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 echoes (sether)

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MessageSujet: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyLun 25 Déc - 20:28

C’est le silence, tombé brutalement dans cette cave à peine salubre au sol bétonné coloré par le sang d’un peu tout ceux présents là. Debouts, médusés, qui comprennent pas trop c’qu’il se passe. Même si c’est pas la première fois qu’il pète un câble le patron. Qu’il s’met à frapper trop fort ceux qui peuvent plus se défendre. C’est pas la première fois qu’il entend pas le premier “stop” de l’adversaire. Des fois, il entend pas le deuxième non plus. Mais là il entend plus rien. Même pas la voix de son second qui s’élève dans le silence pour lui ordonner d’arrêter. Il entend pas non plus les os qui craquent sous ses poings. Ni l’écho sourd et glauque des coups qui se réverbèrent sur les murs. Et puis le monde se remet en marche tout à coup, deux types qui le choppent par les bras pour l’arracher au corps d’un troisième, inerte, allongé par terre. Anca qui se précipite sur ce même type pas trop reconnaissable. Le regard terrifié de l’infirmière qui croise celui de Seth avant que la foule se referme entre eux. Il reprend à peine ses esprits quand on le colle sur une caisse qui sert de banc, un taquet derrière le crâne, « réveille-toi mec. » La voix de son second qui lui parvient enfin aux oreilles. Encore quelques seconds avant de comprendre ce qu’il s’est passé, avant de voir que la main qu’il vient de se passer sur la tronche est couverte de sang. Bordel. Il s’attendait à quoi ? Il avait espéré quoi ? Il s’imaginait vraiment que recroiser Asher ici était une bonne idée ? Qu’il allait réussir à garder son sang-froid alors qu’il est à peine capable de le faire tout seul entre les quatre murs de son appart avec une dose de benzos dans le sang. En même temps, il s’était plutôt mal vu l’inviter à boire un coup pour discuter de la situation. Merde. Il savait même pas si Asher savait. Quelle merde. Ca s’agite encore un peu plus loin, le temps d’évacuer le type inconscient, y en a bien un qui va s’dévouer pour l’emmener à l’hosto.

Soupire, tête appuyée contre le béton froid du mur. Ça fait un putain de bien n’empêche. Il serait presque détendu. Encore un peu et on pourrait le voir sourire. Si c’était pas toujours les mêmes images qui se dessinaient, s’imposaient et se mélangeaient dans sa psyché trop brouillon. Asher et Toad. Toad et Asher. C’est à peine supportable. Ce qui l’est le moins c’est cette idée persistante. Cet enchaînement absurde qu’a dû arriver au moins une fois. Asher qui s’fait éclater une lèvre au combat. Seth qui lui soigne après, les deux partageant un verre et des brisures à mi-mots. P’t-être que c’jour-là, Seth il aurait parlé de Toad, sans l’nommer comme d’hab’. Et puis Asher il serait rentré, quelque part où y aurait Toad. Qui l’aurait accueilli avec cet air inquiet qu’il lui connait si bien. A inspecter cette blessure que Seth aurait touché si peu de temps avant, et puis l’embrasser. Et merde. Il fouille dans ses poches pour en tirer un paquet de clope écrasé et en sortir une tout autant tordue. Il se la cale entre les lèvres le temps de trouver un briquet qu’il a pas sur lui. Merde. Et puis y a un éclat dans un coin de son champ de vision. Un briquet qu’apparait et par-dessus le bras qui le tend, entre le regard d’Asher. Ça, ça lui arrache un bref rire à Seth. Sans joie aucune. Même s’il dit pas non au briquet qu’il lui prend un peu trop vite de la main pour allumer cette foutue clope et se cramer la trachée en tirant dessus trop longtemps et trop fort.

Cinq minutes plutôt, il avait déjà croisé son regard à Asher. Alors qu’il se laissait joyeusement démonter la tronche par le type en route pour une chirurgie du visage. Parce qu’il fait toujours ça quand il a trop mal à l’âme. Même s’il prenait le risque de le croiser. Des jours qu’il ruminait, fuyait le club, fuyait Asher, fuyait la réalité. Hier il s’était collé une dose de morphine pour qu’ça s’arrête ptn. Mais ça avait recommencé ce matin. Alors oué, finalement, il était venu ici, s’faire éclater un coup. Il en avait trop besoin. Mais voilà, Asher avait décidé de se pointer le même soir au fight club. Et leurs regards s’étaient croisés, une fraction de seconde. Il en avait pas fallu plus réveiller le monstre, et que son cerveau tordu transfert sa haine sur son adversaire du moment. Même s’il était pas Asher. Ni Toad. Ni lui-même. Il avait encore vacillé Seth. Encore ouvert un peu trop les vannes. Assez pour que son cerveau s’débranche et qu’il exorcise toute sa rage, poings refermés, à califourchon sur un type qui pouvait plus se battre. Comme cette fois avec Ivy. Sauf qu’Ivy elle encourageait la situation. Heureusement pour ce type qu’il y avait des règles dans ce fight club. Et des types pour le canaliser. Pas complètement con le Seth. Il avait prévu le truc. N’empêche que c’était pas Asher qu’il venait de massacrer. Si d’un côté il en était bien content, pas la moindre envie d’avoir à bousiller sa gueule d’ange et le peu d’affection qui lui restait pour lui, ça allait surement entrainer une discussion fort peu plaisante. Qu’il aurait p’t-être mieux valut avoir autour d’un café. Ou pas. Tant pis, trop tard. Pas besoin d’être Einstein pour deviner que le flic ne connaissait pas encore tout le comique de leur situation. Ou alors il faisait preuve d’un étonnant self-control, à venir voir si l’autre débile d’asiat’ va bien.”Pourquoi t’as encore perdu les pédales vieux, va falloir te calmer, hein, t’vas faire fuir tout le monde.” Ou alors il a d’autres plans en tête, et un gun passé dans la ceinture, presque réjouissant à vue de nez. « T’es venu me tuer ? Une dernière clope pour le condamné c’est ça ? » Humour de merde, à croire qu’il aime jouer avec la queue du diable. Tant pis pour lui s’il finit par se faire enculer. Ça lui ferait presque trop plaisir.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyVen 29 Déc - 0:11

C‘est toujours la même odeur.
Toujours le même parfum de rouille dans l’air, toujours l’éther du combat qui fait tourner de l’œil, toujours la sueur propre qui s’évapore de leurs corps brûlants, toujours la crasse avec laquelle les arômes se mélangent les uns aux autres pour, au final, donner une fragrance amère au décor, souvenirs usés de l’époque où les hommes s’affrontaient à la dague au coin des ruelles. C’est toujours la même atmosphère lourde et glauque, crépusculaire même à l’aube, même quand les coups ne sont plus donnés ni rendus, quand vient l’heure de retrouver son quotidien. Peut-être est-ce pour cela qu’Asher aime cet endroit alors qu’il honnit la violence. On pourrait se demander ce qui a bien pu attirer un fils de bonne famille dans ce taudis, mais quand on connait le lieu, les visages, les parfums si distinctement reconnaissables, on peut facilement le comprendre. Le goût de la nouveauté, peut-être, du risque sûrement. Et aussi plein d’autres raisons soigneusement dissimulées, l’envie de coller ses poings dans quelques estomacs sans qu’on ne puisse lui reprocher mais aussi celle plus pernicieuse de crever un jour sous les coups de quelqu’un d’autre. Y a toujours la lame suicidaire au coin de son regard, toujours la note en moins dans la mélodie de sa voix, les bémols trop fréquents, la disharmonie entre ce que suggère son visage et ce que soufflent ses mots. Mais ici, personne ne semble vraiment y prêter attention. C’est pas comme dehors, comme dans la vraie vie, là où il y a des gens qui se préoccupent sincèrement de son sort et qui s’inquiètent pour lui. Y a personne, ici, pour sonner l’alarme s’il reste un peu trop longtemps au milieu du ring, personne pour lui dire jusqu’où il peut aller dans l’excès, jusqu’à quel point il peut encaisser, personne pour lui coller des chaînes aux pieds ou le protéger d’un bouclier. Sûrement parce que la seule personne qui se soucie peut-être de lui, ici, c’est Seth. Et avec Seth, c’est étrange.
Etrange parce qu’il n’y a pas si longtemps, il l’aurait presque qualifié d’ami, de compagnon d’infortune, là dans les bons comme dans les mauvais moments, prêt à éponger ses plaies, à déconner sur sa jolie gueule un peu trop cassée, à s’demander comment ils allaient passer inaperçus le lendemain au boulot. Seth c’est devenu une silhouette familière, une présence que l’on reconnait les yeux fermés, le bruit de ses pas, son odeur, sa voix grave, c’est devenu la maison, quelque chose de rassurant au milieu du chaos, quelque chose de terriblement pété mais de magnifique, qui ne demande qu’à être raccommodé ou accepté comme tel, au choix. Y en a eu des comme ça, des brisés au marteau, fissurés de partout, la peinture écaillée, la poterie qui part en morceaux et l’argile qui craque sous les doigts, y a eu Jael, Caïn, Merle, trop de personnes si belles et si authentiques. Et Seth. Il l’aime, c’est vrai, comme on aime un frère, quelqu’un dont on sait trop bien la dévotion, qu’on est parfaitement sûr de ne jamais voir partir, trahir, faire toutes ces choses moches que les adultes se font entre eux et qui blessent beaucoup trop. Seth, il l’aime, mais ce soir, il y a un goût étrange, oui, un goût étrange en arrière bouche, qui n’a aucun rapport avec le sang, la sueur, qui n’a rien à voir avec l’odeur entêtante des désinfectants qui flotte dans l’air, une sensation particulière qui lui laisse croire qu’il n’aurait pas dû venir. Pas ce soir.

Il l’a vu. Leurs regards qui se croisent, le déclic dans celui de l’asiatique, les poings soudain déchaînés sur le visage d’un pauvre bougre qui n’avait rien fait. Il l’a vu parce qu’il n’est pas stupide et parce qu’il commence à connaître Seth, à comprendre que certaines choses s’activent comme s’il actionnait un interrupteur, d’un seul coup, sans prévenir, il commence à percevoir la violence qui affleure son épiderme. Et ça l’effraie. Y a pas un seul indice sur ce qu’il a pu faire, ce qu’il a pu dire pour le mettre dans un tel état de fureur, pas une seule indication à part le fait qu’il ne soit pas venu au club depuis plusieurs jours maintenant (semaines ?). Y a rien qui indique la raison pour laquelle Seth lui en voudrait, ce qui attiserait une telle rage, pas le moindre mot prononcé de travers, la moindre parole malheureuse. Ça lui rappelle désespérément Peadar, parce qu’ils sont foutrement bancals comme potes mais qu’il n’a plus qu’eux, et il ne peut certainement pas se permettre de perdre l’un ou l’autre, surtout pas maintenant. Parce que maintenant, c’est là que c’est dur, les nuits et les journées passées seul, à ressasser, à se demander à quel moment sa vie a pu devenir un tel bordel, à quel instant précis il a pu penser que dire je t’aime à tout va serait une bonne idée, à quelle seconde, quelle minute il a décidé de foutre toute sa vie en l’air pour quelques illusoires moments de bonheur. Sûrement qu’il ne pensait pas aux conséquences quand il a baisé Caïn, quand il est sorti avec Toad, quand il a décidé de dire à sa raison d’aller se faire foutre pour suivre les battements tonitruants de son cœur. Il est flingué, ça se voit, y a les cernes trop sombres qui se creusent sous ses yeux au fil des jours, les joues émaciées qui demanderaient à ce qu’on nourrisse un peu le bonhomme, les cheveux trop longs, trop souvent gras, une négligence générale qui laisse penser qu’il se laisse doucement aller, qu’il dérive lentement et qu’il s’en branle complètement. Les amis, c’est tout ce qu’il lui reste, alors il peut pas se permettre d’en rejeter certains sous prétexte qu’ils sont moins rutilants que d’autres, et même s’il a un étrange nœud au ventre en s’approchant de Seth, il souhaite tout de même prendre le risque.

Il a sorti le briquet par anticipation en voyant son ami planter une cigarette tordue au coin de ses lèvres. C’est ce genre de mec, Asher, à prévoir toujours à l’avance, à se pointer avec sa gueule enfarinée et ses grandes idées en tête, à faire des plans sur la comète avant même d’avoir analysé les conséquences de ses actes. Il peut tout prévoir, oui, sauf sa réaction. Parce que quand il entend le rire de Seth, ça lui fait comme une décharge électrique, l’impression d’avoir été branché sur secteur, les deux doigts dans la prise, il est sur le point de cramer littéralement. Quelque chose ne va pas, quelque chose ne tourne pas rond, et c’est pas évident pour lui de deviner de quoi il s’agit parce que Seth n’est pas facile à décoder, parce qu’il parle sa propre langue, sourde et muette, parce qu’il ne dit pas assez souvent les mots qui lui traversent l’esprit. C'est pas évident de deviner, aussi, parce qu'il a peur de demander.
Il se colle aussi une clope entre les lèvres. A ce compte-là, autant prendre sa dose de nicotine avant qu’on ne le passe à tabac.
« J’sais pas de quoi tu causes, Seth. » Et comme toujours, y a la serviette de toilette un peu humide qui traine à côté, qu’il attrape distraitement avant de s’emparer des poings ensanglantés de son ami. Il a déconné, vraiment déconné. Parce que sur l’échelle des conneries, Asher se place assez haut, mais là c’est carrément glauque, malsain, franchement inquiétant, la manière avec laquelle il a détruit la gueule de ce mec sans s’en apercevoir. Juste après avoir croisé son regard. « Il t’avait fait quoi ce type au juste ? » Signe de tête distrait vers le centre de la pièce où se déroulait le combat quelques minutes plus tôt, les syllabes un peu déformées par sa cigarette qui pendouille de sa bouche. C’était pas le type, c’était moi hein. Il aimerait lui demander, l’entendre le dire. Il n’ose pas. Lentement, il essuie les plaies avec la serviette, prend soin de n’arracher aucun lambeau de peau, examine les blessures avec la méticulosité d’un docteur. Y a Anca pour ça, ouais, mais s’occuper de ses poings signifie aussi éviter qu’il les lui colle dans la gueule. « Tu veux en parler ? » De ça, de la raison pour laquelle tu te comportes comme un animal déchaîné, comme une bête sauvage, sans pitié, cruelle, à l’opposé de ce que tu peux être. De nous, peut-être. Sûrement de moi, faut croire.
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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyVen 29 Déc - 22:01

« J’sais pas de quoi tu causes, Seth. » Et merde. C’est la première chose qui lui traverse l’esprit. C’est à peu près tout c’qu’il est capable de formuler comme pensée cohérente, regard fixé sur le sol poussiéreux à essayer de mettre un peu d’ordre dans le chaos. De pas laisser ce vicelard de soulagement lui effleurer la nuque, parce que oué, pour l’instant tout va bien. Asher a pas encore envie de lui démonter la gueule. Il l’aime encore bien. C’est chou, c’est mignon, t’as quoi, deux minutes de répit mec ? T’façon c’est pas comme si c’était possible de faire abstraction d’la chose. Et il peut faire abstraction d’un nombre incalculable de choses, Seth. De certaines dont sont incapables la grande majorité du genre humain. Comme la sensation des craquements des os dans ses mains et sous ses mains. Peut-être justement qu’il en fait pas abstraction en fait. Qu’il kiffe ça. Peut-être qu’il fait plus vraiment parti du genre humain en fait. Mais ça, on s’en fout. On s’en fout parce que ça, là, il peut pas faire abstraction. Et encore moins des grandes paluches d’Asher qui viennent encore réparer les siennes. Comme s’il y avait pas de problème. Parce que y a pas de problème. Pour lui. C’est trop doux, trop innocent et inconscient pour que ce soit supportable. Ça pue la fin de tout, d’eux deux, et par-dessus ça y a des images de la peau ancré de Toad sous ses même phalanges. Et ça fait mal. Tout fait mal. Le voir, l’entendre, le toucher. Réflexion faite, il aurait préféré qu’il lui refasse le portrait de la même façon qu’il avait détruit l’autre. C’aurait fait moins mal, carrément moins mal.

Me touche pas putain. Mais il bouge pas, parce qu’il sait pas trop ce qu’il se passerait s’il bougeait. Il a pas envie de lui faire plus de mal qu’il va lui en faire et qu’il lui a déjà fait. Il a pas envie d’être responsable d’autres choses que de bleus sur sa tronche d’ange décharné, mais l’mal est déjà fait. Il a pas envie de perdre un pote. Son ami. C’est tellement con. Bro's before hoes, qu’on dit. Oué. Sauf que c’est Toad. Y a pas grand-chose qui trouble son immobilisme. Juste ses mains qui passent  à tour de rôle dans celles du flic, ses doigts qui débarrassent un instant sa cigarette de ses cendres et sa joue d’une larme qui s’échappe sans crier gare. T’vas pas t’mettre à chialer mon con. C’est de ta faute tout ça. Fallait pas partir de base. Et fallait partir ensuite. T’as tout raté. T’aurais dû rester quand Toad t’as demandé de rester la première fois. La deuxième t’aurais dû le faire partir, ou t’barrer encore. Pas revenir foutre la merde toi et la merde collée sous tes baskets. C’est encore et toujours contre lui-même qu’il est en colère Seth. Il peut pas l’être contre Asher, d’être tombé amoureux de la seule personne qu’il ait jamais aimé. Et qu’il aimera toujours. Il peut pas être en colère contre Toad, parce que… c’est comme ça. Il l’a jamais été vraiment, totalement. Alors y a que contre tout le reste du monde qu’il peut s’mettre en colère, contre le pauvre type de tout à l’heure, et puis fatalement, quand il se retrouve tout seul, y a plus que lui-même qu’il peut haïr. Lui et son incapacité d’faire les bons choix. Lui et son égoïsme parce que nan, il pas peut laisser Toad à Asher. Lui et son existence à laquelle il est même pas capable de mettre un terme malgré tous ses « efforts » d’autodestruction. Plus lent mieux c’est, oué, il l’avait appris avec Wini. Il avait aussi appris avec elle que plus c’était lent, et plus t’embarquais les autres autour de toi. Il avait juste oublié le sinistre détail que ces autres, c’est souvent ceux qu’on aime. Fait chier.

« Tu veux en parler ? » Ça lui arrache un nouveau rire à Seth. Moins glauque, mais affreusement triste. « Non. » C’est simple comme réponse, ça demande pas d’explication, ça appelle pas de suite non plus. Tout comme le regard sombre qu’il plante dans celui du flic. Mais dans une seule syllabe, y a quand même sa voix qui dérape. Qui laisse transparaître le mal derrière, dont il va parler quand même. Y a ptn de pas le choix, même s’il essaye quand même de gratter quelques secondes où tout va encore bien pour l'autre. En tout cas, là, ici. Il imagine sans peine la tournure douloureuse que sa vie a prise. Et c’est pas fini mon vieux. Merde, merde, merde. Il sonde son regard à la recherche d’il sait pas trop quoi, peut-être encore un vague signe d’amitié. Encore un et puis voilà. Il s’en est pas rendu compte Seth, mais y a sa main libre qu’est venue coller le bout de ses doigts froids contre la joue mal rasée d’Asher. Peut-être la première fois qu’il y touche pas pour le cogner ou le soigner, et très certainement la dernière. C’est comme un baiser d’adieu, mais il se voit mal lui rouler une pelle. C’est un ultime geste d’affection envers son pote, qu’aura très certainement plus aucune envie de l’être une fois qu’il aura ouvert la bouche. Enfin c’est pas comme s’il en avait envie Seth. Enfin si. Mais c’est clairement impossible. Alors il soupire, sépare ses phalanges de la peau d’Asher et récupère la serviette entre ses mains pour s’essuyer la tronche du sang qui tend à s’y encroûter. Et puis il laisse tout tomber, la serviette par terre, ses bras le long du corps et sa tête qu’heurte un peu trop fort le mur derrière lui. « Tu ferais bien de t’asseoir. » C’est un bon début ça oué. Pas du tout stressant. Au moins ça lui évitera que se casser la gueule en apprenant la nouvelle. Maintenant s’agit de trouver les mots. C’est con, depuis le temps qu’il est au courant, il s’est pas demandé une seule fois comment il allait lui dire. Peut-être qu’il s’était dit que Toad s’en chargerait. Au détail près que Toad évite toujours soigneusement les tâches ingrates, surtout quand il est là pour s’en occuper. C’est tellement facile de retomber dans ce genre de mauvaise habitude.

Il reste un instant silencieux, Seth, le regard dans le vide, perdu vers la foule encore présente. Trouver quoi dire. C’est peut-être une longue torture pour Ash, mais c’est toujours moins pire que ce qui l’attend. Alors il a pas trop de scrupules à le faire poireauter. Même si au fond y a sans doute aucune bonne façon de dire à un pote qu’il se tape ton mari. Enfin déjà ne pas le dire comme ça, c’est un bon début. Il sait pas trop combien de temps il a attendu, mais il a eu le temps de finir a clope. Cela dit, vu la douleur qui irradie dans sa gorge, il a pas dû y aller de main morte dessus. Mais il s’en fout. C’est toujours pas ça qui fait le plus mal. « Ok... » Il parle pour lui-même, à mi-voix, écrase sa clope par terre et reporte son attention sur Asher. C’est la moindre des choses de le regarder, nan. « Tu… Je sais que récemment t’as largué Toad. Baxter. Parce que. Parc’que t’as appris qu’il est marié. Eh bah… il s’trouve que l’mari,... c’est moi. » C’est pas mal. C’est pas trop mal. Pas d’injures. Pas de jurons. Pas d’accusations d’infidélité ou j’sais pas quoi. Il l'a pas mis en porte-à-faux. Toad non plus. Il a pas pété un câble. Il est resté calme même si y a les ongles qui s’enfoncent dans les paumes. C’est pas trop mal. Il serait presque fier de lui s’il était pas dévasté. Si l’trou noir qui le bouffe de l’intérieur venait pas de gagner en diamètre. S’il avait pas l’impression que l’vide s’était encore ouvert sous ses pieds. S’il avait pas l’impression d’avoir découvert un nouveau cercle à l’Enfer.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyMar 2 Jan - 0:01

Tu veux en parler ?

Non.

Menteur.

Pourtant, ce serait plus simple, de ne rien dire, de faire comme si tout allait bien entre eux alors que leurs regards les trahissent, alors que les non-dits sont tellement oppressants qu’ils se devinent sans prononcer. Des prières, des sorts qui naissent dans leurs iris à chaque infime instant où ils se croisent. Ça serait mieux, oui, de faire comme s’il n’avait pas remarqué la lueur assassine dans les yeux de Seth, comme s’il n’avait pas compris que son acharnement à transformer un type en œuvre d’art d’os cassés et de sang n’était qu’une façon d’évacuer la pression, de libérer ses pulsions, le but premier de ce foutu fight club. C’était ce qui avait poussé Asher ici dans un premier temps, le besoin de laisser les poings parler quand les mots ne sortaient plus et l’envie de devenir plus rapide, plus courageux, plus puissant, d’acquérir des compétences guerrières que l’éducation prodiguée dans l’Upper East Side n’avait absolument pas envisagé de lui transmettre un jour. Son père sait-il seulement se battre au corps à corps ou n’est-il qu’un énième flic libidineux coincé derrière son bureau à interroger des suspects à longueur de journée, le cigare au coin des lèvres et le brandy à portée de main ? Il y a fort à parier que non, qu’il n’a même jamais vraiment affronté des chefs de gangs à mains nues, qu’il se garde bien de sortir sur le terrain à la rencontre des vrais problèmes. Pour autant, il a sûrement déjà côtoyé les égouts d’assez prêt, pour être arrivé là où il est aujourd’hui. Peut-être même aussi bien qu’Asher, à copiner avec le moindre criminel, à en compter plusieurs parmi ses amis les plus proches. Ça lui vient de là, faut croire, l’envie de s’affirmer, d’aller taper sur des mecs consentants pendant son temps libre, sur des potes comme Seth, de prétendre avoir écopé ces blessures des coups de criminels le lendemain matin et pas d’un simple goût du sang et de la violence, plus difficile à assumer.
Il veut pas en parler, Seth ? Alors pourquoi est-ce qu’il continue de causer, pourquoi est-ce qu’il lui demande de s’asseoir ? Pourquoi est-ce qu’Asher obéit bêtement, docilement, au lieu de lui demander tout de suite ce qui ne va pas ? Technique de l’esquive, sûrement, à vouloir éviter les confrontations jusqu’au dernier moment, à redouter les aveux et affirmer que toute vérité n’est pas bonne à entendre. Ça lui ressemble plutôt. Il le regarde, du coup, à défaut de pouvoir parler, les yeux rivés sur ses lèvres, les oreilles suspendues à la moindre de ses paroles. Et le coup part, brutal, sournois, l’estocade est portée et il ne l’avait clairement pas vue venir, celle-là. Les mots ne font pas de sens, pas encore, ils sont juste enchaînés les uns après les autres sans ordre logique, sans continuité, largué, Toad, mari, moi. Lui. C’est nerveusement qu’il attrape sa cigarette, aspire une longue bouffée de tabac qu’il expire droit devant lui. Il n’ose plus regarder Seth, il ne sait pas pourquoi. Sûrement parce qu’il y a tout qui se casse la gueule d’un coup, leur amitié, leur passe-temps préféré, leur amour commun, y a tout qui fout le camp alors qu’Asher égrène tous les moments où il aurait pu s’en rendre compte, la fois où Seth avait évoqué son mariage, celle où il avait cru reconnaitre Toad dans la personne dont il lui parlait mais où il s’était rapidement ravisé, associant bêtement le mariage à une relation homme/femme. Putain de con, putain d’aveugle. Ça tourne dans sa tête, ça fait mal, les rouages qui s’enclenchent, la mécanique qui se met en branle, on s’bat ou pas ? On s’fout sur la gueule ou on s’regarde encore dans le blanc de l’œil histoire de voir lequel cille le premier ? Ou on attend de voir lequel de nous fait le premier faux pas ?

Asher. Toujours Asher.

« Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? » Oui, il ne sait pas ce qu’il attend. Peut-être rien du tout, peut-être qu’il voulait juste déballer ça histoire de ne plus le garder dans un coin de la tête, au fond de la gorge, serré dans le cœur, histoire de dire le fond de sa pensée sans espérer une réponse toute cuite. Il pourrait s’excuser, Asher, dire pardon, qu’il ne savait pas, que s’il avait su il n’aurait évidemment rien fait. Mais c’est pas vrai. Il savait que Toad mentait, il savait qu’il avait quelqu’un, parce que le pasteur est transparent pour lui, qu’il le connait par cœur, qu’il sait lorsqu’il dit la vérité et lorsqu’il mitonne, et qu’il avait parfaitement remarqué la façon avec laquelle il évitait de dire qu’ils étaient ensemble. Parce qu’il était déjà pris. Peu importe qu’il ait confondu ça avec une peur panique de l’engagement ; l’important est qu’au fond de lui, il savait, et il n’avait rien fait, rien dit, rien provoqué avant la confession, avant les mots sanglotés au téléphone, avant l’hosto et la rupture. « Je l’aime. » Il ne le regarde toujours pas, par gêne, par défiance, et c’est aussi pour ça que la phrase est au présent. Je l’aime, c’est irrévocable, c’est un sentiment qu’on ne peut pas lui enlever, même avec des poings, même avec un couteau. Je l’aime, ça porte à des centaines de milliers d’années, après que le soleil s’est éteint et que les étoiles sont toutes mortes dans le ciel, je l’aime ça se lit sous forme de dizaines de documents en format Word planqués au fin fond de son ordinateur, je l’aime ça disparaîtra pas parce que Seth en aura décidé de la sorte. S’il voulait être méchant, Asher ajouterait que Toad l’aime aussi parce qu’il le sait, naïvement, bêtement, il le sait parce qu’il ne lui a jamais vraiment dit, pas pendant le temps où ils étaient ensemble, mais qu’il l’a stupidement montré, toutes les fois où il l’avait embrassé et où ils avaient fait l’amour sans prononcer le moindre mot, toutes les autres où ils avaient communiqué par le seul biais de leurs regards pendant des soirées entre amis. Et tous les entre-deux, l’aveu du mariage et les ongles de Toad pourtant plantés dans sa peau, refusant de le laisser partir. C’est pas deux amis qui s’font ça. C’est davantage. « C’est fini de toute façon. » C’est plus rien. Il tourne la tête vers Seth, l’observe, sourire triste sur la bouche, les sanglots qui se dessinent dans ses rides et ses fossettes et la cigarette qu’il attrape du bout des doigts pour l’écraser sur le mur derrière eux. « Et tu peux m'casser la gueule si tu veux mais ça servira à rien parce que j’existe plus dans cette histoire. T’as gagné. » Et les yeux embrumés de larmes qu'il laisse glisser devant lui, loin du visage de Seth, loin de celui qui a gâché sa vie qui était déjà foutrement merdique avant tout ça, avant Toad et avant le foutu espoir qu'il lui avait collé dans le coeur. T’as gagné alors que moi, j’ai tout perdu, t’as gagné parce que je ne ferai jamais le poids contre toi. Satisfait ?
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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyMar 2 Jan - 19:03

Voilà. C’est dit. Et ça change cruellement que dalle. Et c’est pas mieux. Comment ça pourrait l’être hein ? Faut pas rêvé. D’façon c’est pas son genre à Seth. Mais putain il s’est rien passé.  Mais c’est même pas pire non plus. Parce qu’il avait déjà perdu Asher depuis qu’il savait. Et qu’il réagit pas. Même pas un poing dans sa gueule. Peut-être qu’il aurait préféré ça Seth. Que les cieux s’ouvrent en deux pour laisser se déverser l’apocalypse. Y a pas eu d’explosion nulle part. Juste une implosion quelque part au fond de ses tripes, un nouveau creux qui s’est formé. Un nouveau vide, encore un truc qu’il va devoir combler. Il sait pas bien comment. Avec plus de violence, de rage et de sang sur les mains. Il sait pas, il sait plus, et il a plus envie de se battre. Pas là. Pas demain non plus. Il va juste arrêter d'exister quelques jours, tiens. Ça fera des vacances à tout le monde. Faute de pouvoir faire mieux.

Mais putain, il aurait voulu qu’il s’passe quelque chose, autre chose que « Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? » N’importe quoi, mec. Que tu me détestes. Que tu vas m’buter. Que j’suis un enculé et que j’ai détruit ta vie. Quelque chose, n’importe quoi. Enfin tout, sauf ça. Il retient un juron qui s’perd dans un grognement. Le regard qui s’barre encore sur le sol, qui cherche un truc à regarder même si y a rien d’autre que de la poussière et quelques taches sombres du sang qui gouttait de ses mains, devenues blanches sous la pression des muscles. Pas qu’il veuille lui en mettre une, nan. Juste que ça fait trop mal. Ça lui cisaille le cœur, le fait ployer en avant, bras ballants entre les jambes, tête baissée, la mâchoire contractée et la nausée au bord des lèvres. Parce que c’est Toad, et parce que c’est réciproque, putain. Il le sait, et ça le ronge. Ça l’empêche d’aller le voir, de l’appeler, de faire un pas vers lui. Ça l’empêche d’imaginer quoique ce soit de… positif. Un truc. Juste, un truc bien entre eux, sans. Bah sans Asher. Qui reste là, coincé dans le cœur de l’un et dans la tête de l’autre. Ecrit en grand partout sur les murs. « C’est fini de toute façon. » Il est à deux doigts de rire Seth. A deux doigts de pleurer aussi. Mais il peut s’permettre ni l’un ni l’autre, alors y a juste un rictus morbide qui lui déforme les lèvres. Mon cul oué. C’est c’que Toad a dit aussi. Ils mentent à qui ? A lui, ou à eux-mêmes ? Pas étonnant qu’ils se soient trouvés, putain. Mais il a pas cru l’un Seth, et ne croit pas l’autre non plus. Parce que lui ça fait six ans, et c’est toujours pas fini. Ils lui feront pas croire qu’une semaine et des paillettes, ça a suffi. Parce que c’est Toad d’un côté et Asher de l’autre. Qu’il connait l’un par cœur et l’autre assez pour savoir ça. Et que dans un autre contexte, il leur aurait donné sa bénédiction. Dans un autre contexte, il se serait cassé. Il les aurait laissés ensembles. Mais pas là. Pas sachant que son mari l’aime encore. Et qu’y un espoir, aussi infime et illusoire soit-il, que ça redevienne comme avant. C’est tout c’qu’il voudrait Seth. Que ce soit comme avant. Mais avant, y avait que eux deux. Personne d’autre.

« T’as gagné. » Si, cette fois, il rit. Ou alors c’est un sanglot. Il sait pas trop. Fossettes toujours creusées et une main qu’essuie une nouvelle larme qui s’fait la malle de ses yeux pleins d’eau. Chiale pas putain. Une inspiration tremblante avant d’ouvrir la bouche. « Alors pourquoi c’est pas l’impression que j’ai ? » Clairement pas. Il a encore l’impression d’avoir tout perdu, et surtout tout gâché. Toujours l’impression de c’est de sa faute, et qu’il crame tout c’qu’il y a autour de lui dans son égoïsme. Mais il a pas le choix. C’est Toad. Il s’redresse vaguement pour pouvoir regarder le flic et admirer son œuvre. C’qu’il a encore réussi à dessiner sur le visage de ceux qu’il aime. Ce talent indéniable pour la souffrance, la sienne et celle des autres. Et c’te cruelle évidence d’être incapable de s’réjouir d’avoir un truc arraché à l’autre. De pas être foutu d’être content d’avoir « gagné » quand l’autre a perdu. Pas être foutu de partir, pas être foutu de sourire. Pas être foutu de rien, sinon de tout détruire et lui aussi. Pauvre con. A croire qu’il l’aime sa marée noire, le mazout qu’engourdit ses chevilles et les odeurs d’hydrocarbures qui l’font suffoquer, et toujours s’enfoncer dans le noir. Surtout n’y voir aucune lumière. T’as peur de t’faire aveugler ou bien ? Crève alors. Nan. Y a Toad. Putain.

« J’suis désolé. » BAH CASSE-TOI ALORS ! Et surtout ferme-la, pauvre con. Mais il s’tait pas Seth. Parce que y a trop de honte depuis trop d’année, encore un peu plus là, il peut plus supporter. Même s’il peut rien réparer. Ou qu’il veut rien réparer. Et encore plus de culpabilité. « Tu m’connais assez pour savoir que j’devrais rien en avoir à foutre mais je… pas toi. J’aurais tout donné pour qu’se soit pas toi. » Et ta mère ?! Oué…  Sa mère aussi. Parce que ça fait un bail qu’elle compte plus. Y avait pas grand monde qui comptait jusque-là. Y avait Asher. Et puis y a Toad qui revient. Et Asher qui part. Il aurait tout donné pour ne pas perdre Asher oué. Sauf la seule chose, la seule personne, qui pourrait l’permettre. Et encore. « On va pas pouvoir rester potes, hein ? » Pauvre constatation faite à mi-voix, à laquelle il d’mande quand même confirmation. Sait-on jamais, hein. Idiot. Il ferait mieux que se casser, de disparaitre du paysage de son désormais ancien ami. D’éviter soigneusement tout contact, s’excuser si jamais il le croise par inadvertance. Mais ça non plus il peut pas s’y résoudre. Il voudrait faire quelque chose, mais y a rien à faire. Bon à rien. Surtout pas à faire c’qui faudrait. « C’est toi qui devrais m’casser la gueule nan ? » Ça. il peut toujours faire ça. Pour lui, pour eux. Parce que ça lui ferait du bien en retour. Et encore les flammes de l’égoïsme qui viennent lui lécher les doigts sous couvert d’abnégation. T’es vraiment un trou du cul, Seth. Tu t’es jamais d’mandé pourquoi il t’aime, Toad ? Tu ferais bien.
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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyMar 2 Jan - 23:31

Ami. Amour. Ami. Amour. Ça fout un coup de poignard en plein cœur, cet abject sentiment de désertion, celui qui lui susurre qu’il abandonne trop facilement ses proches, qu’il n’est pas fiable, pas loyal, que si l’enfer est pavé de bonnes intentions il est Lucifer, à vouloir aimer, à vouloir protéger, à ne jamais réussir. A blesser avec une fréquence aussi désespérante tous les gens qu’il aime. Caïn. Toad. Seth. Sauf qu’y en a un pour qui c’est pas pareil, un qui ne fait pas bleuir le palpitant, un qui reste à une distance respectable de ses sentiments les plus dévorants. Un dont il a affreusement besoin, maintenant plus qu’à n’importe quel autre moment, maintenant qu’il est au fond du trou, qu’il ne peut pas tomber plus bas, qu’il aurait bien besoin d’une main pour le remonter à la surface, de doigts pour attraper ses phalanges transies de froid parce que l’eau est glaciale, mordante, parce que l’océan dans lequel il se noie est polaire et qu’il se sent de plus en plus engourdi. Peadar. Il a besoin de voir Peadar. Pas juste ce soir, tous les soirs qui suivront, jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus de lui, qu’il le jette comme le font tous les autres, jusqu’à ce qu’il soit trop usé pour pouvoir encore le supporter. Caïn, Toad, Seth, Peadar. L’ordre logique, préétabli, celui qui résume invariablement sa vie, jeter ou être jeté, les je t’aime auxquels il ne croit plus et les autres mots qui sonnent comme des je t’aime. Quand Seth lui dit qu’il n’a pas l’impression d’avoir gagné, par exemple. Faut dire, c’est pas une compétition comme les autres, c’est pas une foutue tombola où le premier des deux remporte le jambon gratuit. C’est de Toad qu’il s’agit, de Toad et un peu d’eux, c’est une guerre qu’aucun ne peut gagner vraiment, parce qu’ils savent tous les deux qu’ils ne deviendront jamais ce rien qu’ils évoquent.
Ce rien, c’est un mensonge.
« J’te crois. » J’te crois quand tu dis qu’t’es désolé, j’te crois quand tu t’excuses presque de nous séparer. Sauf que c’est pas ça. Tout dans l’attitude de Seth lui souffle le contraire, il a trop d’orgueil pour réussir à vraiment cacher qu’une part de lui est heureuse qu’il se soit barré. Peut-être qu’il interprète, sûrement même. Peut-être qu’y a pas grand-chose de plus à lire dans ses yeux que de la véritable sympathie, une amitié sincère. Sincèrement désolé, il est. Et faut le croire, parce que c’est tout ce qu’il reste, maintenant, un espoir brut et intact que leur relation n’ait pas pris du plomb dans l’aile à cause de tout ça. Un ridicule, sordide espoir, ouais, comme quand on dit à un gamin que son chat est parti à la ferme des animaux pour ne pas cracher le morceau sur le destin funeste du feu-félin. Il devrait être en colère, foutrement en colère. C’est pas le cas. Y a sa main qui se glisse dans le dos de Seth, presque trop doucement, pudique, et c’est stupide parce qu’il la connait par cœur, sa peau, parce qu’il a trop souvent pansé ses plaies pour être gêné de poser les doigts sur lui. C’est stupide mais maintenant, c’est juste la peau du mari du mec qu’il aime, et c’est comme si on avait passé du papier de verre sur l’épiderme, comme si on avait collé des piques empoisonnées le long sa colonne. Mais c’est un ami. Son ami. C’était, peut-être, il sait pas, y a qu’à voir comment Seth parle d’eux au passé, des fantômes bras-dessus bras-dessous qui s’barrent chacun de leur côté, l’un qui retourne chez les vivants et l’autre qui se dirige enfin vers la lumière. On va pas pouvoir rester potes, non, on va pas pouvoir rester potes, j’ai bégayé putain ? Non. Non on va pas pouvoir rester potes, y a que dans des sitcoms du style Friends ou How I Met Your Mother que les gens peuvent baiser tous les uns avec les autres mais rester amis pour la vie. Ils sont pas dans une série, y a pas les rires enregistrés et les applaudissements quand y a un gros plot twist que personne n’attendait. Celui-là aurait pourtant fait fureur à la téloche, l’histoire du pasteur qui couche avec son meilleur ami avant de retrouver le mari qu’il était justement venu reconquérir dans sa ville d’adoption. Est-ce qu’ils se sont embrassés depuis ? Combien de fois ? Est-ce qu’ils ont eu droit aux applaudissements alors que les plans sur la vie d’Asher ne récoltaient que les ooooh dépités d’une audience amourachée de son nouveau couple phare ?

Non, c’est pas une putain de série. Non, on pourra pas rester potes.

Pourtant, c’est mieux de ne rien dire, comme si le fait de rester muet adoucissait un peu la peine provoquée par la perte de Seth, qui est pourtant toujours là, à côté de lui. Et la main d’Asher qui n’a pas quitté l’arête saillante de son dos, comme pour caresser le chat qui l’a déjà mordu six fois et qui a pissé sur la moquette. « J’veux pas t’casser la gueule, Seth. » Enfin si, un petit peu, mais pas suffisamment pour entamer une guerre, pas assez pour lancer l’offensive, le canarder de missiles jusqu’à ce qu’il s’effondre en un million de morceaux. Pour faire la guerre, faut avoir encore quelque chose à perdre. Y a plus rien, là. Toad, il l’a déjà perdu y a des semaines, quand il l’a largué devant l’hôpital parce qu’il refusait stupidement de n’être rien de plus qu’un amant. Caïn, il l’a perdu bien avant. Elena, elle reviendra plus jamais, même pas question d’espérer. Et Scarlett, c’est le passé, froid, discordant, un passé où tout allait bien, où ils étaient tous terriblement heureux et farouchement égoïstes, accrochés de tous leurs ongles à leur petit monde doré et à la vie de rêve que le destin leur promettait. Le destin, cette pute. « Juste. » Et il s’arrête net. Pas besoin d’en dire davantage, y a eu trop de choses déterrées, trop de blessures ravivées. La main qui se détache, le pouls qui s’accélère. Ses yeux qui dardent ceux de l’asiatique comme deux flèches prêtes à le transpercer. « Je pensais vraiment que c’était le bon, tu sais. Après Scar, Elena, après tous les autres. » Le bon comme le dirait une ado prépubère, il aurait presque honte. Sauf que Toad aurait ri. Sauf qu’il l’aurait regardé en soufflant t’es con et il aurait un peu rougi avant de lui filer un coup de coude. Sauf qu’avec lui, ce genre de phrase n’aurait pas semblé si incongru, si bête, si fleur-bleue. « Et ce qui m’emmerde le plus, c’est pas qu’ce soit toi. C’est qu’ce soit pas lui. » Bam, les mots qui tombent, les yeux qui le lâchent, y a trop de douleur dans sa voix et dans les sanglots qu’il réfrène, trop de souffrance contenue des longues nuits à ne pas le pleurer, à retenir les larmes comme il essayait de retenir les maigres secondes volées à la course du temps, les textos de Toad complètement bourré et les tu me manques lâchés à mi-mot. « Tu peux pas être ami avec quelqu’un qui espère que ça foire entre toi et ton mari pour pouvoir le récupérer, Seth. C’est bon ni pour toi, ni pour moi. » Elle est là, la vérité, la terrible, l’effroyable.
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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyMer 3 Jan - 19:52

Tu m’crois ? Bah tant mieux alors. Faut bien qu’il y en ait un des deux qui y croit. Ptn. Ça le dégoute. Tout. Lui-même, eux, c’te situation, l’odeur du sang et de sueur qui prend de l’ampleur. Envahit ses narines, sa gorge, et l’acide qui s’agite au fond de son estomac. Les lèvres qui tremblent, retenir la nausée et les pleurs. Le haut-le-cœur étouffé par une main contre sa bouche en sentant celle d’Asher dans son dos. A quoi il joue ptn ? Il peut pas ne pas remarquer que ça fait mal. Que y a pas eu besoin de beaucoup de temps pour que tout change. C’était tellement anodin comme gestec entre eux. Avant.  Les doigts qui se baladent sur les lèvres et les pommettes pour soulager le travail d’Anca. Une tape dans le dos et on est reparti. Un pain dans ta gueule, j’suis qu’tu m’en voudras pas après. Même ça, ça faisait moins mal. Et c’est devenu l’enfer bien trop vite. La souffrance de la perte, la culpabilité qui fait un nouveau bond, et c’te vicelard apaisement qui s’fait un chemin le long de ses vertèbres. A moins que ce ne soit que la chaleur de la paluche du flic dans son dos. Une once de chaud à laquelle il s’accroche vainement. Insaisissable et volatile. Mais il s’y raccroche quand même, le temps que ça dure, avant que ça s’termine pour de bon. C’est malsain. Mais c’est lui. C’est Seth. Seth qu’aurait bien voulu s’faire casser la gueule, presque déçu par l’annonce d’Asher. Dommage, dommage. Ça aurait aidé à faire passer la pilule. Ça aurait franchement aidé s’il lui avait balancé ça entre deux mandales. Bam, je l’aime. Bam, je pensais que c’était le bon. Bam, j’aurais voulu que ce soit lui. Et bam parce que tu fais chier. Bam, parce que sans toi, moi j’pourrais l’épouser. Bam, parce que moi j’peux l’rendre heureux. Oué, ç’aurait été mieux. Parce que y a toujours la crasse qui s’enroule partout autour de ses membres, et personne ni rien pour le punir. Pourquoi y a personne pour le détruire lui, et juste lui, et pas toucher aux autres, hein ?

Mais nan, nan. C’est toujours autour de toi que tout tombe. Et tout qui te montre du doigt comme fautif. Coupable votre honneur. Mais on va le laisser face à sa merde. Attachez le à sa chaise, qu’il regarde bien c’qu’il a fait. Arrachez lui les paupières pour être bien sûr qu’il en perde pas une miette. Et pas une chance de réparation, de rédemption. C’est nettement plus marrant.

Maintenant t’as plus qu’à regarder votre amitié qui s’éclate sans bruit sur le sol du fight club. « Oué. » Oué ptn. C’est tout c’qu’il a à répondre à ça. Ça le fout même pas en rogne. Ou juste un peu. Pas assez pour qu'ça déclenche un incendie. Alors oué, ça doit être infime. Mais c’est logique. La logique froide qu’il aime tant pour pouvoir se planquer derrière depuis quelques années. C’est normal. Il aurait pensé pareil. Ou pas. Nan. Nan, il n’aurait pas pensé pareil. Il n’aurait pas “espéré”, Seth. Il aurait fait en sorte. Parce que c’est un sale con, lui. Il aurait détruit Asher comme il a détruit l’autre. Il l’aurait p’t-être buté même. Si les rôles avaient été inversés. C’est moche, hein. Moche de blesser un type qui vaut mieux qu’toi. De priver celui que tu aimes d’un type qui vaut mieux que toi. Un type à qui tu ferais bien de ressembler un peu. Mais à y regarder d’plus près, il s’dit qu’ils ne sont pas si différents que ça. Enfin à celui qu’il était avant. Avant d’faire la plus grosse connerie d’sa vie. Laisser Toad. C’est qu’il va faire Asher. Ou c’qu’il a déjà fait plutôt. Il sait déjà qu’c’est une belle connerie, Seth. Y a une petite partie de lui qui voudrait le secouer. Lui dire qu’il est trop con, de pas abandonner, que ce sera l’une des pires décisions de sa vie, que faut pas qu’il finisse comme lui. Bouffé par les regrets, rongé par la honte et gangréné de haine. Mais elle est trop petite cette partie d’lui. Trop insignifiante. Et pas logique. Ce serait s’tirer une balle dans l’pied. Ce serait leur infliger deux fois plus de souffrances à tous les deux. Et transformer leur perte d’amitié en haine. Déclencher une guerre de plus dans leurs microcosmes catastrophiques. Et risquer encore plus de perdre Toad. Comme si la situation n'était pas suffisamment bancale comme ça. « Et j’peux pas prétendre être ton ami en te faisant ça. » C’que je te fais et c’que je te fais pas. C’que j’te dis et c’que j’te dis pas. C’que tu sais déjà, et c’que tu sauras jamais. C’qui reste coincé là dans un recoin sombre d’mon cerveau tortueux et torturé. J’suis désolé mon ami. « J’aurais aimé pourtant. » Connard. « Un jour p’t-être. » Arrête de rêver tout haut. D’essayer de rattraper des bouts des rêves éparpillés dans la poussière pour tenter d’en recoller quelques morceaux qui vont même pas ensembles.

« Ça va p’t-être faire hypocrite mais...si j’peux faire quelque chose. Si tu veux qu’on s’arrange pour pas s’croiser ou je sais pas quoi... » Il peut pas s’empêcher de s’trouver complètement faux, Seth. Faux dans c’qui dit, faux dans cette envie putain de réelle et putain de déplacée de faire quelque chose pour Asher. Peut-être pour faire pénitence. Peut-être juste parce qu’il l’aime encore. Oué. Y a pas de raison. C’est pas parce qu’ils étaient “que amis” que ça va s’envoler comme ça. Si c’est long de s’faire une place dans le cœur de Seth, c’est par pour en sortir comme ça. Sans arracher une partie des murs et embarquer quelques bricoles au passage. Alors putain, NON, il y croit pas au rien entre Toad et Asher. La blague. Arrêtez d’vous foutre de ma gueule.

Il aurait bien besoin d’une clope, Seth.En vrai il aurait besoin de quelques pilules de Xanax, d’herbes exotiques dans le tabac une d’une aiguille de morphine dans le bras. Mais il a que dalle de tout ça. Il a qu’un paquet de clopes et pas de briquet. Et il se voit mal demander le sien à Asher. Il s’voit mal lui demander quoique ce soit. Alors il se lève. Peut-être un peu vite. Surement. Il se dégote une nouvelle cigarette et va taper sur l’épaule d’un autre type un peu plus loin, pour lui taxer son briquet. Il fait même pas gaffe à l’éclair de crainte dans le regard de l’autre, qu’a peut-être cru une fraction de seconde qu’il allait aussi s’faire laminer. Mais nan. Pas tout de suite en tout cas. Il lui rend juste son feu et tire deux trois fois sur sa clope avant de revenir vers Asher. Le pas lourd et le regard sombre. « J’vais me casser. J’te laisse le club si tu veux te défouler ce soir. T’façon c’est pas comme si quelqu’un allait bien vouloir s’battre contre moi avant quelques jours. » Ça l’fait rire. La cigarette qui tremble au bout des lèvres, les yeux trop tristes pour qu’il y ait une autre lueur que celle des néons qui se reflètent sur le liquide lacrymal. Même pas toi, Asher ? t’es sûr ? J’ferais pas tous les jours une offre aussi généreuse. Ou peut-être que si.
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MessageSujet: Re: echoes (sether)   echoes (sether) EmptyVen 5 Jan - 15:13

C’est hypocrite, ouais. Pas seulement ce que dit Seth mais tout ça, eux en train d’échanger des civilités alors qu’ils devraient vouloir s’entretuer, les autres mecs du club qui les scrutent comme pour voir lequel des deux attaquera le premier, le silence complaisant dans lequel leur petit microcosme bascule soudain. Et la façon dont ils abordent Toad, comme si c’était un objet, une possession, comme s’il n’avait pas son mot à dire dans l’histoire. Il ne l’a pas eu, en fait, simplement parce qu’Asher a décidé pour lui, parce qu’il a pris les devants et qu’il a fait la seule chose qu’il estimait logique de faire. L’obliger à se décider, et le faire en s’éclipsant. C’est sûrement pas ce que Seth considère comme une preuve d’amour et il doit sûrement penser qu’il s’agit plutôt d’une forme toute particulière de lâcheté, ne pas se battre pour la personne qu’on aime, ne pas lutter de toutes nos forces pour la retenir. Ça lui étouffe un sanglot, Asher, entre les mots de Seth, le faux ami qui ne peut pas lâcher son mari pour le laisser à celui qui a été là pour lui pendant des mois, qui n’a pas fui son couple à l’instant où il a commencé à battre de l’aile. Le faux ami qui ne s’excuse pas, pas vraiment, qui le dit mais plus pour la forme que pour le fond, sans vraiment y croire. Ça serait plus simple de s’arranger pour ne pas se voir, au final, pour ne pas s’esquinter plus qu’ils ne le sont déjà. Ça serait plus simple, mais pas forcément possible. Savannah est trop petite pour que deux âmes en peine ne parviennent pas à s’y trouver, lorsque le destin s’en mêlera, lorsqu’il leur donnera en même temps la même idée, aller au Gentleman’s club ou se balader dans le parc, aller bouffer une glace ou voir un film. Y a pas assez de place pour eux deux, ou du moins pas assez de place pour qu’ils cohabitent ici en espérant ne jamais se croiser. « Tu sais très bien qu’on ne pourra pas s’éviter éternellement. » C’est lâché presque brusquement, méchamment, la tête penchée en avant parce qu’il n’a plus envie de regarder Seth dans les yeux, parce que le froid provoqué par sa vaine tentative de rapprochement a suffi, largement suffi, parce qu’il lui semble désormais impossible de maintenir cette amitié en vie, même en le souhaitant aussi fort que possible.
Pourtant, il aurait aimé, lui aussi. Il aurait aimé ne pas se sentir seul, vide, démoli, il aurait aimé que cette conversation ne provoque pas autant de ressentiment, autant de douleur, autant de tristes réminiscences d’il y a quelques mois, quand il avait choisi de se pendre dans son bureau. Toad n’aimerait pas ça. Toad détesterait ça. Le savoir désemparé, sans but, sans projet, le savoir au fond du trou et savoir, surtout, qu’il en est le principal fautif, parce qu’il est en effet difficile d’en vouloir vraiment à Seth, difficile de n’en vouloir qu’à lui, le mensonge originel provenant bel et bien du pasteur. Il aurait aimé lui pardonner, vraiment, lui dire que ce n’est pas grave, qu’ils peuvent rester en contact, se taper sur la gueule à l’occasion, s’faire une bouffe et discuter du bon vieux temps. Sauf que non, c’est pas possible, et s’ils s’esquivent de cette façon, si les regards deviennent douloureux et les gestes assassins, c’est précisément parce qu'ils savent qu’il n’y a pas de retour arrière à envisager.

Y a toutes ces choses qui le montrent, les secondes qui passent comme des minutes. Seth qui demande à un mec de lui allumer sa clope, un peu plus loin. Le compte à rebours vers la descente aux enfers, déjà amorcé depuis quelques instants déjà, quelques jours, quelques semaines. Depuis qu’Asher sait que Toad ne sera jamais totalement sien, et qu’y a dans cette ville quelqu’un qui connaîtra un bonheur dont on le prive.

Et ce quelqu’un, c’est lui.

C’est presque automatiquement qu’il se relève lorsque Seth revient, la clope au bec et les yeux rivés au sol, explications murmurées du bout des lèvres. Il veut se casser mais c’est pas une prérogative qui lui incombe, c’est un droit qu’il a perdu depuis que ce n’est pas lui qui est en morceaux, qui a le cœur brisé, qui peine à respirer à travers les effluves de sueur et d’alcool. Il veut se casser et y a la deuxième lecture, entre les lignes, celle qui lui souffle qu’il aimerait bien qu’ils se battent, l’air de rien, qu’il aimerait qu’Asher s’acharne sur lui, esquinte un peu sa gueule d’ange. « Fous-moi la paix Seth. J't'en prie. » Parce que la tentation est trop grande, trop dévorante, parce qu’il pourrait rapidement se laisser aller à rêver démolir le joli visage de l’asiatique, parce qu’il pourrait le rendre laid, si laid, si vraiment il s’acharnait, s’il laissait ses poings dire ce que ses mots n’osent plus. « J’veux pas que » et ça s’arrête, ça se coince quelque part dans sa gorge, j’veux pas que tu rentres et que Toad te trouve comme ça, qu’il te rafistole comme il l’a fait plusieurs fois avec moi, pas assez souvent. Ça faisait quelques mois qu’il ne venait plus tellement, Asher, à croire qu’il n’en avait plus besoin, que c’était passé, révolu, qu’il avait tourné la page. A croire que la vie est un éternel recommencement, une roulette qui n’a de cesse de tourner et d’nous faire tomber sur les mauvaises cases, rouges, noirs, impairs. Sa main qui arrache la serviette du banc d’un geste sec, l’envoie valdinguer dans une corbeille à quelques mètres de là. « Laisse tomber. » Laisse tomber, va le retrouver. Ça se souffle entre ses mots, dans sa respiration entrecoupée d’accents de douleur qu’il tente vainement de camoufler. « Faut qu’j’y aille aussi de toute façon. » Même s’il n’a personne à retrouver, lui, même s’il n’a certainement personne à aimer, même s’il va juste éteindre la lumière et pleurer sur un bout de lit. Et un dernier regard, lippes discrètement tordues en un sourire triste. Si tu savais putain, si tu savais comment j’ai récupéré Toad, ce que j’en ai fait. Si tu savais que j’serais bien meilleur pour lui que tu ne l’es. « On sait tous les deux comment ça va s’finir, Seth. On règlera ça plus tard. » C’est même pas une menace, même pas une pique. C’est la stricte vérité. Ils se briseront un jour, mutuellement, de loin ou de près, avec des poings ou des mots. Ils se casseront parce que c’est ce qu’ils font le mieux, c’est uniquement ce qu’ils font. Ils s’écharperont et y aura plus qu’à compter le score, à remettre les points dans la bonne colonne. Petit signe de tête avant de s’éloigner, les mains dans les poches, l’envie de crever au fond du cœur. Il croit se souvenir qu’il gerbe dans la première poubelle qu’il trouve, le reste, c’est du flou, un flash, c’est l’arrivée aveugle à l’appartement et la nuit à pleurer comme un connard en réalisant qu’il n’y a plus rien qui tienne debout dans sa vie.
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