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 nowhere left to fall (maven)

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Seven Popescu

Seven Popescu
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MessageSujet: nowhere left to fall (maven)   nowhere left to fall (maven) EmptyDim 11 Mar - 2:19

Les néons lui font mal aux yeux, les aiguilles qu'il regarde tourner avec l'impression que quelqu'un les a foutu au ralenti. Le temps n'passe pas et il devient fou, à faire les cent pas dans le couloir aseptisé, à agresser la fille de l'accueil toutes les dix minutes en exigeant des nouvelles qui ne viennent pas. On s'occupe d'elle qu'on lui assure encore et encore mais ça veut rien dire ça putain, il a besoin de savoir qu'elle est en vie, qu'elle va s'en sortir, que tout ira bien.

Il sait que c'est faux.

Elle a voulu crever et ça veut tout dire, elle l'a fait chez lui et c'est encore pire. Le message subliminal est parfaitement passé, sa rancœur il la sent elle lui tord les entrailles, le glace jusqu'à la moelle. Elle lui en veut. Elle allait partir sans lui avoir pardonné.

Quand il ferme les yeux il revoit son visage blême et la seringue, le flacon, le bleu au creux d'son coude, là où elle s'est piquée. L'air paisible sur ses traits comme pour le narguer, lui dire que tout est mieux là-bas, loin de tout loin d'eux loin de lui.

Elle a voulu crever et c'est d'sa faute. Elle n'a pas pardonné mais lui non plus – il se le pardonnera sûrement jamais.

Les heures continuent de passer et on n'lui dit toujours rien. Il fait des allées et venues entre le couloir et l'extérieur pour fumer encore et encore, s'encrasser comme si ça pouvait l'aider à mieux respirer. L'envie de chialer revient par vagues, quand il l'imagine mourir là-bas, branchée à des machines dans un lit trop froid, entourée de gens qu'elle ne connaît pas. Ses yeux sont rouges mais il n'a pas laissé couler une seule larme, refusant catégoriquement de laisser filtrer la moindre trace de faiblesse. Pourtant la tristesse est insupportable, la douleur s'accroît au fil des minutes et ça devient dur de respirer, la gorge qui se noue jusqu'à lui donner l'impression de suffoquer. Il est obligé d'aller se planquer dans les chiottes pour se reprendre, se forcer à inspirer expirer, souffle tremblant, lèvres qui tressautent comme si les sanglots se bousculaient pour passer la barrière qu'il s'impose.

Il ne cède pas. Peu importe combien ça devient dur de lutter, combien il a envie de se caler dans un coin pour ouvrir les vannes et juste pleurer, pleurer jusqu'à se dessécher, jusqu'à ne plus rien avoir à donner.
Il se l'interdit.

Il se demande qui prévenir, il n'a pas pris son portable et il est hors de question d'appeler la baraque familiale. Il aurait voulu se contenter de textos mais il peut pas alors il fait rien, il s'en occupera plus tard, quand il aura récupéré son téléphone. Avertir certains membres de sa fratrie – Mihail, Rez, Ioan, ils se chargeront de le dire aux autres – et leurs contacts communs, ceux qui datent – Malo, Nash.

Il sait pas vraiment comment gérer la situation, complètement à côté de la plaque quand on vient lui poser des questions, sur elle, ses antécédents, sur comment et où elle a trouvé la drogue. Les airs d'interrogatoire qui le mettent sur ses gardes mais peut-être pas assez, il répond sans trop réfléchir, finit par tous les envoyer chier.

Et l'heure qui continue de tourner et on lui dit juste que son état est stable, qu'elle devrait s'en sortir correctement même si on est pas trop sûr, même si on sait pas vraiment comment ça ira tant qu'elle sera pas réveillée. La tristesse qui se mue en colère parce que c'est plus facile à gérer, la rage il sait comment l'accepter, il sait comment vivre avec. Le chagrin c'est trop salaud ça fait trop mal, ça l'empêche de respirer putain il peut pas supporter ça. Il préfère avoir la haine, les veines qui s'échauffent et les poings qui se serrent, les envies de violence qui viennent remplacer les sanglots ravalés. Il est furieux, contre elle, contre JJ, contre lui-même, contre le monde entier. Contre les Popescu, contre tous ceux qui lui ont fait du mal avant lui, contre tous les Kids pour abriter un tel monstre en leur sein. Contre son incapacité à l'avoir buté avant, toutes les fois où il l'a promis, où il aurait dû. Contre Malo, pour n'pas lui avoir donné de flingue quand il l'a demandé – ça aurait rendu les choses plus faciles il en est persuadé, il aurait réussi à le tuer et ils auraient eu la paix, Anca serait pas alitée dans une chambre d'hôpital. Et bien sûr c'est absurde, c'est juste des hypothèses et des et si qu'on se répète à l'infini pour s'dire que c'est la faute des autres, que si tout a merdé c'est parce qu'ils ont pas fait ce qu'il fallait.

Parce que la culpabilité pèse trop lourd pour qu'il puisse le supporter.

Et si parmi toute la liste il choisit de blâmer Malo, c'est peut-être pas si anodin, c'est peut-être parce que c'est la seule personne qu'il se sent capable d'affronter là tout de suite. Parce qu'il tourne en rond et que ça n'lui sert à rien de rester ici à harceler tout le monde, parce qu'il va finir par se faire virer s'il continue à leur parler comme à des chiens. Alors il s'en va, la nuit qui l'enveloppe, les rues qu'il remonte à pieds, peu importe le nombre de quartiers à parcourir. Ça lui laisse le temps de ruminer sa rage et sa haine, se persuader qu'il aurait pu inverser la balance s'il avait eu un flingue, s'il avait pu lui coller une balle entre les deux yeux quand son stratagème de merde a été révélé. Lui faire payer sur l'instant, ne diriger sa fureur que sur lui et pas sur elle, lui tendre la main et la sortir de là avant qu'elle veuille en finir.

Au fond il sait qu'il se berce d'illusions, qu'il cherche à se rassurer parce qu'il est incapable d'assumer – une part de lui en a conscience mais il est pas prêt à l'accepter, alors il s'attaque à ce qu'il lui reste parce que c'est tout ce qu'il sait faire, ronger ce qu'il y a de bon dans sa vie jusqu'à tout effacer, jusqu'à finir complètement seul.

Quand il arrive devant le Smoking Dog c'est fermé mais il devine sans mal que ça vient de l'être, y a encore un poivrot qui zone devant, manifestement pas en état de rentrer. Il longe les murs et accélère le pas, ses yeux qui finissent par se poser sur la silhouette qui se découpe sous les lampadaires. Malo à quelques mètres devant lui, sa rage qui le guide, prend le contrôle, obscurcit sa raison. Il fonce droit sur lui et profite de l'effet de surprise pour l'attraper, le plaquer contre le mur le plus proche. La pénombre qui l'empêche de distinguer ses traits clairement, la fureur qui lui ôte toute capacité de parler. Il est silencieux, se contente de saisir son cou et de serrer. Serrer comme l'étau qu'il sent encore autour de sa propre gorge, celui qui rend son souffle court et affole son cœur, qui lui donne l'impression qu'il va partir dans une de ces crises qu'il ne sait pas comment nommer – celles qui le prennent quand y a trop d'émotions à emmagasiner d'un coup, quand il panique, quand il n'arrive plus à respirer, la sensation d'être en train de crever. Il serre pourtant c'est lui qui suffoque, sa voix saccadée, à peine reconnaissable. « C'est d'ta faute putain. Elle est en train d'crever et c'est d'ta faute. » Il sait plus vraiment à qui il s'adresse au fond – à Malo ou à lui-même ?

Attaquer les autres comme un exutoire, un jeu malsain d'effet miroir, c'est pas la première fois. Mais d'habitude, il choisit mieux ses proies.
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Malo Ryjkov

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MessageSujet: Re: nowhere left to fall (maven)   nowhere left to fall (maven) EmptyDim 25 Mar - 23:36


L’agitation brûlante relative à chaque soirée qui s’enchaînait inlassablement entre ces murs, de la fin de la journée aux tréfonds de la nuit. Le Smoking Dog veillait de son allure déglinguée sur son bout de ruelle et avec, Malo guettait sur tout son quartier. Les effluves d’alcool qui avaient ravagé les murs qu’on n’entretenait plus vraiment, les tâches éparses sur bien des tables en décomposition. Le plancher élimé des verres renversés brisés, des pas des piétinements des bagarres de la serpillère passée encore et encore. Il avait le regard perdu, le russe, dans tous ces éléments qu’il reconnaitrait les yeux fermés. Les yeux dans le vague, accoudé à son comptoir, laissant la barman s’occuper des clients. Une nouvelle, visiblement les têtes s’enchaînaient dans le service. Peut-être en raison de son humeur exécrable, de sa patience mise à mal, de ses nerfs qu’on avait arraché un à un de son corps comme à la conquête de ses limites. Il avait de plus en plus de sang sur l’épiderme quand il rentrait aux premières lueurs d’une nouvelle journée sans saveur, à se perdre corps et âme dans ses combats de rue plutôt que d’affronter la nuit, seul dans son appartement. Même Captain ne parvenait plus à combler les vides qui se creusaient un peu plus à chaque putain d’heure qui s’effilochait sans aucune nouvelle. À travers ses pupilles vitreuses, c’était le visage de Mila qui s’imposait. Les jours s’enchaînaient sans qu’ils n’aient aucune nouvelle d’elle, les nuits s’emmêlaient à sa colère froide qui s’abattait dans la rue sur les chairs. Il avait connu trop de disparitions dans son existence, des proches comme des personnes de son quartier, pour savoir qu’à chaque minute qui glissait entre leurs doigts c’est la mort qui se rapprochait de sa petite sœur. Peut-être qu’elle l’était déjà, ça faisait beaucoup trop de temps que l’enquête piétinait. Il avait déjà pensé à cette éventualité, bien assez pour que l’idée s’imprègne dans son encéphale et que l’image d’un cadavre peuple ses maigres heures de sommeil. Il se l’était infligé de lui-même, par nécessité. Par habitude misérable, aussi. De ce qu’il avait appris dans le sel et le fer dans la rue, dans les cages où on l’avait envoyé à de si multiples reprises. Envisager toutes les hypothèses pour ne pas se laisser surprendre, pour ne pas se laisser abattre autant par un délinquant que par le chagrin. Il fallait être prêt à tout encaisser, à tout supporter, à envisager l’après. Dans la disparition, c’était au moins quatre personnes du même sang dévastées derrière, sans le compter lui-même. Si elle s’avérait fatale, c’était donc au moins quatre personnes endeuillées qu’il devrait aider à avancer. Lui qui n’avait jamais le deuil de sa famille, ce serait un comble. C’était déjà le désordre, il faisait tout ce qu’il pouvait pour maintenir sa famille à flots. Alek s’était enfermé dans le même mutisme que son aîné et faisait profil bas en silence, même S’il n’était pas rare de le retrouver à ses côtés au fightclub. Lena sombrait, c’était indéniable, il le voyait au fond de ses prunelles saccagées combien même elle lui assurait que tout allait bien et qu’elle se montrait forte – il savait pertinemment avec elle, que cette apparence pouvait abriter bien des failles. Dani et Isak l’encaissaient beaucoup moins bien, leur agitation habituelle s’était démultipliée et leurs aînés n’avaient de cesse que de les sortir d’emmerdes infinies à tour de rôle. Si Mila ne revenait jamais, c’était tout leur foyer qui tombait en lambeaux. Perdre un parent était une chose, surtout que les plus jeunes se souvenaient à peine d’eux. Perdre des amis des proches des voisins, en était encore une autre – que chacun avait expérimenté à sa manière, avec plus ou moins d’impact sur le reste de la fratrie. Mais perdre l’un des leurs, ça ne leur était jamais arrivé. Aucun d’entre eux n’était réellement préparé à la tombe d’un frère ou d’une sœur. Lena avait perdu les débuts d’une vie en elle, Malo avait perdu sa femme. Expérience dévastatrice dont ils portaient encore les séquelles et dont ils ne se remettraient probablement jamais – mais au-delà de ça, eux non plus n’était pas prêts à perdre un membre de leur fratrie. Parce que la fratrie Ryjkov était sacrée, ils étaient ceux qui faisaient trembler les autres, pas ceux qu’on pouvait ébranler dans les fondations. Mila n’était pas la plus féroce d’entre eux, et c’était ce qui l’inquiétait le plus. Elle n’avait pas des capacités de survie développées sur le même mode opératoire que ses aînés. Mila était une lumière qui croyait en la bonté humaine, et même si elle était capable de se défendre parce que Malo ne l’aurait jamais laissé affronter la rue et la vie sans quelques techniques, elle n’était pas la plus à même pour affronter ce traumatisme. C’était horrible, mais il y pensait tout le temps. Il espérait plus que tout au monde, qu’elle leur revienne saine et sauve. Mais même si elle rentrait à la maison, ce serait à quel prix ? Dans le pire des cas, il y aurait une nouvelle tombe à fleurir à côté de celle de Lula – peut-être même sans qu’aucun cadavre n’y tombe en poussière si elle n’était jamais retrouvée. Dans le meilleur des cas, c’était une âme brisée qu’ils retrouveraient entre leurs bras. Et même s’ils la couvraient tous de leur amour inconditionnel, la plaie sera toujours béante. Toutes ses pensées accaparaient son esprit, alors que les flics en avaient fait un suspect de cette affaire nauséabonde. Le ridicule aurait dû les abattre sur place. Malo était sujet à une colère sourde perpétuelle qui ne trouvait plus de satisfaction pour s’apaiser. Il enrageait parce que lui aussi, il ne pouvait pas y faire grand-chose. Le problème était qu’il n’avait pas assez de mains avec Nash en prison. Il ne pouvait pas tenir toutes ses affaires, se soustraire de l’attention prononcée des flics à son égard, et mener sa propre enquête par-dessus tout ça. Il s’en retrouvait détestable, et ça lui rappeler avec fatalité qu’il n’était qu’un homme. Il ne pouvait pas être partout à la fois, il ne pouvait pas plus missionner quelqu’un sur le sujet. Il laissait les membres de sa famille le faire de leur propre volonté, mais il ne leur imposait rien. Et dans tout ça, il n’avait plus aucune nouvelle d’Anca, même dans les bruits qu’il écoutait si bien, comme si elle s’était également volatilisée en un claquement de doigts sans laisser de trace. Il s’était disputé avec son frère, et Seven n’avait plus donné signe de vie depuis sa dernière visite au bar – mais il savait qu’il était toujours vivant, ce gamin faisait autant de bruit dans son ombre que lui-même à son âge. Mads était celle qui lui paraissait être comme la pire de toutes, parce que sa mère avait été enelvée, qu’elle lui avait demandé une arme et qu’il avait cédé à son appel de détresse – sauf que le flingue en question était vide, et qu’il ne savait toujours pas dans quel périple elle s’était aventurée à cause de tout ça. Il avait retrouvé Alice, pour la reperdre aussitôt. Nash n’avait tout simplement terminé de purger sa peine, et l’appartement voisin au sien restait désespérément vide.

La meute était complètement ravagée.

Il grogna quelque chose d’indistinct en russe lorsque la main de sa dernière recrue se posa sur son épaule et s’en dégagea abruptement. Elle avait simplement terminé son service et voulait lui signaler que quelques clients récalcitrants ne voulaient pas quitter les lieux. Il la congédia froidement, bien qu’en la remerciant, et s’occupa d’expulser du bar les saoulards qu’il connaissait si bien. Attention particulière à chacun d’entre eux, leur accorder le temps de terminer leur verre à condition qu’ils se fassent la malle sans s’éterniser ensuite. Amener de force à la porte les plus téméraires qui étaient restés le temps qu’il nettoie la salle, leur rappeler que le trottoir était composé d’une marche et leur jurer qu’ils auraient plus qu’un coup de pied au cul s’ils s’avisaient de crécher sur le palier ou dans les rues adjacentes. S’assurer que l’argent comme les caisses d’armes cachées dans le fond de la réserve étaient en sûreté, tout éteindre, et disparaître à son tour dans la nuit. Les mains dans les poches, Malo n’avait rien d’une stature imposante, mais tous ceux qui le connaissaient ou qui s’attardaient un peu plus sur ses traits et muscles tendus, savaient qu’il ne fallait pas l’emmerder. C’était une règle tacite dans son quartier, et c’était peut-être à cause de ça qu’il baissait parfois sa garde. Sa sœur avait beau avoir été enlevée au beau milieu de la journée sous les yeux de tous, il était persuadé que personne n’oserait commettre la même chose à son égard. Pourtant lorsque des mains l’attrapèrent brutalement, l’espace d’un instant il se demanda si, finalement, des imprudents en avaient fait leur prochaine cible. Il avait des ennemis partout, Malo, mais ce n’était clairement pas dans ses habitudes de se faire plaquer contre un mur à une heure perdue de la nuit à la fin de son service. Mauvaise idée, les mains dans les poches. Ça entravait les mouvements et ça ouvrait la voie à n’importe qui de mal intentionné. Son dos percuta férocement le crépis d’un mur humide, et des doigts étrangers vinrent capturer son souffle sans ménagement. Dans la pénombre, avec la surprise et les quelques effets passagers du choc, il ne parvenait pas à distinguer le visage de son agresseur. « C'est d'ta faute putain. Elle est en train d'crever et c'est d'ta faute. » La voix avait des sonorités familières, pourtant elle semblait venir d’outre-tombe, comme s’il avait un cadavre en face de lui et non un malfrat. Les paroles n’avaient aucun sens, elle lui rappelait seulement ce qu’il se répétait sans cesse depuis l’assassinat de Lula ; mais ce n’était pas son subconscient qui l’agressait physiquement en cet instant. Il n’y avait que l’étau autour de sa gorge qui se faisait de plus en plus oppressant, et ses poumons qui se vidaient petit à petit, incapable d’émettre le moindre son. Dans ces cas-là, il n’y avait plus aucune réflexion. Seulement l’instinct de survie, brutal, sans pitié. Deux coups puissants vinrent s’abattre dans les côtes de l’assaillant pour le déstabiliser, reprendre son souffle en ôtant celui de l’autre. Lorsque l’emprise se relâcha, il le repoussa avec force en lui bloquant les jambes pour qu’il s’écroule au sol. Et ce ne fut que lorsque le pantin désarticulé se fracassa contre le bitume, que la clarté de la lune effleura les traits du visage de Seven. Дурак. Sauf que le mal était fait, il avait éveillé la bête, et que le gamin étendu sur l’asphalte n’avait rien de la tranquillité. Malo se pencha pour l’attraper par les épaules en s’agrippant à sa veste, et le souleva avec force. À peine ébranlé par son agitation ses coups ses éclats, il le plaqua à son tour vivement contre le même mur, sans restreindre sa force. « Qu’est-ce que tu branles putain ! » Son bras vint lui entraver les mouvements en s’appuyant fortement sur sa cage thoracique, tandis que son autre main vint emprisonner la mâchoire de Seven pour le forcer à le regarder. Le visage tout prêt, leurs souffles emmêlés, le timbre de la voix impartial. « Ne t’avise même pas de recommencer ou j’te cogne plus fort. » Seven ou non, il était logé à la même enseigne que tout le monde. Il le dévisagea quelques instants, quand il fut certain qu’il avait assimilé le message il lui libéra simplement le visage. Son bras et son corps le bloquant toujours pour l’empêcher d’aller ou quoi que soit, et il espérait qu’il n’essaierait pas de se dégager de son emprise. Il observa son regard fou fatigué hanté, ses traits tirés et sa dégaine fatiguée malgré la violence soudaine qui l’agitait. Il n’avait pas besoin d’être un génie pour comprendre que quelque chose de mal s’était passé, et les paroles agressives qu’il lui avait craché à la figure lui revinrent en mémoire. « De qui tu parles Seven ? Qui est en train d’crever ? » On l’avait déjà dit, Malo se préparait toujours à toutes les hypothèses pour anticiper et encaisser les coups. Mais cette réponse-là, elle n’allait pas lui plaire, vraiment pas.

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MessageSujet: Re: nowhere left to fall (maven)   nowhere left to fall (maven) EmptyLun 26 Mar - 10:52

L'esprit gangréné par la rage, le regard brouillard, c'est à peine s'il réalise ce qu'il est en train d'faire. À peine s'il sent ses mains se resserrer plus étroitement autour du cou de Malo – c'est Malo, putain, à croire qu'il l'a oublié. Il est juste animé par la haine qui pulse dans ses veines, le désespoir qui a déclenché le pire des brasiers en lui, celui qui dévore tout, qui calcine son cœur et étouffe sa raison. Il serre. Il serre. Il serre. S'il avait été dans son état normal il se serait méfié de la riposte – il n'aurait même pas attaqué en premier lieu, de toute façon. Mais il serre et il est trop aveuglé plus rien n'existe, quand le premier coup vient s'abattre contre ses côtes il relâche la pression et laisse échapper un glapissement étranglé, comme un clébard blessé. Le second coup le fait lâcher prise complètement alors qu'il se plie en deux, les côtes qui grincent, la douleur qui lui coupe le souffle. Il comprend pas trop ce qui se passe mais il finit écrasé sur le bitume, le squelette qui vibre tout entier sous la force de l'impact, les mains qui s'écorchent sur le goudron. Il accuse le coup, reste au sol en se mettant à tousser alors qu'il cherche à retrouver son souffle sans y arriver. Malo lui en laisse pas le temps ; il se fait agripper et soulever comme un vulgaire pantin, titube entre ses mains, gémit à nouveau quand il se retrouve plaqué au mur violemment. Son crâne claque contre les briques, sa vision se trouble, ses bras flottent dans les airs sans qu'il sache ce qu'il veut en faire. La douleur se diffuse dans chacune de ses cellules et il voudrait lui dire de continuer parce que c'est pas assez – ça fait mal mais pas suffisamment pour surpasser la douleur psychique. « Qu’est-ce que tu branles putain ! » Un poids contre sa poitrine, il geint il grogne il feule comme un fauve enragé. Des phalanges viennent lui entraver la mâchoire et il s'retrouve forcé de croiser le regard de Malo, sans être capable de s'y ancrer pour autant. Il le regarde mais on dirait qu'il le voit pas. On dirait qu'il est pas vraiment là.

« Ne t’avise même pas de recommencer ou j’te cogne plus fort. » Ça lui arrache un rire. Quelque chose qui sonne faux, brisé, ça râpe les oreilles comme du papier de verre. « Vas-y. » Ses yeux refusent de se focaliser sur ceux de Malo, à papillonner un peu partout comme s'il perdait les pédales, comme s'il était un putain de détraqué. « Allez, cogne. » Il se sent suffoquer et il n'est même plus capable de dire si c'est à cause du bras de Malo ou de tout c'qui fait rage en lui – peut-être les deux à la fois. Il arrive pas à respirer et il rit et ça n'fait qu'aggraver la situation, jusqu'à ce qu'il finisse enfin par plonger ses prunelles dans les siennes. « Cogne. J't'attends Malo, cogne-moi. COGNE PUTAIN ! » C'est teinté de toute sa détresse, son souffle qui se saccade un peu plus à chaque seconde, son rire qui crève à mesure qu'il n'arrive plus à emmagasiner l'oxygène. Il s'étouffe tout seul. Et il aimerait que Malo mette la menace à exécution, qu'il frappe, encore et encore et encore jusqu'à ce qu'il ne puisse plus se concentrer sur autre chose que son corps disloqué, jusqu'à ce qu'il ait une raison physique de suffoquer comme ça, jusqu'à n'être plus qu'un amas de chair, trop terrassé par la douleur pour penser. Il veut qu'il cogne. Il veut se faire fracasser.

Peut-être parce qu'il pense le mériter.

Sa mâchoire libérée, ça ne l'aide pas à retrouver son souffle. On dirait qu'il se fait étrangler et il est incapable de se calmer, son regard qui cherche à s'accrocher à celui de Malo sans y arriver. Sa poitrine se soulève trop vite trop fort, ses mains tremblent, il a l'air au bord de la rupture. Il essaie pas de se libérer – ça lui vient même pas à l'idée. Le mur froid dans son dos qui le soutient et l'empêche de s'effondrer, le bras de Malo qui le retient d'exploser. « De qui tu parles Seven ? Qui est en train d’crever ? » Il repart dans de grands éclats de rire pourtant ça sonne presque comme s'il pleurait, ses lèvres qui s'étirent mais ça donne juste l'impression qu'une putain de balafre fend son visage en deux pour tenir compagnie à celle qui creuse sa joue. Ça dure plusieurs secondes ça a des airs d'éternité, la folie qui prend le dessus, la détresse qui le fait péter les plombs. Quand il répond enfin, sa voix se brise. « Anca. » Et ça fait encore plus mal maintenant qu'il a prononcé son nom maintenant que c'est réel, elle est vraiment en train d'crever il l'a dit il peut plus espérer que ça soit un mauvais rêve et qu'il va se réveiller.

C'est la réalité.

Malo est le premier à qui il le dit et soudain il a envie de hurler et tout casser, soudain l'agitation reprend de plus belle, ses mains qui viennent s'accrocher au bras qui l'entrave et qui serrent serrent serrent. « C'est Anca putain. » C'est Anca et ça veut tout dire, c'est Anca et il se sent imploser, dans ses entrailles y a rien d'autre qu'un champ de ruines. « Lâche-moi. » Il commence à se débattre, cherche à le repousser et il recommence à étouffer de plus belle, la crise qui pointe et qu'il n'est pas en mesure de gérer – si elle éclate il a peur de suffoquer jusqu'à en crever. « LÂCHE-MOI J'TE DIS ! Faut qu'je sorte faut que j'respire faut, putain, Malo putain lâche-moi, lâche-moi. » Il s'embrouille et ce qu'il dit n'a plus aucun sens, il veut sortir mais il est déjà dehors, il veut respirer mais personne ne l'étrangle et il a tout l'air du monde autour de lui. Pourtant ses poumons refusent de l'emmagasiner et il commence à paniquer, tire sur le bras de Malo jusqu'à ce qu'il finisse par lâcher. Il se penche en avant brutalement, comme s'il allait vomir, ses pieds qui titubent alors qu'il se décolle du mur. Il a l'air tellement minable qu'il ferait presque pitié, ses grandes inspirations qui percent le silence de la nuit, qui trahissent à quel point il est en train de se noyer. « C'est Anca » il le répète comme une litanie, comme s'il venait de le réaliser. Comme si c'était devenu réel seulement à l'instant où il a lâché son prénom.

Il finit par se calmer un peu – juste assez pour pouvoir se tenir droit à nouveau, pour faire volte-face et braquer ses prunelles sur celles de Malo. Il a toujours du mal à respirer mais il a assez d'air pour être fonctionnel, pour pouvoir parler. « Elle est à l'hôpital à cause de c'fils de pute et si j'avais eu un flingue j'l'aurais buté putain, j'l'aurais fait et ça se serait pas passé comme ça j'te jure elle en serait pas là. » Il arrête pas de s'le répéter en continu, d'imaginer ce qui aurait pu arriver s'il avait été armé. Convaincu qu'il aurait été capable de prendre une vie, qu'il n'aurait pas hésité avant de coller une balle dans le crâne de JJ. « C'est d'ta faute. » L'accusation qui résonne et qui n'a aucun fondement, aucun sens. Il se rue sur Malo encore une fois, ses mains qui empoignent son col alors qu'il le tire à lui, son regard qui flambe dans le sien, la folie qui revient. « T'aurais dû m'filer ce putain d'flingue quand j'te l'ai demandé. » Son refus brûle encore dans sa mémoire, les derniers mots échangés font des échos dans sa tête. Si on m'retrouve mort tu sauras pourquoi et au final c'est pas tombé sur lui, la roulette russe a préféré cueillir Anca.

La vérité c'est que ça n'aurait rien changé mais il est pas prêt à l'encaisser, pas prêt à faire face à ses responsabilités. Il arrive pas à porter le poids de la culpabilité.
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MessageSujet: Re: nowhere left to fall (maven)   nowhere left to fall (maven) EmptySam 21 Avr - 22:30

Ce n’était pas Seven en face lui. Il y avait bien une silhouette usée fracassée contre le crépis, tas de chairs désarticulé contre lequel il s’était défendu – mis au sol en quelques secondes, plaqué sans ménagement un mur humide. Le même qui avait cueilli l’arrière de son crâne la minute précédente. Le corps qu’il maintenait fermement de son bras, ce n’était pas celui du gamin abattu dans ses retranchements qui lui avait demandé un flingue quelques semaines plus tôt. S’il l’avait tenu à bout de bras, pour sûr que ça n’aurait pas été suffisant et qu’il se serait effondré. Le problème, c’était que l’agression avait engendré une décharge électrique dans tout son corps, comme une réaction chimique avec la colère sourde qui palpitait en lui depuis trop longtemps, depuis l’enlèvement de sa sœur, et qu’il ne répondait plus vraiment de rien. La bête était en éveil, l’instinct de survie qui macérait depuis longtemps dans sa rancœur avait tapi son palais d’un arrière-goût de fer. Il avait le sang battant à tout rompre par vague sous les excès de fureur, faisant ressortir les veines de ses bras et de son cou. Il avait le visage de Seven à quelques centimètres du sien, et percevait clairement qu’il avait le regard fuyant. Les prunelles posées sur les siennes n’avaient pas un seul éclat, comme des cailloux ternes qu’on aurait oubliés au fond d’une caverne, qui avait perdu la chaleur du soleil depuis trop longtemps. Il devinait sans peine le brouillard dans lequel il se trouvait, à la manière dans ses yeux se perdaient dans le vide tout en étant braqués sur le visage du russe. Seven le regardait sans le voir, et Malo était piégé dans les griffes de l’adrénaline. On l’avait agressé, et la seule réponse qu’il connaissait, c’était la violence. Répondre aux coups de la même manière, plus fort. Sauf que c’était Seven qui lui avait sauté dessus en plein milieu de la nuit, en toute inconscience. Seven qui lui avait peut-être bien craché dessus de nombreuses fois mais qui n’avait jamais levé la main sur lui, pas de cette manière. Peut-être bien pour des chamailleries d’adolescents, mais franchement il ne s’en souvenait même pas. Malo avait cogné trop de jeunes et de vieux dans sa maigre existence pour se rappeler de tous les visages qui avaient croisé ses phalanges. Quand il le menaça de ne pas recommencer, il était sérieux. Sur le moment, il était prêt à le frapper avec plus de force, à recommencer, encore et encore. C’était un cercle infernal dans lequel il s’était enfermé depuis la mauvaise nouvelle, et il n’était plus certain de savoir comment s’en sortir. Mais ce n’était pas Malo qui pensait comme ça, c’était l’animal blessé au fond de son encéphale. Ce ne fut que lorsqu’un rire déraillé s’éclata dans les quelques centimètres qui les séparaient, qu’il reprit consistance avec le monde.

Ce qui sortait de la gorge de Seven était une plaie béante, suintante d’un dégueulis élimé. Comme une plainte d’outre-tombe, un truc qui n’avait plus rien d’humain, qui venait de trop loin, loin dans sa cage thoracique opprimée par un poids invisible. Ce truc, c’était le désespoir d’un homme qui avait tout perdu, à commencer par sa raison. « Vas-y. Allez, cogne. » Il plissa le front, chercha à attraper son regard dans le sien pour sonder au fond de son âme. La perplexité dans les traits, quand il regarda les prunelles affolées du gamin qui n’arrivaient même pas à s’accrocher sur lui alors qu’il lui crachait pourtant tout son ressenti. Seven s’esclaffait encore, d’une manière si bien usée que ça n’avait plus vraiment quelque chose de naturel. « Cogne. J't'attends Malo, cogne-moi. COGNE PUTAIN ! » Il avait vu trop d’hommes courber l’échine de cette manière dans une impasse misérable derrière le Smoking Dog pour comprendre que Seven avait été abattu par la vie d’une balle en plein dans l’âme. Il était de ceux qui capitulaient dans leur folie désespérée, qui avait besoin de se faire tabasser pour ressentir quelque chose. Parce qu’ils avaient atteints cette frontière intangible entre la raison et les bassesses de l’être humain, où il n’y avait plus que la douleur qui donnait l’illusion de vivre encore. Malo secoua la tête, grogna en russe ; il avait libéré sa mâchoire mais il se demandait s’il ne devait pas lui bâillonner la bouche plutôt, pour qu’il arrête de déverser toutes ces conneries. Qu’il le fasse à d’autres, pas avec lui. S’il voulait qu’on le cogne, il n’avait qu’à venir au fightclub – il y avait tout un tas de types comme lui, et même des meufs, c’était à se demander si certains jours ça n’avait pas plus l’allure d’un club pour les désespérés de la vie. « Si tu veux t’faire casser la gueule, tu sais où aller. » Ses instincts primaires avaient capitulé, il avait retrouvé un peu plus de lucidité – il ne cognerait pas Seven. Pas comme ça.

Il avait bien senti les tremblements qui secouaient le corps du jeune Popescu, ça pulsait sous son bras comme des décharges électriques. En vérité, il ne savait pas s’il devait le lâcher ou le maintenir contre le mur, de peur qu’il ne se disloque complètement sur le bitume. Il relâcha un peu la pression de son bras, mais ça ne l’empêcha pas de poser la question qui le démangeait. Il avait le pressentiment que la réponse ne lui plairait pas, et qu’il aurait probablement de nouveau envie de cogner quelqu’un. Ce n’était pas par hasard que Seven lui était tombé dessus de manière aussi désespérée. Le problème, c’était qu’il ne cernait pas la part de vérité dans ses crachats, s’il y avait vraiment quelqu’un en train de crever ou si c’était juste son existence à lui qui avait mordu la poussière et qu’il ne trouvait plus d’issue. « Anca. » Sur le moment, il ne réalisa pas. Il entendait juste ce nouveau bruit dégueulasse tout droit sorti de ses entrailles, qui n’avait rien d’un rire mais qui n’avait pas pour autant l’allure d’autre chose. Et ça lui démangeait les neurones à le rendre dingue, cette façon dont il perdait la raison entre ses mains. Il avait l’impression que la conscience de Seven s’échappait par tous les pores de sa peau. Alors quand sa voix se brisa complètement sur les quatre lettres, il mit de temps à réaliser. À comprendre. C’était sa sœur, la personne en train de mourir quelque part.  « C'est Anca putain. » Ça l’énerva qui le répète, mais sa colère n’était pas contre lui. Entendre une nouvelle fois ce prénom lui mitrailla le bide, mais les connexions avaient du mal à se mettre en place. Il ne comprenait pas, il ne comprenait rien. Ça n’avait pas plus de sens que les jours qui se sont succédés depuis l’enlèvement de sa propre sœur. L’espace d’un instant fugace, il a la vision de Mila et Anca côte à côte, en train de crever les yeux vitreux les bouches tordues, à clamer que tout était de leur faute. Il avait de nouveau écrasé le torse de Seven de tout son poids, et il ne sentit la présence de ses mains dessus que lorsqu’il lui demanda de le lâcher. Il tirait dessus et il ne s’en était pas rendu compte ; il déraillait et il ne savait plus comment s’y prendre. Ses mots s’emmêlaient comme les nœuds qui se faisaient dans son cerveau, et Malo finit par relâcher le fauve en train de devenir fou.

Les secondes qui s’entrechoquèrent ensuite lui parurent prendre trop de place dans le temps. Une éternité à comprendre lentement qu’il y avait Anca qui était entrée dans la balance de la vie, tout en regardant Seven s’égarer en lui-même de manière totalement désemparée. Autant être honnête, il ne savait absolument pas comment réagir. Il tendit les mains devant lui, en gardant une certaine distance pour ne pas le brusquer, mais en se tenant prêt à le rattraper à la minute où ses genoux viendraient heurter le macadam. « Calme-toi. Respire putain » Ce qui se passait avait tout l’air d’une crise de panique, mais Malo était brutal et pataud, les seules crises qu’il savait gérer n’avait aucun rapport avec la panique. C’était d’Anca qu’ils avaient besoin maintenant, sauf que c’était justement pour son absence qu’il avait dérivé dans cet état. Seven sombrait sans avoir eu le temps de lui apporter aucune réponse, et l’envie de le secouer pour lui faire reprendre ses esprits était beaucoup trop vive dans ses veines. Jusqu’à ce qu’il y ait comme un déclic sur le visage du môme défracté, comme un nouveau verrou qui avait sauté. Le russe ne recula pas lorsqu’il se retourna brutalement vers lui, mais il baissa quand même les bras. La collision entre leur regard avait tout d’une confrontation entre deux animaux blessés, ceux qui n’avaient plus que le désespoir et la rage au fond des entrailles. « Elle est à l'hôpital à cause de c'fils de pute et si j'avais eu un flingue j'l'aurais buté putain, j'l'aurais fait et ça se serait pas passé comme ça j'te jure elle en serait pas là. » Les syllabes se fracassèrent sous son crâne à mesure qu’il les prononçait et elles prenaient trop de place dans sa raison précaire, piétinant les limites de sa patience et de sa raison. C’était la bête assoiffée de sang que ses mots nourrissaient, celle qui clamait déjà vengeance. Mais il n’eut pas le temps de réagir, seulement d’assimiler les informations.

L’accusation tomba comme une exécution sur ses épaules, d’abord dans l’incompréhension, puis dans la capitulation. Seven l’attrapa fermement par le col et il laissa faire, comme il l’avait fait lui-même juste avant. Il ne flancha pas dans cette confrontation, c’était tout ce qu’il savait faire de mieux. Il avait appris à se battre jusqu’à se ronger la moelle pour conquérir sa place dans la rue, ce n’était pas cette version plus jeune de lui qui allait l’impressionnait. Il saisissait pourtant toute l’importance de cette collision entre eux, de tout ce qui se jouait dans cet échange, de l’importance que ça avait pour Seven. « T'aurais dû m'filer ce putain d'flingue quand j'te l'ai demandé. » Peut-être bien qu’il avait raison, finalement. C’était ce qu’il pensa, tout d’abord, en se demandant si un flingue entre les mains de Seven ce n’était pas le prix à payer pour que ça ne soit pas la vie d’Anca entre les mains des médecins. Puis il retrouva rapidement sa position. La vérité, c’était que Seven aurait beau avoir flingué le type, il aurait certainement quand même eu le temps de mettre Anca dans une ambulance avant. La situation aurait été la même, sauf qu’il y avait erreur sur la nature-même de la situation. Le russe posa ses mains sur les bras du forcené, et pressa pour lui faire comprendre le message. « Lâche-moi. » Fureur polaire au bord des mains, dans chaque muscle tendu sous sa peau. Il le regardait droit dans les yeux, mâchoire serrée. Il ne se répéterait pas – s’il ne le lâchait pas, il le repousserait de lui-même. Le problème avec Seven, c’était qu’il pouvait lui tenir tête encore longtemps. Mais Malo avait besoin de plus d’informations avant de s’accorder la chute, plus de réponses pour comprendre s’il y aurait bientôt une nouvelle tombe et un condamné à exécuter. « M’regarde pas comme ça. T’as déjà compris qu’même avec un flingue t’aurais pas pu empêché ta sœur d’finir à l’hosto. » Il avait oublié depuis longtemps, comment il avait appris à rester calme en toute circonstance. À quel moment il avait fait de la panique, un élément à bannir de son organisme. La dernière fois que c’était arrivé, c’était dans une morgue. Et il avait fait comme Seven, il avait déraillé cherché justice dans le sang, et il avait terminé en taule en s’inscrivant absent pour l’enterrement le plus important de son existence. Il avait bien conscience maintenant que c’était la vie d’Anca qui était en jeu, et l’écho avec la disparition de Mila était insoutenable. Il ne savait pas si sa sœur était encore vivante, et maintenant il apprenait à une heure impossible que ça allait probablement être le cas d’Anca également. Deux tombes d’un coup, ça n’allait pas être possible, au nom de l’équilibre de son esprit. « Faut qu’tu m’expliques c’qui s’est passé. Il l’a frappée, tailladée ? Elle s’est pris une balle ? » Ça lui faisait un mal de chien de parler d’Anca de cette manière, mais il n’osait pas encore l’imaginer le teint blafard allongée sur un lit dans une pièce antiseptique. Qu’est-ce qu’on lui avait fait putain ? Maintenant qu’ils en étaient là, qu’ils en étaient venus aux mains dans cette ruelle mal éclairée, et qu’ils ne pouvaient rien faire pour le pronostic vital de la sœur de Seven, celui-ci n’avait plus besoin de courir. Il n’avait plus qu’à répondre aux questions du russe, peut-être pour lui soulager la conscience quant à cette histoire de flingue, mais surtout pour qu’il comprenne de quoi il résultait vraiment pour envisager ce qui allait se passer ensuite. « C’qui ce type ? » S’il allait se retrouver avec le sang d’un autre sur la peau. « J’veux un nom. »
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Seven Popescu

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MessageSujet: Re: nowhere left to fall (maven)   nowhere left to fall (maven) EmptyVen 27 Avr - 11:45

« Si tu veux t’faire casser la gueule, tu sais où aller. » Il sait. Pourtant il n'y est jamais allé. Faut croire qu'il aime trop se jeter dans la mêlée là où on s'y attend le moins, se heurter à n'importe qui, n'importe où, faire trop de dégâts parce que c'est jamais le lieu pour ça. Le fightclub c'est encadré, d'une certaine manière. C'est fait pour se cogner, c'est rempli de gens comme lui. Il est pas encore prêt à y aller. Pas encore prêt à faire les choses bien – à déverser sa rage là où il le faut. Alors il secoue la tête maintenant que sa mâchoire est libre, continuant de rire de ce son désespéré. « C'pas pareil. » C'est pas la même souffrance, pas les mêmes coups que si Malo se mettait à les faire pleuvoir. Pas la même punition. Au fond c'est de ça dont il s'agit, il pense le mériter et c'est la seule chose capable de l'ancrer dans la réalité. Parce que la douleur qui lui tord les entrailles est trop profonde, trop intense, il n'est pas capable de gérer la violence des émotions qui font rage en lui. Il a besoin de la douleur physique pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher, parce que ça il sait encaisser, il sait se relever d'une gueule cassée. Pas d'un cœur broyé.

Mais il le regarde et il voit que Malo ne cédera pas. Malo ne le punira pas – pas comme il le voudrait, comme il le faudrait.

Il n'a rien à quoi se rattraper, rien d'autre que lui et pourtant il se sent sombrer quand il prononce enfin le prénom d'Anca, quand ça rend la situation bien plus réelle. C'est comme la trouver en train de crever encore une fois et soudain il n'arrive plus à respirer, cherchant à se dégager de l'emprise de Malo, la panique qui pointe et qu'il veut contrôler avant que la crise ne devienne ingérable. Plié en deux, le souffle erratique, les yeux vrillés sur le bitume où son corps menace de s'écraser. « Calme-toi. Respire putain. » Il essaie. Il fait de son mieux et il voudrait lui dire de continuer de parler, à défaut de s'agripper à lui il peut s'agripper à sa voix, se concentrer sur ses intonations pour empêcher son esprit de s'écrouler. Il tend une main dans sa direction sans savoir ce qu'il essaie de faire, un geste vague comme pour lui dire de continuer alors qu'il se borne à fixer un point sur le sol, concentré. Il inspire, expire, son autre main posée sur son torse pour le sentir se soulever au rythme de l'oxygène qu'il tente d'emmagasiner, comme pour se rassurer, se prouver qu'il est pas en train de crever. Que ça va aller. Il repense à Anca, recommence à sombrer l'espace d'un instant, puis il repense à pourquoi elle a fini comme ça. La colère enflamme ses veines et irradie peu à peu, jusqu'à supplanter la panique, jusqu'à lui permettre de se fixer sur quelque chose. Quand il n'a plus rien il lui reste sa rage – c'est ce qui lui permet de n'pas tomber et de se redresser enfin, la respiration toujours irrégulière mais suffisante pour faire face à Malo, l'orage de ses yeux qui vient le foudroyer. Orage qu'il dirige vers lui puisqu'il n'a pas le coupable sous la main, puisqu'il n'a personne d'autre vers qui évacuer toute sa haine. Au fond il sait qu'il se trompe de cible mais il est trop désespéré pour rester lucide. Ses phalanges sur son col, la violence de ses gestes quand il le tient comme s'il faisait face à n'importe quel adversaire de pacotille. Comme si c'était quelqu'un d'autre que Malo. Le reproche fuse comme une balle, ses yeux qui le mitraillent. Il serre les dents quand les mains de Malo se posent sur ses bras et pressent fermement. « Lâche-moi. » Leurs regards continuent de s'affronter – il sait que s'il n'obéit pas, Malo réagira. Pourtant il ne cède pas tout de suite. Il le défie un instant, des yeux autant que des gestes, la fureur qui brûle trop fort en lui. Et puis il lâche enfin, le poussant vers l'arrière en guise d'énième provocation. Pas foutu de se calmer, alors qu'il sait parfaitement que Malo n'est pas l'ennemi.

« M’regarde pas comme ça. T’as déjà compris qu’même avec un flingue t’aurais pas pu empêcher ta sœur d’finir à l’hosto. » Ça le cueille en plein cœur et il se fige, les muscles tendus à l'extrême, la mâchoire qui se contracte si fort que ses dents grincent. Malo n'hésite jamais à dire les vérités qui font mal et soudain il le déteste, il voudrait le frapper pour le forcer à se taire, le cogner jusqu'à ce qu'il ne puisse plus parler. Pourtant il ne fait rien. Peut-être que c'est pour ça qu'il est là en vérité – parce qu'il n'y a personne d'autre que Malo pour le raisonner, pour lui dire les choses franchement et le forcer à les écouter, qu'il le veuille ou non. C'est le seul phare qu'il lui reste dans la tempête. « Faut qu’tu m’expliques c’qui s’est passé. Il l’a frappée, tailladée ? Elle s’est pris une balle ? » Et bien sûr qu'il part sur les mauvaises pistes, Seven n'a rien expliqué, ses mots sont restés vagues, ont fait germer des hypothèses erronées. Ça l'fait sourire, de ce rictus qui le rend laid, qui lui donne l'air désespéré. Il se dit qu'il aurait préféré ça. La culpabilité serait pas la même – il aurait pas le cœur en vrac à l'idée qu'Anca le déteste assez pour vouloir lui laisser sa mort sur la conscience. « C’qui ce type ? J’veux un nom. » Son sourire se fane. Il se concentre sur lui à nouveau, les poings qui se serrent, la haine qui l'incendie jusqu'à lui donner l'impression qu'il va partir en combustion spontanée. « T'as rien compris. » Entre ses lèvres ça sonne comme une accusation, alors qu'il est le seul à blâmer pour le contre-sens. Ses yeux plongés dans les siens, le couperet finit par tomber. « Elle a essayé d'se tuer. » Ça lui tord le bide de le dire, sa voix qui s'étrangle sur le dernier mot, son regard qui finit par se baisser. C'est pas la première fois, Malo le sait. Mais ça fait des années qu'elle a pas fait de rechute, qu'elle semblait gérer, qu'elle donnait l'impression que tout irait bien. Il s'attendait pas à ce qu'elle s'effondre à nouveau. Pas après les promesses qu'elle a faites.

Jamais je t'abandonnerai. Elle a menti.
Je veux vivre. Il la déteste.

« J'l'ai trouvée sur mon lit putain, elle a fait ça avec ma came. Elle voulait qu'ce soit moi qui la trouve. » Elle voulait me faire payer.

Il a la gorge nouée, le regard fuyant. Sa poitrine qui recommence à se soulever trop vite alors qu'il passe ses mains dans ses cheveux, tirant sur les mèches en vrac, l'os de sa mâchoire qui continue à se contracter par à-coups. Ses doigts tremblent et bientôt ça se propage à nouveau dans toute sa carcasse, la rage sur laquelle il se concentre pour rester debout, pour garder le contrôle. Ça l'empêche pas d'exploser brutalement. Un « PUTAIN » enragé qui lui échappe alors qu'il se tourne vers le mur, venant éclater son poing contre le crépi, les os qui craquent sous la force de l'impact. Il voudrait cogner sur quelqu'un mais il n'y a que Malo et il est trop lucide pour s'en prendre à lui maintenant, alors il se rabat sur ce qu'il peut et tant pis si ça fait un mal de chien. Il grogne en ramenant sa main à lui, le sang qui perle sur sa peau abîmée, la douleur qui se propage et l'empêche de bouger ses doigts. Il a l'air au bord du précipice quand il relève enfin les yeux vers lui. « Il s'est servi d'elle pour s'venger d'moi et ça a marché. » Au point qu'elle en ait envie de crever, qu'elle en vienne à le détester. « C'est d'sa faute. » Pourtant entre les lignes on devine le c'est d'ma faute qu'il n'arrive pas à encaisser, qu'il se refuse à avouer, à accepter. C'est plus facile de tout rejeter sur les autres – y compris Malo. « Si tu m'avais filé l'flingue j'l'aurais buté avant qu'ça explose. Elle aurait pas fait ça. » La vérité c'est qu'il sait pas et qu'il saura jamais, pourtant il continue à se répéter que ça aurait fait une différence, que sans la putain de mise en scène de JJ elle aurait jamais fini aussi mal. Elle l'aurait jamais haï au point de vouloir qu'il la trouve morte et qu'il se blâme. Elle a réussi son coup. JJ aussi.

Seven a tout perdu.

« J'te filerai pas son nom. » Il approche et y a presque quelque chose d'animal dans sa posture, de l'ordre du territorial. Comme un prédateur qui refuse de céder sa proie, même au chef de meute. « J'vais l'buter. » Cette fois il reculera pas il se l'est promis, c'est allé trop loin pour qu'il le laisse s'en tirer. Y aura plus de retour en arrière. « Que tu m'files un flingue ou pas. » Persuadé qu'il est capable de le faire de ses propres mains. Quitte à tout perdre, autant s'assurer qu'il ne lui reste vraiment plus rien – pas même sa conscience.
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