans sa bouche et de la tronche du mec en face, de la façon dont il a cogné, cogné, cogné, parce qu’il a que ça, parce que ça lui donne des ailes, parce que ça le libère, parce que ça lui permet de respirer. Il est revenu, après ça, et ça a créé un business, il croit, et les yeux de Seth sont restés sur lui depuis. Il ressemble à Peadar, quelque part, calculateur et profiteur, mais Merle sait qu’il n’est pas en position de faiblesse, cette fois-là. Pas encore une fois.

« Salut, sale con. » Il balance, lorsqu’il saute au bas de l’escalier en fer, pose son sac sur le banc, à côté du mec, s’assoit à côté de lui le temps de laisser sa clope finir de se consumer. « J’suis toujours prêt, tu devrais savoir ça et arrêter de balancer des citations à la con quand les gens se pointent. » Il mâche pas ses mots, Merle, il tâte le terrain, peut-être, aussi, un sourire goguenard aux lèvres alors que la cendre s’échoue au sol. Il se demande si Seth va lui faire mal et s’il va rentrer avec un œil au beurre noir et une lèvre fendue ou s’il va lui mettre une race et le laisser au sol, des bleus sur le corps et la respiration sifflante. Il sait pas, Merle, il sait juste que ses poings le démangent et qu’il laisse tomber au sol son mégot, le regard plein de défi et la tête haute. « La question, c’est est-ce que toi t’es prêt ? »

Et il est pas sain, Merle, à ce moment-là, alors qu’il fait craquer sa nuque, alors qu’il fait craquer ses poings, alors qu’il tend le corps, alors qu’il attend le premier coup.
La sanité a plus vraiment d’importance, de toute façon, tout d’un coup. Il reste plus que : la haine, le besoin, la rage, l’envie, l’adrénaline, un cocktail molotov dans des habits d’humain et le besoin de crever quelqu’un.
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MessageSujet: Re: malbolge (meth)   malbolge (meth) EmptyVen 19 Jan - 22:52

« Salut, sale con. » La politesse. Faut pas croire, mais c’est important. Surtout ici. A la surface t’en fous d’être un connard, les gens sont pas si prompt qu ça a t’en carrer une dans les dents si t’oublies de t’excuser quand tu leur marches sur le pied. En-bas ça l’est un peu plus. Pour éviter trop d’effusions en une soirée. Pour éviter de tout mélanger. Pour garder un semblant de structure et éviter que tout parte pas en couille. Ce que les mecs comme Seth, ou les meufs comme Keane ont légèrement tendance à oublier. Faudra surveiller qu’Merle en fasse pas trop dans c’te voie là avec les autres. C’est instable et inflammable ici-bas. Faut éviter que le gamin soit la goutte d’eau qui fasse déborder le vase comme dirait l’autre. Même si elle est débile cette expression. Si tu fous une goutte d’eau en trop dans un vase, t’as qu’une goutte d’eau qu’en ressort. Ou un peu plus, principe d’attraction des molécules hydrogènes un truc dans le genre. Mais il explose pas le vase. C’est plus le genre de conséquences qu’on pourrait attendre au FC. Explosion, implusion, l’un des deux. Mais destruction, et peu d'épargnés. Pas comme dans ce con de vase où les gouttes bien au fond risquent que dalle. M’enfin il relève pas Seth. Parce qu’il s’en bat les couilles de se faire insulter depuis le temps. Et parce qu’il est loin d'avoir tort le petit Merle.

Il dit plus rien et continu de sourire comme s’il écoutait un vieux pote lui raconter ses dernières aventures. Il regarde les mains de Merle, l’infime tremblement de la clope entre ses doigts, et les muscles des avants bras qui se contractent déjà à l’appel du sang. Il regarde ses lèvres étirées, plus franches que les siennes, moins saines, l’énergie de la rage. Il le regard lever la tête comme un empereur, l’impatience qui perce dans ses paroles et dans sa voix, et l’envie de destruction. Il se sent brièvement nostalgique Seth. Depuis quand c’est plus lui ? Depuis quand c’est plus sa langue qui pique l’adversaire ? Depuis quand c’est pas lui le premier à vouloir entrer dans l’arène ? Avec le vieux Bloomberg qui maugré derrière, deux secs ptn, y a pas le feu. Peut-être que lui aussi il s’fait vieux. Meh. Osef. Non ? Il sait pas, et honnêtement, c’est pas la question. C’est pas le moment. Et y a une autre envie qui balaie ces brèves élucubrations. La même qui agite Merle. Peut-être moins vivace, mais cruellement plus habituelle. Un peu comme la passion versatile des premiers jours qui s’transforme en liens profonds et indéfectibles. Alors oui il est prêt. Il est toujours prêt. Il s’demande s’il va vraiment pouvoir arrêter tout ça un jour, Seth. Il s’demande même s’il en a envie. Mais c’est toujours pas la question. Et c’est toujours pas le moment.

« Par contre la femme de ménage son taff c’est d'éviter qu’on baigne dans le sang, et qu’on s’partage toutes nos merdes. Pas de jouer les assistantes aux assistés. » Il désigne le mégot de Merle d’un geste qui le relie au seau qui sert de poubelle plus loin. C’est qu’il a des principes Seth. Responsable à ses heures perdues. Enfin c’est pas vraiment ça le problème. Les gens viennent ici pour s’prouver qu’ils existent, qu’ils valent quelque chose, que c’est des vrais bonhommes. Bah commence par ramasser ta merde pauvre con, et arrête d’attendre que ta mère, ta femme ou ta boniche passe derrière toi. C’est chouïa la base à un moment donné. Il se casse sur ces mots, rejoindre le centre de la cave, là où le sol n’a plus sa teinte grise bétonnée, en dessous d’un néon qui grésille et qui clignotte. Il a songé à l’changer ce con de néon et puis y à renoncer. Le grésillement ça agace. Le clignotement ça hypnotise. Oué, il aime bien ajouter même une petite goutte d’huile sur le feu. C’est pas que le détail cliché de leur sordide mascarade. Et puis même si ça l’est, les clichés gardent une origine solide, c’est pour ça qu’ils le sont. Il regarde un instant le néon, comme on lève des fois les yeux vers le soleil dans une fugace recherche de paix de l’esprit. Une main contre la nuque pour se réchauffer les cervicales, yeux vissés sur le soleil factice, il attend Merle. Pas longtemps. Trop pressé le gamin.

A quoi bon traîner en longueur. Faire genre que non, non, t’as pas envie que vous vous foutiez sur la gueule. Tu parles. Les yeux qu’ils posent sur Merle se sont vidés. Purement et simplement. Plus d’éclat, plus d’intention, plus d’attention. Le sourire effacé qu’a laissé place à … rien. Y a plus rien. Juste le cratère dans son bide qui demande à être comblé. Juste la main dans sa nuque qui retombe presque lentement, pendant que l’autre s’élève. Son poing refermé qui s’abat dans une fausse paresse sur Merle. Expire. Le claquement sec des peaux trop connu des murs qui en renvoient l'écho. Assez lent pour de l’oiseau pare le coup, pour qu’il sente la pression des phalanges sur son épiderme. Inspire. « Leçon n°1 : ne jamais attaquer en premier. Sauf si tu sais déjà ce que l’autre fera. Sauf si tu t’en bats juste les couilles. » Deuxième option pour Seth qui assène un deuxième coup à son adversaire du soir, sans attention particulière à sa défense, ou ses ripostes. Parce que oué, il s’en bat les couilles des conséquences. Ou plutôt non,il les attend.
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MessageSujet: Re: malbolge (meth)   malbolge (meth) EmptyVen 2 Fév - 4:21

C’est la douleur sous sa peau comme un milliers de coquelicots sous sa peau et la colère qui roule, encore et encore, comme la mer dans le corps et la rage dans les os. Il le déteste, à cet instant, il le déteste parce que c’est comme ça que ça fonctionne, on hait et on hurle et on cogne et puis après on oublie, et puis après rien n’a d’importance, et puis après rien n’a de sens, on ferme la porte derrière soi et on s’éloigne du Club, on reprend ses fringues et sa vie, avec quelques bleus, avec quelques fêlures, avec les poings rougis et des écorchures. On cogne, on cogne, on cogne, parce qu’on a appris à survivre, parce qu’on a appris la Rage, la Colère, la Terreur, parce que c’est une nouvelle langue, la Violence, une langue en peinture rouge et en ecchymoses, en fleurs sous l’épiderme et en œil au beurre noir. Ils s’expriment dans le même langage, avec Seth, lorsque ses poings le rencontrent et que ses mains le touchent, ils parlent la même langue de la douleur et de la victoire, chacun pour soi et va te faire foutre, à fouiller dans les corps et à en briser les os. Peut-être qu’il retourne à la maison, lorsqu’il se dresse devant quelqu’un, peut-être que tous ses adversaires ont le même nom et le même visage, peut-être que c’est plus Seth devant lui, peut-être qu’il s’en cogne. Il cherche pas à faire de la psychologie, lorsqu’il est en bas, il cherchait déjà pas lorsqu’il a presque religieusement foutu le mégot à la poubelle, encore moins maintenant que tout dérape, que tout déraille, que Seth lui donne des conseils qu’il suit même pas. Y a pas assez de cachets dans le monde entier pour sauver la sanité des gens ici bas, pas un type pour rattraper l’autre, pas un seul qui se rend compte à quel point c’est pourri et à quel point c’est glauque, à quel point le sol finira rouge de leur sang et à quel point le maître de lieu est prêt à imploser.

Il reconnaît les signes, Merle, parce qu’ils trompent pas, parce qu’il en a trop vu, parce que y a les yeux vides et la mort sous la peau, la destruction dans le sang, parce que Seth est une catastrophe nucléaire qui se reproduit encore et encore et encore, Hiroshima et Nagasaki enfermés entre ses côtes, les hurlements des morts encapsulés quelque part dans ses poumons. Il est mort plus qu’il est vivant lorsqu’il lève le poing, mort plus qu’il est en vie, lorsque Merle riposte, lorsque son coude rencontre son bide et que son autre main vient trouver son visage lorsque les os craquent, lorsque la douleur se sème comme les graines et que la récolte vient enfin. Si Seth est vide, Merle lui, brûle, s’enflamme, rejoue les campagnes de Russie, la mort plutôt que la défaite, l’odeur des champs qui crament et qui ne laissent plus que du vide, plus que du rien, plus que de l’absence. Si Seth est mort, Merle est vivant et son cœur bat trop fort et son sang pulse trop vite et tout est trop, trop, trop, alors qu’il va à sa rencontre, comble la distance de sécurité, s’approche trop près parce que c’est comme ça qu’il se débrouille le mieux, tout sourire et les dents trop blanches et les yeux rivés dans ceux de Seth.

Il sait que ça lui fait pas peur, pas à lui, parce qu’il est au-delà de la peur et que c’est comme ça que Merle a su qu’il était fou, parce qu’il est au-delà de la terreur et que c’est comme ça que Merle a su qu’ils se ressemblaient. Il sait que ça lui fait pas peur mais il sait aussi que ça en fait flipper plus d’un, parce qu’il est rapide, trop rapide, parce qu’il comble la distance et la réinstaure, qu’il danse, qu’il cogne, qu’il sourit et qu’il rit, qu’il a l’air de respirer lorsque la souffrance vient, qu’il a l’air de vivre, lorsqu’elle fleurit, lorsque son sang trace des amaryllis sur le sol.

« Me balance pas tes conseils à la con. » Il balance, lorsqu’il s’écarte, lorsqu’il se tient à une distance respectable, lorsqu’il crache au sol le sang qui lui remplit la bouche parce qu’il s’est mordu la langue un peu trop fort. « T’es pas là pour ça, Seth, non ? »

T’es pas là pour ça, hein ? C’est comme lui, dans le fond, peu importe la personne en face et peu importe les raisons et peu importe ce qu’il fait, c’est toujours les mêmes yeux enfoncés et le même début de calvitie et le même sourire un peu condescendant, c’est toujours le même visage et le même prénom et la même rage qui l’allume et le consume tout entier, la même volonté de tuer. C’est pareil pour Seth, il pense, il croit, il sait pas, pareil mais dans l’autre sens, il est là pour expier, payer, ça se sent, ça se voit, parce qu’il évite rien, parce qu’il évite pas, parce qu’il cueille les coups et qu’il les distribue, parce qu’il s’en fout et qu’il est pas là pour gagner.

« Te planque pas. » lance Merle, et il provoque, s’essuie la bouche d’un geste sec. « T’es là pour quoi, Seth, alors ? »

Il agite les doigts, attend, une seconde, avant de se relancer à nouveau contre lui, comme les vagues qui érodent les côtes, la mer qui ronge et qui tue, l’oxygène qui assassine les humains qui le respirent.

« Qu’est-ce que tu peux pas te pardonner, alors ? » il lui chuchote, à bout de souffle, un rire dans la gorge parce que tout ça est une blague.

Parce que dans le fond, il peut pas s’empêcher de s’en cogner.
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MessageSujet: Re: malbolge (meth)   malbolge (meth) EmptyLun 2 Avr - 15:37

Trois ans. Trois années passées entre ces murs. Les os qui craquent, les peaux qui claquent, éclatent et répandent du rouge partout sur le sol. Il l’a vu foncer, petit à petit, le béton gris. Il a vu les visages vieillir, apparaitre, disparaitre. Les règles changer, à cause de lui, oué. Les araignées s’installer, faire des petits. Les marques de clopes et d’canettes changer dans les poubelles. Les derniers combats de ceux qu’ont finis par aller mieux. Lui il reste là. Lui, il change pas. C’est la seule constante de c’microcosme pourri, mais bien vivant. C’est l’seul qui reste bloqué. C’est toujours le même schéma entre ses tempes. Toujours les mêmes souvenirs qui dansent au fond de son crâne, comme réveillés par une sensation trop familière. Celle des os qui craquent. T’as pas fait gaffe Seth. T’as pas regardé l’heure, alors pourquoi guetter les signes dans les gestes de Merle. T’es allé trop vite, comme d’hab’, alors ça sert à rien de ralentir, de prendre le temps de respirer, t’façon t’as oublié, t’as pas le temps, t’es trop occupé à étouffer tes cris d’rage au fond de ton gosier. T’as pas évité cette conne de flaque d’eau, alors c’est pas le poing du gamin que t’évitera non plus, pour étaler quelques gouttes de sang sur le bitume. Le goudron. Le béton. Tu sais plus. T’as pas fait gaffe, t’as glissé. T’as vu le monde basculé, puis plus rien. T’as senti tes os se briser, puis plus rien. Sauf que tu t’es réveillé. Tu t’es pas foutu en l’air, mais lui si. Lui et son stupide sourire, content d’être avec toi alors qu’il aurait dû être part. T’avais pas compris à l’époque à quel point t’avais merdé. A quel point t’avais tout bousillé.

Alors il évite pas, les poings de Merle pour remplacer le bitume rencontré bien trop vite. Qu’a pas été foutu de le tuer pour autant. Il espère qu’un de ces crétins finira par y arriver au fond. Enfin il espérait. Maintenant il sait pas. Il a jamais rien su. Au fond, il aurait préféré ne jamais rien savoir. Bienheureux soient les pauvres d’esprits.

Présent. Le chant du Merle qui le tire de la chute qui passe en boucle dans sa tête. Les images qui se sont faites plus claires avec le temps. A deux mètres près ptn. A deux mètre près, et y avait un platane. Mais il est pas là pas pour ça non. Il a raison le gosse. S’il voulait s’buter, il ne perdrait pas son temps ici.
Trois ans ptn.
Trois ans qu’ils les voient revenir à la charge, sourire aux lèvres, reflets de sa propre démence. Alors c’est pas si dur de parer les coups, attraper les poings pour une seconde de flottement. Une seconde pour recevoir un coup de ceux qu’on voit peut au FC.  « Qu’est-ce que tu peux pas te pardonner, alors ? » Les mots. Parce que c’est une entreprise égoïste. Personne veut aider personne, tout le monde sait, personne demande. “Salut, ça va ?” “Oui”. Ca choque personne comme réponse, alors qu’y a rien de plus faux. Mais personne veut blesser personne. Pas comme ça en tout cas. Sauf quelques-uns. Dont Seth. Dont Merle. « ça t'intéresse ? » ou t’en as juste pas assez à ton goût ? Il est pas là pour ça Seth. Pas venu faire sa thérapie, pas venu massacrer le gosse. Mais ça n’a jamais été une bonne idée de caresser le Cerbère à rebrousse poils.

Les nerfs afférents qui s’mettent en standby, exit la douleur un instant. Y a la rage qui ouvre un œil et renverse le processus. Les nerfs efférents qui sortent de leur torpeur. Le pouls et le geste qui s’accélèrent. L’envie de faire souffrir qui transperce dans ses coups, celle du contrôle qui suinte dans une garde nouvelle. « pas m’résoudre à crever. » il sait pas pourquoi il répond. Surement cette éternelle histoire d’huile et de feu. Mais y a les mots qui coulent tout seul. Conscience trop figée sur les os du gosse, le rouge sur ses lèvres  et le bleu sur ses joues. « t’sais pourquoi j’t’en veux à toi ? » La voix qui s’élève quand il s’immobilise. Quand il arrive enfin à coller un poing sous le diaphragme le l’oiseau. La main qui fouille sous les côtes, lui faire cracher son estomac, son foie, ses poumons. « parc’que t’es pas fichu d’me buter. » Juste un murmure de confession dans l’oreille de Merle avant de s’écarter. Pour éviter la contre-attaque, peut-être. Pour garder le contrôle surtout. Pas péter un câble contre le petit Merle. Trop précieux encore. Respirer, l’oxygène pour engourdir les chiens qui gueulent  au fond de son crâne, et qu’aimeraient tellement réduire le gosse en charpie. Non. Pas lui. Trop précieux. Respire. « Enfin j’suppose que c’est parce que c’est pas moi qu’t’as vraiment envie de crever, hein? » Croc pour croc. C’est facile de lire les désirs des autres ici. Pour tout le monde. Sauf pour ceux qui veulent pas savoir bien sûr. Il le voit bien Seth. C’est la différence principale entre eux deux. Fous, mais mort pour l’un vivant pour l’autre. Le seul problème de Seth c’est lui-même. Merle, c’est un autre. Pas l’un de ceux sur qui il cogne. Un qu’il peut pas atteindre. Peu importe la raison. Et oué, ça a d’quoi rendre fou. Il aurait presque de la compassion Seth. Mais ils sont pas là pour ça.
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