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Malo Ryjkov

Malo Ryjkov
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MessageSujet: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyMar 12 Déc - 20:26

Mouvement circulaire sur le comptoir, dessinant des formes aléatoires d’un effleurement des doigts dans la poussière accumulée depuis des jours, peut-être même des semaines. Ces particules avaient toujours été une partie intégrante du Smoking Dog, comme sa marque de fabrique, l’esquisse du piédestal de cendres de ces frères d’armes qui se pensaient inébranlables mais que tout accablait. Grains de saleté de plus en plus prégnants ces derniers temps, depuis qu’il n’était plus là, cette fois-ci la saleté était devenue maîtresse des lieux dans toute sa prestance. Dans un soupir soulevant un piètre nuage de cette matière incertaine, Malo attrapa un balai et un vieux torchon qu’il passa sous l’eau et s’attela à nettoyer le bar – presque – abandonné, non sans oublier de satisfaire le gosier des trois pélos échoués dans les tables du fond. Non que la misère des lieux n’ôtait en rien le charme de l’endroit, oublié dans cette lancée le cumul de poussière aurait pu avoisiner l’asphyxie de ses poumons, sans même évoquer les effluves habituels des alcools qui s’y accrochaient comme pour imprégner les meubles au-delà de l’air qu’ils respiraient grossièrement.

Il abandonna sa multitâche seulement lorsque le vent s’engouffra dans l’habitacle et qu’une masse s’esclaffa entre ses jambes, accompagnée de deux garnements dont il se serait bien passé de leur présence. Bonheur entre les poils de Captain avant que celui-ci ne se lasse et aille faire le tour du propriétaire, certainement pour saluer les habitués, et que Malo ne se redresse en croisant les bras. Démesure de l’accueil pour la bête apprivoisée face à la suspicion pour les deux bestioles qu’il ne parvenait jamais à canaliser comme il le voudrait. Face à lui, les deux piles électriques de la fratrie Ryjkov semblaient s’être oubliés sur leur arrivée tant ils étaient absorbés dans un capharnaüm entre la chamaillerie et le débat stérile – ou passionné, selon les points de vue. « Eh les mômes » Absurde intervention que d’émettre un chuchotement dans la marée fluctuante de l’agitation, mais le sifflement qui éclata ensuite se fit percutant. « Hein ? » Ils n’avaient qu’une année d’écart, mais Dani et Isak avaient tout des jumeaux jusque dans l’expression de leur faciès en cet instant. « Ça fait deux heures que j’vous ai demandé de ramener Captain, vous vous êtes branlés avant de venir ou quoi ? » Ricanement de l’un en écho au haussement d’épaules de l’autre. « On avait rien compris à ton sms, c’est pas fatiguant d’écrire avec ses pieds ? » Claque simultanée sur le visage des chérubins tout aussi abîmés par leur existence qu’ils ne l’étaient tous dans cette fichue famille, dans cette exaspération attachante qu’il leur témoignait sans cesse. « Qu’est-c’que vous foutez encore là ? » S’ils avaient tous quelques problèmes comportementaux, voire même sociétaux, dans cette famille, ces deux-là détenaient la palme d’argent en dessous de leur aîné indétrônable. Il n’y en avait jamais eu un pour rattraper l’autre, tout comme il avait toujours été bien trop facile de deviner leur intentions d’un simple regard, ce qui n’avait jamais manqué de les mettre dans des situations inexplicables. Énième soupir excédé au bord des lèvres, le patriarche bancal croisa à nouveau les bras. « C’est bon les merdeux, crachez l’morceau j’vais pas le deviner par l’saint esprit » Œillade de la mascarade, des complices machiavéliques, des imbéciles éhontés, ils étaient comme les protagonistes d’une pièce de théâtre ridicule. « Eh bien … » « C’est-à-dire que … » « On pensait que tu pourrais peut-être – » À peine le temps de formuler les prémices de leur demande qu’ils étaient interrompus par le bruit sourd du bois qu’on fend sur un obstacle dans un éclat de rage, tandis que les premiers beuglements se répercutaient contre les murs.

Le Smoking Dog avait toujours été le théâtre d’une multitude de bagarres sans qu’elles aient nécessairement une cause justifiable, à l’instar des autres bars de ce monde, tout du moins les plus crasseux. En une fraction de secondes, ce fut comme si un cataclysme s’était déversé entre ces quatre murs miteux. Captain n’aboyait pas mais restait bien campé dans ses positions, prêt à défendre son maître qui intervenait pour séparer les deux soûlards dans leur règlement de comptes chaotique, tandis que ses frères en profitaient pour se glisser derrière le comptoir et déposer discrètement de leur cru parmi les bouteilles déjà présentes. La scène avait tout d’un désordre jurant fidélité aux plus grands souks, rien d’inhabituel pour l’endroit en soi. Lorsqu’un poing égaré s’éclata contre les côtes du gérant des lieux parmi les vociférations incompréhensibles, l’affaire se régla en un claquement de doigts. Malo attrapa un verre de whisky encore plein sur la table et frappa avec sans retenue d’un coup sec la main de l’ivrogne en colère posée sur le bois. L’agitation laissa place au bruit sinistre d’un craquèlement d’os accompagné du verre brisé, tandis que le russe abandonna son arme éphémère pour attraper les deux fauteurs de trouble hébétés par le col de leur veste et les traîner à travers la pièce sous les applaudissements bien trop enthousiastes des guignols qui lui servaient de petits frères. Il en lâcha un momentanément pour ouvrir la porte à la volée, avant de les expulser sans vergogne sur le bitume. Sur Seven, en fait, sans savoir s’il venait juste d’arriver ou s’il attendait là depuis quelques instants.

De la paire bancale qu’il formait avec Nash pour tenir le Smoking Dog, il était généralement celui qui virait les mauvais soûlards du bar, faisant preuve d’une indifférence implacable quant au traitement qu’il leur témoignait et la gueulante qu’il recevait en échange. Celui qui n’avait rien demandé à la bagarre s’éloigna sans demander son reste, mais l’irrécupérable connard à la main désormais fracassée où se dessinaient des tâches vermeilles l’accusa de tous les maux de la terre, sans oublier une flopée d’injures qui devait tourner en boucle dans son crâne étriqué. « J’m’en branle, prends ça comme une de tes dettes remboursée » Malo se poussa légèrement pour laisser entrer Seven, tout en veillant à ce que l’alcoolique en descente s’éloigne à son tour, sachant pertinemment qu’il reviendrait le lendemain, et le jour suivant, et ainsi de suite comme il le faisait déjà depuis des années.

Dans cette même verve inébranlable, Malo s’essuya les mains sur le torchon coincé à sa ceinture avant de le déposer sur le comptoir et d’adresser une accolade amicale au jeune Popescu. « Salut mon vieux » Sans une excuse pour l’accueil, qui en vérité n’avait rien de bien insolite chez eux, comme s’il s’agissait-là d’une banalité récurrente, il passa de l’autre côté du bar pour ramasser les bouteilles faites maison, tout en en préservant une de côté, afin de les remettre à leur place initiale dans le sac de son frère. « Allez Tic et Tac ça dégage aussi » Sous les plaintes, une caresse à l’attention du molosse et les derniers échanges avec leur ancien voisin, Isak et Dani s’éclipsèrent du Smoking Dog en traînant des pieds. « Et j’veux pas apprendre que vous avez essayé d’refourguer votre gnôle à un autre bar ! » que leur lança leur aîné avant qu’ils ne ferment la porte. Ses jeunes frères et Seven avaient la même tranche d’âge, la même gueule fracassée par la vie, les gens, un peu de tout et à la fois rien, mais clairement pas les mêmes problèmes. Si ce n’était le dernier client encore présent à une table éloignée, il ne restait désormais qu’une poignée d’âmes abîmées dans le bar. Faisant signe au gosse qui avait grandi trop vite de s’asseoir à une table, il attrapa la dernière bouteille de la concoctée de ses frères gérants de leur semblant de distillerie maison à leurs heures perdues – et à son plus grand damn –, deux verres, et s’installa enfin en face de lui. Une fumée discrète s’échappa de sa prison de verre lorsqu’il débouchonna la fiasque et il ne put s’empêcher de réprimer un rictus amusé. « J’espère que t’as les tripes bien accrochées » Une fois les verres remplis de moitié, il s’affala tranquillement contre le dossier de sa chaise, Captain venant s’allonger à leurs pieds. « Ça fait un bail qu’on t’a pas vu ici » Ça fait un bail que t’es dans la merde gamin, tu l’sais, j’le sais aussi. « Comment tu vas ? »
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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyJeu 14 Déc - 0:22

Épaules voûtées et capuche rabattue sur la tête, il avance d'un pas pressé il s'arrête pas il regarde même pas autour de lui. Il fait jour pourtant il se sent pas en sécurité, l'impression que trop de regards se tournent vers lui, qu'il peut croiser la mauvaise personne à n'importe quel tournant. Ça fait des jours que ça dure, ça et la rage qui revient – il pensait qu'elle s'était apaisée avec la raclée que Peadar lui a mise, mais ça n'a fait que la décupler. Il a la haine il a les crocs, il ne se calmera que quand il leur aura tous fait la peau.

Alors il s'attarde pas Seven, il sait où il va et ce n'est qu'une fois planté devant le bar qu'il sent ses muscles se détendre légèrement, ses nerfs qui semblent se tranquilliser. Parce qu'ici il est en terrain connu, il est chez lui même si les terres ne lui appartiennent pas, il sait qu'il lui arrivera rien. Pourtant il a pas l'temps de passer la porte que déjà elle s'ouvre à la volée. Y a un poids qui le heurte brutalement et il se retrouve à tituber vers l'arrière, c'est même à s'demander comment il a fait pour pas tomber. Il en sait rien et il s'en fout – ça veut dire qu'il est assez remis de ses blessures pour tenir debout et c'est tout ce qui compte. « Regarde où tu vas toi. » Il bouscule l'un des deux soûlards et tant pis si c'est pas d'sa faute, tant pis si c'est à cause de Malo qui les a dégagés sans vergogne. Y a sa voix qui vient enfoncer le clou et ça a quelque chose de rassurant, quelque chose qui lui rappelle un peu la maison.

Celle du cœur, pas celle aux murs qui l'ont pourri de l'intérieur.

Il ricane en regardant les types s'éloigner et il se fait pas prier pour entrer, sourire au coin des lèvres quand il accepte l'accolade de Malo sans broncher. « Salut mon vieux. » Il suit le mouvement, arque un sourcil pour la forme. « Ben putain, c'toujours aussi accueillant chez vous. » La vérité c'est qu'il s'en fout et Malo le sait, de toute façon ils y sont tous habitués – ils ont grandi dans ce genre d'ambiance, le manque de douceur et les insultes en guise de je t'aime, on s'y fait on s'y forge et on apprend à s'en contenter. Ils sont faits de la même crasse ils ont juste pas eu le même moule, et quand il voit les cadets Ryjkov y a son sourire qui s'étire un peu plus. Un vieux check de la main en guise de salut et déjà ils se font dégager par l'aîné sous l'air moqueur de Seven, comme s'il se sentait plus vieux alors qu'ils ont le même âge. Ils n'ont juste pas la même fatigue, pas les mêmes problèmes. Ses traits sont tirés, ses yeux cerclés de violet. Il a un pansement sur son nez qui ne cesse d'être cassé réparé recassé, la balafre sur sa joue qui peine à se refermer parce qu'on vient trop titiller les sutures. Il a même des vestiges sur la gorge – traces de phalanges qui se sont estompées, qui ne laissent qu'une légère ombre bleutée. Il ressemble plus à grand-chose il le sait, pourtant ses lèvres restent étirées et il s'rend compte que ça fait trop longtemps que c'est pas arrivé. Pas sincèrement.

Cette fois c'est vrai c'est parce qu'il se sent bien, parce que Malo est là et même si Nash manque à l'appel ça suffit à lui réchauffer un peu le cœur, lui donner l'impression qu'il reste quelques repères dans la tempête qui l'avale petit à petit. Si eux ne bougent pas c'est que ça va pas si mal que ça, c'est qu'il va pas crever, pas vrai ?

Sans un mot il suit les directives de Malo, vient s'attabler sagement alors qu'il le regarde ouvrir la bouteille que les plus jeunes ont ramenée. Un sourcil arqué quand il voit le maigre filet de fumée s'en échapper, il peut presque en sentir les effluves de là où il est. « J’espère que t’as les tripes bien accrochées. » Il a l'air arrogant quand il lève un peu le menton, regard rivé aux verres qui se remplissent alors qu'il lâche : « Tu m'connais. » Bien sûr qu'il a les tripes bien accrochées c'est dans les gènes dans l'entraînement, pourtant il a toujours été celui qui tombe le premier. Il a commencé à ingurgiter de l'alcool bien trop jeune mais c'est pas son poison fétiche, c'est pas là que va toute son endurance et Malo le sait, Malo l'a vu trop de fois trébucher. « Ça fait un bail qu’on t’a pas vu ici. » Il hausse les épaules, attrape son verre en tournant la tête vers le chien comme si c'était plus intéressant. La vérité c'est que ça permet à son visage d'être dans un angle où on n'voit pas sa joue balafrée – il espère que Malo n'a pas eu l'temps de remarquer. Il n'a toujours pas ôté sa capuche, ça augmente les chances de réussite. Il croit. Au fond il sait pas. « Ouais j'étais pas mal occupé. Comme vous quoi. » C'est comme ça depuis des années maintenant, y a des périodes où ils se voient pas du tout mais ça change rien, la confiance ne bouge pas, le lien est là il cédera pas. Il porte le verre à ses lèvres, avale une gorgée, laisse la gnôle le brûler. « Comment tu vas ? » Il ose pas le regarder. Il sait pas quoi lui dire parce qu'y a pas de bonne réponse, s'il ment Malo le verra, mais il refuse de dire la vérité il veut pas avoir à expliquer. Il veut pas dire qu'il dort plus ne mange plus, qu'il se met à faire des crises qu'il ne nomme pas – l'air qui lui manque la panique qui le paralyse, il sait pas pourquoi il devient vulnérable comme ça. Il veut pas dire qu'il a mal partout tout le temps, en-dehors en-dedans, l'esprit au bord de l'implosion la chair qui se déchire trop souvent. Il veut pas dire qu'il sait plus ce qu'il fout, que c'est probablement juste sa rage qui le fait encore tenir debout. « Comme d'hab. Et toi ? » Il ne dit ni bien ni mal, il prend pas de risque et il espère que ça passera.

Quand ses yeux finissent par revenir se planter dans ceux de Malo il est obligé de descendre la moitié de son verre d'une traite, parce qu'il a l'impression d'être scanné, parce que Malo le connaît trop bien et il sait pas comment lui échapper. « Tu sais pourquoi j'suis là. » Il pourrait continuer sur la pente des banalités, prendre son temps, y aller subtilement. Mais il sait pas faire Seven, pas quand il a besoin de quelque chose aussi viscéralement. Il s'dit que ça ira vite, suffit de parler prix, se mettre d'accord et faire l'échange. Après ça il est prêt à rester des heures pour parler il s'en fout, il a juste besoin d'avoir ce qu'il veut d'abord ; sale gosse impatient. « C'est quoi les tarifs ? » C'est peut-être la partie qu'il appréhende le plus, parce qu'il gère mal dernièrement, il pioche dans les stocks il fait des trous dans la somme qu'il doit à son fournisseur et il est obligé de les combler de sa poche. Au point de devoir aller quémander chez Jimmy – sa fierté a du mal à s'en remettre. « Et au passage, si tu peux m'faire un cours accéléré ce serait cool. » Il a jamais utilisé de flingue. Parce qu'il a jamais eu besoin, parce qu'il s'est toujours contenté de ses poings. Mais maintenant une partie d'la ville le veut mort, une autre le déteste simplement, et avec tout ça les poings ça suffit plus. Il est tombé de son piédestal il se sent comme un prince déchu, prince de rien pourtant, il n'a jamais eu de couronne même s'il y a cru. Son masque s'est fendu ; il veut assurer ses arrières avant d'avoir tout perdu.
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Malo Ryjkov

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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyDim 28 Jan - 20:41

« Ben putain, c'toujours aussi accueillant chez vous. » Comme une banalité des habitués, la remarque ne s’attarda pas dans leur échange. C’était un accueil des plus réguliers dans la tanière des loups, pas beaucoup de pitié pour les soulards désagréables mais toujours assez de liqueur à leur offrir pour oublier les cataclysmes de leur existence. Dans ces fonds de verre au milieu des âmes latentes, s’était bâti un phare dans la tempête de beaucoup – territoire de poussières pouvant en porter plus d’un. Entre ces murs, Seven était de ceux qui se fondaient particulièrement au paysage, comme s’il avait toujours été un membre à part entière des tas de cendres des gérants, parce qu’il avait évolué dans la même crasse qu’eux, sur ce même palier. Alors qu’il le salua de son accolade un tant soit peu chaleureuse, comme il saluerait un de ses frères, Malo ne manqua pas de remarquer certaines contusions sur le visage du jeune Popescu et les failles dans sa démarche d’ordinaire assurée. Chienne de vie, hein ? Il n’en fit aucun commentaire, déjà il s’activait de l’autre côté du bar pour poser un semblant d’autorité parentale sur ses jeunes frères – s’il y en avait bien chez les Ryjkov qui n’en avaient jamais eu rien à faire des directives de leur aîné, c’était bien ces deux-là. Toujours à remettre en question son ascendant, par flegme ou par insoumission, certainement pour une connerie d’adolescence qu’ils n’avaient jamais véritablement passée. Cette initiative d’avoir mis en œuvre une distillerie personnelle à la maison l’avait mis hors de lui, les éclats de sa colère froide avaient percuté les murs de leur taudis sans réellement atteindre leur cible – et même si ses cadets en avaient tremblé aux premiers abords, ça ne les avaient en rien dissuadés d’avorter leur cause. Pire, il avait l’impression de les avoir encouragé dans cette voie en leur montrant un intérêt trop prononcé avec cette échauffourée. À peine le temps d’échanger un check avec Seven, que Dani et Isak étaient déjà propulsés dehors avec leur cargaison empoisonnée.  Il y avait une esquisse sur les lèvres du Popescu d’une sincérité touchante qui mit un peu de baume entre ces murs gris, comme s’il s’agissait d’un sourire trop longtemps oublié – et ça aussi, Malo ne manqua pas de le remarquer. La manière dont les traits de son visage se détendirent un peu, comme s’il avait laissé toutes les hostilités de la rue derrière lui, qu’il était de retour dans un foyer chaleureux, le sien. Dans le fond, ce n’était qu’une vérité silencieuse qu’avaient toujours considéré aussi bien Nash que Malo : avec eux, il était effectivement à la maison.

Bouteille des effrontés ouverte aux effluves plus que douteuses, liqueur soigneusement distribuée prête à leur pourfendre toute résistance, la machinerie était mise en place. « Tu m’connais. » Justement. Sourire au bord des lèvres devant cet affront de l’insoumis du fier incertain, Seven ne vit certainement pas la lueur amusée dansant au fond du regard de celui qui lui faisait face, tant il semblait plutôt concentré sur les verres. Malo savait parfaitement que ses veines avaient été bien trop rapidement dilapidées dans des grammes infâmes pour sa jeunesse, qu’il s’était déjà écorché le corps sur le bitume d’avoir trop trébuché, que son foi était certes un guerrier mais pas un conquérant. C’était exactement ce qu’il recherchait, d’affaisser ses défenses. De mettre un pied, puis un autre, dans cette étendue vaseuse aliénée de tourments et de problèmes de laquelle il le tenait encore éloigné. Il n’avait pas besoin de le fracasser dans ses fondations, il lui fallait juste une faille aussi infime fût-elle. Juste assez pour que le grand loup s’y fasse une place, afin de mieux appréhender les enjeux. Nouvelle banalité partagée dans leur monde bousillé par les vendettas personnelles omniprésentes. Aussi longtemps qu’ils ne se voyaient pas, rien ne changeait entre eux – fidélité du même lien toujours en place, confiance toujours maintenue pour les quelques vrais qui tenaient bon. Mais tout se désintégrait toujours un peu plus au fond d’eux face aux épreuves qu’ils enduraient chacun de leur côté, et lorsqu’ils se retrouvaient ils n’étaient que des âmes encore plus cabossées qui devaient s’accepter ainsi. « Ouais, la routine » Hochement de tête assez léger pour lui concéder ce point, alors qu’il enchaînait avec la question – celle que Seven redoutait certainement. Le gamin avait le regard fuyant qui papillonnait qui s’égarait vers des horizons qui lui étaient interdits. Ces mêmes horizons dont il espérait sincèrement en avoir un meilleur aperçu dans les prochaines minutes, même s’il était indéniable qui lui apporterait toujours son aide sans importance aucune de la quantité d’informations qu’il détenait ou non. « Comme d'hab. Et toi ? » La mauvaise graine prit le temps de descendre son verre d’une traite avant de lui répondre comme un écho, toujours affalé sur le dossier de sa chaise, l’air faussement désintéressé mais particulièrement inquisiteur. « Comme d’hab » Comme d'hab depuis quatre ans, depuis que Lula s'était envolée. Comme d'hab depuis des semaines, depuis Nash n'était plus là. Le verre d’en face se vida rapidement également, et déjà il les remplissait à nouveau pour une nouvelle tournée. Malo n’ajoutait rien dans son flegme sa perspicacité, il attendait patiemment que Seven fasse le premier pas qu’il s’égare qu’il lui ouvre ses écarts. Ce qu’il ne tarda pas à faire, au bord de l’impatience ou de la rupture, volonté de fer dans sa terre aride. Prenant le temps déguster une nouvelle gorgée de la liqueur sacrément corsée, le russe l’écouta silencieusement s’érafler contre les barrières que lui-même avait déjà imposé sans son accord préalable. « Tu sais pourquoi j'suis là. C'est quoi les tarifs ? » Il balaya la question d’un geste de la main comme si elle ne revêtait aucune importance. « Te préoccupe pas de ça » Tarif d’amis ou mis sur l’ardoise, ce n’était pas un problème, pas le problème.  « Et au passage, si tu peux m'faire un cours accéléré ce serait cool. » Le contenu de son verre s’éclipsa dans son gosier, ils y étaient. Malo se remplit un nouveau verre, posa la bouteille au milieu de la table l’enjoignant ainsi à ne pas s’arrêter dans une si bonne descente.

Il se redressa mieux sur sa chaise tandis qu’un voile à la fois féroce et paternel s’affaissa sur ses prunelles, de cette même manière qu’un loup prend position pour défendre ses louveteaux. « Souffle un peu, y a rien qui presse ici » Malo, c’était le mauvais loup silencieux aux pensées trop sombres, mais c’était aussi le corbeau annonciateur de mauvaise augure qui observait tout et chacun de son perchoir d’ombre. Les blessures de Seven, il ne les avait pas manquées. Ils ressentaient celles qui lui étaient camouflées trop loin sous son épiderme dans ses pensées, mais en ce qui concernait celles qui se dessinaient sur sa chair : il avait déjà porté les mêmes. Jamais son regard n’avait quitté l’âme égarée assise sans grande certitude en face de lui. « T’en as pas besoin. » qu’il lui lâcha tranquillement en lui indiquant sa capuche. « C’est pas ici que le déluge va te tomber dessus » Et certainement pas entre mes mains. Mention à la météo capricieuse comme au désordre croissant de son existence. Ce n’était clairement pas entre les murs de ce bar insipide que Seven allait sombrer par la faute des autres, ce qui en faisait un des endroits les plus sûrs pour la confidence le repos une pause.

Moitié du verre descendue dans une nouvelle gorgée. « J’ai déjà vu beaucoup d’gueules cassées hein » La tienne ne m’impressionnera pas plus qu’une autre, même si l’envie d’faire manger le bitume aux responsables sera là. « et toi, t’as déjà vu la mienne. » Soyons quittes, tu veux bien ? Ses coudes vinrent s’apposer sur la table, imposant sa présence dans cette distance réduite. « Tu vas d’abord me dire une chose. » Une seule, celle qui allumera la lumière. Son regard vint percuter les prunelles abîmées d’une âme fissurée, cherchant à creuser sous la surface sous la carcasse, derrière les non-dits les incertitudes. À la recherche de ses tourments qui le maintenait contre l’asphalte comme une enclume au sol. « Pour qui sont ces balles ? » La bouteille glissa furtivement entre ses doigts, vint remplir une fois supplémentaire leurs verres. De sa simple présence dominant l’espace, du poids au fond de ses yeux, il le capitonna sur place à la prévenir de ne pas mentir de ne pas s’échapper. Une pointe de légèreté dans l’humeur lorsqu’il indiqua la pièce de son index « Les seules oreilles ici sont les nôtres et les fonds d’verre » avant que son pouce ne vienne indiquer une silhouette dans son dos, le saoulard oublié au fond du bar. « Lui, j’le soupçonne de roupiller tranquillement, et d’toute façon il nous entend pas. » Tes aveux mon vieux, j’pourrais te les arracher moi-même si tu ne l’fais pas.

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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyMer 31 Jan - 20:35

« Comme d’hab. » Écho à sa propre réponse et il pourrait presque en sourire si le comme d'hab n'était pas ce quotidien moche et terne, comme d'hab la violence et les démons pour le ronger, comme d'hab Malo seul ou presque, Lula enterrée Nash enfermé. Comme d'hab les cœurs en friche, les âmes paumées au fond de verres qui se vident trop vite, que Malo ne tarde pas à remplir à nouveau. Il est obligé d'en vider la moitié pour se donner le courage d'affronter ses prunelles, pour entrer dans le vif du sujet. Il n'a pas la patience d'y aller en douceur ou d'y mettre les formes – tout ce qu'il veut c'est sentir une arme entre ses mains, la savoir calée dans sa poche comme si ça pouvait suffire à l'protéger, à l'aider à mieux respirer. La première question c'est le tarif évidemment, parce qu'il est sûr de devoir demander un prix d'ami sur le prix d'ami. « Te préoccupe pas de ça. » Bien sûr que si il s'en préoccupe, pourtant il relève pas. Il se dit qu'il trouvera bien une solution de toute façon, c'est Malo il sait qu'il peut lui faire confiance. « Souffle un peu, y a rien qui presse ici. » Il sent l'aura qui se dégage de lui ; celle du loup, l'alpha chez qui il est venu se terrer pour échapper aux crocs qui menacent de le déchiqueter. Et malgré lui ses sourcils se froncent, ses poings se serrent contre ses cuisses. Il voudrait lui dire que si, ça presse, c'est une question de vie ou d'mort et même si c'est pas totalement vrai, il n'a pas de temps à perdre. Cette idée tourne en boucle dans sa tête depuis trop longtemps et maintenant qu'il saute enfin le pas il a besoin d'en finir, sentir la crosse entre ses doigts pour apaiser son cœur qui s'atrophie et se tord dans tous les sens à chaque sortie, à chaque coup d'œil par-dessus son épaule, à chaque silhouette qui lui rappelle celles de ses ennemis. Il a mis tous ses espoirs là-dedans, comme si c'était la dernière chose à laquelle il pouvait se raccrocher. Comme si y avait plus que ça pour le sauver.

Le regard de Malo le rend nerveux, y a cette sensation d'être passé aux rayons X, d'être mis à nu jusqu'à l'os jusqu'à la moelle, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rien lui cacher. C'est con pourtant il le sait, Malo n'peut pas deviner l'étendue de ses plaies – celles qui pullulent sous ses fringues, celles planquées au fond d'son âme. Pourtant il se sent obligé de terminer son verre, ne le regardant qu'à moitié, concentré sur la bouteille trônant sur la table. « T’en as pas besoin. » Il lève les yeux, le voit désigner sa capuche, son dernier rempart. « C’est pas ici que le déluge va te tomber dessus. » Ça lui arrache un sourire parce qu'il sait que c'est vrai, parce qu'ici c'est probablement l'un des endroits où il est le plus en sécurité. Pourtant il n'obtempère pas. Silencieux, il se contente de hausser les épaules en le fixant, comme s'il espérait que ça suffise à dissuader Malo. Il aimerait mais il le connaît, il sait que ça ne marchera jamais. « J’ai déjà vu beaucoup d’gueules cassées hein, et toi, t’as déjà vu la mienne.  » Vrai. Alors pourquoi cette fois c'est différent ? Pourquoi ça fait si mal quand il sent les regards se poser sur la balafre, sur les ecchymoses qui n'en finissent plus, sur ses traits creusés son regard fatigué ? Pourquoi ça lui donne envie de tout fracasser quand les gens se risquent un peu trop à l'observer ?

À la manière d'un animal blessé il veut pas s'laisser approcher, à tenter de panser ses plaies seul, sans y arriver.

C'est Malo il risque rien, c'est Malo et s'il ne cède pas il devra subir ses assauts, encore et encore parce qu'il ne lâchera pas l'affaire il le sait. C'est Malo c'est Malo c'est Malo – il se le répète comme pour se rassurer, se dire qu'après tout c'est juste une gueule cassée de plus, il est le seul à connaître la différence, le seul à savoir jusqu'où s'étend la douleur. Le seul à savoir combien ça le ronge à l'intérieur. « Tu m'fais chier. » C'est craché comme un gosse qui proteste face à l'autorité de son aîné, mais il finit par obtempérer. La capuche qu'il retire, les traces qui prennent vie sous la lumière, les déclinaisons de rouge bleu violet qui éclatent, qui agressent la rétine maintenant que l'ombre du tissu n'est plus là pour les camoufler. « Tu vas d’abord me dire une chose. » Leurs prunelles qui s'accrochent, celles de Malo qui cherchent à sonder les siennes. Il le voit appuyer ses coudes sur la table et se recule au fond de son propre siège par réflexe, comme pour mettre la distance maximum entre eux et ainsi espérer échapper à son regard inquisiteur.

« Pour qui sont ces balles ? »
La vérité, c'est qu'il saurait pas par où commencer.

La liste est trop longue et ça ne fait qu'empirer, plus les jours passent plus il empire lui-même sa condition. Il a parfois l'impression d'avoir été propulsé dans un vieux Western, sa gueule placardée sur des affiches wanted dans toute la ville – et c'est pas loin de la vérité, c'était pas sa tronche sur la photo mais il a quand même été affiché dans tout Savannah.

« Les seules oreilles ici sont les nôtres et les fonds d’verre. » Il déglutit, suit sa main du regard quand Malo désigne un pauvre type au fond d'la salle. « Lui, j’le soupçonne de roupiller tranquillement, et d’toute façon il nous entend pas. » Sûrement que c'est vrai pourtant c'est pas le problème – si Seven ne veut pas répondre c'est pas par crainte d'être entendu, c'est parce qu'il veut pas avoir à s'expliquer. Il veut pas sortir toute la liste, ceux qu'il voudrait buter de sang froid et ceux contre qui il veut juste pouvoir se défendre, il veut pas donner les raisons correspondant à chaque nom, il veut pas se dévoiler comme ça. Alors il est là, il le fixe, se rabat sur le verre à nouveau rempli. Il le descend en une seule fois, comme si Malo lui avait filé une bouteille d'eau en plein désert, comme s'il avait besoin de se remplir pour affronter la suite. Sa gorge en feu quand il repose le verre désormais vide, le dos d'sa main qui vient essuyer sa bouche négligemment. « Qu'est-c'que ça peut foutre ? » Son regard est trop sombre quand il revient se plonger dans celui de Malo, iris couleur cendre, comme si on avait fait cramer toute trace de vie qui y régnait. « C'est pas important de savoir pour qui, pourquoi. C'est pour plein d'gens, pour pouvoir être tranquille quand j'vais dans des coins craignos. » Comme si c'était une vulgaire banalité, rien à voir, rien à dire. C'est mieux de tout passer sous silence, de faire comme si c'était insignifiant, comme s'il demandait à acheter un meuble au lieu d'un putain de flingue.

« C'est bon mec, c'est juste une précaution ok ? » Il se force à sourire mais ça ressemble à rien sur son visage rapiécé. La bouteille qu'il attrape pour remplir leurs verres une nouvelle fois, sans rien demander. Il en avale une grosse lampée, cherche le courage de continuer sa comédie grotesque. Il sait que Malo n'y croira pas, il espère simplement qu'il s'en contentera et qu'il ne cherchera pas à creuser. « Et puis merde, ici c'est l'Amérique, j'ai bien l'droit à un flingue moi aussi. » Il dit ça comme si c'était une fierté nationale alors qu'il n'a jamais eu beaucoup d'estime pour son drapeau, plutôt du genre à cracher sur ses concitoyens qu'à se revendiquer américain. Ça lui ressemble pas, c'est le sarcasme dans la voix, l'amertume au fond des yeux. « Fais-moi confiance. On est potes, non ? » Justement – s'ils ne l'étaient pas tout serait plus simple, Malo n'aurait pas posé de question. Il pourrait aussi bien aller acheter ailleurs mais il veut pas. Il a pas le budget – il compte sur une ristourne ou un paiement fait en plusieurs fois. Et surtout, il veut une arme sans permis, non répertoriée, pour pas laisser de trace s'il venait à s'en servir. Il trouvera pas meilleur service qu'ici, il sait qu'on lui donnera de la qualité, il sait qu'il peut compter sur eux, sur lui, tous ses espoirs soudain projetés en Malo. Si lui n'peut pas lui sauver la mise, c'est que personne ne le fera.
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Malo Ryjkov

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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyMar 13 Fév - 16:37

Il était sincère, Malo, en lui disant qu’il n’y avait rien qui pressait ici, entre les murs de ce taudis poisseux d’alcool poisseux de misère. En passant ces portes, Seven avait gagné un répit, un temps précieux suspendu entre les mains de son aîné. Quelques minutes, ce n’était rien dans une vie, mais c’était déjà bien assez lorsqu’on était en cavale contre sa propre existence. Il traînait beaucoup trop de silences et d’écorchures dans son sillage, l’ombre des méfaits et des assassins de conscience. De cette odeur particulière des basfonds de Savannah des coins les plus sales ; l’émanation des âmes égarées devenues vermines, de la propagation des cafards qu’ils devenaient tous un jour ou l’autre. Leur seule erreur avait été de naître dans la mauvaise famille, le mauvais quartier ou le mauvais pays. De là en découlaient essentiellement des mauvaises décisions et des écarts incessants, des dérives sur la raison et peu de scrupules dans les détours. Être dans leur monde, c’était un aller sans retour pour les Enfers ; seul la descente était variable selon chacun. Alors oui, Malo était sincère, ce n’était pas dans ce bar oublié du monde que celui-ci viendrait justement le mettre en pièces. Pourtant, il ne comprenait que trop bien les traits qui s’enlisèrent dans l’impatience, les muscles qui se firent de marbre dans le besoin impétueux de survivre vite et maintenant. Du temps, ils n’en avaient jamais assez. Du temps, ils auraient aimé en avoir plus. Pour panser les maux infligés par leurs déboires leurs bassesses, mais aussi par les fantômes les connards les fuyards ou les victimes piétinées dans leur nécrose. Du temps, il leur en faudrait des tonnes, mais Malo pouvait seulement lui permettre de respirer quelques instants sans s’encrasser les poumons sur l’asphalte.

Seven n’avait pas besoin de lui répondre, son corps le faisait à sa place. Tout dans ses gestes donnaient les informations nécessaires pour le cerner un minimum, même sous le couvert des vêtements et des recoins d’ombre. Il avait toujours eu du flair, le russe, surtout pour les gamins comme lui. Pour ces mômes fracassés qui suivaient le même chemin que lui, que les précédents avant eux. Et surtout, il lui suffisait de l’observer. De prendre conscience de la lassitude au fond de son regard éteint, des ratés dans sa démarche esquintée. De sa mâchoire tendue, des poings crispés en permanence. Seven n’était peut-être pas encore en guerre, mais il cherchait déjà une solution pour vaincre pour survivre. Des existences comme la leur, c’était une croisade incessante pour leur survie. Être faible les aurait déjà mis six pieds sous terre, alors ils faisaient face. Chacun à leur manière, embourbé dans un putain de surplace parce que des âmes pourries comme ça, elles n’avaient jamais vraiment cherché à avancer. Belle brochette de mauvaises graines.

Le contenu de la bouteille qui se vidait assez rapidement, le niveau d’alcool qui s’immisçaient proportionnellement dans leurs veines leurs pensées. Les verres qu’ils descendaient, l’un pour l’influence nécessaire et l’autre, pour le courage de lui faire face. C’était une piteuse mise en scène que d’observer des enfants d’immigrés qu’on avait déchu dans les bassesses d’une Amérique tant passée sous silence que dépeinte comme calomnies sur blasphème par les médias véreux. Malgré le sourire arraché, la résistance tenait bon. Seven avait la volonté de ceux qui n’avaient plus rien à perdre, le supplice dans les blessures à quémander que cela cesse avant qu’on ne lui arrache la peau. Mais Seven n’allait pas crever sous les nez de Malo, et ce n’était certainement pas aujourd’hui sur son territoire que ça allait commencer. Alors loin de se laisser distraire par son comportement faussement nonchalant, il insista pour obtenir gain de cause. La nécrose des Ryjkov ne menait pas beaucoup de batailles, aucune saine, mais celles pour lesquelles il faisait front, il ne fléchissait jamais avant de les remporter. De ces batailles, il en avait au moins deux chez ses anciens voisins, Anca et Seven. Il n’était qu’une présence absente, mais une présence quand même. Ce n’était pas une figure paternelle, peut-être pas digne d’être celle d’un frère non plus, mais ils étaient sa meute. Et l’alpha veillait toujours sur les siens, qu’ils en aient conscience ou non, qu’ils le veuillent ou non. Tout comme il ressentait aussi bien la détresse des siens leurs blessures et leurs erreurs.

« Tu m'fais chier. » L’instinct du plus vieux prit forme et consistance dans la capitulation du plus jeune, et les contusions qu’il avait aperçu ou deviné devinrent des preuves. La confirmation des silences qu’il avait traduit par lui-même, des bruits de rue qu’il avait assimilés en redoutant le pire à chaque nouvelle plus catastrophique que la précédente. Seven avait la gueule des mauvais jours, il la connaissait que trop bien. C’était la même que la sienne, trop souvent, quelques années en moins mais tout autant de galères. Malo avait en face lui, un putain de miroir de lui-même, descendance de la mauvaise graine des rues. Le jeune Popescu s’était mué en la proie des charognards, prêts à lui ravager l’épiderme jusqu’à la moelle. Pas besoin d’être d’un grand cerveau pour comprendre cette évidence : Seven avait la mort à ses trousses. Des corps abîmés, Malo en côtoyait tous les jours dans ses affaires. Il y avait ceux qui réclamaient protection ou vengeance en venant chercher une défense fiable, et il y avait ceux dont les veines et les pupilles se dilataient pour expulser tout leur mal-être dans les échanges de coups avec une âme tout aussi esseulée. Mais le regard de Seven, lui, ce n’était pas seulement celui d’un gars qui cherchait à se défendre. C’était l’usure au fond de ses prunelles ternes, c’était la méfiance irascible dans un sombre voile.

Puis, c’était surtout l’exaspération face aux questions de Malo. À son insistance, tant dans les mots que dans le regard. Accroché à l’alcool comme à une ancre, certaines barrières s’affaissaient au détriment d’autres qui se consolidaient. C’était la réaction la plus prévisible, celle tout du moins que le gérant du bar attendait. « Qu'est-c'que ça peut foutre ? » Aigreur dans les paroles feulées comme une accusation, ténèbres fracassantes dans le regard. Si Malo n’en était pas impressionné, il savait cependant qu’il ne fallait pas le négliger. C’était dans ces instants-là qu’il ne fallait pas céder à la provocation à la violence, qu’il ne fallait surtout pas le sous-estimer. Seven était imprévisible, et ça faisait bien assez d’années qu’il le savait. L’alcool n’aidait clairement pas, au contraire il n’y avait pas mieux pour échauffer les esprits. Pourtant, Malo se contenta de descendre une nouvelle fois son verre et d’attendre l’assaut. S’il fallait devenir la cible du déferlement de haine du gamin, alors il le ferait. Que Seven se déchaîne, Malo en avait connu des putains de tempête. « C'est pas important de savoir pour qui, pourquoi. C'est pour plein d'gens, pour pouvoir être tranquille quand j'vais dans des coins craignos. » Il y eut une lueur amusée qui s’alluma au fond du regard de Malo, il avait l’impression de faire face à un caprice d’adolescent en quête d’indépendance sans l’omniprésence de ses parents. Ses propres frères avaient ce même comportement à son égard, surtout les plus jeunes. Lena aussi dans ses grands ou mauvais jours, il n’y avait que Mila qui se plaisait plus dans les silences que les reproches. « Fais-là à d’autres mais pas à moi mec. Ça fait des années que tu traînes dans des endroits craignos et t’as jamais cherché à en avoir besoin » Mais Malo connaissait les endroits de merde, les mauvaises fréquentations, le deal dangereux. Il savait pertinemment que la nature des problèmes se faisait de plus en plus mauvaise à mesure qu’ils vieillissaient, et que les querelles d’adolescents en quête d’adrénaline laissaient place à des enjeux beaucoup plus grands plus vitaux. Pourtant, il suffisait juste de faire les bons choix, de savoir se faire une place sans avoir à courber l’échine mais sans avoir à se mettre dans toutes les emmerdes non plus. C’était facile à dire, moins à faire. Toute l’existence de Malo en était la preuve ; et les ravages sur le corps de Seven l’attestaient très bien. Dans cette remarque, le russe cherchait surtout à ce que son pote flanche un instant et lui révèle ses failles. Pourquoi t’en as besoin maintenant, soudainement, à ce moment précis ?

« C'est bon mec, c'est juste une précaution ok ? » Son sourire s’éclata comme une grimace désagrégée, la volonté fracassée dans les doutes et l’urgence. Alors Seven enchaîna les gorgées lui aussi, peut-être plus pour retrouver consistance que du courage. Peut-être même pour l’amadouer, continuer dans son discours vindicatif en espérant que Malo se perde dans ses paroles plutôt qu’il ne vienne gratter la carcasse. D’autres auraient pu s’en contenter, pas lui. « Et puis merde, ici c'est l'Amérique, j'ai bien l'droit à un flingue moi aussi. » Esquisse sur les lèvres d’un air entendu, il avait raison. Il avait raison, mais il avait une teigne assise en face de lui. Rappelez-vous, le loup et sa meute. Il allait lui falloir bien plus pour lâcher prise. Surtout que tous deux connaissaient très bien leur dégoût mutuel pour ce pays sans aucune gloire à leur égard. Malo avait décidé de l’assiéger, Seven s’y était égaré. « Fais-moi confiance. On est potes, non ? » Défiance impétueuse dans la voix les propos, quand tout le corps lacéré clamait au cessez-le-feu au moins un instant dans cette vie. « Arrête tes conneries » Ça prend pas avec moi. « J’te fais confiance, c’est pas le problème » Il avait l’intonation calme mais forte des malfrats qui se laissaient pas marcher dessus, de celui qui s’était fait une place dans le fer et la poussière et qui savait se faire entendre. Ce n’était pas un cerveau, ce n’était pas une lumière, mais il avait la carrure le passé et le regard pour se faire respecter.

Il aurait aimé ne rien craindre, Malo. Être infaillible. Le problème, c’était que toutes ses fréquentations semblaient vouloir lui fracasser la carcasse. Trop d’inquiétudes pour tout le monde, pour les affaires, à se demander perpétuellement comment survivre entre sa famille abîmée, son meilleur ami derrière les barreaux à devoir assimiler autant sa place précaire que le départ assassin de sa sœur. Ceux qui voulaient perpétuellement l’abattre pour des merdes ou pour le business. Et, la poignée de ses proches qui ne savaient pas faire un pas sans se retrouver la gueule placardée dans toutes les ruelles.

« J’veux pas venir te chercher dans le caniveau Seven. »

La vérité c’était qu’il avait déjà perdu Lula, qu’il pouvait perdre Nash à tout moment, il était hors de question que ses craintes à l’égard de Seven ne deviennent virales. Il y avait bien assez d’âmes en peine dans son entourage. Lula avait non seulement disparue par sa faute, mais il s’imputait en plus son assassinat sous sa responsabilité. Ça faisait quatre années poussières et la blessure au fond de son âme était encore béante. Ça faisait partie des erreurs qu’il ne se pardonnerait jamais, tout comme celle d’avoir laissé le crevard responsable en vie. Il n’y avait jamais de bons choix, que des décisions difficiles. Ce ne serait pas à cause de lui que quelqu’un parviendrait à faire taire définitivement Seven, mais ce serait quand même sous sa responsabilité. « M’dis pas que j’ai pas à le faire, parce qu’on sait très bien que j’ai pas besoin d’ta permission pour ça » La férocité sérieuse vint assombrir son regard, et la brutalité de ses mots se faisait indiscutable. « Si tu crèves comme une merde, ça sera la plus grosse connerie de ta vie et j’viendrais te buter moi-même par-dessus pour que tu l’comprennes bien. » Ce n’était pas une flèche, mais il n’était pas un demeuré fini, il espérait juste qu’en insistant sur cette image, Seven comprenne bien que Malo n’acceptait pas forcément tous ses choix de vie. Mais n’oublions pas, il n’y avait jamais de bons choix dans leur monde. Il s’adossa finalement sur sa chaise pour remettre un peu de distance entre eux, comme pour lui permettre de mieux respirer. Lui laisser le temps de comprendre les enjeux. « Tu sais que j’peux t’aider, hein ? » Ses propres traits ne s’étaient pas adoucis, mais c’était bien la faute de tous les rôles qu’il endossait, d’être peut-être trop autoritaire. « J’peux pas te laisser repartir avec un flingue sans comprendre c’qui se passe » Un regard entendu. « Ce qui t’arrive vraiment »


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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyDim 18 Fév - 18:05

« Fais-là à d’autres mais pas à moi mec. Ça fait des années que tu traînes dans des endroits craignos et t’as jamais cherché à en avoir besoin. » Malo a raison et ça l'agace, ses molaires qui s'enfoncent dans l'intérieur de sa joue, ses lèvres qui se pincent. C'est vrai il en a jamais eu besoin mais maintenant tout est différent tout a changé, il se sent constamment en danger, chaque jour il se lève en s'demandant si ça sera le dernier. Il mange plus il dort à peine, plus ça va plus il a du mal à respirer, plus avance plus il s'enfonce et plus il se noie – il peut pas continuer comme ça. Peut-être qu'il lui suffirait de le dire, d'avouer ce qui ne va pas, d'expliquer qu'il veut pas crever et que la soif de vengeance le ronge petit à petit. Pourtant les mots n'veulent pas venir, son regard planté dans le sien, le silence qui pèse entre eux. Il refuse de parler ; ça reviendrait à avouer ses faiblesses et il peut pas s'y résoudre. Pas même face à Malo.

Un peu désespéré, il balaie tout du revers de la main. Un sourire forcé sur ses lèvres craquelées, la fatigue qui a drainé toute lueur au fond d'ses yeux. Il n'est qu'une putain d'ombre, à balancer des mensonges dans lesquels il ne met aucun effort, feindre la désinvolture alors que la haine pulse continuellement dans ses veines. Ça marchera pas et il le sait au fond, mais ça l'empêche pas de tenter. « Arrête tes conneries. J’te fais confiance, c’est pas le problème. » Il ricane, baisse les yeux, termine son verre d'une traite. Quand son regard revient trouver le sien, y a une pointe de défi qui se fait sentir – un truc trop sombre, qu'il affiche rarement face à Malo. « Alors c'est quoi hein ? Tu m'fais confiance mais tu préfères vendre à des inconnus plutôt qu'à moi ? Te fous pas d'ma gueule. » L'impatience le rend agité, ses poings qui se serrent et se desserrent par intervalles, sa jambe qui vibre alors qu'il secoue doucement la tête, se mordant la lèvre, le regard qui se met à traîner partout sauf sur Malo.

Il comprend pas ce refus. Il s'attendait pas à un oui sans condition sans question, il savait bien qu'il s'en sortirait pas si facilement. Mais c'est pire qu'il ne le pensait et il sait pas comment l'amadouer, il est pas en capacité de négocier quand il est aussi enragé. Pourtant il reste sous contrôle, peu importe la nervosité et son corps qui trahit la colère qu'il contient, il ne fait pas de vagues. La sensation de sécurité qui apaise un peu ses instincts, l'aura de Malo qui garde la tempête à un niveau tolérable. Il n'explosera pas – pas ici, pas avec lui. « J’veux pas venir te chercher dans le caniveau Seven. » Il se fige une seconde, mais il ne le regarde pas. Il voudrait l'envoyer chier ou lui rire au nez mais il n'y arrive pas, silencieux, mâchoires tellement crispées que ça en devient douloureux. « M’dis pas que j’ai pas à le faire, parce qu’on sait très bien que j’ai pas besoin d’ta permission pour ça. » Il n'a même pas besoin de parler pour que Malo sache ce qu'il a à en dire et ça l'énerve, ses prunelles qui reviennent enfin se heurter à la férocité des siennes. « Si tu crèves comme une merde, ça sera la plus grosse connerie de ta vie et j’viendrais te buter moi-même par-dessus pour que tu l’comprennes bien. » Un nouveau ricanement lui échappe et il se rabat contre le dossier de sa chaise, à demi avachi, une main qui passe dans ses cheveux en vrac avant de retomber mollement contre sa cuisse. « Va t'faire foutre. » Ça sonne pas agressif, juste lassé, un peu désabusé. « C'est justement pour éviter d'crever que j'veux un flingue, tu piges ? Si j'suis là c'est parce que j'pensais que j'pouvais compter sur toi. » Il a toujours pu le faire jusqu'ici, il voit pas pourquoi ça changerait. Il sait que c'est le cas même si Malo refuse de céder comme il le voudrait, même s'il se retrouve confronté à ses questions et son regard implacable. Il lui reste plus grand monde sur qui compter – Malo fait partie des derniers rescapés. « J'ai pas besoin que tu m'casses les couilles avec ton blabla, j'ai juste besoin d'un putain de flingue. » Il en parle comme si sa vie en dépendait, comme s'il restait que ça pour le sauver.

Malo veut pas venir le chercher dans le caniveau mais c'est trop tard, il a déjà un pied dedans.

Bras croisés contre son torse et regard fuyant, il sent celui de Malo continuer de peser sur lui. C'est comme une enclume sur sa poitrine – il a du mal à respirer. « Tu sais que j’peux t’aider, hein ? » Et s'il en a pas envie ? Et s'il est trop occupé à tout détruire pour laisser qui qu'ce soit l'approcher ? Et s'il s'est enfoncé tellement loin dans ses propres ténèbres qu'on ne peut plus venir le chercher ? C'est plus facile de continuer à creuser plutôt que de remonter ; bientôt sa tombe sera prête et il n'aura plus qu'à attendre qu'on l'y pousse. « J’peux pas te laisser repartir avec un flingue sans comprendre c’qui se passe. Ce qui t’arrive vraiment. » Il peut pas lui échapper, il le sait. Il a foncé dans la gueule du loup les yeux fermés et maintenant il peut plus en sortir sans céder un peu de terrain, sans lui donner de quoi apaiser les instincts protecteurs, inquisiteurs. « Ça changera quoi ? » Est-ce qu'il dira oui s'il accepte de lâcher une ou deux informations ? Il en est même pas sûr et il est là, à remonter ses yeux sur lui une fois de plus, carcasse échouée sur la chaise comme s'il pouvait plus se tenir droit, comme s'il avait même plus l'espoir de réussir à se redresser. « Tu veux savoir quoi, t'façon ? Qui a fait ça ? » Sa main s'oriente vers la balafre qui trône sur sa joue. « Sur qui j'veux tirer ? Qui me butera en premier ? Y a toute une liste, putain. » Un rire lâché comme une balle, ça siffle dans l'air et il s'essouffle tout seul, la gorge nouée et les tripes à l'envers. Ses poings se serrent encore et encore contre ses cuisses – si fort qu'on dirait que la chair sur ses jointures va se déchirer, les croûtes qui menacent de s'arracher, mains fatiguées d'avoir trop cogné. « J'te demande pas la lune bordel, j'veux juste un truc pour me protéger. » Parce qu'il se sent vulnérable et c'est encore pire de le dire à voir haute, ça lui donne envie de hurler et d'abandonner, se tirer en renversant toutes les tables sur le chemin jusqu'à la porte. Mais y a ses yeux dans les siens et ça l'ancre dans la réalité, ça l'empêche de vriller. Il s'y accroche comme un naufragé à sa bouée, épave à la dérive il compte sur Malo pour le guider sur les côtes, Malo la dernière lueur du phare qu'il s'applique à détruire morceau par morceau. « J'arrête pas d'merder et ils veulent me l'faire payer et– » Il se mord la langue, pense à tous ceux sur qui il a déversé sa colère sans raison, tous ces visages qui le hantent et la culpabilité qui lui bouffe les entrailles. Il pense à ses victimes à ses bourreaux, ceux qu'il a souillés et ceux venus les venger, la justice qui s'abat sur lui parce qu'au fond il l'a cherché et il le sait, il récolte juste ce qu'il a semé. « J'arrive pas à m'arrêter. » Il essaie pourtant, chaque fois qu'il est proche de l'explosion il se répète de ne pas l'faire, chaque fois qu'il cède qu'il cogne qu'il étrangle qu'il fracasse tout sur son passage. Il est plus capable de se contenir – une étincelle et il s'embrase sans pouvoir s'en empêcher. Son monde réduit en cendres et lui avec, parce qu'en détruisant tout ce qui l'entoure il s'enterre seul sous les décombres. « Ils m'tournent tous le dos. » Il les pousse à l'abandonner et quand c'est pas ça c'est lui qui s'en va. « Pas toi aussi putain. » Si ses appuis les plus solides se font la malle, c'est qu'il ne lui reste vraiment plus rien.
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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptyJeu 8 Mar - 0:16

Seven n’était qu’un amas de chair consumée, dans la désinvolture et l’usure, l’éclat terne des condamnés au fond de ses prunelles. Il avait la beauté fanée de la douleur des âmes écorchées vives, de celles qui n’avaient plus rien à perdre, qui n’avaient plus forcément la hargne de continuer – mais qui avaient surtout la peur aux tripes, de devoir crever en premier sans pouvoir abattre les macchabés semés dans son sillage. La fureur encastrée dans les souillures sur son âme son épiderme, jusque dans la mémoire. Malo pouvait deviner sa mâchoire contractée au déplacement imperceptible du bas de son visage, l’agacement engendré par ses paroles par ses muscles tendus à travers ses vêtements. Le refus d’obtempérer, encore quelques instants, continuer d’avancer sur la pente raide avant de la dévaler sans retenue pour ne trouver que la chute. Le silence ponctué par les gorgées brûlantes, les souffles brisés. C’était la confrontation entre celui coincé à jamais dans son passé en ayant oublié d’avancer, et celui qui pouvait entrapercevoir ses jours prochains en ne sachant pas comment les affronter. Futur funeste en perspective, de la promesse d’un destin insipide qui n’épargnait jamais la vermine.

Seven désarticulé âme fissurée, plaie béante au creux de la conscience. La main qui s’égara dans le vide comme on balaierait des absurdités, l’esquisse damnée qui se profila sur ses lèvres comme les prémices d’une exécution. La question de la confiance mise sur la table, malmenée par les véracités de chacun, tels les rapaces à se battre pour la même carcasse. Elle devrait être une évidence, pour chacun d’entre eux. Ce fut ce qu’il lui affirma, en tout cas, que ce n’était pas sa confiance en lui qu’il remettait en cause – il n’irait pas jusqu’à le laisser faire les yeux fermés, mais il avait toujours placé une certaine foi en lui. Il espérait que ça ne soit pas à tort, alors que c’était Seven qui semblait se battre contre ses certitudes, à ébranler la confiance que lui portait au russe. « Alors c'est quoi hein ? Tu m'fais confiance mais tu préfères vendre à des inconnus plutôt qu'à moi ? Te fous pas d'ma gueule. » Il n’appréciait pas la pénombre nouvelle qu’il pouvait apercevoir dans son regard, ce gouffre prêt à déverser les maux de tout un être immolé dans sa colère. Pas de collision oculaire, pourtant, comme s’il n’assumait pas vraiment ses paroles sa présence. Le jeune Popescu ne parvenait pas à s’accrocher à son regard alors qu’il était parfaitement ancré sur chaque parcelle de sa peau, égratignant la chair pour mettre à nu les pensées les secrets. « Acquis d’conscience. » qu’il affirma, imperturbable. « Je m’en branle de la vie de ces inconnus, mais toi, c’est une autre affaire » Il n’avait aucune raison de le taire, pas d’hésitation à le cacher. C’était sa manière de marchander, après tout. Vendre des armes la conscience tranquille, pas l’âme en peine à s’arracher la patience sur le bitume en attendant qu’un des gamins auxquels il tenait se prenne une balle pour avoir lancé les hostilités avec une arme qu’il lui aurait refourgué. Il avait été spectateur et acteur de beaucoup trop de conflits dans ces rues sordides, pour se permettre un écart à l’égard de Seven.

Il insista, lui avoua qu’il ne voulait pas le récupérer dans le caniveau. Il ne voulait pas de son cadavre, Malo, il ne voulait pas de sa tombe. Il ne voulait pas de proches supplémentaires dans le cimetière de Savannah ou dans la cavité de son cœur dédiée aux disparus de toute nature. Trop de fantômes autour de lui, autour d’eux, trop de poids traînés dans les pieds. Mais Seven se fit de marbre, statue de pierre en perdition, au bord de la rupture dans toutes ses fissures. Il touchait sa cible dans le mile dans les fêlures les brisures, il avait raison et le silence n’en était que plus percutant. Du déclin à la chute, la frontière était poreuse. Le vaincu s’affaissa sur son siège, soufflé dans ce conflit qu’il n’avait probablement jamais souhaité. Ricanement des effrontés, mais ricanement brisé. « Va t'faire foutre. » Touché, Seven, touché dans les profondeurs bientôt coulé dans les abysses. « C'est justement pour éviter d'crever que j'veux un flingue, tu piges ? Si j'suis là c'est parce que j'pensais que j'pouvais compter sur toi. » La réponse fusa, du tac au tac, impassible. « C’est justement pour pas qu’tu crèves, que ça m’plait pas de te filer un flingue » Il pouvait compter sur lui, malgré sa réticence, il devrait le savoir. C’était bas comme attaque, mais à d’autres que Malo pour l’ébranler sur ses positions. Il était solide dans des appuis, il savait ce qu’il valait. Pas grand-chose, si ce n’était même rien, mais certains pourraient toujours être sûrs de l’avoir à leurs côtés. « J'ai pas besoin que tu m'casses les couilles avec ton blabla, j'ai juste besoin d'un putain de flingue. » Ça n’avait jamais été un grand bavard, le russe, pourtant il pouvait être doué de grands discours moralisateurs particulièrement détestés de ses frères et sœurs. Ce soir, c’était Seven qui en faisait les frais, bien malgré lui bien qu’il était celui qui avait amorcé cette situation. Il lui concéda cette semi-victoire, n’ajoute rien de plus par-dessus. Il s’était également adossé à son siège, mais le contraste était saisissant entre le deux, entre le maître des lieux et l’âme bousillée. Un peu trop brutal dans ses paroles, Malo, quand il insista sur son aide. Un peu trop raide, dans ses traits sa gestuelle. Sa douceur s’était envolée depuis bien des années avec un cadavre aux cheveux de jais devenu poussières, et la carapace de fer s’était d’autant plus forgée en épaisseur à mesure qu’il maintenait son royaume de néant. Toujours un brin autoritaire quand il s’adressait aux jeunes de sa fratrie, et c’était la même impression qu’il avait envers Seven. De cette autorité paternelle sans réellement l’être, pas pour autant fraternelle non plus – quelque part entre les deux, entre eux. « Ça changera quoi ? » Tout. Ça peut tout changer, de la vie à la mort il n’y a qu’un pas ; le tien, vers moi. « Ça peut changer beaucoup de choses, Seven » Son prénom glissa sur sa langue, ajoutant une touche de gravité à sa réponse. Il n’y avait plus la place à la plaisanterie, au doute, à la quincaillerie des remarques défiantes. « Tu veux savoir quoi, t'façon ? Qui a fait ça ? Sur qui j'veux tirer ? Qui me butera en premier ? Y a toute une liste, putain. » L’éclat déraillé se percuta contre sa conscience entre les murs entre leurs corps, balle perdue dans la déflagration. Elle toucha chaque parcelle de raison de patience, fracassant les craintes de Malo, l’ampleur de la déclaration s’immisçant dans ses veines dans une colère sourde. Sa mâchoire se contracta, peut-être même ses phalanges autour de son verre vide, mais tout le reste de son corps demeura placide. Flegme de l’inébranlable dans la chair, quand le désordre accablait ses pensées. « J’veux cette liste. » Syllabes détachées dans un calme électrique, intonation trop froide pour se faire plaisante à entendre. Mais il n’eut pas le temps d’insister, pas le temps de riposter, Seven enchaînait déjà ne lui laissait pas de répit pour encaisser prendre des décisions. « J'te demande pas la lune bordel, j'veux juste un truc pour me protéger. » Aveux égarés dans une tempête invisible, leurs regards entrechoqués dans la mélasse pour faire face. À tout, n’importe quoi, n’importe qui. C’était une promesse muette dans les prunelles du loup, qu’il ne laisserait personne l’abattre. Sauf qu’il y avait encore cette équation suspendue entre eux, cette demande pour laquelle il n’arrivait pas à se résoudre. « J'arrête pas d'merder et ils veulent me l'faire payer et– » « Je sais » de cette compréhension de la gangrène, de celui qui avait toujours fait des choix déplaisants aux yeux des autres. Ces autres qui survivaient pourtant, grâce à ça. « J'arrive pas à m'arrêter. Ils m'tournent tous le dos. » Mots mitrailles sur sa volonté, peiné devant ses blessures, abîmé dans son fracas. Ça lui faisait mal, de l’entendre dire ça – de percevoir sa douleur sa rancœur. « Pas toi aussi putain. » Ça lui faisait mal, d’effleurer sa solitude entre ses doigts. « тупи́ца » Imbécile, cette pensée ne devrait même pas lui effleurer l’esprit. « Y a pas de raison »

Seven était un miroir de lui, plus jeune. Et Malo n’avait jamais apprécié les miroirs, car il en connaissait déjà la fin de l’histoire : le néant. Seven ne pouvait pas prendre le même chemin que lui, l’ombre tâchée du sang de ses proches et d’inconnus multiples, il ne se le permettrait pas. Il ne se le pardonnerait pas. Il ne pouvait pas connaître la même chute que lui, il ne pouvait pas savoir comment il l’encaisserait. « Ecoute » Il se redressa sur sa chaise, croisa les bras sur son torse. Son discours n’allait pas lui plaire, évidemment, mais il ne pouvait pas ployer l’échine au nom de leur amitié. « Un flingue rattrapera pas toutes les merdes que t’as fait. Blesser, tuer, n’apaisera pas la douleur qu’tu ressens. » Cette douleur était de celles qui ne partaient jamais, qui se tapissait dans un coin sombre de son crâne et qu’on apprenait à côtoyer chaque jour mieux vivre avec. Jusqu’à ce qu’elle se fasse plus douce, dénuée de remords et de doutes, et qu’on l’apprivoise. Mais ça ne devrait pas être normal, de s’adapter à ce genre de mal – et ça ne devrait pas être acquis, que Seven y passe également. « C’est c’que tu crois sur le moment. L’adrénaline c’est une sacrée merde, ça t’fais croire au soulagement, ça te montre une porte de sortie » Son regard accroché au sien, repoussant le moment butoir où il devra lui annoncer sa décision finale. Celle qu’il avait prise dès le départ, pourtant. « Y a pas de sortie, Seven. » Malo dans tout son pragmatisme, présent par la dureté de ses mots – mais c’était de cette manière qu’il maintenait les troupes les âmes et les fantômes. Il n’existait pas de sortie fiable à l’enfer dans lequel il s’était plongé, juste une spirale infernale et d’autant plus dévastatrice qui l’attendait s’il se retrouvait avec des balles entre les mains. « Tu dois être plus intelligent qu’eux, sans flingue. » Les décisions n’étaient jamais faciles, même s’il semblait les prendre d’une évidence déconcertante. Il voudrait bien lui donner, ce flingue. Accéder à sa demande, lui permettre la défense par les armes assassines. Ce n’était pas de gaieté de cœur, que de le laisser ainsi démuni. Mais son instinct lui soufflait que c’était la meilleure des pires décisions à prendre, celle qui le préserverait encore un peu de la chute. Une blessure par balle était irrémédiable, si elle n’éteignait pas la conscience elle la brisait pourtant pour toujours. Au-delà de ceux qui voulaient lui faire la peau, Seven pouvait abattre n’importe qui d’un excès de colère ou dans une crise disjonctée. Ainsi au bord de la rupture, comme il l’était déjà assis en face de lui, le pire pouvait survenir. Il pouvait retourner le flingue contre sa famille, contre Anca – pire, contre lui-même. D’autant plus que Nash purgeait sa peine, et Malo avait déjà vendu plus de la moitié de sa vie aux instituts pénitentiaires de tout âge. Il ne voulait pas que Seven tombe dedans à son tour, et il ne le fera pas. Il ne savait pas comment éloigner les pistes jusqu’à lui, comment être certain de faire taire tout témoin d’une blessure par balle, à commencer par la victime elle-même. Il ne savait pas comment camoufler un meurtre, comment cacher un corps, comment transformer la scène pour qu’on pense qu’il est question d’un règlement de compte entre gangs. Il y avait trop de maux qu’il ne connaissait pas encore et qu’une arme entre les mains ne ferait que précipiter vers la chute sans qu’il puisse les assimiler. Trop de variables, qui pouvaient encore éloigner Seven de la version que Malo était devenu, en suivant ce chemin fracturé dans l’acier l’hémoglobine le bitume.


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MessageSujet: Re: no issues (maven)   no issues (maven) EmptySam 10 Mar - 10:54

« Acquis d’conscience. Je m’en branle de la vie de ces inconnus, mais toi, c’est une autre affaire. » Et en cet instant il aurait voulu que Malo n'ait aucune conscience, aucun intérêt pour sa putain d'vie. Il aurait voulu avoir Nash en face plutôt que lui, parce qu'il est convaincu que le résultat aurait été différent, persuadé qu'il aurait pu le convaincre, lui. Pas Malo. Le choix a été fait à la seconde où il a demandé, il le voit il le sent, il sait, il le connaît – Malo changera pas d'avis. Comme un enfant fâché il vient croiser ses bras contre son torse, mâchoires crispées et lèvres si pincées qu'on dirait qu'il n'en a plus. Il le fixe, la colère qui émane de lui par vagues, qui se mêle à l'impatience qui continue de l'agiter sur sa chaise. Il n'est qu'une grenade dégoupillée, y a plus qu'à attendre l'explosion. Pourtant il veut pas, pas là pas comme ça, pas face à lui. Y a quelque chose qui le contient malgré la frustration qui le rend d'autant plus instable, ses poings tremblent mais restent sagement à leur place. Il ne bouge pas.

« C’est justement pour pas qu’tu crèves, que ça m’plait pas de te filer un flingue. » Le débat est stérile, il a beau lui expliquer qu'il a besoin de ça pour assurer ses arrières, Malo continue de le contredire. Ils campent sur leurs positions et y en a pas un qui veut ployer l'échine, pas un qui est prêt à faire la moindre concession. « Mais tu comprends rien bordel ! » Sa voix qui vibre dans le bar quasi vide, juste eux et le poivrot qui agonise à l'autre bout de la salle, le chien toujours couché près d'eux. « Tu m'écoutes pas. » L'impression de parler dans le vent ou à un mur, un bloc de béton immuable. Il pourrait gueuler ou même cogner que ça changerait rien, il se briserait les poings avant de réussir à changer quoi que ce soit et il le sait. Il voit que rien ne suffira à changer la position de Malo, quoi qu'il fasse et quoi qu'il dise c'est foutu. P't'être qu'il s'y est mal pris dès le début, qu'il a eu la mauvaise approche et les mauvais mots, qu'il s'est tiré une balle dans l'pied lui-même. Il en sait rien mais ça le rend fou de voir que tous ses efforts sont réduits à néant, qu'il se bat dans le vide. Malo qui n'veut rien savoir, sauf peut-être ce qui se passe dans sa vie et Seven n'est pas sûr de vouloir lui dire – de toute façon il voit pas ce que ça peut changer à la situation. « Ça peut changer beaucoup de choses, Seven. » Pas celles qu'il faut, il est même certain que ça convaincrait encore plus Malo de n'pas lui céder. Il voit même pas ce qu'il pourrait bien lui dire, les choses qui le rongent sont trop nombreuses pour les nommer, trop honteuses pour les avouer. Il n'arrive même plus à affronter son regard, le sien qui fuit alors qu'il cède du terrain, juste un peu, juste assez pour laisser entendre qu'il a plus d'une personne sur son radar – ou lui sur le leur. « J’veux cette liste. » Ses yeux viennent retrouver ceux de Malo et y a cet espèce de rire qui lui échappe, ce truc un peu cassé, à bout d'souffle. Pendant une seconde il considère l'option, réfléchit à ce qu'il pourrait dire. Les noms qui tournent en boucle dans sa tête mais avec eux les actions et il n'est pas prêt à énoncer tout ce qu'il a fait, tout ce qui lui a été fait. Pas prêt à avouer, à assumer. Sûrement qu'il pourra jamais, que tout restera enfoui en lui jusqu'à la tombe et à ce rythme elle risque de venir bien plus tôt qu'elle n'aurait dû.

Ses lèvres qui s'entrouvrent comme s'il allait parler puis se referment, ses yeux qui se baissent une fois de plus. Il a envie d'lui dire, il a envie de se libérer un peu du poids qui pèse sur sa poitrine et l'empêche de respirer. La dernière fois qu'il a tenté de faire ça c'était avec Anca et elle n'a rien écouté – pas plus qu'il ne l'a écoutée elle. Il se souvient des cris et des pleurs, les reproches qui fusent et les bleus qu'il a vu s'étaler sur sa peau. Il se souvient de la rage, l'ultimatum qu'il a posé, la douleur quand elle ne l'a pas choisi. La rancœur qui s'est étalée pendant des mois, tout ça parce qu'il a voulu parler, tout ça parce qu'il a cru qu'il pouvait trouver un peu de paix en se confiant. Il l'a pas fait, tout s'est délité entre ses doigts avant qu'il n'ait pu lâcher quoi qu'ce soit. Il veut pas que ça recommence. Il peut pas parler parce que ça n'apporte rien de bon, parce qu'on ne l'entend pas, parce qu'il veut pas montrer ses faiblesses, ses pires aspects et toutes les plaies qu'il sait plus comment refermer. Alors à défaut il referme juste la bouche sans qu'aucun son n'en soit sorti, la faille qui disparaît aussi vite qu'elle est apparue, la résignation qui assombrit son regard.

Il ne parlera pas.

Tout ce qu'il est capable de lâcher c'est qu'il enchaîne les faux pas et le piège se referme autour de lui, il voit les barreaux d'la cage se dessiner, entend le verrou qu'on tourne alors qu'il s'enfonce dans ses propres ténèbres. Il sait plus comment s'en sortir. « Je sais. » Malo comprend, il connaît ça, pourtant c'est pas assez. Il prend son refus comme une trahison, comme s'il lui tournait le dos dans le pire des moments, comme s'il préférait le laisser se battre à mains nues face à tous ces monstres aux crocs acérés. Il les sent autour de lui, les voit partout, chaque fois qu'il ferme les yeux il a peur de s'faire dévorer. « тупи́ца. Y a pas de raison. » Le russe qui claque dans l'air comme souvent, qu'il ne comprend toujours pas – mais il est sûr d'avoir déjà entendu ces intonations, Malo qui le traite d'abruti ou quelque chose du genre, c'est pas difficile à deviner. « Écoute. Un flingue rattrapera pas toutes les merdes que t’as fait. Blesser, tuer, n’apaisera pas la douleur qu’tu ressens. » Il le regarde se redresser alors que lui s'enfonce un peu plus dans son siège, avachi comme s'il pouvait plus se tenir droit à cause de tout ce qui pèse sur ses épaules, Atlas de petite envergure, aux forces diminuées, l'échine prête à se briser. Il voudrait lui dire que ça n'apaisera peut-être pas la douleur mais ça les empêchera de l'aggraver, d'approfondir les plaies et d'en causer des nouvelles, de creuser sa peau ses os, leurs griffes qui s'enfoncent dans sa cage thoracique pour déchirer son cœur atrophié. Il voudrait le contredire, mais Malo le devance. « C’est c’que tu crois sur le moment. L’adrénaline c’est une sacrée merde, ça t’fait croire au soulagement, ça te montre une porte de sortie. » La seule qu'il voit c'est la mort, pour eux ou pour lui il sait plus vraiment, mais y a que ça qui pourra le libérer. Ça ou la fuite, et s'il en a pas été capable toutes ces années il voit pas pourquoi il le serait aujourd'hui. Avant c'était le bon moment, maintenant ça serait juste lâche et il peut pas s'y résoudre, même si ça finira par lui coûter sa vie. « Y a pas de sortie, Seven. » Il se sent transpercé par son regard, les mots qui résonnent dans sa tête, la vérité qu'il a trop de mal à avaler, ça fait une boule dans sa gorge. S'il n'y a pas de sortie ça veut dire qu'il est déjà foutu, ça veut dire qu'il aura jamais la paix. « Ferme ta gueule. » C'est qu'un murmure pourtant toute sa fureur est palpable, parce que s'il sait encaisser les coups il a toujours eu plus de mal avec les mots, ceux de Malo qui énoncent les choses sans la moindre pitié. Il veut pas croire que c'est tout ce qu'il y a pour lui, qu'il aura jamais rien d'autre que ça, cette rage qui s'mêle à la douleur, le mal qui le ronge et le gangrène de l'intérieur.

« Tu dois être plus intelligent qu’eux, sans flingue. » Y a quelque chose d'incrédule dans ses yeux quand il les plonge dans ceux de Malo à nouveau, quand il secoue la tête en se redressant enfin sur son siège pour mieux venir appuyer ses bras contre le bois de la table. « C'est pas une question d'intelligence, c'est une question d'survie. Pourquoi tu veux pas comprendre ça ? » Ses mots qui sifflent entre ses dents comme des balles, la colère qui ponctue chaque syllabe. « J'en ai rien à foutre d'être le plus malin, j'veux pas crever c'est tout. » Et au final c'est déjà beaucoup, c'est qu'il est pas encore foutu, c'est qu'il lui reste assez de force pour continuer à se battre. Tant pis si c'est trop vide à l'intérieur, si ça fait trop mal de se tenir debout – il lâchera pas tant qu'on l'aura pas achevé, une bonne fois pour toutes. « Tu crois qu'tu sais tout hein ? T'es là avec tes grands discours et tes conseils à la con, mais c'est pas ça qui va m'aider. » C'est pas ça qui le protégera des démons qui gravitent dans sa vie, ceux qui veulent sa peau et ceux qui sont déjà enfouis en lui.

Ses lèvres s'étirent dans cet angle amer, celui qui donne des airs de balafre à son sourire. « T'as raison y a pas d'sortie, j'sais pas pourquoi j'ai cru qu'tu m'en donnerais une. » Le ton des reproches pèse trop lourd alors qu'il finit par se lever, ses poings serrés contre ses flancs, ses muscles tendus à l'extrême qui trahissent la fureur qu'il continue pourtant de ravaler. Il la sortira ailleurs, plus tard, dans le chaos le plus total une fois qu'il sera loin de Malo, une fois qu'y aura plus rien pour le canaliser.

Un dernier regard dans sa direction, sa voix qui s'élève une dernière fois avant qu'il ne tourne les talons. « Si on m'retrouve mort, tu sauras pourquoi. » Et s'il ne prononce pas la dernière partie, elle se devine entre les lignes : à cause de toi.

( RP TERMINÉ )
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