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 eleanor rigby.

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MessageSujet: eleanor rigby.   eleanor rigby. EmptyMer 6 Déc - 1:18

Une porte qui claque. Tes yeux qui se referment. Le silence qui se fait. Le silence qui s’éternise. Plus de respiration à tes côtés, plus de masse qui te fasse glisser le long du matelas, plus de chaleur qui irradie. La paix enfin, suprême. Peut-être que le sommeil te prendra, peut-être que le néant sonore l’attirera enfin à toi comme on attire un animal en s’asseyant non loin et en feignant le désintérêt. Mais Morphée n’est pas un animal, Morphée est retors et Morphée est rusé. Il sait te narguer en restant de portée. Le silence est tonitruant, chaque molécule d’air semble hurler le vide qui les entoure. Le silence t’agresse, te roue de coups, t’arrache les cheveux, et tu te lèves comme un diable de sa boîte, chassant le désert. Juste un regard pour la moitié vide du lit. Sa présence comme son absence te condamnent à l’insomnie. Le cycle infernal, jour après jour, nuit après nuit, brise ton dos comme ton esprit. La gangrène te bouffe chaque parcelle de ta vie. Qu’importe, cela fait des années que ce bâtard de marchand de sable t’évite comme la peste, un jour tu arriveras bien à le rattraper pour lui casser les genoux. En attendant, ta fierté t’interdit de lui courir après.

Traîner des pieds, traîner de l’âme. Laisser derrière soi sur le matelas une empreinte creuse de la partie de soi qui cherche encore le salut du sommeil, un fantôme plein d’espoir. Le noyer dans le café. Une tasse, deux tasses, trois tasses et à peine l’impression de redevenir un être humain. Etrangler la fatigue dans les fèves brûlantes. Trouver un réconfort, comme un globe de flammes au creux dans les mains. Les aiguilles de l’horloge ont l’air de reculer, ou plutôt de tressauter sur place, de faire l’aller-retour incessant entre les mêmes secondes, tout est figé. Pas de lumière sous la chape d’orage. Suspendu le temps, respiration infinie, infiltration de sérénité dans ta poitrine comprimée. La solitude c’est ta bouffée d’air, ton rappel pour vivre. La méfiance s’éteint sans destinataire. Tu restes là, étirée entre deux averses à regarder les murs comme un bon film. Peu à peu se glisse une étrange sensation que le monde est décalé. Disparus la musique incessante et le brouhaha des derniers jours. Une chape de plomb est tombée sur la ville. Un dôme impénétrable. Toute la ville. Toute ? Non ! Car un toit habité d’un irréductible félin résiste encore et toujours à la dictature du silence.

Film d’horreur, les griffes sur le verre. Vidéo youtube mignonne, le miaulement désespéré. Tu entrouvres la fenêtre. Le chat et le vent s’engouffrent dans la pièce, tu n’arrêtes aucun des deux. La brise comme alliée, comme remède contre ce sentiment d’engourdissement. Compagnon gracieux de la matinée vide, la bête passe sur les comptoirs, vient frôler ta peau de sa fourrure glacée. Le son des cloches vient virevolter par l’ouverture et soudain tu te souviens. L’agitation puis le silence. C’est Noël. Sous la pluie sous la boue comme chaque année, mais c’est Noël. Il est né le divin enfant. De quoi se réjouir, s’embrasser sous du gui, manger du chapon, s’offrir des cadeaux, faire tu ne sais quoi que font les gens à Noël. Cette année c’est toi et le chat. Rien de triste après tout, jamais Noël n’a été pour toi une fête de famille. Pour ça il faudrait une famille. Il te manque juste le sapin. Juste un arbre, pas grand-chose. Tu glisses tes doigts le long des flancs du matou noir, distraitement, cherches un bout de bœuf séché à partager pour une fois. « Joyeux Noël le chat. » Au final c’est même mieux que Noël dernier, au final c’est presque une fête. Deux c’est royal, deux c’est ça la vraie vie. Si le chat dansait vous danseriez. Pas longtemps, parce que t’aimes pas trop ça, et sans doute que lui non plus, mais juste le temps d’une chanson. II reste lové contre ton bras, tu restes lovée dans sa chaleur. Une sale putain de bête ce truc, t’as les marques pour le prouver.

Sauf que ton téléphone vibre et toi, bêtement, tu vas regarder. Juste une putain de notification youtube. Mais quand tu te retournes la silhouette de charbon finit de disparaître par la fenêtre et toi tu te précipites. « Eh reviens ! » Une sale putain de bête ce truc, un Judas de la pire espèce. « Putain... » que tu murmures comme si t’avais peur que quelqu’un t’entende. Mais pour ça faudrait qu’il y ait quelqu’un pour t’entendre. Tu pourrais le hurler à t’en briser les poumons, arracher les cordes vocales, percer les tympans. Personne viendrait pour autant. Il y a une vague qui déferle, qui te frappe en pleine poitrine, tu titubes sous la marée, tu craches son goût salé, tu chancelles à t’en laisser tomber sur le bord du lit. Ça t’a cogné juste là, tu serais pas étonnée demain d’avoir des bleus sur le sternum, jusqu’à l’os. Un tsunami sur les rivages de ta raison, tous les barrages qui cèdent. La solitude qui te submerge, tu suffoques. Le néant t’assaille de toute part et tu n’arrives pas à t’accrocher, nulle part, même pas à ta propre peau. T’es seule, t’es seule, t’es seule. Comme une impression que tu vas en crever, comme une envie d’en crever. Arrêter les larmes, reconstruire les murs, tuer les tremblements sous l’alcool. Tout essayer. Survivre.
C’était juste un chat t’façon. Et une sale putain de bête en plus de ça. Mais bordel. Bordel il était là lui.
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eleanor rigby.

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