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| die another day (the twins) | |
| Auteur | Message |
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1000 x 0 = kurt ▹ posts envoyés : 897 ▹ points : 2 ▹ pseudo : fitotime ▹ crédits : hoodwink (avatar) - tumblr (gifs) - saez (texte) ▹ avatar : jaw ▹ signe particulier : légèrement alcoolique
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| Sujet: die another day (the twins) Jeu 16 Nov - 18:24 | |
| Bee,
Ça faisait longtemps. J’ai lu ta lettre. L’une de tes lettres. Ta soeur nous l’a donné, à Jr et à moi. C’est marrant de savoir que tu lui écrivais des lettres, j’en avais aucune idée. Marrant de savoir qu’on est ce genre de personne, tous les deux, à écrire des lettres auxquelles on ne peut pas répondre. Tu peux pas savoir l’effet que ça m’a fait de lire ça. Cette lettre qui parle de nous. Nous trois, comme un tout en fait. Tu peux pas savoir ce que ça a été de lire ces mots que je n’avais encore jamais lu. C’était comme si je pouvais t’entendre les dire. Tu peux pas savoir ce que c’était de me replonger dans cette époque, je m’en souviens, de tout. C’est si clair dans ma tête, et pourtant ça me semble être dans une autre vie. Non tu peux pas savoir à quel point ça m’a fait mal.
J’me dis, ça sera ça toute ma vie ? Une suite de hauts, de bas, de tentatives de survie pour ensuite se prendre en pleine gueule la réalité en face. J’ai cru tenir pendant une seconde. Tu sais, j’ai cru que j’allais mieux. Je buvais plus, je t’écrivais plus, ça allait.
Ca va plus du tout.
Tiens, au fait, je suis à l’hôpital. J’me suis fait renverser par une voiture. Tu peux croire ça toi ? J’ai tout fait comme toi. Tu sais, marcher sur le trottoir, entendre les freins, se fracasser contre le parebrise et atterrir dix mètres plus loin. Être transporté à l’hôpital.
Mais j’suis pas mort, moi. J’avais pas envie de mourir. J’avais plus envie de mourir. J’suis qu’un putain de lâche, tu le sais bien. On serait peut-être ensemble, si seulement je m’étais pas accroché. Non, on le serait pas. On croit pas en Dieu nous. On y croit plus.
Du coup, si je meurs, on se retrouvera pas. Si je meurs, y aura plus rien. Putain ce que ça sonne bien.
Tu me manques Bee, si tu savais comme tu me manques.
Je t’aime, M.
Il avait eu raison de l’empêcher de lire la lettre, Junior. Mais il avait fini par céder. Michael avait tellement insisté, il n’avait même pas eu le choix. Il devait la lire, il le devait. C’était un peu de Bee qui vivotait sur cette page. Ca serait son écriture, ses mots, ses pensées. Fallait qu’il la lise. Alors, Junior lui avait laissé un soir, quand l’heure des visites étaient passées. Il l’avait laissé avant de s’éclipser, comme tous les soirs, pour aller on-ne-sait-où. Michael avait tenu l’enveloppe entre ses mains tremblantes. De son pouce, il caressait l’encre un peu passée du stylo. Il inspire profondément, et se redressa dans son lit. Il grimaça, car ça faisait toujours mal, vous savez, les os cassés, les fils de branchés un peu partout. Mais ça allait mieux, depuis les quelques semaines qu’ils siégeaient ici. À peine avait-il ouvert l’enveloppe et lu la première phrase que les larmes avaient envahies ses joues. Il s’était arrêté une fois, avait fermé les yeux, et avait ensuite repris la lecture. C’était revenu d’un coup : le chagrin. Comme une énorme vague qui viendrait l’engloutir complètement, se fracasser contre chaque particule de lui. Cette douleur immense qui grignotait ses entrailles depuis des mois et des mois, qui s’était enfin apaisée : elle était revenue.
Abraham ? C’est le docteur Gibson. Je vous appelle au sujet de votre frère Michael… Il y a eu… un incident. Le mieux ça serait que vous veniez à l’hôpital le plus vite possible. Le médecin avait essayé de faire avec la panique qui envahissait sans doute Junior. Quand on est médecin, on vous apprend à ne pas annoncer une mauvaise nouvelle au téléphone. Non, on dit aux gens de venir. Si vous voulez connaître la raison, c’est une question de responsabilité : on n’a pas envie que les gens se foutent en l’air, fasse une crise de panique ou se plante en bagnole sur le chemin de l’hôpital. Alors on attend de les avoir sous les yeux pour leur dire qu’un truc grave s’est passé, un truc très grave.
Devant la baie vitrée de la chambre de Michael, Gibson se tenait là, les mains dans les poches de sa blouse blanche, le visage fermé. Il regardait Michael, son visage qui recommençait à ressembler à quelque chose, ses hématomes qui passaient par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel mais s’estompaient peu à peu. Physiquement, il avait l’air d’aller mieux. Il était comme en train de dormir, plutôt paisible. On ne sait pas vraiment comment il a fait, il les aurait peut-être volé dans la poche d’un interne, ou bien il a forcé son tiroir, je… je suis absolument désolé. Le docteur Gibson venait d’apprendre à Junior la situation : Michael avait fait une tentative de suicide, c’est en tout cas ce qu’on supposait. Une boite de calmant vide avait été retrouvée dans son lit. Les alertes s’étaient mises à hurler dans tous l’étage et l’équipe de réanimation avaient réussi à faire repartir son coeur. Heureusement, on a pu intervenir très vite. Ses constantes sont plutôt bonnes, vue la situation mais… un traumatisme de ce type sur un corps déjà très affaibli je… Il tourna Junior, à sa gauche. Il est possible qu’il ne sorte pas de ce coma, ou… que son corps lâche. C’était devenu une habitude, pour le docteur d’annoncer ce genre de nouvelle, quand on travaille aux soins intensifs, on n’a jamais de bonnes nouvelles. Il posa sa main sur l’épaule de Junior, pour compatir, pour se montrer présent, même si la démarche était totalement hypocrite. Dans quinze minutes, sa garde prenait fin et il pensait déjà au resto qu’il avait réservé pour lui et son petit-ami. Cela dit, il peut aussi très bien se réveiller dans les prochaines heures. La nuit va être décisive, mais il a de bonnes chances de s’en sortir. Un sourire triste fendit le visage du docteur. Après avoir indiqué à Junior qu’il pouvait rester dans les parages le temps qu’il souhaitait et qu’il n’avait qu’à demander à une infirmière s’il avait besoin de quoi que ce soit, il prit congé de lui et fonça dans les vestiaires pour enfiler sa tenue de soirée.
Ce n’est pas aussi simple de mourir. Huit heures plus tard, Michael donnait enfin signe de vie.
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crashtration ▹ posts envoyés : 1304 ▹ points : 32 ▹ pseudo : mathie (miserunt) ▹ crédits : moi (avatar) & tumblr (profil) & solosands/vovicus (icones) ▹ avatar : matt gordon ▹ signe particulier : look un peu décalé, tatouages éparpillés, sourirs pondérés et un accent londonien terrible qui vient appuyer un phrasé peu compréhensible.
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| Sujet: Re: die another day (the twins) Sam 6 Jan - 8:29 | |
| Je sors de la salle obscure, triomphant. J'ai encore gagné un gros pactole ce soir. Et dire qu'avec tout ça, je pourrais mener la grande vie si je voulais. Mais je ne veux pas. Ou c'est peut-être Micha qui ne veut pas. A force je ne sais plus, j'ai toujours eu du mal à discerner mes envies des siennes. Et puis au fond, quelle importance. Ce qui compte, c'est qu'il soit content. S'il l'est, j'le suis aussi, je n'suis pas compliqué il m'en faut peu. Ce qui compte, c'est que je vais pouvoir payer ses frais. Le reste, on s'en fout, je m'en fous. Le reste ça n'existe pas. Je frotte ma veste, comme si je voulais me débarrasser de l'odeur de tabac qui s'y accroche à force de perdre mes nuits sous terre. Et c'est là que mon téléphone sonne. Je soupire, râle un peu et fouille à la hâte mes poches pour le sortir. Quand je vois le numéro qui s'affiche, je blêmis un peu. Allez, c'est rien Junior. Quand t'es parti, tout allait bien. Il va de mieux en mieux. C'est sûrement pas grand chose. Un truc à signer, ou quelque chose dans ce goût-là. Oui, c'est sûrement ça. Alors je décroche, avec une fausse assurance. Parce que mon corps refuse de se calmer. Le cœur qui bat de plus en plus fort, les mains qui deviennent moites. Y a un truc qui déconne, j'le sens jusqu'au plus profond de mes tripes. — Oui ? — Abraham ? C’est le docteur Gibson. Je vous appelle au sujet de votre frère Michael… Il y a eu… un incident. Le mieux ça serait que vous veniez à l’hôpital le plus vite possible. J'ai envie de vomir. — Il est vivant ? Ma voix tremble. Il ne répond pas, se contente de répéter que je dois venir le plus vite possible. Je ne dis plus rien, je me contente de raccrocher, figé là, sur ce trottoir. Il n'peut pas être mort. Je le saurais. Je le sentirais. Mais je n'ai même pas senti qu'un truc s'était mal passé ce soir, alors comment être sûr, comment savoir ? Je commence à me décomposer. Les sanglots qui montent et je pose une main sur ma bouche, l'autre se perd dans mes cheveux que je tire en arrière. Je suis incapable de déterminer ce que je ressens. C'est comme la seconde qui précède un saut dans le vide. Le souffle coupé, l'attente avant la descente. Un instant suspendu dans le temps. Je voudrais pleurer, mais je n'y arrive pas. Je voudrais bouger, mais j'suis bloqué. Et je reste là, pendant je sais pas.. une éternité, quelque chose comme ça. Jusqu'à ce que je me mette en marche, les jambes cotons, tout flagada, je manque de me ramasser par terre les trois premiers pas, avant de finalement retrouver mon équilibre. Et puis je cours. Je cours. Je peux faire que ça. Alors je cours, je traverse la ville. J'ignore les poumons en feu qui me brûle jusque dans la gorge, j'ignore l'air qui me manque, et le poing de côté qui tente de me ralentir. Je cours comme si la mort me courait après. Je cours comme si ma vie en dépendait. Mais c'est pas la mienne qui est en jeu. Pas exactement. Mais quand même un peu. Parce que si Micha meurt, je pourrais toujours continuer à vivre, je pourrais toujours être un vivant parmi les vivants, c'est évident que je serais mort à l'intérieur. C'est évident que je ne ferais pas long feu. Que je m'éteindrais. Ça prendra des jours, des semaines, des mois ou peut-être même des années. Mais je finirais par y laisser mon cœur.
Je rentre dans l'hôpital, je continue de courir, malgré les rappels à l'ordre qui fusent dans mon dos. Et je grimpe les marches, trois par trois, sans savoir où je parviens à tirer encore des forces. Quand j'arrive dans le couloir, le Dr Gibson est là, papiers dans les mains, l'air sérieux, plongé dans les documents. Il relève la tête en m'entendant arriver et me fait signe de me calmer. Mais je m'arrête de courir seulement quand j'arrive devant la baie vitrée. Je colle mes mains dessus, à bout de souffle, le visage cramoisie, dégoulinant de sueur. — Il est vivant ?! Je crie presque. Il m'attrape par les épaules et m'oblige à me décoller, mais mon regard reste rivé sur le corps inerte de Michael. — On ne sait pas vraiment comment il a fait, il les aurait peut-être volé dans la poche d’un interne, ou bien il a forcé son tiroir, je… je suis absolument désolé. Quoi ? Je comprends rien. Je ramène enfin mes yeux vers lui, les sourcils froncés, la bouche entrouverte, perdu. De quoi il parle ? Qu'est-ce qu'il raconte ? Je finis par me plier en deux, posant mes mains sur mes cuisses. Je n'arrive plus à respirer et mon poing de côté me ravage les côtes. Je manque tellement d'air que je n'arrive même plus à parler. Pourtant j'ai des questions. Tellement de questions. — Heureusement, on a pu intervenir très vite. Ses constantes sont plutôt bonnes, vue la situation mais… un traumatisme de ce type sur un corps déjà très affaibli je… Il est possible qu’il ne sorte pas de ce coma, ou… que son corps lâche. Trou noir. — Cela dit, il peut aussi très bien se réveiller dans les prochaines heures. La nuit va être décisive, mais il a de bonnes chances de s’en sortir. Je me redresse, alors que les connexions se font. Je suis sérieux, y a pas de tristesse, de peur ou de désespoir dans mon regard, ni dans mon attitude. Juste une colère sourde qui gronde jusque dans mon regard clair. — Vous êtes en train d'me dire que mon frère a réussit à essayer de se suicider dans votre hôpital ? Avec vos médicaments ? Il blêmit, bafouille, tente des excuses et des arguments bidons. Et ça me rend dingue. Hors de moi. Je serre les poings, le sang qui pulse dans mes tempes, l'envie de lui saisir la gorge et de le secouer comme un prunier. — CASSEZ-VOUS ! Il recule d'un pas, continue de parler. Mais tais-toi bon sang, tais-toi. — CASSEZ-VOUS PUTAIN ! Vous l'approchez plus, vous n'êtes plus son médecin, BARRE TOI ! J'ai la poitrine qui se soulève à toute allure. Les gens s'approchent, demandent si ça va, s'il faut appeler la sécurité. Ouais, c'est ça, appelez-la la sécurité, qu'ils viennent embarquer ce meurtrier. Il calme les gens et abdique, jurant de trouver une solution et il s'en va. Une solution ? Mais c'est trop tard putain. C'est trop tard et tout ça parce qu'ils sont tous incompétents. Je le savais bien que je ne pouvais pas leur faire confiance. J'aurais dû rester près de lui. J'aurais dû me débrouiller autrement, ne jamais le quitter, pas une seconde. La colère retombe brusquement, lourde, et ça éclate de tous les côtés. Ça libère le kraken dans ma tête, celui de la douleur et du chagrin. Celui qui me dévore de l'intérieur, ce monstre tentaculaire qui se balade sous ma peau comme si c'était chez lui et qui détruit tout. Mes cellules sont comme des navires et il fait son chemin, il remonte jusqu'au cœur et le capture dans son antre pour le dévorer lentement. Je finis par rentrer dans la chambre, tout doucement, sans faire de bruit. Comme si j'avais peur de le réveiller. Et c'est terriblement absurde, parce que c'est tout ce que j'espère finalement ; qu'il se réveille. Je m'approche du lit, et il a l'air terriblement normal. Il a même l'air d'aller mieux. Ça n'a aucun sens et mon cerveau peine a assimiler l'information. Je m'assois sur la chaise au bord du lit et je capture sa main dans les miennes, d'abord silencieux. Et je l'observe, longuement, stoïque. Jusqu'à craquer, ce n'était qu'une question de temps. — Pardon Micha, j'suis désolé. Que je murmure, entre deux hoquets de larmes. Désolé de ne pas avoir été à tes côtés en permanence. Désolé de n'avoir rien vu, rien sentit. Désolé d'être le pire des frères, le plus nul. C'est moi qui ait de la chance de t'avoir, pas l'inverse. Je serre sa main un peu plus fort, comme si ça allait changer quoi que ce soit. Je reste comme ça pendant près de dix minutes, avant de le lâcher brusquement et de me relever, m'approchant de la fenêtre. Je serre les poings et les porte devant ma bouche, pour m'empêcher de craquer. Faut que j'encaisse. Je me concentre sur ma respiration, pour oublier le reste, pour calmer la tempête. Après quelques instants, je parviens à reprendre le dessus et je pivote pour revenir vers lui. C'est là que je vois le tiroir entrouvert. Je me penche, l'ouvre et attrape le carnet de Michael. Quand je l'ouvre, la lettre de Bee tombe par terre. Je ferme les yeux une seconde. J'ai merdé. Je n'aurais pas dû lui donner. Je n'aurais jamais dû lui donner. Et je remarque rapidement qu'il a écrit sur une nouvelle page. Et ça me serre le cœur. Non, c'est pire que ça. Ça l'étouffe si fort que j'ai l'impression de faire une crise cardiaque. Une douleur vive. C'est le kraken qui termine son festin, qui ne laissera pas une seule miette de mon myocarde. Je me baisse pour ramasser la lettre de Bee et j'hésite. La main qui tremble. Je résiste cinq secondes avant de la déplier et de la lire.
J'ai le visage trempé, la lettre en a subit les frais et l'encre s'est quelque peu effacée à certains endroits, là où les larmes sont tombées. Et je m'écroule sur le lit, la tête contre la cuisse de Micha et voilà que je repars pour une nouvelle tournée de sanglots douloureux et interminables. Je n'arrive pas à me calmer. Je pleure, pendant une éternité. Je pleure Bee, ses mots, son absence, notre culpabilité. Je pleure Michael, sa douleur, mon absence, ma faute. Mais je pleure aussi la colère, la rancœur, parce qu'il a voulu se tirer sans moi. Il a voulu me laisser là, avec tout ç sur la conscience. Il y a pensé à ça, hein ? Non, sûrement pas. Comme la fois où il est parti quand on avait 16 ans. T'es le pire des égoïste Michael. Mais je t'aime quand même. De toute façon tu le sais très bien, je t'aimerais quoi que tu fasses.
Je finis par être à court de larmes, je me calme, renifle et me redresse. J'attrape un mouchoir, me mouche et essuie mon visage avec un second. Et puis, je le regarde. Le temps passe, rien ne bouge. Je finis par me lever, m'appuyer dos à la fenêtre, et je continue de le regarder. Je crois que je tente tous les recoins de la chambre, incapable de tenir en place plus de trente minutes. Et plus j'attends, plus je cogite. Plus j'attends, plus je réalise l'évidence qui se joue sur mes yeux. Micha va sûrement mourir. Ou en tout cas, ne jamais se réveiller. Je baisse les yeux, terrassé par cette éventualité. Je sors mon téléphone de ma poche, tremblant, hésitant. Je sais ce que je dois faire, mais je n'ose pas. Michael m'en voudra. Mais hey, putain, moi aussi je lui en veux. Terriblement. Alors tant pis. Je peux pas le laisser partir sans avoir fait ça. Je m'en voudrais trop, je me pardonnerais pas. Et puis au fond, je crois aussi que j'ai besoin de partager ça avec quelqu'un qui comprendra vraiment. Qui aura aussi mal que moi. Enfin, je crois. Je compose le numéro, je le connais par cœur. Malgré le temps et la haine. J'peux pas l'oublier, je n'oublie jamais rien. C'est toujours là, dans ma tête, à portée de mains. J'inspire profondément et je monte le combiné à mon oreille, angoissé. J'ai mal au ventre.
Une sonnerie. Deux sonneries. Trois sonneries. Quatre sonneries.
— Allô ? — .... Maman ?
Deux heures et trente minutes ce sont écoulées depuis l'appel. Deux heures et trente minutes où j'ai espéré que Michael se réveille. Deux heures et trente minutes ou j'ai lutté pour ne pas sombrer, m'écrouler, dormir. Je ne veux rien rater. Rien. Pas un seul de ses battements de cœur. Deux heures et trente et une minute. La porte s'ouvre, je sursaute, relève la tête.
J'aurais pas dû.
Elle est là, devant moi. Elle est laide et pourtant, elle a l'air terriblement normale. On pourrait croire qu'elle est gentille et pourtant, tout ce que je vois, ce sont ses défauts. Y a des odeurs, des couleurs, des flashs, des sons, qui me reviennent en mémoire, de façon décousue et violente. Ça me heurte de plein fouet, ça me fait peur, ça me dégoûte. Je me retrouve confus, à tel point que je ne bouge même pas de mon siège, le regard rivé sur elle et pourtant tellement loin. Elle fond sur moi, les bras ouverts et vient m'envelopper comme si c'était une habitude. Je ne savais même pas qu'elle savait faire ça. — Mon dieu, Abraham, mon bébé ! Je me crispe, je grimace. Elle m'enlace mais ça me brûle, ça me fait mal. J'ai l'impression que toutes mes cicatrices se réveillent en même temps, comme si elles se rouvraient subitement et se remettaient à saigner abondamment. Je m'échappe de son étreinte, mal à l'aise. — Junior. Tout le monde m'appelle Junior. Elle me détaille, un peu condescendante et ne répond rien, se contente de lever les yeux au ciel comme si j'étais en train de faire un caprice. Mais elle ne peut plus m'enfermer dans une boite maintenant, pour me faire changer d'idée. Elle ne peut plus rien. Pas vrai ? Alors pourquoi j'ai le coeur qui tremble autant ? — Où est papa ? Elle retire son sac et son manteau et prend place sur le bord du lit, comme si c'était sa place. Comme si elle était une bonne mère, soucieuse de la survie de son fils. Menteuse, comédienne. J'ai envie de lui hurler dessus, de lui dire de ne pas l'approcher, pas le toucher. Mais je ne dis rien et je réalise soudain qu'elle me fait toujours peur. — Tu penses, il n'a pas voulu venir ! Je le comprends en même temps, trahit par ses deux fils, tu imagines ? Elle porte sa main à son cœur, comme si elle compatissait pour ce monstre. Comme si c'était nous les méchants de l'histoire. Je fronce les sourcils, sidéré. Je voudrais me révolter. Me lever, lui scander de se casser, de lui dire qu'elle ne mérite pas d'être là. Qu'elle ne mérite pas de revoir une dernière fois son fils qui va peut-être mourir. Je voudrais lui dire qu'elle et papa sont les pires personnes qui existent. Que je voudrais qu'ils soient sur ce lit à la place de Michael. Et qu'ils ne se réveillent jamais. Je voudrais lui dire tellement de choses, mais je ne dis rien. Je détourne mon regard du sien, ne supportant même plus de la voir. — Si ça t'intéresse, y a pas eu d'évolution depuis que je t'ai appelé. Une infirmière est passée pour tout vérifier, il est stable, mais rien d'encourageant. Elle inspire et souffle bruyamment, se relève dans un effort qui semble lui coûter et tape ses mains sur ses cuisses. — Bon, en gros, on va en avoir pour un moment. Je vais me chercher un café et des mots croisés. Et je la regarde s'éloigner, stupéfait de sa réaction. Je cligne des yeux, la bouche à semi ouverte, complètement muet. Je me laisse tomber dans le fond de ma chaise, ahuris. Elle n'a pas changé. Pas même un tout petit peu. Je passe mes mains sur mon visage, comme pour me réveiller de cet affreux cauchemar. Je me lève même et marche jusque dans la salle-de-bain pour me passer de l'eau sur les yeux. J'ai mal au crâne d'avoir trop pleuré. J'ai mal partout de trop attendre, j'ai mal de toute cette incertitude.
Ma mère finit par revenir et on ne trouve rien à se dire. Elle ne demande rien. Et je ne dis rien. Pendant trois heures on reste comme ça. Chacun de son côté, sans se regarder. Elle fait ses mots croisés. Et moi, je serre la main de Micha dans la mienne. Je finis malgré tout par lui demander de prier avec moi. Et là, elle s'éveille, enthousiasmée par cette idée. Elle me tend sa main et je n'ose pas refuser. Elle l'attrape et la serre, ça me fait mal. Elle a toujours eu une poigne terrible. Elle n'a pas les mains douces d'une mère qui caresse les joues de ses enfants. Elle ferme les yeux et se met à prier. Et moi, je la regarde. Ma main qui brûle, je voudrais la retirer. Pourtant, j'attends. Je subis. Comme toujours. Finalement, moi non plus je n'ai pas changé. Je suis toujours ce petit garçon mortifié, qui a peur de ses parents, et qui les déteste tellement fort que ça fait mal jusque dans les os.
Huit heures se sont écoulées. Et le miracle se produit. — Ah ben, enfin. Qu'elle râle, comme si Michael s'était contenté d'arriver en retard à un rendez-vous. Je me redresse aussitôt. Oui, il bouge, il se réveille. Et je me remets à pleurer, de joie cette fois. De soulagement. Il ne va pas mourir. Il ne va pas mourir. Dieu a entendu mes prières et il les a exaucées. Merci, merci mon Dieu. Merci pour tout. Ma main droite qui vient caresser tout doucement la joue encore abimée de mon sosie. Je me penche au-dessus de lui, pour être la première chose qu'il voit. Pour qu'il sache que je suis là et que tout va bien. — Micha... Je ravale mes larmes tant bien que mal, et je suis secoué par une sorte de rire étrange. Les nerfs qui lâchent j'imagine. — Tu m'as fait drôlement peur.. Sale con. Notre mère se penche aussi et je regrette encore plus de l'avoir appelée. Il va me tuer, il va m'en vouloir pour l'éternité. Je grimace, confus, tellement désolé de cette erreur énorme. — C'est incroyable que Dieu ait bien voulu t'épargner, il n'aime pas les lâches d'ordinaire. Le suicide, c'est tabou chez les croyants comme mes parents. Je déglutis et me mords la lèvre inférieure pour ne pas l'insulter. Je me contente de marmonner, contrarié. — Maman.. ! Elle me regarde, choquée, comme si elle ne voyait pas ce que je pouvais bien lui reprocher. Ce qui est incroyable, c'est que Dieu ait permis à ces deux erreurs de la nature d'exister. Et de nous faire subir tout ça, toutes ces années. Je libère la joue de Micha et reviens prendre sa main. — Me refait plus jamais ça. J'ai pris mon air grave. Je déconne pas Micha. Refait plus jamais ça. |
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| Sujet: Re: die another day (the twins) Mar 16 Jan - 14:30 | |
| Le chemin de la mort à la naissance, est incroyablement douloureux, long, sombre. C’est comme être plongé dans un sommeil sans rêve, un sommeil de plomb, si profond qu’il vous paralyse tout entier, vous entraîne avec lui jusqu’au fond des océans. Si profondément que la pression de l’eau vous broie littéralement. C’était avec cette sale impression que Michael reprit peu à peu conscience. Il vit la lumière, pas au bout du tunnel mais à travers ses paupières lourdes, il remua un doigt, entendit un bip sur le monitoring. La mort s’éloignait laissant derrière elle les douleurs oubliées, les os cassés, le coeur qui saigne, l’âme rongée. Tout reprenait de la consistance, lui pour commencer. Il sentit sa présence. Celle de Junior. Il savait qu’il se tenait là, juste à côté. Il avait voulu dire quelque chose, n’importe quoi. Qu’il était désolé. Pas d’avoir fait ça, non, mais désolé de ne plus avoir envie de vivre. À la place, rien qu’un grognement caverneux. Il sentit la main sur sa joue, presque pas, mais tout de même, le caresser avec une douceur infinie. Il entendit son prénom, étranglé de sanglot, trop grave pour que ca soit la voix de Junior, enfin sa voix naturelle. L’effet des médocs était encore trop présent. Michael pouvait à peine bouger. Et il n’osait pas ouvrir les yeux. Il ne voulait pas le voir. Voir le regard tordu de douleur d’un Junior qui avait traversé l’enfer. Et surtout, il ne voulait pas que Junior le voit. Il n’avait pas envie qu’il devine au fond de son regard l’étincelle éteinte, la dernière, celle qui le raccrochait sadiquement à la vie. Envolée, disparue, pleurée. Junior le devinerait tout de suite. Et pourtant il n’avait pas d’autre choix que d’ouvrir les yeux et de se percuter au monde des vivants, arraché à la paix de néant dans laquelle il avait voulu s’endormir. Il ouvrit les yeux, donc. La tête de Junior était là, juste au dessus de lui, en énorme. Tu m’as fait drôlement peur… qu’il souffla à travers le soudain rire nerveux qui le secouait. Michael tenta un sourire qui ressemblait plutôt à une grimace. Sa gorge lui brûlait comme si on lui avait foutu le feu pendant son sommeil ; ça fait cette sensation-là quand on a été intubé. Malgré tout, malgré le chagrin qui revenait en rafale en même temps qu’il reprenait conscience, le regard illuminé de Junior, soulagé, faisait du bien. Michael se rendit alors compte que, peu importe le deuil qu’il portait, peu importe les épreuves qui lui arrivaient en pleine face, Junior n’avait besoin que de Michael pour vivre, pour continuer. Et il se sentit soudain coupable de ne pas être capable de la même chose. Pas être capable de se dire qu’au moins il avait son frère, qu’il ne serait jamais seul. Coupable que l’amour inconditionnel et la présence de son jumeau ne soit pas suffisante. Putain d’égoïste qu’il avait été toute sa vie. Michael voulu donc articuler quelque chose, n’importe qui pour assurer qu’il tenterait de s’améliorer. Mais au lieu de ça, et ce fut ce qui se rapprocherait le plus d’excuses, il articula difficilement : T’avais raison… j’aurais pas dû lire la lettre… Ne laissant alors aucun doute à ce qui avait éteint cette dernière étincelle de vie dans son âme. Il aurait dû écouter son frère, ça aurait continué à aller mieux. Aujourd’hui, deux minutes à peine après avoir repris son souffle, il était incapable de dire s’il aurait à nouveau envie de vivre ou non. Mais pas le temps d’en dire d’avantage : il fut coupé dans son élan par une autre voix, une voix qui le faisait frissonner, une voix qu’il pensait avoir oublié, mais dès les premiers sons, sifflés entre les lèvres pincées, tout revint d’un coup : C'est incroyable que Dieu ait bien voulu t'épargner, il n'aime pas les lâches d'ordinaire. Maman. Pouvait-on vraiment l’appeler comme ça ? Maman. C’était légalement vrai, génétiquement vrai aussi. Cette femme, debout près de lui, c’était sa mère. Et Michael glissa un regard assommé jusqu’à elle. Elle était penchée vers lui, elle n’avait pas l’air soucieuse, non, juste embêtée. Comme on est embêtée par une mauvaise odeur. Les lèvres serrées, le nez retroussé, elle avalait sa salive bruyamment comme pour faire remarquer à tout le monde qu’elle n’était pas à son aise. Michael la fixa un long moment avant de vraiment percuter. Percuter, c’était le mot. Se prendre la voiture d’un chauffard n’était rien comparé à cette sensation horrible qui brûlait ses entrailles, à l’onde de choc qui se répandait dans tout son corps. Sa mère était là, dans la même pièce que lui. En sept ans, elle n’avait pas changé. Peut-être que ses cheveux, tirés dans un chignon trop serré qui lui lissait les plis de son visage anguleux, étaient plus grisonnants. Peut-être que les rides d’expression avaient tracé un sillon plus profond. Mais rien n’avait jamais. Le même air, la même tenue, la même façon de parler. Elle était exactement tel que Michael l’avait toujours connu. Exactement telle qu’il l’avait quitté, en jurant de ne plus jamais croiser son regard, jamais. Quitter ses parents n’avait pas été une de ces grandes décisions qui vous hante. Il n’avait jamais regretté. Le déchirement, ça avait été avec Junior. Le temps que leurs âmes se décollent de force, l’adaptation à une vie sans lui avait été difficile, et pas un jour de s’était écoulé sans qu’il pense à lui. Difficile d’oublier son double quand on croise son reflet devant chaque vitrine. Mais Michael n’avait jamais regretté, jamais. Il n’aimait pas ses parents. Il les détestait si viscéralement que ce n’était pas ce genre de relation où on espère juste en secret recevoir l’amour qu’on attendait depuis tout ce temps. Michael n’attendait rien d’eux, si ce n’est qu’il crève. Et chaque fois qu’il avait été obligé de prier, il avait demandé à Dieu un accident horrible qui le rendrait orphelin. Et puis, orphelin, il avait décidé de le devenir par lui-même et à partir du moment où il s’était tiré, ses parents avaient tout simplement cessé d’exister. Il ne se passa pas très longtemps, entre le moment où la phrase de la mère et le regard de Michael. Peut-être deux secondes, le temps pour Junior de réprimander poliment sa mère. C’était lui qui l’avait appelé, pensant sans doute que Michael allait mourir. C’était lui qui avait fait revenir ce démon dans leur vie, donné leur lieu de vie, permis qu’ils remettent leurs nez dans leurs affaires. Et si Michael n’était pas si fatigué, par son état physique, mais aussi de vivre, sans doute qu’il se serait mis à crier. Mais là rien, nada. Il se contenta de considérer longuement sa génitrice et de répondre d’une voix caverneuse, d’une voix qui n’était même pas la sienne, mais avec un calme olympien : Faut croire que Dieu est plus con que ce que tu penses. Il ne dévia pas son regard quand celui de sa mère s’horrifia devant de tels propos.. Par réflexe elle fit un rapide signe de croix. Deux minutes que tu es réveillé et tu blasphèmes déjà, tu n’as décidément pas changé mon fils. Qu’elle fit remarquer, le pire ce fut certainement cette façon qu’elle avait eu de l’appeler : “mon fils”, comme s’il lui appartenait toujours. Comme pour lui faire remarquer, qu’il pouvait mettre toute la distance qu’il voulait, jamais il ne pourrait effacer ça : Michael était son fils, et il lui devait la vie. Une expression de dégoût s’installa sur son visage blasé à cette pensée. Il avala sa salive, et ce fut tout aussi douloureux et glissa les yeux jusqu’à Junior. D’un simple regard il pouvait lui dire : Pourquoi t’as fait ça Junior ? Qu’est-ce qui a pu te passer par la tête pour faire un truc aussi bête ? Le constat était terrible, est-ce que ça voudrait dire qu’une fois que Michael serait mort, Junior, désemparé retournait sagement auprès de sa famille ? Est-ce qu’il n’avait eu la force de fuir que parce que Michael l’avait eu pour eux deux ? Il s’était passé quelques années où ils avaient été séparés, quelques années où les parents avaient eu tout le loisir de formater Junior, plus fragile, plus docile que son frère. Et jamais Michael n’avait voulu en entendre parler. Il n’avait eu droit qu’à des anecdotes quand ça arrivait dans la conversation, la plupart du temps il avait changé de discussion au plus vite. Il ne voulait pas savoir ce qui s’était réellement passé après son départ de la maison, parce qu’il n’avait pas envie de se sentir coupable, ni même de sentir son frère encore attaché, d’une manière ou d’une autre, à leurs parents. La preuve était là, en cas de détresse, c’était sa mère qu’il avait appelé. Sa mère, pas la leur. Comme je vous le disais Michael avait décidé d’être orphelin. Qu’est-ce qu’elle fout là ? Marmonna Michael à son frère, sans vouloir s’adresser à elle directement, ce qui, évidemment, ne loupa pas. C’est très malpoli de parler d’une personne qui se trouve juste à côté de soi. Michael, tu sais pourquoi je suis là. Je suis là pour toi, et tu peux me reprocher toutes les fautes du monde, tu ne m’empêcheras jamais d’être ta mère, votre mère. Chaque mot qu’elle prononçait, Michael tentait de l’éliminer de son esprit au plus vite, ne pas la laisser rentrer dedans pour se faire passer pour la pauvre mère courage. La pauvre mère qui avait subit, toutes ses années, et dû ensuite vivre avec la fugue de ses deux fils. Elle savait parfaitement le faire ça : se poser en victime et faire croire que rien n’avait jamais été de sa faute. C’était même une règle de base chez les catholiques : Dieu l’a voulu, Dieu décide de chacun de nos actes, le grand dessein de Dieu… Une façon de plus pour se déculpabiliser. Elle faisait ça avec Dieu, elle faisait ça avec son mari. Maman n’avait quasiment jamais imposé de punition, ni levé la main sur ses enfants, oh ça jamais. Non, elle laissait le père prendre ce genre de décision, elle restait dans l’ombre, car une femme est inférieure à l’homme et doit vivre sous son emprise, c’est écrit dans la bible. Rien n’était de sa faute, pauvre mère courage qui n’avait fait que suivre les lois de Dieu et de son époux. Et c’est sans doute ce qui faisait que Michael la détestait deux fois plus. C’était elle qui avait hanté ses cauchemars, elle qu’il avait aussi rêvé d’égorger. Car elle était la plus hypocrite d’entre tous dans cette famille de fêlée. Celle qui avait laissé faire en portant son masque d’épouse parfaite et de bonne chrétienne. Lâche, méprisante, soumise. Tout ce que Michael haïssait au fond de lui. Abraham a eu la générosité de se dire que je voudrais savoir que l’un de mes fils était mourant, tu ne dois pas lui reprocher ça. On l’appelle Junior. JUNIOR. Qu’il voulait crier, mais il retint ses mots car il ne trouvait plus la force de les prononcer. Avec toute la peine du monde, il tenta de se redresser dans son lit, essayant de composer avec l’inquiétude soudaine de Junior qui l’aida immédiatement à remettre les coussins en place. Assis, la douleur se fit plus vive, mais il refusait de supporter le regard hautain de sa mère vu d’en dessous. Même s’il ne l’avait pas prévu, il se tourna vers elle, répondit : Ne me dit pas ce que je dois faire ou pas. Sa voix cassée perdait patience. Elle garda le silence une seconde, ramenant ses mains près de son ventre pour canaliser son agacement. Une femme ne montre pas ses émotions non plus. Ce petit laps de temps permis à Michael de se tourner à nouveau vers son frère. Bizarrement, il n’était pas en colère. Pas contre lui en tout cas. Il ne comprenait tout simplement pas. Comment… pourquoi t’as fait ça… ? Demanda-t-il perdu. Parce qu’il avait eu peur, qu’il ne voulait pas être seul, qu’il avait vraiment cru que ça serait la fin ? Sans doute, quelque chose comme ça. Michael ne pouvait qu’à moitié se rendre compte de ce que Junior avait dû traverser. Et ce qu’il s’imaginait était suffisamment terrifiant pour qu’il ait la décence de ne pas accabler son frère. Mais lui, avait-il vraiment réfléchi aux conséquences de ses actes ? Elle ne garda pas le silence longtemps. Elle était incapable de la fermer. Pourquoi ? Parce que je suis votre mère et je ne supporte pas de savoir que vous vivez tous les deux comme des mendiants. Si Dieu peut me donner la force de vous pardonner, alors il va falloir que vous preniez sur vous. Tu vois bien que cette petite crise existentielle ne t’as mené nulle part Michael. Il est grand temps de rentrer à la maison. Les lèvres de Michael frémir, il sentait enfin la colère revenir, cette même colère qui l’avait animé toute son adolescence. |
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| Sujet: Re: die another day (the twins) Mar 20 Fév - 11:03 | |
| — T’avais raison… j’aurais pas dû lire la lettre… Ses mots comme un tir droit dans le cœur. Je perds mon sourire, le regard décomposé, impuissant et désemparé. Je baissais finalement les yeux, accablé par une culpabilité terrible. J'aurais dû veiller à ce qu'il ne la lise jamais. J'aurais dû rester auprès de lui, nuit et jour, ne pas m'absenter une seule seconde. Mes yeux se chargent de larmes que je retiens difficilement, je déglutis douloureusement, tentant de ravaler tout ça pour ne pas craquer. Pas encore. Je suis usé de trop pleurer. Il est vivant, ça va aller maintenant. J'essaie de me concentrer là-dessus. Je caresse sa joue tendrement et lui offre un petit sourire fébrile, l'air de dire : shh, c'est fini maintenant, tout va bien, je suis là. Mais cet instant de répit ne dure pas. Pourtant j'aurais aimé que cette pause un peu hors du temps s'éternise. L'étirer encore un peu plus, pouvoir savourer ces retrouvailles inespérées. Me laisser le temps de faire le deuil sur ces interminables heures de peur que je viens de passer. Mais la voix de notre mère vient tout briser. Mon regard s'échappe de celui de Michael, incapable de l'affronter. Je sais qu'il va m'en vouloir et je n'arrive pas à assumer le choix que j'ai fait. Je le regrette tellement, maintenant qu'il est réveillé. Pourtant, une partie de moi sait pertinemment que s'il était mort, j'aurais été rassuré de ne pas être seul pour y faire face. Parce que j'en aurais été incapable. Un long silence s'installe tandis que je fixe mes mains blanches, je n'ose plus bouger, plus parler. Comme si j'avais peur de faire exploser quelque chose. J'imagine sans mal tout ce qui doit défiler dans l'esprit de Michael et ça ne fait que m'accabler encore plus. — Faut croire que Dieu est plus con que ce que tu penses. En d'autres circonstances, sa remarque aurait pu me faire rire. Parce que je sais ce qu'elle va provoquer chez notre mère. Mais pas aujourd'hui. Je n'ai pas le coeur à rire. Je n'ai le cœur à rien à vrai dire. Juste envie de tout arrêter, me tirer, souffler, respirer, me libérer de ce poids qui m'étouffe depuis des années. J'ai envie de hurler, j'ai envie d'espace. J'ai envie de campagne et de soleil. Je ne sais pas d'où ça me vient, mais je n'en peux plus de la ville. Savannah, le bitume et les mauvais souvenirs. J'ai envie d'un nouveau départ. De légèreté. J'ai envie d'un toit, d'un lit ou dormir. Envie d'avoir un boulot, des collègues. J'ai juste envie d'une vie normale finalement. Je ferme les yeux une seconde, sans trop savoir pourquoi je pense à ça maintenant. La voix de ma mère m'aide à chasser tout ça de mon esprit et m'oblige à redescendre sur terre. Dans cette réalité qui me bousille depuis trop longtemps. — Deux minutes que tu es réveillé et tu blasphèmes déjà, tu n’as décidément pas changé mon fils. Je ne réagis pas, complètement effacé, je me tiens loin de leur face à face. Ce n'est que lorsque je sens le regard insistant de Michael sur moi que je relève timidement les yeux. Comme un gosse qui aurait peur de se faire engueuler. Communication silencieuse, ses questions qui me percutent, qui m'entaillent. La honte qui rougit mes joues blêmes et dans mes yeux, y a que le mot pardon qui tourne en boucle. Les regrets qui suintent par tous les pores de ma peau. Une légère larme qui s'échappe de sa prison et qui roule sans un bruit sur ma peau encore marquée par toutes celles qui ont défilé avant, des heures durant. Je baisse aussitôt les yeux, incapable de l'affronter. Je voudrais revenir en arrière, ne jamais passer cet appel. — Qu’est-ce qu’elle fout là ? Boule dans la gorge qui me laisse muet même lorsque j'ouvre la bouche pour tenter une réponse, une justification. Mais je n'en ai même pas le temps. Le démon de l'autre côté du lit prend les devants et me laisse loin derrière. — C’est très malpoli de parler d’une personne qui se trouve juste à côté de soi. Michael, tu sais pourquoi je suis là. Je suis là pour toi, et tu peux me reprocher toutes les fautes du monde, tu ne m’empêcheras jamais d’être ta mère, votre mère. Abraham a eu la générosité de se dire que je voudrais savoir que l’un de mes fils était mourant, tu ne dois pas lui reprocher ça. L'entendre dire mon prénom me provoque une énième sensation de nausée. Je ne le supporte plus depuis longtemps. D'ailleurs, personne ici ne le sait. Je suis Junior, juste Junior. Je passe une main sur ma joue pour l'essuyer et renifle discrètement, la mâchoire serrée par une colère douloureuse. Le palpitant furieux et les tripes en désordre. Incapable de définir ce que je ressens. Comme une montée d'angoisse, un malaise général. Comme si je tombais malade. Je ne réagis que lorsque Michael tente de se redresser. Je me lève et viens l'aider aussitôt, sous le regard pleins de jugement de ma mère. Comme si j'étais stupide de l'aider. — Ne me dit pas ce que je dois faire ou pas. Je les ignore, me contentant de dévisager Michael avec insistance, pour m'assurer qu'il va bien. Il vient à peine de se réveiller et déjà il bouge, cette idée ne me rassure pas. Je sais qu'il a mal, ça se voit au moins autant que je le ressens. Regard soucieux et bienveillant à la fois. — Comment… pourquoi t’as fait ça… ? Moment de flottement. Je n'ai pas encore dit un mot et j'ai l'impression d'en être incapable. Je me laisse retomber sur ma chaise, comme si le poids que je portais sur mes épaules devenait subitement trop lourd. — Je... j'ai... Les mots restent bloqués et je bégaie tout bas, incapable de mettre en ordre mes pensées. C'est comme si j'avais perdu toute capacité à communiquer. La présence de ma mère qui me perturbe, l'état de Michael qui me bouleverse. C'est trop. Et elle en profite, encore une fois. — Pourquoi ? Parce que je suis votre mère et je ne supporte pas de savoir que vous vivez tous les deux comme des mendiants. Si Dieu peut me donner la force de vous pardonner, alors il va falloir que vous preniez sur vous. Tu vois bien que cette petite crise existentielle ne t’as mené nulle part Michael. Il est grand temps de rentrer à la maison. — Quoi ? ... N-non ! Je me réveille lentement, m'extirpant de mon agonie silencieuse. Je me redresse légèrement, le buste tourné dans sa direction et le regard affolé. Elle reste de marbre. — Je t'ai pas appelé pour ça, j'veux pas qu'on rentre. J'croyais qu'il allait mourir, et je.. Elle me coupe dans mon élan, son bras qu'elle passe par-dessus les jambes de Michael pour venir poser sa main sur la mienne, au bord du lit. — Shhh, Abraham, calme toi, tout va bien. Tout va bien. Je me pétrifie. Le contact de sa peau contre la mienne me brûle de l'intérieur mais je n'arrive pas à bouger. Mon regard qui tombe dans le sien et la terreur sous-jacente, endormie depuis des années qui remonte brusquement. J'avais presque oublié à quel point cette femme pouvait me faire peur. Et les souvenirs fusent en pagaille, des flashs, des sensations. Et je me souviens, quand mon père s'en prenait à moi, quand Michael n'était plus. Je me souviens qu'après, quand j'allais me blottir dans un coin de ma chambre, elle venait me voir. Et tout bas elle me murmurait que tout allait bien, avant de m'inciter à aller m'excuser auprès de mon père. Sans même se soucier de moi, de mon bien être, de ma peau écorchée et de mon cœur fracassé. Elle m'obligeait à aller affronter cet homme dont la seule présence me faisait parfois chialer d'angoisse. Je n'arrive plus à bouger, à réagir. Perdu dans un dédale de cauchemars. Sa main qui resserre la mienne un peu plus fort encore et j'ai l'impression qu'elle me la broie. Aucune douceur, cette femme est incapable de faire preuve de tendresse maternelle. — Et comment vous payez tout ça d'ailleurs ? Qu'elle demande un peu froidement, sceptique. Je réponds du tac au tac, le regard bloqué dans le vide. — C'est moi qui paie. Elle hausse un sourcil avant de les froncer, elle échappe un léger rire condescendant. — Toi ? Je ne savais pas qu'on pouvait payer en canettes de bière dans les hôpitaux maintenant. Je ferme les yeux et ravale tous mes ressentiments, continuant de lutter contre tous ces souvenirs que j'avais enfermé à double tours dans un coin de ma tête. Elle a tout rouvert et je n'arrive pas à faire face. J'ai l'impression de me faire engloutir. A ça se rajoute les images de Bee et je me sens me liquéfier. La sensation de me faire noyer. Je ne la vois plus, mais je l'entends toujours. Sa voix qui raisonne et trouve des échos dans ma mémoire, des choses qu'elle me disait autrefois, les mots durs qui se superposent aux hurlements de mon père. Je n'arrive plus à faire taire tout ça. — Tu vois Michael, tu vois dans quel état est ton frère à cause de toi ? Ce qu'il doit faire à cause de toi ? Je ne comprends pas comment tu peux être aussi égoïste. Je me demande ce qu'on a raté avec toi pour que tu finisses comme ça. Elle lève les yeux au ciel, comme résignée. Comme si Michael était irrattrapable et qu'elle n'y pouvait rien. Que c'était comme ça. Qu'il s'était écarté du droit chemin, détourné de Dieu et qu'il ne pouvait plus finir autrement maintenant. Fatalité. Elle a toujours adoré ce concept. Et je voudrais hurler, lui dire qu'elle ment et qu'elle a tort. Mais je n'y arrive pas. Parce que quelque part au fond de moi, je crois que je le trouve égoïste aussi. Il m'a abandonné une fois. Et maintenant, il a essayé de mourir. Il a voulu me laisser seul, avec ma culpabilité et ma peine. Finalement, au milieu de tout ce capharnaüm qui me secoue, y a comme une évidence qui se dessine quelque part. Je lui en veux. |
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| Sujet: Re: die another day (the twins) Mar 27 Fév - 18:40 | |
| Junior se délitait complètement, effacé, en retrait, docile comme on lui avait toujours appris à le faire. La présence des parents avait toujours occulté la sienne, et quand le ton montait, Michael s’interposait de lui-même. Junior avait subi en silence toute sa vie, pendant qu’ils s’étripaient, Junior souffrait, déchiré par cette emprise plus discrète mais plus vicieuse des parents Healy. Il était le même gosse incapable de dire un mot plus haut que l’autre qu’autrefois, car par sa simple présence, leur mère avait effacé tout ce qu’il y avait de courageux en lui, tout ce qu’il y avait d’authentique pour le transformé à nouveau en petite marionnette bien sage et surtout silencieuse. Le silence, ce même silence que Michael avait hait toute sa vie. Le silence religieux à table, à l’église, dans le salon. Parce qu’un enfant ça ne parle pas, ça n’a pas d’opinion. Ce silence qui avait cocooné sa rébellion, avant que tout explose. Ce silence qu’il ne pouvait plus garder maintenant, et surtout pas en présence de sa génitrice qui exacerbait toutes les plaies qu’il pensait refermées. Je... j'ai... Mais il eut le souffle coupé par cette voix nasillarde qui donnait des boutons à Michael. Il inspira profondément d’ailleurs, et ça faisait un mal de chien, mais c’était ça où il bondissait hors de son lit pour l’étrangler. Elle voulait les récupérer, comme on récupère un objet perdu, comme on arrache une victoire qu’on ne mérite pas. Ce n’était ni par amour, ni par inquiétude, juste par fierté. Michael voyait clair dans son jeu, il voyait clair au travers ce visage imperturbable et ce regard condescendant qu’elle arborait en permanence. Il frémissait de rage, et tout commençait à battre trop fort dans son corps. Quoi ? ... N-non ! La colère de Junior valait plus que la sienne, il le savait pertinemment. Qu’il quitte le cocon familiale n’avait jamais été si grave, il en restait un autre, meilleur en tout point à celui qui était parti, un autre digne héritier. Perdre Junior avait sans doute été le plus difficile pour leurs parents. Et Michael n’avait aucun doute sur le fait qu’ils lui reprochait personnellement ce deuxième abandon, incapables comme ils étaient de se remettre un tant soit peu en question. Il garda donc le silence, laissant la place à Junior de répondre, de s’insurger, de la virer d’ici. Il avait fait une terrible bourde en l’appelant, mais peut-être qu’il n’était pas trop tard pour rattraper cette erreur. Je t'ai pas appelé pour ça, j'veux pas qu'on rentre. J'croyais qu'il allait mourir, et je.. Michael aurait aimé signifier qu’il n’avait nul besoin d’appeler cette psychopathe le jour où il mourrait. Parce qu’il ne voulait même pas qu’elle soit au courant, jamais. Elle ne représentait plus rien d’autre pour lui que des souvenirs douloureux auxquels il n’avait même pas envie de penser. Trop égoïste pour se dire que si Junior l’avait appelé, ce n’était pas pour Michael mais pour lui-même. De toute façon, il n’eut pas le temps d’y réfléchir trop longtemps car leur mère s’attelait à sa comédie préférée. Celle, sous couvert d’une tendresse acide, de réduire à néant tout espoir, tout envie de parler. Elle posa sa main sur celle de Junior, et c’était comme si Michael ressentait la brûlure. Il tressaillit. Son regard était captivé par ce geste, par cette main qui se resserrait autour de celle de son frère qu’il n’écoutait même pas les quelques mots doucereux qu’elle osa prononcé. Au bout d’un moment, quand la pression fut si forte qu’il ne pu plus rien retenir, Michael cria, perçant l’air d’une haine qu’il pensait impossible : Lâche-le tout de suite ! Elle s’exécuta avec une docilité dont elle avait été victime toute sa vie, non sans un sourire cynique sur les lèvres, elle pensait déjà pouvoir racheter l’amour de Junior à coup de culpabilisation et de sermonts déjà tout préparés, et dans le regard qu’ils s’échangèrent, derrière la colère et la rancoeur, y avait une sorte de combat pour Junior qu’ils s’étaient arrachés des mains l’un de l’autre toute leur foutue vie.
Et comment vous payez tout ça d'ailleurs ? Il y eut un froid, et les yeux de Michael se perdirent dans le vide. En tentant de se tuer, il n’avait pas arrangé la situation, il resterait encore plus longtemps à l’hôpital et les interventions pour le sauver devaient coûter un bras. Et Michael savait très bien où Junior trouvait son argent. Sur des tables de poker illégales, en suivant cette bande de braquers qui l’avait recruté, en risquant sa peau et sa santé mentale. Michael savait et la confirmation de son jumeau eut le même effet qu’un épine dans le pied, dans le coeur et dans la tête. Parce que c’était tout une partie de la vie de son frère dont il n’avait pas de prise, pas la moindre entrée. Une part de sa vie de laquel Junior le tenait volontairement éloigné, pour ne pas l’inquiéter, pour ne pas avoir d’entrave. Et tout ça les avaient éloigné, comme à chaque fois qu’ils ne partageaient pas entièrement quelque chose. C’est comme ça que ça marche, les vrais jumeaux. Ou du moins, c’était l’idée que Michael s’en faisait. Toi ? Je ne savais pas qu'on pouvait payer en canettes de bière dans les hôpitaux maintenant. un sourire haineux s’étira sur les lèvres de Michael, car chaque putain de mots qui sortaient de sa bouche étaient des attaques, comme des flèches qu’elle décochait avec une plaisir fou. Parce qu’elle était heureuse de les voir dans cet état. Michael jurerait que c’était tout ce qu’elle avait toujours voulu. Les voir au fond du trou sans elle, sans Dieu. Et devant le silence assourdissant des jumeaux et Junior qui partait en lambeaux, elle se promenait fièrement au milieu de ce no man’s land, bras écartés, pleine d’assurance, au moins métaphoriquement.
Tu vois Michael, tu vois dans quel état est ton frère à cause de toi ? Ce qu'il doit faire à cause de toi ? Je ne comprends pas comment tu peux être aussi égoïste. Je me demande ce qu'on a raté avec toi pour que tu finisses comme ça. Ce regard-là, ce putain de regard, qui avait bercé son enfance fut comme une électrochoc. Tous ces mots qui sonnaient trop justes, même si Michael ne voudrait jamais se l’avouer. Junior était loin de tenir mieux que lui, c’était tellement clair maintenant. Si limpide. Junior était au moins autant dévasté que lui, si ce n’est plus, mais il n’exprimait rien, il emmagazinait, la chute serait terrible. Et cette découverte, cette prise de conscience trop tardive donnait à Michael l’envie de chialer. D’un autre côté, ça lui donnait aussi une excellente raison de vivre : sauver Junior. Tu n’as pas la moindre putain d’idée de l’état dans lequel est Junior. Qu’il articula difficilement, parce que c’était dur de se contenir, dur de former des mots tellement son esprit était entrain de foutre le camp, dévoré par la colère. Michael reprenait son rôle, le rôle qu’il avait toujours eut, qu’il avait toujours voulu avoir d’un certain côté. Celui du bouclier, celui qui donne les coups et les reçoit aussi. Tu n’étais pas là, toutes ces années, depuis que tes deux fils t’ont FUIT. Parce que c’est ce qui s’est passé, on vous a fuit. Junior n’aurait jamais dû t’appeler, et tu sais pourquoi ? Parce que tu ne représente plus rien pour nous, tu n’es rien d’autre que la psychopathe qui a foutu nos vies en l’air. Sa voix tremblait tellement, comme s’il se retenait de dire tout ça depuis tout ce temps. Michael s’était échappé par la fenêtre, en pleine nuit, sans faire de bruit. Il était parti sans fracas, sans feu d’artifice, sans clôture à cette histoire. Sans vengeance. Il s’était contenté de disparaitre. Et il ne se rendait compte que maintenant à quel point ça lui avait manqué. Dire tout ce qu’il avait sur le coeur. Et les larmes montaient à nouveau à ses yeux, pas de peine non, d’une colère non maitrisée qui prenait toute la place à mesure que le ton de sa voix montait pour crever le plafond. Tu veux savoir ce que vous avez raté ? TOUT maman, vous avez TOUT raté. Dire maman était comme prononcer la pire des insultes pour lui, c’était un mot qui écorchait sa gorge comme des milliards de lames de rasoir. Il était rouge colère. Et incapable de se contrôler, incapable de se canaliser et Junior était dans un état trop pitoyable pour pouvoir le calmer. Michael se releva d’un coup sec, ce qui lui arracha un cri de rage et de douleur. Mais il voulait la regarder bien dans les yeux quand il prononcerait ces mots. Alors barre-toi, CASSE TOI ! J’veux plus te voir. Plutôt crever maintenant que de te suivre. Junior et moi on ne reviendra jamais. JAMAIS t’entends ! Il n’avait plus de souffle, il n’avait plus de force. Mais il rassembla ses dernières pour ponctuer sa phrase en donnant un grand coup de sa perfusion debout à côté de son lit. L’aiguille s’arracha de son bras et le sang commença à couler le long de son bras, devant le sursaut de Junior, Michael l’arrêta d’un geste en continuant à hurler : FAIS LA PARTIR JUNIOR JE VEUX PAS LA VOIR ! JE VEUX PAS L’ENTENDRE ! Elle avait reculé d’un pas, la main sur le coeur, comme si elle était choquée, mais il voyait clair dans son jeu, clair dans ce petit manège de mère courage qui subit la violence de son fils. D’ailleurs elle se tourna vers Junior d’un air démuni, avec ses grands yeux de biche, comme si elle attendait à ce qu’il choisisse un camp. |
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| Sujet: Re: die another day (the twins) Sam 10 Mar - 10:11 | |
| — Lâche-le tout de suite ! Détonation qui claque dans l'air, le temps qui s'arrête quelques secondes, je retiens mon souffle. Y a du grabuge dans ma tête et dans ma poitrine, c'est la peur qui raisonne. Comme l'impression que notre père va surgir et nous punir de parler à notre mère comme ça. Ça va, ça va, t'es à Savannah, t'es à l'hôpital. Il t'arrivera rien. Elle retire sa main et j'ai l'impression que ma bulle de torpeur éclate enfin. Retour à la réalité. Je me remets à respirer, bruyamment, grande inspiration après une longue apnée. Je ramène ma main sur moi et la malaxe avec l'autre, comme si elle me faisait mal. Brûlure invisible. Mon regard fixe le lit de Michael, incapable d'affronter celui de la génitrice ; terrifiante. Conscience malheureuse de ma lâcheté face à elle. Je n'ai jamais su être courageux. J'ai toujours laissé Micha gérer ça pour moi, se sacrifier pour moi. Je plisse un peu le front. Et si finalement, c'était moi l'égoïste depuis le début ? Cette idée germe et prend de la place brusquement, les connexions qui se font, les images que je repasse, c'est net, comme un film. Mémoire développée, peut-être un peu trop parfois. Je n'arrive pas à oublier, jamais, rien. C'est ça le problème. Je tourne lentement la tête vers Michael, la bouche légèrement entrouverte et une expression de honte et de douleur sur le visage. J'me suis planté. J'ai fait fausse route depuis le début. Je lui en ai voulu pour de fausses raisons. C'est pas lui le monstre, c'est pas lui l'égoïste. C'est moi putain. C'est moi. Et ça me percute de plein fouet, le cœur qui éclate, comme s'il venait de se prendre une balle. Révélation tardive et destructrice. A nouveau j'ai le soufflé coupé, mais plus pour les mêmes raisons. Je suis comme engloutis par une vague de culpabilité et ça me rend triste. J'suis tellement lâche que j'ai laissé mon frère tout encaisser pour moi. Je vois pas comment je pourrais me faire pardonner ça.
Et la mère enchaine, incapable de se taire, de nous épargner. Non, elle cherche nos points faibles, pour voir sur quel angle d'attaque elle va miser. Pour nous détruire de l'intérieur, viser les fondations pour semer le trouble, tout démolir, récupérer les morceaux et les ramener avec elle. Vague d'indignation qui emporte mon mutisme, j'interviens enfin. Mais c'est minable. Je n'ai pas l'envergure de Michael. Ni sa force, ni sa colère. Je suis le gars pitoyable qui se cache sans cesse derrière les autres. Aucune assurance, rien. J'ai hérité des capacités intellectuelles, mais Michael lui a toutes les qualités humaines. Il a tout ce que j'ai cru avoir, tout ce que j'ai cru voir en moi depuis le départ. Mais c'était lui. On m'a toujours répété que les surdoués avaient du mal avec les émotions, du mal avec la société. Je croyais que j'avais été épargné de ça. Je croyais que j'étais différent. Que j'étais compatissant et généreux, proche des autres et apte à communiquer facilement. Comment j'ai pu être aveugle à ce point ? J'ai jamais eu d'amis à moi. Ceux que je connaissais, c'était les amis de Michael. C'était lui le populaire, lui qu'on aimait, qu'on voyait, qu'on adulait. Celui avec qui tout le monde voulait trainer. Pas moi. Ça n'a jamais été moi. Aux yeux de la société, je n'ai toujours été que le jumeau de Michael. Celui en trop. Celui qu'on invite parce que y a pas le choix. Je passe mes mains dans mes cheveux, perdu dans un trop pleins de révélations inattendues. Prise de conscience brutale, tous les morceaux du puzzle qui s'assemble enfin. Il me manquait une dernière pièce pour tout comprendre. Maintenant c'est fait. Et ça ne me plait pas. Pas du tout. Je suis qui, je suis quoi ? Si je ne suis pas tout ça, je suis quoi alors ? Remise en question malvenue, mais je n'arrive pas à la mettre de côté. Je n'arrive pas à passer à autre chose, à me dire que ce n'est pas le moment, que je verrais ça plus tard. J'imagine que ça en dit long sur moi.
— Tu n’as pas la moindre putain d’idée de l’état dans lequel est Junior. Sa voix qui me sort de ma torpeur ridicule. Je cligne des yeux, mon regard qui va et vient entre eux deux. J'ai perdu le fil de la conversation, le cœur battant et le souffle rapide. J'ai l'impression que je vais partir en lambeaux. Dans quel état je suis ? J'en sais plus rien à vrai dire. Je me suis accroché à tellement d'artifices depuis la mort de Bee que je ne sais plus du tout où j'en suis. Si mon deuil est fait ou non. Si je suis solide ou pas. Si je vais envie de pleurer ou non. J'ai juste la sensation d'avoir mal en permanence. Le genre de douleur à laquelle on s'habitue. Parce qu'il faut faire avec. — Tu n’étais pas là, toutes ces années, depuis que tes deux fils t’ont FUIT. Parce que c’est ce qui s’est passé, on vous a fuit. Junior n’aurait jamais dû t’appeler, et tu sais pourquoi ? Parce que tu ne représente plus rien pour nous, tu n’es rien d’autre que la psychopathe qui a foutu nos vies en l’air. Il a raison, je n'aurais pas dû l'appeler. J'ai été égoïste et lâche, encore une fois. Alors c'est ça ce que je suis ? C'est ce genre de personne ? Putain, ça me dégoûte. Je passe mes mains sur mon visage cette fois, de plus en plus nerveux. Je m'agite, j'ai chaud, j'arrive plus à tenir en place. Et Michael fait de même, pas pour les mêmes raisons. Mais c'est communicatif, ça ne fait qu'aggraver mon état. Je tire sur mon col et grimace un peu, j'ai mal au ventre. Ça n'va pas du tout putain. Ça ne va pas du tout. — Tu veux savoir ce que vous avez raté ? TOUT maman, vous avez TOUT raté. Surtout moi. J'ai l'impression de me transformer en grand brasier. Michael se redresse d'un coup, il hurle et ça me fait sursauter, ça me fait redescendre sur terre. Toute ma concentration qui se focalise enfin sur lui. Le moniteur qui s'emballe, ça m'inquiète. Faut pas qu'il se mette dans cet état. Je pose mes mains sur sa cuisse. — Micha, calme toi. Que je supplie tout bas, mais il n'écoute pas. C'est même de pire en pire. Je le vois trembler de rage, je la ressens, elle m'agresse, me transperce. Ça me tétanise. Je ne sais pas quoi faire pour arrêter ça. Je ne sais pas comment endiguer sa rage. J'ai la bouche ouverte, les yeux rivés sur lui, incapable de parler ou même de bouger. Incapable, tout court. — Alors barre-toi, CASSE TOI ! J’veux plus te voir. Plutôt crever maintenant que de te suivre. Junior et moi on ne reviendra jamais. JAMAIS t’entends ! Mon souffle qui accélère, encore et encore. Je panique complètement, dépassé par la tournure des évènements. Je n'avais pas prévu ça. Et visiblement, la mère non plus. Elle ne dit plus rien et c'est rare de la voir réduite au silence comme ça. C'est la preuve qu'elle ne s'y était pas attendue. La preuve aussi que sans notre père, elle est bien moins forte qu'elle n'y paraît. Je me lève quand Michael fait péter sa perfusion, le sang qui se met aussitôt à couler. Les mains tendues vers lui, prêt à arrêter le carnage, il me coupe dans mon élan, hors de lui. — FAIS LA PARTIR JUNIOR JE VEUX PAS LA VOIR ! JE VEUX PAS L’ENTENDRE ! Plus personne ne parle, pourtant j'ai l'impression que c'est encore le chaos dans la pièce. La colère de Michael est telle qu'elle rend l'air électrique et ça bourdonne dans mes oreilles. Je tourne la tête vers notre génitrice, complètement déphasé. Les yeux exorbités, n'ayant pas la moindre idée de ce qu'il faut faire ou dire. Les mains tremblantes en suspend près de mon jumeau, je déglutis, le cœur battant. Je me heurte à son regard. Et c'est terrible. Parce que pour la première fois, j'ai l'impression de me voir à travers. Cette tête de chien battu, cet air contrit et blessé. C'est moi tout craché. Je baisse les yeux, choqué, écœuré. Alors c'est ça finalement ? Je suis devenu comme eux ? A me placer en victime alors que je suis pourri ? Je tourne à nouveau les yeux vers Michael, qui n'a pas l'air de comprendre ce que j'attends. Il compte sur moi. Il voit encore quelqu'un de bien en moi, l'illusion de ce que je ne suis pas qui fonctionne encore sur lui. Le déçoit pas. Pas encore une fois. Je hoche la tête de bas en haut, réveil soudain. Je fais le tour du lit et j'agrippe notre mère, un peu brutalement. Elle échappe un petit cri de surprise et nous dévisage, stupéfaite de ce retournement de situation. — Tu l'as entendu ? Barre toi ! La voix entrecoupée de sursauts, je la pousse vers la porte, elle se débat, s'indigne, proteste, mais je ne capte pas ses mots. Ça ne fait que filtrer à travers moi, avant de se perdre dans le néant. Je veux qu'elle s'en aille et qu'elle emporte avec elle tout ce qu'il y a de raté en moi. Je la pousse violemment dans le couloir, sous le regard stupéfait des gens qui passent et je claque violemment la porte, trois fois de suite. Je finis par m'arrêter, je fais face à la porte, dans tous mes états. L'impression de redescendre après un mauvais trip. Je pose une main sur la porte et souffle. Je reste là quelques secondes, le temps de me calmer un peu. Puis je fais demi-tour et mon regard affronte celui de Micha. Je sais ce que je dois faire. Je déglutis, intimidé. Puis d'un pas précipité et maladroit je reviens m'asseoir à côté de lui. Je respire toujours bruyamment, j'ose à peine le regarder. Encore du silence avant que je me lance. — Faut que je te dise quelque chose, alors.. alors me coupe pas. Je sais qu'il va vouloir me couper, je le connais. Parce qu'il ne va pas être d'accord. Mais faut que ça sorte maintenant que c'est là, dans ma tête, tellement évident. J'attrape sa main entre les miennes, joue nerveusement avec ses doigts. J'ai envie de vomir, j'me sens vraiment mal. Je fixe sa main. — Je t'en ai voulu d'être parti de la maison. La vérité c'est que y a encore cinq minutes de ça, je t'en voulais encore. Je t'en ai voulu aussi d'avoir essayé de mourir. Je me suis dit que t'étais égoïste et que c'était dégueulasse. J'ai les larmes qui me montent aux yeux, j'avale bruyamment ma salive, nerveux, hésitant, je bute sur mes mots. Mais je reprends. — Mais j'avais tort Michael et je suis tellement désolé. C'est pas toi l'égoïste, ça n'a jamais été toi. C'est moi. Ma voix qui devient basse alors que j'expose ma vérité. Parce que c'est dur à dire. J'ai pas encore eu le temps d'encaisser. — Je t'ai laissé prendre les coups de toute ma vie à ma place. Et quand t'en pouvais plus et que t'as décidé de partir, j'ai voulu te retenir, parce que j'avais peur et que je suis lâche. Et ça. Ça c'était égoïste. Ça y est, je commence à pleurer, c'était prévisible. — Et là, encore une fois t'en pouvais plus. Tellement plus que t'as voulu en finir. Et j'ai tellement peur d'être tout seul que je me suis convaincu que t'avais été égoïste de faire ça. Alors que.. Alors que c'est moi qui suis égoïste de vouloir te garder en vie alors que t'en peux plus. J'ai les joues trempées et je me sens tomber en petits morceaux à ses pieds. Toute cette culpabilité qui me saute à la gorge et qui me terrasse. Et j'ai peur. J'ai tellement peur qu'il réalise que j'ai raison et qu'il m'en veuille, qu'il me laisse tomber. Ça me terrifie au moins autant que ça me fait un mal de chien. Je serre sa main plus fort, tellement peur qu'il m'échappe. Je relève enfin les yeux vers lui, penaud. — Elle a tort Micha. C'est pas toi l'égoïste, c'est moi. Je suis tellement désolé pour tout. T'es tellement meilleur que moi. |
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| Sujet: Re: die another day (the twins) Sam 17 Mar - 17:39 | |
| Le pic d’adrénaline sécrétée à cause de la colère ne dura qu’une l’espace de quelque seconde avant de doucement redescendre, ramenant par la même occasion les dégâts physiques, encore trop doulureux dans son organisme traumatisé par l’accident, puis la tentative de suicide. Et quand leur mère se retrouva à l’extérieur de la pièce, c’était comme si on remettait sur play. Tout recommença à faire un mal de chien. Alors que Junior était encore occupé à virer leur génitrice, Michael profita de ce moment de répit, si on pouvait vraiment dire ça comme ça. Il calma sa respiration du mieux qu’il pu pour éviter de faire trop bouger ses côtés pétées, il sécha ses dernières larmes et s’attela à retrouver un rythme cardiaque dans la norme et éviter la surchauffe. Silence soudain, malgré tout, silence dans son esprit. Crier avait fait du bien, mine de rien. Crier contre celle qui l’avait brisé, encore et encore, chaque putain de jour. Maintenant, c’était le vide. Le même dans lequel il s’était retrouvé quand il avait pris ce trop plein de médocs, le même encore qu’il avait ressenti quand il avait ouvert un oeil pour tomber en face du regard paniqué de Junior. Un immense vide, qui n’était ni terrifiant, ni reposant. Juste le vide. Il laissa glisser son regard jusqu’à son avant-bras couvert de sang qui gouttait sur le carrelage. Non loin, la perfusion se vidait sur le sol. Ca commençait à piquer. Il mit sa main libre sur la blessure pour stopper le sang. Enfin il entendit le cliqueti de la porte. Derrière elle était enfermée leur mère, ce monstre qui les terrorisait encore aujourd’hui, la preuve était là. Et Junior avait la mine défaite. Il y eut un moment, très court, pendant lequel les deux frères se regardaient. Ou plutôt, Michael regardait Junior, il regardait son air coupable, ses yeux fuyants, ses mains tremblantes. Si Michael avait passé son enfance à prendre les coups à sa place, Junior l’avait passé à accuser les coups par procuration. Il avait anticipé chaque blessures qui avaient été infligée à Michael par sa faute. Michael ne pouvait pas souffrir sans que lui aussi, deux fois plus peut-être. Il prit une grande inspiration pour se redonner de la consistance, même si ça faisait mal. Fallait qu’il se reprenne, parce que Junior allait bientôt basculé. Il sentait venir la surtension de loin, il la voyait arriver. C’était toujours comme ça. Junior était fait d’un métal plus fragile, plus cassant que Michael. Il encaissait tout simplement moins. Il pétait un câble. C’est ce qui avait été le plus troublant après la mort de Bee, sentir que Junior ne coulait pas, voir que lui tenait, alors que Michael ne pouvait s’en relever. Les rôles s’étaient alors inversés. Il était temps que les planètes soient à nouveau dans le bon axe. Il le regarda donc avancer vers lui et s’asseoir sans rien dire, trop occupé à rassembler ses pensées. Faut que je te dise quelque chose, alors.. alors me coupe pas. Vas-y.
Il sentit sa main moite attraper la sienne, c’était comme si toute l’âme de Junior s’échappait par ses pores. Comme s’il se liquéfiait littéralement. Le coeur de Michael recommença à s’accélerer. Je t'en ai voulu d'être parti de la maison... Junior écou- il se stoppa de lui-même en se rappelant qu’il lui avait spécifié de le laisser parler. Et pourtant tous les mots s’emmêlaient dans sa gorge, il sentait le noeud lui couper la voix, il ne pressentait que trop mal ce qui allait suivre. La vérité c'est que y a encore cinq minutes de ça, je t'en voulais encore. Je t'en ai voulu aussi d'avoir essayé de mourir. Je me suis dit que t'étais égoïste et que c'était dégueulasse. Michael plissa les yeux, fronça les sourcils. Où est ce qu’il voulait en venir ? S’il s’était il rappellerait comment ça s’était passé. Il rappellerait qu’il avait dit à Junior de venir avec lui, que c’est lui qui a refusé. Parce que Michael était et de mauvaise foi et un vrai chieur, il avait toujours réponse à tout et c’était agaçant. Il faisait plus de bruit que Junior, ça avait été comme ça toute leur vie. Sauf aujourd’hui, sauf en ce moment-même. Michael garda donc le silence, fixant Junior. Mais j'avais tort Michael et je suis tellement désolé. C'est pas toi l'égoïste, ça n'a jamais été toi. C'est moi. Michael pencha la tête sur le côté. On ne pouvait pas plus mal définir Junior que comme il le faisait lui-même. Car Junior était le gentil jumeau, Michael le mauvais. Ca avait toujours été comme ça et ça ne changerait jamais. Michael était la tête de con, la tête brûlée, la grande gueule. Michael était autoritaire, égocentrique, un petit con revanchard. Voilà ce qu’il était. Junior était tout l’inverse, il était doux, il était aimant, juste et loyal. Mais alors que Michael fonçait sans douter de rien, Junior doutait de tout. Surtout de lui-même. Je t'ai laissé prendre les coups de toute ma vie à ma place. Et quand t'en pouvais plus et que t'as décidé de partir, j'ai voulu te retenir, parce que j'avais peur et que je suis lâche. Et ça. Ça c'était égoïste. Pour dire la vérité, Michael avait aimé se prendre les coups à la place de Junior. Il avait aimé recevoir ces coups de fouets à sa place, content de dormir dans une cage en se faisant passer pour lui. Parce que ça avait donné un putain de sens à tout ça. Y avait une raison pour laquelle il était là, une raison de sa simple existence, lui qui s’était toujours senti de trop. Il avait une raison d’être. Faut être incroyablement narcissique pour se croire plus fort que l’autre, avoir une trop grande confiance en soi. C’était le cas de Michael. Se sacrifier pour Junior, ou se sacrifier pour lui-même. C’était du pareil au même de toute façon. Et même s’il avait été élevé comme une merde, qu’il avait grandi comme une merde et qu’il avait vécu comme une merde, il gardait une meilleur opinion de lui-même que Junior. L’enfant prodigue, l’excellent Junior, le parfait petit Junior. Qu’est-ce que tu dis… Chuchota Michael, laissant échapper une pensée entre ses lèvres. Il ne pouvait pas croire à se discours, il ne supportait pas de l’entendre, tout comme il ne supportait pas les larmes qui coulaient sur les joues de son frère. Il avait l’impression que de l’acide coulait sur les siennes. Son coeur se comprimait, se ratatinait dans sa poitrine comme un vieux raisin sec. Ce qui blesse l’un, tue l’autre. Et là, encore une fois t'en pouvais plus. Tellement plus que t'as voulu en finir. Et j'ai tellement peur d'être tout seul que je me suis convaincu que t'avais été égoïste de faire ça. Alors que.. Alors que c'est moi qui suis égoïste de vouloir te garder en vie alors que t'en peux plus. D’un geste vif, Michael arracha sa main de celle de Junior. Qu’est-ce que t’es en train de faire ? la pression était devenue trop lourde, cette atmosphère tendue d’angoisse et de culpabilité que répandait Junior par la simple vibration de son corps. Il avait une aura détruite, encore plus que ce que Michael ne pouvait imaginer. Il se doutait que cette tentative de suicide, ou bien ce suicide tout simplement, briserait Junior. Il le savait pertinemment. Ca ne l’avait pas arrêté, en fait, ça ne l’arrêtait plus. Parce qu’il pensait qu’il était plus solide que ça. Tous ces derniers mois n’étaient alors qu’une vaste arnaque ? Le plus gros déni de l’histoire ? Michael avait chaud. Chaud de ses émotions qui bondissait dans tous les sens dans son corps. Chaud de son rythme cardiaque qui s’emballait. Il était terrifié. Terrifié par ce qu’il disait, terrifié par Junior tout simplement. Ca fait peur, quand la dernière personne qu’il vous reste cesse de croire en vous.
Elle a tort Micha. C'est pas toi l'égoïste, c'est moi. Je suis tellement désolé pour tout. Arrête de répéter que t’es égoïste bon sang ! s’écria-t-il à peine le regard de Junior, noyé de larmes, l’avait effleuré. Michael se releva doucement, il surplombait la mine coulante de chagrin de son frère. Et pourtant, les larmes dégringolaient aussi sur le visage de Michael. Il s’en débarrassa immédiatement, en passant sa main sur son visage tuméfié, et il respira profondément. Qu’est-ce que tu me fais là, exactement, hm? Il avait l’air excédé, complètement déboussolé. Il tendit le cou pour accrocher le regard coupable de Junior. Tu me donnes ta bénédiction ? Il marqua un temps d’arrêter, peut-être pour se donner le temps d’accuser le coup aussi. Le temps de percuter, de réaliser ce qui s’était vraiment passé. Plus d’espoir. Plus aucun putain d’espoir, ni lumière au bout du tunnel. Junior baissait à son tour les bras. Michal ne s’était pas remis assez vite, il avait tiré sur la corde trop longtemps. Ca avait pété, tout était en train de s’écrouler. Ta bénédiction pour que j’me tue. C’est ça ? sa voix était tordue par le chagrin, le choc que c’était. Junior ne s’en rendait peut-être pas compte. Mais ce qui venait de se passer, ces mots qu’il avait balancé, amorphe, c’étaient eux qui venait de sauver la vie de Michael. C’était lui qui le sauvait. Michael pouvait accepter de mettre fin à ses jours. Mais jamais, jamais, il ne pourrait envisager que Junior perde sa foi en lui. Pur narcissisme. Michael se pencha en avant et tendit un bras, ce qui lui arracha une grimace. Il attrapa la nuque de Junior, ils étaient presque front contre front maintenant. Ecoutes-moi bien. J’te laisserais plus tomber, t’entends ? Plus jamais. Ca ressemblait à une promesse en l’air tout ça, et pourtant, c’était peut-être la première fois que Michael le verbalisait. La première fois qu’il le disait à son frère. Il promettait de vivre, quoi qu’il en coûte. Parce qu’il était temps que les rôles s’inversent à nouveau, il était temps qu’il prenne soin de son satané jumeau. A la différence de Junior cependant, Michael était partisan de l’amour vache. Alors n’oses même pas me redire ce genre de truc une seule fois Junior. Pas une fois. A l’hôpital ou pas, j’hésiterais pas à te botter le cul. Ca allait faire mal, ça allait être trop dur. Parce qu’une fois que Junior craquerait c’est tout le pont qui s’effondrait. Ce qu’il avait construit, par la force des choses, parce que Michael ne pouvait tout simplement plus prendre soin d’eux, tout ça était fichu par terre. Et Junior finirait par tomber plus bas que terre. Plus bas que Michael. |
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| Sujet: Re: die another day (the twins) | |
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