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 (misguided ghosts), peadar

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MessageSujet: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyVen 1 Déc - 1:27


misguided ghosts
cause i'm just one of those ghosts, traveling endlessly. don't need no roads, in fact they follow me. (PARAMORE)

1:18 du matin.

Niamh était assise sur son lit, jambes repliées, menton déposé sur ses genoux. Les yeux perdus derrière des mèches rousses, elle termina de compter les billets, les assembla en des piles plus ou moins symétriques et replaça le tout dans le sac qu’elle planque finalement sous le matelas. La cachette la plus clichée du monde, tellement évidente que personne pensera à regarder – du moins c’est ce qu’elle se plaît à penser. De toute façon, c’était pas comme si cet argent était vraiment important pour elle, c’est que du papier un peu colorisé, faut pas en faire tout un plat. Elle se replaça sur le lit, se frottant un peu les yeux, et elle se dit qu’elle devrait peut-être aller dormir. Après tout c’est ça que les gens font à cette heure là, non ? Dormir. Récupérer de la journée. Se reposer. Niamh lâcha un soupir. Elle avait pas du tout envie d’aller dormir.

Elle avait envie d’aller voir Peadar.

Depuis qu’elle était débarquée à Savannah, c’était tout ce qu’elle voulait faire. La seule activité qui l’intéressait vraiment. Revoir son frère, et essayer de se convaincre qu’elle lui faisait la misère en guise de représailles pour toutes ces années. Pour le cataclysme atomique qu’il avait causé en foutant le camp du camping car familial voilà une éternité. Que ce n’était que la vengeance qui la poussait à faire ça, que ce n’était que son venin qu’elle lui crachait au visage. Qu’il le méritait bien un peu, de se faire embêter par la p’tite sœur qu’il avait abandonné. La vérité était toute autre, bien sûr. Parce que malgré tout, Peadar c’était le super-héros, c’était l’idole, c’était l’aîné. Et malgré toute sa rancune et son amertume Niamh aimait toujours son frère à la folie et voulait rien d’autre que se réfugier dans son ombre, sa vraie place dans ce monde.

Elle ne réfléchit pas plus longtemps. Se redressant debout sur le lit, elle sauta du matelas d’un geste sans effort et atterrit sans un bruit. Enfilant une veste quatre fois trop grande pour elle par-dessus sa camisole, qui glissa un peu sur ses épaules dénudées, Niamh quitta sa minuscule chambre sans même penser à prendre les clés. De toute façon, personne viendrait fouiller dans ses affaires, et de toute façon, y’avait rien d’intéressant à voler – pas pour elle, du moins. L’irlandaise décida de marcher jusqu’au quartier historique plutôt que prendre la moto – il faisait bon, ce genre de petit vent frais qui fait du bien aux neurones. Elle poussa ses écouteurs dans ses oreilles et il ne lui fallut pas vraiment beaucoup de temps pour débarquer chez son frère. C’était un avantage d’avoir des jambes plus longues que la normale, disons que ça marche assez vite.

C’est un garçon aux yeux un peu hagards qui lui ouvrit. Elle ne tenta pas de faire la conversation – elle était pas intéressée de toute façon. Elle se fichait bien des protégés de son frère, et même qu’elle préférait ne pas y penser. La réalisation que son frère avait préféré s’occuper d’une bande d’inconnus au lieu de sa propre famille – ça c’était pas enregistré dans le cerveau de la rousse encore. Y’avait déjà trop de choses qui s’y bousculaient. Elle comprenait pas. Elle comprenait juste pas pourquoi. Mais peu importe, c’était pas le moment. Elle se dirigea vers la chambre de Peadar sans un mot, ouvrant et fermant la porte derrière elle sans cogner.

1:47 du matin.

La chambre était plongée dans la noirceur et l’aîné Brannigan était sous les couvertures, yeux fermés. Ça ne gêna pas Niamh, qui se laissa retomber sur le matelas, lâchant un petit soupir. Son index vint toucher l’épaule de son frère. « Peadar » dit-elle en un murmure. Elle poussa son doigt un peu plus fort sur la peau. « Peadar, tu dors ? » demanda-t’elle doucement, malgré tout, ses cheveux retombant devant son visage, sans qu’elle ne les remarque vraiment. Peu importe s’il dormait. Peu importe s’il était deux heures du matin. Elle avait besoin de son frère. Elle voulait sa présence, là, maintenant. Pas demain matin. Pas dans six heures. Maintenant. Sa voix, son sourire, sa présence. Elle en avait besoin. Après tout, y’avait du temps à rattraper. Pourquoi pas commencer maintenant ? Et dans la lumière douce de la lune, l’irlandaise avait soudainement vingt ans de moins.
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyLun 11 Déc - 2:32

1:18 du matin.

Peadar dormait.

1:47 du matin.

Peadar ne dormait plus.

C’est probablement trop simplifier les choses. Repartons un peu plus en arrière. Minuit environ. Le moment où tes heures de travail prennent fin, le moment où les seules silhouettes qui bougent encore dans le foyer sont un caméraman et ton collègue qui font une ronde de temps en temps. Trop tard pour que des gens intéressants soient encore là. Trop tôt pour que certains membres du foyer, rentrant de soirée, essaient de se glisser dans le bâtiment sans se faire griller parce qu’ils ont dépassé le couvre-feu de six heures. Vous les remarquez toujours mais si vous leur posez des questions à chaque fois, vous ne les dénoncez pas auprès du foyer. Tant qu’il n’y a aucun problème ce n’est pas le vôtre. Bref, plus de moïra et autres joyeusetés, pas encore de jeunes délinquants qui se croient plus malins que vous. L’heure creuse ce n’est jamais une partie de plaisir, ce n’est pas une occasion de se reposer, juste une occasion de se faire chier. Paupières lourdes, quand tu fumes deux fois plus pour essayer de rester éveillé, pour essayer de chasser de tes muscles les heures de la nuit précédentes passées à refuser l’entrée en boîte à des filles qui pensaient réellement que leur maquillage suffirait à les rendre majeures. Corps engourdi, quand tu marches d’un pas saccadé pour essayer de réveiller tes jambes, ne pas laisser la fatigue s’installer d’abord là puis paralyser ton corps. Minuit, quand l’horloge du mess fait un humble ding, s’excusant presque d’avoir été bruyante. Minuit, quand un soupir t’ébranle et qu’épaule contre épaule ton collègue et toi saluez les entrants, les prochains prisonniers de la nuit. Minuit, au final ce n’est pas si tard. Minuit, ça devient insupportable quand les heures de sommeil se voient remplacées par du travail.

Minuit passée de quinze minutes, heure ma foi raisonnable pour aller saluer ton lit. Comme toujours, virer Nibs qui mate encore la télé à cette heure-là – mais en même temps y a des rediffs d’American Ninja Warrior – et qui devrait être couchée au lieu de te faire chier en mettant le son trop fort. Saluer ton lit qui a toujours été là pour toi, qui t’a soutenu dans les heures les plus sombres comme les plus claires. Le sommeil du juste te gagne en moins de temps qu’il n’en faut à un adulte fonctionnel pour abandonner la lecture du livre de Nabilla – une page lue à ta vitesse de lecture. Enfin, le sommeil du juste. Nous nous contenterons de dire que c’est le sommeil de celui qui s’est tué au boulot et qui a besoin de dormir plus que de n’importe quoi d’autre. Un sommeil sans rêve, qui devrait te transporter à travers les heures à grande vitesse. Donc, une heure et quelques du matin. Tu profites de l’abysse dénuée de rêve dans laquelle tu es enfoncée.

Mais on connaît tous les gares et leurs garanties de grande vitesse. Quand la porte de ta chambre s’ouvre tu ne te réveilles pas. Quand quelqu’un s’assied sur ton matelas et le fait pencher tu ne te réveilles pas. Quand ton nom est prononcé pour la première fois tu ne te réveilles pas. Puis le train déraille. Mes excuses à tous les passagers, cela occasionnera un certain retard. Quelque chose pousse sur ton épaule de manière incessante. Ces mots qu’on prononce, il te semble bien y reconnaître ton nom. Tes paupières s’entrouvrent tant bien que mal, ton cerveau tente de s’habituer à l’obscurité en même temps qu’il associe la voix à une personne. Les pièces du puzzle se mettent en place. Niamh. Elle doit le faire exprès, c’est une putain de manie de passer à ces heures là. Sauf qu’aujourd’hui tu dors. Alors les vieux réflexes s’enclenchent.

Tu jettes vers elle un bras, entoures son cou et la rabats contre le matelas. « Fuck you. » Tu te recales dans le lit, la bloquant toujours pour lui ôter de la tête l’idée de se redresser. Dans cette maison on dort, y a pas de raison que ce soit la petite dernière qui décide de tes horaires. « Go to sleep. »
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyDim 17 Déc - 3:44


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C’était pas bien gentil, réveiller Peadar comme ça en pleine nuit. D’ignorer complètement le fait que les personnes normales, à cette heure, prenait ce sommeil pour récupérer de leur journée et ainsi être capable de vivre la suivante sans trop se traîner les pieds. Peu importe pour Niamh, qui vivait sur des horaires ridicules et pas du tout dans la normale. Dormir le jour, dormir la soir, ça changeait et ça re-changeait tous les jours. Et pourtant, elle semblait jamais vraiment fatiguée, la Brannigan – toujours le pas rapide, toujours les yeux vifs, toujours les pattes prêtes à bondir en course défiant les lois de la gravité. Alors qu’il soit deux heures de l’après-midi ou deux heures du matin, ça changeait pas grand-chose pour elle. Et ça changerait pas grand-chose pour Peadar, elle en avait décidé ainsi. Après tout, c’était lui qui était parti, c’était pas à elle d’être gentille. Pas à elle de lui inventer des excuses. Si elle avait envie de lui parler bah il avait qu’à être là. Pas de sa faute si ça arrivait en pleine nuit comme ça.  

Au début, Peadar ne réagit pas. Il reste stoïque devant les mots prononcés sans douceur, ne cille pas même quand elle commence à lui toucher l’épaule. Peut-être qu’il faudrait le secouer. Ou aller chercher une chaudière et lui déverser de l’eau froide sur la tête. Non. Ok, ça, ça serait pas gentil. Parce que lit serait tout mouillé après et Peadar serait probablement pas bien content. Même si c’était un peu le but de la chose, à quelque part, Niamh préférait éviter un véritable courroux. Parce que dans le fond, c’était pas de déranger son frère qu’elle voulait vraiment faire – c’était plus de lui faire comprendre qu’elle avait besoin de lui, qu’elle avait toujours eu besoin de lui, et qu’il était parti. Qu’elle ne voulait pas qu’il soit en colère contre elle. Elle voulait qu’il l’aime. Qu’il prenne soin d’elle. Qu’il la regarde et l’écoute. Qu’il lui donne des petits sourires qui la ferait replonger en enfance. Redevenir un peu la petite gamine qui avait écouté les conseils de son aîné de grands yeux. Sentir à nouveau sa main lui secouer la crinière rousse, se savoir entourée, se savoir protégée, savoir qu’il était là.

Mais pour l’instant fallait surtout qu’il se réveille. Et finalement, il ouvrit un œil et Niamh l’observa, fière de son coup. Elle en sourit presque, et elle allait sortir quelques mots à son égard, tu genres, bah alors papi, ça dors fort quand on passe un certain âge, mais il la coupe droit dans son élan et son bras attrape son cou pour la rabattre contre le matelas, la tenant contre lui avec assez de force pour l’empêcher de bouger. « Fuck you. » Elle entend les mots grommelés dans son oreille, rendus rauque par le sommeil, et Niamh peut pas empêcher un petit sourire mesquin de se dessiner sur ses lèvres. « Let go of me » répond-t’elle par principe, en se débattant un peu, mais si elle était honnête elle dirait que ce petit jeu l’amuse bien plus. Il la tient bien, comme un bébé, son souffle dans son cou, et Niamh a presque envie de lâcher un petit ricanement. « Go to sleep. » Pas question, pense-t’elle, surtout pas maintenant. Elle se laisse un peu retomber, lâchant un long et profond soupir. « But I'm not tired » râle-t’elle en étirant un peu la dernière syllabe, parce que ça l’amuse de jouer les gamines avec Peadar.

Finalement elle se calme un peu, arrête de gigoter et tends l’oreille pour entendre la respiration de son frère. Et soudainement elle se voit propulsée vers l’arrière, machine à voyager dans le temps sans la machine, et elle a cinq ans et elle a peur de quelque chose, du monstre sous le lit peut-être, et elle vient se réfugier dans le lit de l’aîné. C’est peut-être même pas un vrai souvenir, elle en sait rien, mais ça lui plaît quand même. Elle laisse les secondes filer, et au bout d’un moment elle se tourne un peu pour faire face à son frère. Elle lui regarde le visage. Ses yeux fermés et ses cheveux qui font un gros n’importe quoi. Elle extirpe son bras de l’emprise de Peadar et vient toucher son visage. Doucement, délicatement, comme s’il était fragile. Elle trace un sourcil. Son nez. Sa moustache. Et elle le fixe. « Does it itch ? » demande-t’elle, sa voix faisant écho dans la chambre.
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyJeu 4 Jan - 7:04

Au final c’est presque une habitude de te faire réveiller au milieu de la nuit. Quand vous étiez gosses vous étiez trop nombreux et vous faisiez trop de conneries pour que, régulièrement, votre sommeil ne soit pas troublé. A la rue on ne dort que d’un œil. Quand Tinks est arrivé il faisait des cauchemars. Quand ton ex était là c’était elle le cauchemar. Depuis qu’elle est là Jael trouve plein de prétexte de venir dormir avec un peu de compagnie. Et maintenant que la frangine a posé ses valises en Géorgie elle ne cherche même pas de prétexte pour t’emmerder. Honnêtement, je suis plutôt surprise qu’il t’arrive de t’attendre à passer une nuit tranquille. L’univers a décidé il y a longtemps qu’elles n’étaient pas faites pour toi. Dieu merci, cependant, tu n’es pas insomniaque et tu trouveras bien à rattraper ces heures ailleurs. La simple pensée de ne pas pouvoir trouver le sommeil t’envoie des frissons le long de l’échine quand elle te vient parfois. Ce sont vraiment de pauvres gens les insomniaques, que tu te dis. Mais ton expérience de leur vie est limitée à ce qu’on en dit dans fight club et une ou deux connaissances qui racontent qu’ils en sont. Rien n’est moins certain, l’insomnie semble être devenue un problème à la mode, comme la bipolarité, la dépression, l’anxiété ou l’OCD. C’est que ça fait très artiste torturé ou personne à problèmes alors les gens se parent de ces diagnostiques comme d’un drapeau. Encore une tendance que tu ne comprends pas, d’où c’est censé être cool d’être taré dans sa tête ? C’est quand même un truc de fragiles détraqués. Bref, tout ça non pas pour dire que les insomniaques devraient être envoyés en institut mais juste que tu es relativement heureux de ne pas être en froid avec le marchand de sable.

D’ailleurs la question se pose. Est-ce que Niamh est insomniaque ou est-ce qu’elle est juste terriblement décalée ou rudement dédiée à te pourrir la vie ? Au final quand tu l’attires vers le matelas c’est pour son bien, c’est pour la ramener vers la société, vers un droit chemin. Ces horaires païens sont inutiles, le vrai salut, c’est de dormir, si tu dois lui montrer la voie tu te sacrifieras. Certes c’est un peu hypocrite vu ton emploi du temps hypocrite mais que celui qui n’a jamais péché te lance la première pierre. « Let go of me. » Maintenant qu’elle est là tu ne la laisses plus repartir, elle n’avait qu’à penser à ça avant de venir chez toi, et même avant de venir à Savannah. Elle est à présent prise dans la toile et à jamais piégée. Ses tentatives de se débattre sont peu concluantes face à un toi qui dors comme une masse. « But I'm not tired. » Hérésie. Ces roux, tous à brûler, honnêtement. Sa mauvaise foi glisse sur toi sans t’atteindre alors qu’avec délice tu te laisses à nouveau entraîner vers Morphée.

Morphée qui t’accueille.
Morphée qui passe ses doigts sur ton visage.
Morphée qui te demande si ça chatouille.
Attends une minute.
Et merde. Tu rouvres les yeux, émettant un grondement guttural. Tu ne réponds pas à sa question, tu essaies juste d’émerger, de te résigner à l’idée que cette nuit est perdue, qu’il faut arrêter d’essayer de la ressusciter, et ce même si un de ses proches pleure à côté ; il faut que le médecin confirmé en toi stoppe l’interne avec un dramatique ‘it’s over, he’s gone’. Pires choses sont arrivées. Tu t’assieds dans le lit avec un soupir à en faire trembler les murs, passes tes mains sur ton visage. « I hope you know you’re the worst, most soulless fucking ginger I’ve ever met. » A part Sean mais vu qu’il est présentement absent, tout va bien, tu es libre d’accorder à ta sœur la première place sur le podium. Tu soupires à nouveau. « Whatcha wanna do ? » Et ça a pas intérêt à être de la merde. Tout de même.
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyMar 16 Jan - 16:52


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Elle est bien là, Niamh, dans les bras de Peadar. Elle pourrait bien rester là des heures, les yeux grands ouverts, à l’écouter dormir, à l’écouter respirer, juste pour savourer de l’avoir là avec elle, finalement, après tout ce temps. Elle le laissera pas se défiler, elle le laissera plus disparaître, ça a fait trop mal la dernière fois. C’est comme si elle avait cessé d’exister ce jour-là, elle était inconsolable la petite Niamh, et à quelque part elle se demande si elle a vraiment grandi depuis. Parce qu’elle se sent juste comme une gamine, là, dans le lit à Peadar à sourire et à se sentir bien, comme quand on est petit et qu’on va se réfugier dans le lit de nos parents et qu’il fait tempête dehors. Sauf que quand elle était enfant, Niamh, ça avait jamais été le lit des parents Brannigan où elle avait trouvé refuge, c’était celui de Peadar, celui de Willis, celui de ses frères. Y’a toujours eu qu’eux pour elle, c’est aussi simple que ça. Et Peadar on lui avait arraché de force, et voilà qu’elle venait de le retrouver. Peadar il a grandi, il a vieilli, elle aussi, mais au fond peut-être pas tant que ça. Elle se sent en sécurité comme ça, et pourtant elle est incapable de le laisser dormir, même s’il en a besoin, parce qu’elle se doute qu’il en a besoin. Il a l’air d’avoir toute une vie, son grand frère, il est partout à la fois, il connaît tout le monde. Elle est seule, ou presque, et elle le vole au reste de sa vie, elle le force à se tirer du chaos pour se concentrer sur elle, j'suis là, tu m’le dois bien. Et c’est ce qu’elle fait, alors qu’on est au beau milieu de la nuit et que c’est juste pas civil de déranger les gens comme ça. Elle s’en fiche, Niamh, elle va lui pourrir la vie s’il le faut, y’a du temps à rattraper et elle va le réclamer.

Et finalement il abandonne l’idée de dormir, il se redresse et Niamh reste couchée là quelques instants à le regarder. Il est exaspéré mais il est pas en colère, du moins elle ne croit pas, parfois c’est dur à dire. « I hope you know you’re the worst, most soulless fucking ginger I’ve ever met. » Le sourire déchire les lèvres de Niamh et elle arque un sourcil en s’étirant sur le matelas comme un grand chat, le lit est à peine assez long pour ses jambes de guépard, ses cheveux trahissant ce manque d’âme total s’étalent sur l’oreiller. Elle aime ça, quand il lui parle comme ça, quand il est juste Peadar, quand il est juste ce grand frère qui lui a tellement manqué. « Whatcha wanna do ? » Et elle sait qu’elle a gagné, que la nuit leur appartient à présent, alors que le reste de la ville dort, ce sera deux Brannigan toujours éveillés, à prendre ce qu’ils veulent, à faire ce qu’ils veulent.

Niamh se redresse aussi, plie ses jambes pour les entourer de ses bras, et elle regarde son frère avec des grands yeux. « I dunno. » La vérité c’est ça, elle avait aucune foutue idée ce qu’elle voulait faire en venant déranger Peadar, elle voulait juste le voir, qu’il lui parle, qu’il la voit. « Something. Anything. » Et elle sait que ça va l’exaspérer, qu’il va la foutre dehors si elle trouve pas quelque chose qui mérite d’être considéré, au moins. « Talk. Pillow talk. » Elle sourie, ça l’amuse. « I can tell you ‘bout the assholes I work with and you could finally fucking tell me why you left Dublin. » Elle hausse les épaules, c’est même pas aggressif comme proposition, disons juste que les Brannigan sont pas connus pour avoir le langage le plus pur de Savannah. « Or we can get something to eat. Burgers. I’d eat a greasy burger. Do some shit. Dine and dash. Steal a car. Rob a bank. » Elle hausse les épaules. Anything, brother. Tout ce qu’elle veut c’est être avec lui, elle s’en fiche en fait, elle le suivrait jusqu’au bout du monde. Elle secoue sa crinière rousse d’un coup de tête et se relève du lit en un grand mouvement. Marche jusqu’à la table de nuit et ouvre le premier tiroir. « D’you keep guns here ? »

Parle moi, Peadar.
Dis moi qui tu es, c’que tu fais.
Rappelle moi qui j’suis.
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyVen 9 Fév - 2:57

Les Brannigan ce sont des animaux nocturnes, comme un colloque de chats des rues qui vont fouiller les poubelles du quartier la nuit parce qu’ils sont plus forts en nombre et que les autres ne feront pas le poids. Les Brannigan, ces sales rats qui passaient la nuit à marcher des kilomètres jusqu’aux docks pour le plaisir d’y traîner et de jeter les bouteilles vides dans la Liffey, à l’orée de la mer. Un Brannigan c’est quasiment nyctalope, question de survie parce que c’étaient les nuits où l’on dormait sagement qui étaient rares. Pas étonnant qu’elle n’arrive pas à tenir en place quand la lune se lève, ce sont des décennies de mauvaises habitudes à effacer. Ses pupilles brillent dans le noir comme ces espèces de bestioles africaines qui sont 80% yeux, 15% cauchemar et 5% attendrissantes. Tout de même, pas de quoi faire peur à un irlandais bien rodé. Niamh est un démon, tu n’as jamais eu le moindre doute quant à ce fait mais à force les enfants de l’enfer ce n’est plus qu’un autre jeudi. Le signe le plus flagrant du satanisme qu’elle pratique ce ne sont pas ses cheveux, ce ne sont pas ses sacrifices caprins hebdomadaires à Belzébuth, ce ne sont pas ses innombrables crimes. « I dunno. » Le signe le plus flagrant du satanisme qu’elle pratique c’est ça. Tu n’es pas même encore passé par le jugement divin qu’elle s’applique déjà à te torturer, comme si une éternité de souffrance ne t’attendait pas aux côtés des légions du mal. Il faut une certaine cruauté pour venir réveiller un homme épuisé en pleine nuit pour lui demander un peu d’attention et surtout une activité ; et ne pas savoir ce qu’on veut faire. Dante l’a coupé aux relectures mais ils ont un cercle entier de l’Enfer pour ce genre de personnes. Enfin, si elle avait une âme à y envoyer. « Something. Anything. » Ce n’est pas une réponse, ce n’est que prolonger la souffrance, et tu grognes, seule réaction qu’elle semble réussir à obtenir de toi ce soir. « Talk. Pillow talk. » Elle est désespérante. « You know that’s after sex right ? » Il ne suffit pas de parler sur des oreillers pour que ça devienne du pillow talk, mais ça le suppôt de Satan le sait très bien, elle se paie juste ta gueule. « I can tell you ‘bout the assholes I work with and you could finally fucking tell me why you left Dublin. » La première partie de cette phrase te tente beaucoup, elle promet un bon nombre d’insultes fleuries et originales. La deuxième… Disons que tu préfères d’autres raisons pour être tiré du lit au milieu de la nuit. « Or we can get something to eat. Burgers. I’d eat a greasy burger. Do some shit. Dine and dash. Steal a car. Rob a bank. » Finalement elle en a des idées, plein même. On t’a narré les exploits de tes cadets et à vrai dire tu as toujours été déçu de ne pas y avoir pris part. Malgré tout, la banque à cette heure-ci et sans plan ça te semble un peu coton, il vaut peut-être mieux partir sur un burger et, si la soirée progresse bien, un dine and dash. Quoique… T’essaies de faire attention à ce que tu manges. Mais si tu lui dis elle se foutra de ta gueule royalement. Alors tu réfléchis.

« D’you keep guns here ? » Elle ne tient pas en place la diablesse, elle fouille déjà dans tes affaires. Tu la regardes dévaliser les tiroirs en te levant avec l’énergie d’un octogénaire. « Yeah I have one but it’s locked, I live with like a dozen street kids remember ? » Sous ton lit il y a une caisse en métal avec un cadenas plus que solide où sont tous les objets sur lesquels tu ne veux pas qu’ils tombent, c’est-à-dire principalement des armes et des médicaments, ainsi que toutes les photos de famille. « But you know I was always more of a knife guy. » Les flingues ça a toujours été l’apanage de l’autre rouquin de la famille. Tu tires le coffre de sa cachette non sans un énième grognement. « Turn the light on. » Tu ouvres la boîte avec l’impression de dévoiler un trésor de pirate. Au fond de la boîte les albums avec toutes les photos qu’ils t’ont envoyées depuis ton départ. Par-dessus, une vingtaine de couteaux divers et variés, un flingue et quelques boîtes de munitions. Et sur l’intérieur du couvercle une myriade de photos d’une bande d’ados boutonneux aux styles assez douteux. Un grand dadais avec des lunettes rafistolées, une espèce de punk-métalleux aux cheveux trop longs, un poil de carottes toujours sous son meilleur angle, une armoire à glace pleine de bleus et une gamine filiforme aux cheveux enflammés. Une belle bande de bras cassés. « See anything you fancy ? »
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyMar 20 Fév - 0:40


misguided ghosts
cause i'm just one of those ghosts, traveling endlessly. don't need no roads, in fact they follow me. (PARAMORE)

Elle est comme un animal en cage, à tourner autour de son frère comme une proie, prête à bondir et prête à montrer les crocs, mais pas à mordre, jamais à mordre, pas avec Peadar. Elle sait pas ce que c'est, ce petit truc qui l'empêche d'être aussi désintéressée qu'avec le reste du monde, y'a quelque chose chez Peadar qui la fait sentir comme une gamine, la présence du frère aîné probablement, mais y'a juste avec lui que ça fait ça, avec les autres c'est pas pareil. Peadar c'est l'aîné, c'est le frère qu'elle a tellement aimé et qui lui a échappé, qu'elle déteste et qu'elle admire, qu'elle veut garder tout près et qu'elle veut balancer des mains pour lui montrer qu'elle sait se débrouiller toute seule. N'importe quoi pour être dans son champ de vision, dans ses pensées, pour lui dire, j'suis là, regarde-moi, j'suis là. Attitude d'une gamine de deux ans qui veut qu'on lui donne de l'attention, attitude de l'adolescente qui veut pas se faire oublier, mais elle a vingt-huit ans Niamh, elle va avoir la trentaine mais ça fait longtemps qu'elle a arrêté de vieillir. Elle sait pas ce que ça veut dire de toute façon.

« You know that's after sex, right ? » Elle lève les yeux au ciel, secoue la tête. Et là c'est la grande et mince Niamh de Dublin qui voyage dans le temps pour faire une apparition à Savannah, alors qu'elle regarde son frère avec un certain dégoût et beaucoup trop d'attitude pour quelqu'un de son âge. « You're disgusting. » Peu importe qu'elle le savait que ça s'appliquait qu'à ça, elle pensait pas rentrer dans un cours de linguistique en arrivant chez Peadar, mais ce petit jeu l'amuse, après tout. L'énergie est présente dans chaque fibre de son corps, on dirait qu'elle a dormi douze heures avant de venir ici alors qu’elle sait pas trop la dernière fois qu’elle a vraiment fait une nuit complète. Elle vit n’importe comment et elle le sait, y’a que le moment présent qui importe, et Niamh est pas trop du genre à planifier d’avance ses journées, sauf quand y’a un job. Y’a qu’à jeter un coup d’œil au téléphone pour voir l’heure pour savoir la prochaine chose à faire, c’est comme ça qu’elle a vécu depuis des annés et ça lui a jamais manqué de faire autrement ou de faire comme les autres. Peadar a l’air épuisé quand elle le regarde après lui avoir demandé pour le flingue, et elle hésite, elle sait pas si c’est le fait qu’elle l’a réveillé en pleine nuit qui fait qu’il tire cette expression ou si c’est juste elle. Peu importe. Elle ne se sent pas coupable, elle ne se le permets pas, après tout c’est la mission qu’elle s’est donnée, de lui pourrir la vie au grand frère.

« Yeah I have one but it’s locked, I live with like a dozen street kids remember ? » Niamh lève les yeux du livre qu’elle vient de prendre entre ses longs doigts pour jeter un regard à Peadar. Les enfants des rues. Ceux qui l’ont remplacée. Et elle est incapable de se retenir la langue, incapable d’empêcher la rancune de lui rouler sur la langue et de sortir de chaque fibre des mots qu’elle prononce. « Ah, yes. Your new family. » Immédiatement elle baisse les yeux sur le livre, feuilletant quelques pages, un roman à la con pour lequel elle a aucun intérêt. Parce qu’à quelque part elle est toujours effrayée d’aller dans cette direction, parce que la douleur est encore là, parce que la pilule elle l’a jamais avalée. Pour tous ces moments où elle aurait eu besoin de son frère, pour tous ces moments où elle voulait Peadar et juste Peadar, et que Peadar était pas là. « But you know I was always more of a knife guy. » Et là l’interrupteur est lancé de l’autre côté, et c’est un sourire qui nait sur les lèvres de la grande rousse, elle ne peut pas le retenir, il vient comme ça, tout naturellement. Après tout ça prend juste quelques mots pour les replonger en Irlande, ces années où ils étaient ados et qu’ils foutaient la merde, dans les rues le soir et près des RVs le jour, à foutre la merde et à juste être. Le bon vieux temps. Niamh repose le livre et regarde son frère. Ouais, je sais, frérot. « Turn the light on. »

Elle le voit tirer quelque chose de sous le lit et elle s’exécute, sans un mot cette fois, et suit du regard la caisse de métal que Peadar fait apparaître. En effet c’est comme un trésor, c’est même mieux, c’est la caverne d’Ali Baba, et les yeux de Niamh s’agrandissent. C’est mieux que des bijoux ou de l’argent ou des pièces d’or, c’est des souvenirs, des reliques du passé, et tout ce que Peadar est pour elle. Ses jambes interminables la mène rapidement vers le lit où elle reprend place, assise en indien comme à la garderie. Elle regarde tout ce qu’il y a, les armes et les photos, et elle a presque envie de pleurer, quelque chose se casse, un morceau de sa volonté sans doute, la fierté qui l’a empêchée jusqu’ici de s’écrouler, l’animosité qui a maintenue l’attitude. « See anything you fancy ? »

Elle lui jette un bref regard à Peadar, avant de revenir sur le coffre au trésor, et elle fait juste tout regarder avec des yeux avides, les photos surtout, les photos, ils sont là, tous, elle et les autres, ils sont tous là. On dirait qu’elle ose rien toucher, mais finalement son corps débloque et elle tend la main pour attraper une photo qu’elle a pas vu depuis des millénaires, on dirait, et qui semble appartenir à une autre vie. « I didn’t know you had all this. » Sa voix est stable, mais elle est basse, rien à voir avec le ton qu’elle a employée jusqu’ici. « I thought you left everything behind. » Ses yeux sont rivés sur la photo. « I thought you didn’t care. » Elle sait que c’est pas juste, que c’est sûrement pas le cas, devenir adulte ça lui a appris que le départ de Peadar avait du être plus que ça, et les secrets et les yeux de Willis le lui ont confirmé voilà longtemps, mais quand même, c’est dur de secouer la gamine de quinze ans de son esprit. « Sorry. But you know I’m still mad at you. » Mais sa colère manque de conviction, et elle repose la photo pour porter son attention sur les armes. Elle prend un couteau entre ses doigts, et joue un peu avec. La tempête dans sa tête, la tempête dans son cœur. Aide moi à comprendre. Pourquoi t'es parti. Pourquoi j'ai pas été assez pour toi. Pourquoi on état pas assez bien pour toi. Pourquoi j'arrive pas à te pardonner, pourquoi j'arrive pas à oublier.
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptySam 10 Mar - 3:55

« You're disgusting. » On te l’a effectivement déjà dit. A vrai dire, elle te l’a déjà dit elle-même. C’est le rôle des petites sœurs de s’insurger devant les dires ou les actions de leurs frères, c’est un retour à un écoulement tellement naturel des choses que ça devrait te choquer après tant d’années dans l’anormalité. Pourtant retrouver Niamh, même avec quinze ans de plus, même avec un casier judiciaire long comme le bras – c’était de toute façon prédit depuis sa naissance – ça n’a l’air de rien de plus qu’avoir joué à retenir sa respiration une minute puis abandonner et recommencer à respirer. Rien de douloureux, rien difficile, un simple état d’être. Comme une impression que cette décennie de vide n’a jamais existé, que tu n’es jamais parti ou bien que vous n’avez pas grandi, que tu as pris hier. C’est faux. Tout est faux. Qu’importe le naturel, l’amour ou la complicité ne peuvent rien y changer. Tu es parti. Et il y a entre vous toute une vie de latence que vous ne pourrez jamais récupérer. Ce rappel vient pointer son nez quand elle persifle sur les gamins avec moins d’amabilité que si elle parlait d’une meute de chiens errants enragés. « Ah, yes. Your new family. » Boule dans ta gorge, entre la culpabilité et l’insurrection. Une envie de lui rire au visage, acerbe, exprimer ton mépris de l’idée même. Mais les lost boys sont ta famille. Et puis Caïn aussi. Sauf qu’il ne s’agit pas là d’une nouvelle famille. L’ancienne est bien trop irremplaçable. Sinon tu ne serais pas debout à cette heure-ci à te plier en quatre pour la faire rire un peu et peut-être gagner une once de son pardon. La seule chose que vous pouvez faire pour éviter de retomber dans des spirales de blâme constant c’est parler du passé, de ces années sous filtre sépia où tout semblait parfait. C’est ce qui la fait sourire et tout ce que tu veux c’est qu’elle sourie. Tu te feras clown s’il le faut.

Ce coffre, c’est la première fois depuis que tu as déménagé dans cet appartement que tu l’ouvres en présence de quelqu’un. Personne dans ce pays ne sait ce que tu as laissé de l’autre côté de l’Atlantique, ce qui t’a poussé à la traversée, ceux dont tu cherches toujours l’affection. Ils sont deux à savoir que tu as des frères et sœurs, le cajun et puis Tinks aussi ; sans détails. Les Brannigan sont gardés, fortifiés, dans un coin de toi que personne ne doit voir, parce qu’ils risqueraient d’entrevoir ton amour infini ou pire, ta faiblesse. Toutes ces photos étalées sous ses prunelles c’est un privilège que nul n’a eu. Mais après tout, elle a l’indéniable avantage d’être dans ces photos, ça joue beaucoup. La rouquine prend des airs mystiques, le coffre en monolithe. Envolée le survoltage de l’enfant qui a mangé trop de sucre avant d’aller au lit, elle reprend ses années d’adulte. « I didn’t know you had all this. » Il est parti avec tout ce qu’il a pu. Pas grand-chose au final. Mais un paquet de photos, c’est sûr. Elle en a saisi une où les deux rouquins de la famille sont côte à côte et font la gueule, même si tu n’es pas sûr de te souvenir de la raison précise. C’est une des plus rapprochées de ton départ. « I thought you left everything behind. » Toutes les ancres, toutes les douleurs, oui. Il faut dire que tu en avais des lourds bagages à laisser sur l’île d’émeraude, et personne ne pourrait te blâmer pour les avoir fuis sans être celui qui prétend lancer la première pierre. « I thought you didn’t care. » Grimace. Déchirure dans ton estomac, aussi sûrement que si elle y avait planté un des couteaux qui remplissent le coffre. Un instant de silence plane où tu ne sais pas comment de défendre, comment t’insurger. Imaginer un seul moment qu’il t’eut été humainement possible de se foutre de ta propre famille, de la meute de petits dublinois ridicules que tu as élevés pour le meilleur et pour le pire, c’est sans doute la pire injure qu’elle puisse te faire. Mais peut-être qu’elle a gagné ce droit. « Now that’s just stupid. » que tu marmonnes dans ta moustache, mécontent mais non belliqueux. Entre les doux de ta sœur danse un de tes couteaux, un des plus beaux, quoique non des plus équilibrés. Toi et tes armes blanches, une obsession tellement vieille que c’est à demander si ton berceau n’était pas de ceux des Addams, serti d’un mobile en couteaux de cuisine.

« Sorry. But you know I’m still mad at you. » La fureur semble cependant avoir été polie par les années comme un rocher par la houle. Ce n’est qu’un constat, pas une attaque. Le constat de celui qui s’est lassé de se battre et s’accrochera simplement à son drapeau quoi qu’il arrive. A ton tour tu prends un des couteaux, une lame de lancer, et tu la soupèses distraitement. « You didn’t before. It was Willis’s thing to be mad at me. » Après tout c’est l’éternel second qui a refusé de te parler pendant sept ans, pendant qu’elle appelait jour après jour pour donner des nouvelles. C’est elle qui t’a raconté le mariage de Q, et la naissance de sa fille. Bien sûr, une fois le choc passé, les contacts se sont faits moins fréquents mais c’est juste la vie non ? Elle n’était pas censée t’en vouloir, pas elle. Tu as déjà donné, déjà réglé tes comptes. Alors tu préfères passer à autre chose, changer de sujet tant qu’elle t’y autorise encore. « Hey you wanna go to the park and throw some of these around ? » Fuir dans la nuit et s’adonner à des activités dangereuses et relativement illégales. « With beers of course. » Tout en étant vaguement bourré. Si ça ce n’est pas une haute distinction Brannigan, rien ne l’est. Tu te tournes vers elle avec un léger sourire de défi. « We can see if you still suck. » Essayer de titiller son égo et son sens de la compétition pour qu’elle lâche le morceau, sans grand espoir que ça suffise à changer son cap.
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MessageSujet: Re: (misguided ghosts), peadar   (misguided ghosts), peadar EmptyJeu 22 Mar - 17:10


misguided ghosts
cause i'm just one of those ghosts, traveling endlessly. don't need no roads, in fact they follow me. (PARAMORE)

Ça se déchire dans le coeur de Niamh. Ça se déchire entre l'amertume du départ de Peadar, y'a si longtemps, entre une solitude trop longtemps laissée à nu, entre un bonheur de retrouver les traits de son frère, entre ce qu'elle ressent et ce qu'elle devrait ressentir. Ses paroles trahissent la tristesse qui est plus vraie que la colère. La colère elle l'a construit au fil des années, elle l'a construit en arrivant à Savannah, parce que c'était plus facile de dire à Peadar qu'elle était en colère. Plus facile que de dire qu'elle était triste, et qu'il lui avait manqué, et qu'une part d'elle n'a jamais pu grandir depuis qu'il est parti. Plus facile que d'admettre sa vulnérabilité, plus facile de laisser croire qu'elle se débrouillait bien sans lui et qu'elle venait lui pourrir la vie. Mais tout ça c'était des excuses, juste des excuses, pour passer du temps avec lui, pour se retrouver dans le chaos de Savannah. Il la dénonce, c'est stupide ce qu'elle dit. Stupide. Stupide qu'il soit parti parce qu'il en avait plus rien à foutre d'eux, mais encore une fois ça avait été la réponse facile. Parce que Niamh, on lui avait jamais dit la vérité. Même encore là, vingt-huit ans et elle savait rien. Rien de la vie de son frère, rien de la vie de son sang. Dissimulée à la vérité comme une gamine, elle a envie de taper du pied et de serrer les poings, moi aussi j'ai le droit de savoir, mais Peadar se braquerait et changerait de sujet. Willis savait, Willis lui dirait. Mais c'était peut-être enfantin, mais elle aurait voulu l'entendre de sa bouche à lui, la vérité, aussi laide et horrible soit-elle. Parce que Niamh elle avait grandie malgré tout, elle avait reçu suffisamment de claques dans la gueule pour savoir que rien était simple, et que Peadar était parti parce qu'il s'était passé quelque chose.

« You didn’t before. It was Willis’s thing to be mad at me. » Elle relève les yeux vers lui, couteau entre les doigts. Il joue lui aussi avec une des lames, yeux encore remplis de sommeil, la tête tirée hors du lit. Il a vu clair dans son jeu, le grand frère. On dirait qu'ils se sont jamais séparés à les voir ensemble, mais peut-être que c'est juste un truc psychique entre frangins. Il a raison après tout, c'est vrai que pendant des années elle n'avait pas été en colère, trop jeune pour l'être peut-être, et qu'elle s'était juste raccrochée au téléphone pour l'appeler tous les jours, tous les jours, et qu'elle n'avait jamais vraiment abandonnée l'idée de laisser Peadar partir pour vrai. Mais une voix au téléphone ce n'est pas grand-chose, surtout pas pour Niamh. Alors elle ne répond rien, elle ne dit rien, repose les photos, elle sent quelque chose vibrer dans la voix de Peadar et elle décide de ne pas insister. « Hey you wanna go to the park and throw some of these around ? » La suggestion la surprend un peu, faut le dire, et elle regarde son frère avec des grands yeux. « With beers of course. » Ça lui arrache finalement un sourire, la perspective de redevenir des enfants à nouveau, des p'tits cons, à faire n'importe quoi au  milieu de la nuit, à donner des migraines à la mère de la famille et à grogner les vieux. « We can see if you still suck. » Peadar la regarde avec un sourire qui la met au défi, et Niamh lui rend un regard.  

Elle arque un sourcil, pointe le couteau en sa direction. « Careful what you say, Boss. » Le vieux surnom roule sur sa langue, ça lui fait du bien, et on dirait que son accent est encore plus pointu qu'à l'habitude, elle s'attendrait presque à voir Dublin en regardant par la fenêtre de la chambre. « I've had a few years of practice. » Le sourire craqué, il ne veut plus s'en aller, et Niamh se redresse. La vérité c'est qu'elle est toujours nulle avec les couteaux, c'est pas du tout son truc, ça et les armes, c'est le volant son arme de prédilection. Mais la perspective d'aller boire quelques bières et de foutre un peu le bordel à Savannah avec Peadar est trop alléchante, alors elle attrape une paire de jeans qui traîne et le jette sur la tête de son frère. « Get dressed, you pervert. » Et du coin de l'oeil elle repère une casquette qui doit lui appartenir, alors elle l'empoigne du bout des doigts et l'enfonce sur sa tignasse rousse, puis regarde son frère à nouveau, sourire aux lèvres. « Let's get pissed. » Trop longtemps qu'elle ne s'est pas sentie comme ça, trop longtemps qu'elle n'a pas été jeune et conne, trop longtemps que Peadar n'a pas été son partenaire de conneries. Retrouver son frère, retrouver son sang, retrouver l'Irlande et la jeunesse. S'enfuir dans la nuit avec lui, oublier les années volées, oublier l'abandon, oublier les rancunes, et être ensemble, juste être ensemble.
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