Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes.
✧ 01 Les promenade du dimanche était un moment intense en émotion pour la petite famille O’Neil. Le plus souvent, ils partaient en weekend chez les grands-parents paternels, à San Bernardino, à quelques kilomètres de Los Angeles. La petite famille pouvait ainsi profiter du paysage plus rural notamment dans la forêt nationale de proximité. Et chaque dimanche, depuis sa naissance donc, le petit Zaim prenait un malin plaisir à vagabonder dans la nature, appréciant chaque fleur, chaque feuille, chaque arbre. Sa mère, botaniste, avait une connaissance infini concernant la faune et la flore. Elle lui prodiguait toute une panoplie d’explications précises sur chaque détail de chaque fleur à chaque saison. Sa curiosité de jeune garçon était attisée naturellement, sa sensibilité s’accroissant avec son intérêt.. Mais un jour, alors âgé de 7 ans, il tomba nez à nez avec un joli petit animal. Abandonné, apeuré, âgé de quelques jours seulement, le chaton semblait à la fois perdu et blessé par le froid et l’inconnu. « Maman ! Papa ! Venez voir vite! » Sa voix pressante fit accourir ses parents, qui s’accroupirent à ses côtés pour regarder l’animal. « Oh, pauvre petit être. C’est terrible de le laisser à l’abandon de cette manière », sa mère semblait prendre la situation très à coeur. Ce qui le rassura, pensant la même chose. « Je pense que nous devrions lui procurer des soins. » Son père semblait approuver la tournure que la situation prenait. Zaim ne le savait pas encore, mais grâce à cette rencontre fortuite, il allait faire la connaissance avec son futur métier.
✧ 02 La salle d’attente était blanche et ressemblait à n’importe quelle autre salle d’attente d’un médecin ou d’un dispensaire. La seule différence était marquée par les affiches : beaucoup plus d’animaux et de prévention pour la protection de ces derniers.
Zaim était installé entre ses deux parents, sa mère tenant un petit carton où le chaton, endormi paisiblement, se tenait. l’excitation du petit garçon était palpable. Ce nouvel animal n’était pas uniquement un nouvel hobby, ça allait devenir son meilleur compagnon. Il le sentait jusqu’au plus profond de son être. La porte d’une salle de soin s’ouvrit pour laisser passer une jolie dame aux cheveux blonds tressés. « Bonjour ! Qu’avons-nous là? Oh ! Mais il a l’air adorable… absolument adorable. Et mal en point. » Zaim ne manqua pas de lui expliquer la situation. La jolie dame esquissa un sourire et patiemment, entreprit de débuter son analyse vétérinaire. « Hm, elle est vraiment très faible… Car oui, c’est une femelle. Il va falloir en prendre soin et lui donner à téter à la place de sa mère. Elle a eu de la chance que vous la trouviez.. Et elle est franchement résistante. » Après avoir expliqué aux parents ce qu’ils auraient à faire pour maintenir le petit animal en vie, la vétérinaire se tourna vers Zaim : « Alors, lui as-tu trouvé un petit nom? » « Oui, Fleur. » Dit-il, tout en caressant doucement le chaton. Son intérêt pour la nature venait soudainement de trouver un tout nouveau sens, prenant un nouveau virage. Il savait ce qu’il voulait faire maintenant. Et il allait y arriver. Il allait prendre soin de Fleur.
✧ 03 « Et là, c’était ma grande-tante Ilda. C’était une femme vraiment merveilleuse, ouverte sur le monde. C’est d’ailleurs elle qui m’a poussé à venir aux Etats-Unis pour étudier et approfondir mes connaissances… » Zaim était installé à côté de sa mère, un énorme album photo posé sur ses genoux. Il avait beau avoir vu ces photos une bonne dizaine de fois, c’était toujours un pur plaisir de redécouvrir les visages d’une famille qui lui était inconnue, invisible, étrangère, et surtout lointaine. Une moitié de son sang était tout de même albanaise. Bien que ses grands-parents maternels se trouvaient à quelques kilomètres d’eux, le reste de la famille était bien sur un autre continent. La famille Puraj, composée de 2 enfants, s’est vu quitter l’Albanie soudainement suite à l’apogée du système communiste prisé par le pouvoir. Appartenant à un parti contre cette montée, le grand-père de la famille fut obligé de s’exiler politiquement. C’est ainsi que la petite famille de 4 se retrouva à New York, puis Los Angeles.
Zaim avait déjà eu la chance de se rendre dans ce petit bout de terre, alors qu’il n’était âgé que de 5 ans. Il ne se souvenait pas très bien de tout ce qu’il y avait vu.. Mais la misère et la pauvreté l’avait marqué.
✧ 04 « Non elle est A MOI ! » Pour la énième fois, Hannah faisait sa tête de mule. Sa cousine ne comprenait absolument rien à rien. 2 ans sa cadette, elle se comportait comme une vilaine petite capricieuse du haut de ses 10 ans. Pourtant, habituellement, ils s’entendaient merveilleusement bien. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle semblait sortir de ses gonds pour une histoire absolument stupide.
C’était un weekend où ils se trouvaient tous les deux chez les grands-parents « albanais » comme ils les nommaient entre eux, pour les différencier des autres. Le grand-père les aidait depuis le début d’après-midi à construire une jolie cabane à aménager. Un espace de jeu loin des regards indiscrets des adultes où ils pourraient mettre ce qu’ils voulaient. Cependant, Hannah, dans sa misérable petite cervelle d’oiseau, elle avait décidé que ce serait SON château, décrétant en être la princesse. Leur granny avait beau la raisonner, cela ne fonctionner guère. Et encore une fois, c’est lui, puisque l’ainé, qui devait faire concession. Il avait juste une envie : lui arracher les cheveux. Mais il se contint, gardant son calme. Cela ne servait à rien de contrarier Hannah, elle finirait par se calmer et lui n’aurait pas à user de son énergie pour elle. Il préféra enfourcher son petit vélo pour rejoindre la bande des garçons du quartier. Son grand-père n’aimait pas le voir les fréquenter. Mais au moins, eux, n’allaient pas donner raison à Hannah.
✧ 05 Sa grand-mère maternelle décéda lorsqu’il souffla sa 13ème bougie, le 7 avril 2003. Ce fut un réel choc pour la famille, et en particulier pour sa mère. Il ne comprenait pas ce qui se passait, ni ce que « aller au ciel » signifiait. Il espérait simplement que sa mère sourirait de nouveau, que ses étreintes seraient moins douloureuses, que sa peau serait moins ruisselantes de larmes.
✧ 06 « Un nouveau skate, Playstation 2, Zelda, »
Sa liste de noël était plutôt courte. Pourtant, elle reflétait ses envies de l’époque. A 13 ans, son intérêt se résumait à quelques futilités : le skate, les jeux, et ses copains.
✧ 07 « Zaim. Tu peux m’expliquer ? » Il se raidit instantanément. Ça ne s’annonçait pas bon du tour pour la fête de ce samedi. Lui qui voulait enfin avoir son premier baiser avec Mendy. Ses parents allaient tout faire foirer. « … Ce n’est pas à moi. » Ses yeux de chiens battus étaient expressément dirigé vers son père, qu’il estimait plus compréhensif que sa mère. Cette dernière tenait dans sa main un sachet zip où se trouvait un joint. Ce n’était pas le sien. Il en avait déjà touché un. Mais vraisemblablement, celui-ci n’était pas le sien. « Il se trouve que je l’ai trouvé dans le bac à linge sale ce matin même. Et je ne trouve pas ça drôle du tout. Tu es trop jeune pour ce type de substances, tu n’es pas malade, tu n’en as pas besoin pour t’amuser. Va dans ta chambre. » Sa mère criait rarement, voire jamais. Il ne se souvient pas l’avoir déjà entendu lui crier dessus. Avant de monter dans sa chambre, il laissa un regard trainant vers son père… Il savait que si ça n’était pas le sien, ça ne pouvait qu’être à lui.
✧ 08 Finalement, la soirée chez Mendy a bien eu lieu. Avec la complicité de Peter et Ryan, ses copains de toujours, il allait enfin avoir ses 10 minutes dans le noir avec elle. Après tout, il n’était pas particulièrement détesté par les filles. Il appartenait tout de même à la bande de « skateurs ». Et quelques filles lui portaient déjà un regard intéressé.
✧ 09 La mort de Fleur survint soudainement. Aussi soudainement que celui de sa grand-mère. Il avait alors 15 ans et rentrait de l’école. Il avait pour habitude de la voir venir vers lui, se coller contre ses jambes, réclamant des instants de tendresses dont elle aurait manqué la journée entière. Ce chat était une grande partie de sa vie. Il la soignait lui-même, lui donnait beaucoup de son temps et refuser qu’on la malmène lorsque ses cousins étaient à la maison.
Il la découvrit coucher sur le tapis, comme endormie. Sauf qu’elle ne se réveilla pas. Ni à ses appels, ni à ses caresses. Elle était simplement partie. Il l’enterra dans le jardin, en présence de ses parents, le soir même. Ce fut un vrai deuil. Un membre important de la petite famille venait de les quitter, et son chagrin ne désemplis pas, même des mois après.
✧ 10 Il rencontrera Sarah pour la première fois à la rentrée. Il la remarqua à travers son rire. Eclatant, brillant, doux et chantonnant. C’était une très jolie fille. Sa peau blanche contrastait avec la couleur noire de ses cheveux longs. Elle était sociable, entreprenante et charmeuse. Il ne lui fallut pas trop de temps avant de l’approcher. « Hey salut…t’aurais le dernier cours d’histoire? » « On a pas encore eu cours d’histoire. » « Ah bon? Ben on peut au moins le préparer… une pizza ça te dit? » L’approche était simple et bateau, mais ça avait marché. A la fête de la rentrée de chez Lizzie, ils s’embrassèrent. Et ainsi leur petite histoire débuta.
✧ 11 Zaim : « T’es où??? »
Hannah : « Au lycée, je finis pk ? »
Zaim : « Parce que je t’attends là au Westfield Century… ramène toi. »
Hannah : « Mais j’ai pas enviiiiieeeeuh… on peut pas reporter stppp? J’ai grave la flemme d’aller dans L.A. »
Zaim : « Non. On ne reporte pas. Tu ramènes tes fesses. »
Hannah : « J’espère que t’es pas avec ta godiche au moins. »
Zaim : « Quel rapport ?? Osef elle est bonne. »
Hannah : « T’es con. Bref j’arrive. J’espère que tu sais ce qu’on va lui offrir parce que ça va vite me gaver de faire les magasins avec toi. En plus j’ai pas trop l’argent là….. »
Zaim : « C’est ça ouais. T’as acheté un rouge à lèvre à 50$ cette semaine, et t’as plus de fric? Quelle blague. Ouais je sais déjà ce qu’on va lui offrir. Une pochette avec ses initiales. »
Hannah : « Mais qu’est-ce que t’es ENNUYEUX comme gars. On va trouver autre chose parce que c’est trop banal… Une moto ? Une nouvelle TV ? »
Zaim : « T’as l’argent ? »
Hannah : « Bon. Non. Alors un jeu ! Une console ! »
Zaim : « Et pourquoi pas un fer à boucler ? Une séance manucure/pédicure ? Bouffonne va. On a dit un cadeau pour papy, pas un cadeau pour toi. Au pire ce sera des places de spectacles ou de concert. Je crois que y a un chanteur albanais dans le coin dans quelques mois. »
Hannah : « Top. J’arriveee »
✧ 12 Cela faisait maintenant 2 an et demi qu’il était avec Sarah. Sarah était jolie. Elle faisait partie de l’équipe de Volley du lycée, était plutôt populaire et savait chanter merveilleusement bien. Mais depuis 6 mois déjà, il ne voulait plus être avec elle. Mais il n’avait aucun courage de le lui dire. Aucun courage de prendre la peine de se libérer de son emprise. Car Sarah était jalouse. D’une jalousie et d’une ténacité maladive. Et plutôt que de rompre, il préféra, disons, s’amuser ailleurs.
C’est ainsi qu’il eut une aventure avec Lina, Kimberley, Abbie, Tara et Zoe. Cette liste est non exhaustive et ne comprend pas, évidemment, les flirts.
Mais elle finit par lui faire une scène lorsque Tara et Zoe se vantèrent de cet exploit. Tout est bien qui finit mal avec les filles.
✧ 13 Et voila. C’était déjà la fin du lycée. C’était la fameuse journée, le fameux speech, le fameux moment où on lançait son couvre chef pour se débarrasser du poids lycéen, de la pression parentale. Il le vécut comme une libération. Les choses sérieuses commençaient. Il avait un très bon dossier pour la suite de ses études. Malgré ses bêtises, sa nonchalance, il avait réussi à trouver un juste équilibre pour s’en sortir. Certes, il n’était pas majeur de promo. Mais pas loin. Ses facilités en sciences et en mathématique lui ont ouvert le chemin.
✧ 14 Ce n’était pas la première fois qu’il se pétait quelque chose. Voir donc ses parents débarquer à l’hôpital pendant qu’il se la coulait douce sur son fauteuil roulant était presque routinier. « Mon dieu, tu nous as fait peur ! C’est un choc, encore une fois ! Pour quelle figure stupide tu as essayé de mettre en danger ton corps? Tu te rends compte que tu as quand même 19 ans ?? La seule période où tu rentres à la maison, tu arrives à nous inquiéter ! » Sa mère était un peu dans tout ses états. Son fils venait de rentrer pour les vacances d’été, et le voila les passer enfermer à l’hôpital. Le comble.
✧ 15 « Salut chéri, c’est maman… Comment vas-tu ? Tes grands-parents vont bien, papa aussi va bien. Par contre… il faut que je te parle de quelque chose. Tu pourrais peut-être venir pour l’anniversaire de papy, qu’en penses-tu ? Il vaut vraiment mieux que je t’en parle en vrai mon chéri. Que je te vois, aussi. Je t’embrasse très fort, rappelle-moi dès que tu auras eu ce message. Bisous. Maman. »
✧ 16 Lorsque Zaim retourna à Los Angeles.. Il était presque déjà trop tard. Il retrouva sa mère couchée sur un lit d’hôpital, affaiblie. On lui dit que ça irait, qu’il lui fallait du repos. Il patienta. Il lui sourit, lui lu des livres, regarda avec elle des albums photos, des films également. Il lui apporta son gros livre fétiche de botanique pour qu’elle lui explique qu’elle plante servait à quoi. Il lui montra son dernier tatouage de chat, au poignet. Elle lui conseilla de s’inscrire Smile pour qu’il n’oublie pas de sourire.
✧ 17 J’étais présent. J’étais à côté d’elle, jusqu’à son dernier souffle. Je n’ai pas pleuré, parce que je savais. J’ai juste fermé les yeux. Elle, elle souriait. Comme si elle voyait une chose qu’on ne pouvait voir, une chose belle merveilleuse, unique, inaccessible à nous, pauvre mortel. Mais moi, c’est elle que je trouvais belle, merveilleuse, unique. Même décédée, elle gardait cet air parfait. Lorsque Hannah arriva, elle me trouva assis sur ma chaise, tenant la main de ma mère contre mes lèvres. Je n’arrivais plus à bouger. Je voulais que cet instant dure encore et encore. C’est la dernière fois que je pouvais la voir, la toucher, la sentir. Il ne restait dorénavant que des souvenirs. Je les remercie encore de m’avoir laissé du temps. Le temps d’avaler, de supporter, de soupirer, de souffrir en silence. En réalité, je ne savais pas quoi faire. J’attendais que mon père vienne, qu’il fasse quelque chose, qu’il la ranime, même si je savais impertinemment que c’était là une pensée stupide. Il ne ferait rien. Parce que personne ne peut rien faire. Je senti les larmes monter. Mais je me suis retenue. Ton enterrement a été un rêve lointain. J’étais présent sans l’être. Tout le monde était là maman.
Maintenant, tu apparais dans mes rêves, avec Fleur. Et ce sont mes plus beaux rêves.
✧ 18 «
Bonjour M. O’Neil,
Je vous contacte car une place de vétérinaire se libère dans la petite ville de Savannah. Nous serions heureux de vous compter parmi nous. Le Dr Collins m’a beaucoup parler de vous et de votre intérêt pour nos amis les animaux. Cette place sera votre dès que nous aurons un retour de votre part. Dites-moi quelles dates vous conviennent pour les présentations et un entretien éventuel.
A très vite,
Professeur Daughty. »
✧ 19 L’annonce à son père n’a pas été facile. Il le lui dit de but en blanc, lors d’un dîner avec ses grands-parents.
Désolé papa, je ne pourrais pas rester avec toi. On m’offre une place à Savannah, en Georgie. Et j’ai très envie de partir. C’est une opportunité pour moi. Son père ne montra pas d’émotions. Bien sûr, cela le désolait de voir son fils partir à l’autre bout du pays. Mais sans doute avait-il besoin de s’éloigner, de se construire hors du cocon familial.
Il avait espéré, en tant que père, que Zaim reviendrait après ses études. De longues études de médecine, puis de médecine animalière… Puisqu’ils vivaient dans une grande ville - Los Angeles tout de même, il pratiquerait ici, à côté de lui, de sa famille. Mais non. Il allait partir, et il ne pouvait rien y faire. Il lui donna simplement l’obligation de venir au moins une fois tous les 6 mois. C’était là toute l’ascendance d’un père qu’il pouvait avoir sur son fils.
✧ 20 Savannah. Son petit aéroport, son air marin, ses bruits, son calme… Il n’avait jamais connu une telle ville. Il avait hâte. Excité par son travail avant tout, il voulait découvrir ce nouveau lieu enchanté.
Que l’aventure commence…