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 you have been warned - intrigue (ivory)

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Daire Méalóid

Daire Méalóid
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MessageSujet: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptySam 7 Oct - 22:51


Lorsque le premier coup de feu éclata en centre-ville dans la soirée, accompagné de la fièvre de la panique, Daire était accoudée au même comptoir du bar habituel depuis le milieu de l’après-midi, indétrônable dans l’oubli de ses fantômes par l’alcool. Parce qu’elle avait ses moments de faiblesse, la rouquine, et que le loft partagé avec toute une bande ne lui permettait pas de noyer ses tourments en toute quiétude sans qu’un regard de désapprobation ou d’incompréhension ne lui brûle l’échine. Cette solitude, elle l’avait ramenée de son dernier voyage en Irlande, et elle ne quittait plus ses pensées, ni son myocarde – là où siégeait fièrement sur son piédestal la balle perdue de ses cauchemars.

Aux prémices du désordre, attirée par les flammes du chaos en bonne et grande anarchiste, Daire s’esquiva de son abattement qu’elle abandonna à son perchoir poisseux, pour se fondre dans les excès de l’humanité déchue dans la violence la plus bestiale. L’homme est un loup pour l’homme, et c’était peu dire. L’inhumanité siégeait dans les regards aveuglés de haine qui saccageaient tant le bitume que les chairs, l’embrasement des pires vices assiégeait la ville dans une ferveur monstrueuse. Mais elle n’eut guère le temps de se laisser happer par la rage du peuple, alors que ses pas se tournèrent naturellement sur les traces d’un fantôme qui traversa la cohue d’une lumière bien trop vive. C’en était presque irréel, Daire qui se tenait là, les bras ballants au milieu de la rue, au milieu du désastre, alors que le souvenir douloureux de la silhouette de son défunt frère venait de lui glisser littéralement entre les doigts. Putain.

Daire ne réfléchit clairement pas, lorsqu’elle bouscula la cohue de violents coups de pieds, de coudes, de poings, pour se faire un passage dans le chaos et la violence. Lorsqu’elle se mit à courir comme si sa vie en dépendait, à travers tout le centre-ville, à la poursuite d’une ombre qu’elle avait abandonnée en Irlande il y a des mois. Anesthésié, l’esprit brillant d’une grande enfant trop souvent en colère, alors que la cicatrice à sa poitrine se faisait trop lourde, trop pesante. Elle ne réfléchissait toujours pas, la rouquine, lorsqu’elle se heurta à grand fracas contre le barrage improvisé dans la précipitation par les policiers avant que Savannah n’explose – et qu’elle gesticula dans tous les sens, agacée, sans se rendre compte que l’un d’entre eux l’avait certainement reconnue pour ses séjours passés en garde à vue. Il fallait qu’elle traverse, il fallait qu’elle passe de l’autre côté, qu’importait que ce soit le territoire des yobbos, qu’importait que la ville soit à feu et à sang – tout son être lui hurlait de rattraper son frère, ce fantôme, cette incohérence, c’était urgent, bestial, vital.

« Laissez-moi passer, merde ! » qu’elle leur hurla presque dans sa sauvagerie, indifférente à leur refus et leurs mises en garde répétées. « Vous n'comprenez pas, j'dois rejoindre … » Mon frère. « Quelqu’un d’important ! » Les mots flottèrent au bord de ses lèvres, dans l’incertitude, dans la peur qu’en étant prononcés à haute voix ils ne deviennent que trop réel – mais les morts de l’Irlande oubliée devaient rester poussière, c’en était une question de vie, et même de mort. D’ordinaire si réactive, si réfléchie, Daire irradiait de désespoir, d’incohérence, et elle ne se rendit compte que trop tard qu’elle représentait une menace dans ses paroles égarées et ses gestes agités.

L’implosion de la douleur fut instantanée, et le cri qu’elle ne put retenir s’échappa de ses entrailles dans une bourrasque inquisitrice.

« PUTAIN DE BORDEL DE MERDE ! » L’aveuglement de l’instant, l’espace de quelques secondes, le larmoiement de ses globes oculaires enflammés – la rouquine brûlait consciemment dans sa détresse, dans sa méprise. Ce n’était pas la première fois qu’elle prenait du gaz lacrymogène dans la figure, Daire, c’était le baptême de tout manifestant qui se respectait. Non, ce n’était pas la première fois, mais ce n’était pas pour autant qu’elle avait à disposition de quoi apaiser sa souffrance. La moindre parcelle de ses muscles tressaillit dans l’urgence, alors qu’elle reculait de quelques pas en titubant, les mains portées à son visage dans un geste vain.

Elle ne savait pas, ne savait plus, si c’était l’adrénaline ou la folie qui pulsait dans ses veines enfiévrées. Parce qu’elle devenait certainement folle, Daire, autrement comment aurait-elle pu apercevoir le fantôme de son frère, du lâche, du maudit. Comment aurait-elle pu en perdre l’haleine, à traverser le centre-ville dévasté dans un règlement de compte d’une amplitude chaotique, le diable aux basques. Elle ne savait pas, ne savait plus, si c’était le désespoir ou l’alcool, qui pulsait dans ses veines distillées. Parce qu’elle tenait bien l’alcool, la rouquine, mais cette course déchaînée lui avait retourné l’estomac. Daire était devenue l’égarée, de l’instant, de la rue, la silhouette titubante d’un barrage branlant, qu’une main étrangère vint soutenir en l’attrapant par le bras avant qu’elle ne dérape.

Dans le voile de son désarroi, elle ne se rendit pas compte de cette présence à ses côtés, pas plus qu’elle n’entendit les paroles échappées de cette autre tignasse rousse qu’elle connaissait déjà, pourtant. La confusion lui martelait les tympans, ses mains tremblaient de colère, de douleur, d’exaspération. Elle n’avait pas le temps, la rouquine, pour ces conneries. Pas la patience de faire du dialogue social avec des flics probablement corrompus jusqu’à la moelle, pas l’envie de se prendre le coup de matraque qui suivrait le spray dans la gueule.

Pourtant, elle insista, sans patience, mais dans un calme aberrant, de celui que tous ses proches redoutaient – parce qu’elle était la tempête Daire, elle était la lave en fusion et non la brise dans la prairie. Elle s’approcha d’eux, incertaine de la distance entre les silhouettes à travers ses larmes indésirées par les brûlures de ses battements de cils, d’une allure certainement pathétique et leur articula chacun de ses mots d’un froid cadavérique. « Je – dois – le – rejoindre » Qui ça, Daire ? Une chimère du passé, les ravages de ton existence ?

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Tito Ochoa

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MessageSujet: Re: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptyLun 9 Oct - 15:56

C’est le bordel à Savannah. C’est le bordel à Savannah, la cohue dans toutes les rues, les gens qui courent, qui crient, les voitures qui flambent et les coups de feu qui claquent trop souvent dans l’air. Marquise a pris une balle, c’est ce qui a réveillé Ivory qui était en pleine sieste dans River Street. La balle, pas l’engueulade, pas les menaces qui l’ont précédé, les deux types qui braillaient, la conversation qui ressemblait qu’à un flot d’insultes. Juste. La balle, sa Jaguar secouée par l’impact, les tympans qui vrillent et la chance de pas se l’être prise à travers la carrosserie. Hm. Il se laisse glisser au bas de la banquette arrière pour pas être vu pendant qu’il enfile un T-shirt troué, y’a son cœur qui bat trop fort, le silence qui précède les hurlements, pourtant il est un peu trop calme. Il n’a jamais vraiment peur, Ivory, c’est le genre à se foutre dans la merde tout seul et déjà ses doigts s’enroulent autour de la batte de baseball planquée sous le siège passager. Il attend quelques minutes avant d’ouvrir doucement la portière opposée au trou, s’extirpe de sa bagnole tout en restant au niveau du sol, pour pas se faire voir. Il a beau pas ressentir la douleur, il est quand même au courant que ça l’empêchera pas de crever si on lui tire dessus. Enfin, vu les capacités pour viser des deux débiles, ça risque pas d’arriver, mais bon. Il réfléchit pas beaucoup avant de se diriger vers Tybee Island, la boutique de fleurs de Minnie lui paraît le meilleur endroit sur terre à cet instant, le refuge idéal et il espère que les autres sont là aussi, pour pouvoir s’assurer que Meredith et Mia vont bien, que tout le monde va bien. Il marche un peu à contre-courant, bouscule et joue des coudes quand y’a trop de gens qui vont dans le sens inverse. Il s’en fiche un peu, de faire mal, de faire des bleus, il a pas l’empathie pour ça, il sait pas ce que ça fait. La batte de baseball quitte pas son épaule, bien décidé à péter la mâchoire du premier abruti qui osera s’en prendre à lui ou à quelqu’un d’innocent. Il déteste ça, voir tous ces gens qui pleurent, crient, perdent la tête, on se croirait dans un film apocalyptique, et c’est vraiment pas ses préférés.

Quand il arrive enfin à la route qui sépare Tybee de Savannah, il lève directement les yeux au ciel, parce que y’a la police et qu’ils ont fait un joli barrage, comme toujours, au lieu de laisser les gens évacuer, ça n’a aucun sens. Il se fraie un chemin à travers la foule, sans aucune délicatesse, jamais, pour se pointer au-devant de ses potes les flics juste à temps pour en voir un vaporiser son spray lacrymo sur une jeune femme à l’air plus désespéré que dangereux. C’est Daire, la rouquine qu’il a déjà croisée au poste et qui l’aide à réparer Marquise de temps à autre. C’est Daire et elle est en mauvaise posture, elle vacille, tremble, et il attrape son bras pour la soutenir, pour ne pas qu’elle défaille, pour lui éviter la chute. « PUTAIN VOUS DÉCONNEZ. » Elle est même pas armée, Daire, elle se débat juste contre trois gros bras qui ont six neurones réunis, faut croire. Il lui tient toujours le bras quand elle revient à la charge, le tire derrière elle et les flics qui lui demandent de poser sa batte de baseball, Daire qui répète qu’elle doit rejoindre quelqu’un. « Mais laissez-nous passer, putain. On a rien fait, j’vous ai pas menacés, vous voyez bien qu’elle est pas en train de mentir. » Peut-être que c’est son attitude qui passe pas, peut-être que c’est parce qu’il refuse de lâcher sa batte quand un des policiers essaye de s’en emparer, toujours est-il que c’est à son tour de se taper le liquide lacrymogène dans les yeux. Il les ferme même pas, Ivory, il ne bronche pas parce que ça lui fait rien, parce que la douleur ne vient pas, comme d’habitude, il voit juste complètement flou et il bat des cils en espérant recouvrer la vue plus vite, s’agrippant au bras de Daire parce qu’on le bouscule et qu’on vient de lui confisquer sa précieuse batte. « Vous êtes vraiment trop cons » qu’il gueule sans pouvoir les regarder en face, trois taches floues qui s’agitent devant lui. Y’a quelque chose d’inquiétant, à pas savoir ce qui se passe autour autrement que par les mots qui s’échangent. Il se retourne vers Daire, glisse sa main dans la sienne pour tenter de la rassurer, parce qu’elle a toujours l’air en pleine confusion, comme en plein trip, et peut-être qu’elle l’est au fond. « Hey, calme-toi, on va passer, t’inquiète, ok ? » La promesse dans sa voix alors qu’il devrait rien promettre.
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MessageSujet: Re: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptyDim 15 Oct - 16:27


Ça s’agitait, ça se bousculait, l’air était saturé de cris, de bruits sourds contre le bitume – et cette odeur de fumée, qui se faisait de plus en plus présente à mesure que d’autres coups de feu retentissaient. Panique générale, règlement de compte à ok corral. Savannah était à sang, si ce n’était à feu ; et l’espace de quelques instants, de ces secondes trop douloureuses qui emplissaient le temps de leur désaccord, Daire était ailleurs, loin. Trop loin, d’un océan entre deux contrées. À Berry, sa sœur dans les bras et du sang sur les mains ; à Belfast, la balle dans le cœur et toujours du sang sur les mains. À chaque fois, pour un règlement de compte, entre des bandes rivales, de manière disproportionnée au fil du temps. C’était allé trop loin en Irlande, ça commençait à l’être également aux États-Unis.
Dans son sillon, seulement de la violence, du sang et des emmerdes – pas de quoi être fière.

Elle divaguait complètement, la rouquine, disjonctant doucement dans le capharnaüm de ses pensées qui n’avaient plus de sens. Elle en avait presque la nausée, le souffle court à s’être écorché les poumons dans une course effrénée contre rien, contre tout ? – l’estomac retourné par un trop plein d’alcool accumulé et remué dans tous les sens, la torpeur paralysante d’avoir aperçu, pensé apercevoir, un mort fait de trop de chairs. Et ces larmes indésirables et intarissables qui lui brûlaient la rétine, parce qu’on ne s’habituait jamais à ce gaz de merde.

Elle n’avait peur de rien, Daire. De rien, ou peut-être bien d’un fantôme, de celui qu’on redoutait encore même six pieds sous terre. Mais certainement pas des gaillards en tenue de flics sur la défensive, à se tenir campés sur leurs pieds comme s’ils étaient des sauvages, comme s’ils avaient la peste en eux, qu’être roux leur porterait malheur. Pas de légitime défense, à user de la violence en prévention. Putain l’ordre des choses n’était même pas le bon. Tu frappes pas pour mettre en garde une personne quand ton rôle est censé être celui de la protéger. Erreur dans la matrice, game over. Dans le fond, qui étaient les plus dangereux ? Monde de merde.

Sa raison, dans le combat acharné contre une conscience effritée, émergea doucement, difficilement, commençant à cerner plus distinctement ce qui l’entourait. La main sur son bras, le corps qu’elle avait entraîné avec elle alors qu’elle revenait à la charge, les protestations dans la voix étrangère, cette voix, celle d’Ivory. L’agitation qui montait d’un cran, les flics qui vociféraient des ordres à l’attention du rouquin mais qu’elle n’entendait toujours pas. Le regard dans le vague, les pupilles dilatées, affolées, tentant de s’accrocher au-delà des trois gaillards, cherchant désespérant la silhouette incertaine qui l’avait entraîné ici. Daire ne tenait pas très bien sur ses pieds, une espèce d’ivrogne se tapant un mauvais trip après la substance de trop absorbée par son corps. Merde, putain. Elle détestait perdre le contrôle, de cette manière, de devenir ce corps imbibé d’elle ne savait plus vraiment quel alcool, déshumanisé. Pour quoi, au juste ? Pour quelles raisons fallait-il en arriver là ? Qu’est-ce qui justifiait de perdre la raison, un fantôme ou le souvenir de merde qui y était accroché ? Pouvait-il seulement être encore vivant ?

Une bousculade, de trop, peut-être pas nécessaire, eut néanmoins le mérite de ramener sa conscience sur terre, assez pour que ses pensées se coordonnent un peu mieux, chaotiquement, mais certainement. Assez pour que Daire prenne conscience des enjeux, de ce qu’il se passait autour d’elle et non pas dans les tréfonds sordides de sa tête, pour percevoir l’un des policiers tendre le bras rapidement, pour sentir le souffle du gaz sur ses joues alors que son acolyte le prenait à son tour dans la gueule. « Bande d’enfoirés ! » qu’elle leur cracha, pas certaine qu’elle leur ait véritablement gueulé dessous ou que le cri ait seulement raisonné dans son crâne. Les deux pantins titubèrent à nouveau comme des soûlards alors qu’on secouait brutalement Ivory pour lui arracher des mains ce qu’il tenait. Froncement de sourcils alors qu’elle ne parvenait pas à discerner ce dont il était question, muscles crispés pour ne pas se laisser emporter par la gravité contre le bitume, moue pincée sur le visage alors qu’elle avait le regard encore brouillé. Un bout de bois, une barre de fer ? Une batte ? Le fantôme d’un mince sourire flotta sur ses lèvres, dans un semblant de lucidité.

« Ivory » souffle éreinté, la voix qui sortit de sa propre gorge lui sembla soudainement étrangère, abîmée, trop fragile. Une main se glissa dans la sienne en réponse, alors qu’il tentait de la rassurer d’une promesse incertaine, fébrile, mais elle lui accorda le bénéfice du doute, parce qu’elle avait envie de le croire, qu’elle ressentait toujours ce besoin dévorant de passer de l’autre côté, que certains morts méritaient peut-être qu’on continue de leur courir après. Alors elle hocha la tête, Daire, comme un accord tacite. Elle lui serra la main fort dans la sienne, peut-être un peu trop, pour ne pas défaillir parce qu’elle avait le cœur au bord des lèvres, qu’elle ne discernait toujours que des tâches floues, pour s’accrocher à ce pilier improbable dans cette situation qu’elle n’aurait jamais imaginé en se levant ce matin. Dans le fond, tu ne mérites peut-être que le chaos.

Accrochée à la main d’Ivory, elle inspira profondément comme pour retrouver la clarté, pour désépaissir ses pensées qui ne cessaient de se chahuter sauvagement sous son crâne, roulant des épaules pour secouer ses muscles, éteindre la torpeur, desserrer la mâchoire. Elle n’était pas toujours – presque jamais – la raisonnée, Daire. Elle était la réfléchie mais la désordonnée, celle dont les pulsions l’accablaient dans ses jugements, celle dont la colère lui brouillait le bon sens. Elle avait toujours une solution à tout, pourtant, c’est bien ce que lui reconnaissaient les kids. « C’est quoi votre problème ? On vous a rien fait ! » Il fallait qu’elle prenne deux secondes pour calmer le champ de bataille dans sa tête, pour respirer. Pour s’accrocher à un point fixe, parce qu’en ne pouvant discerner les silhouettes, en ayant le regard égaré entre ces tâches informes, elle sentait la tête lui tourner, la nausée dans les entrailles. Il fallait seulement qu’elle réfléchisse, alors que l’écho de ses derniers mots raisonnait encore dans ses pensées. Ils n’avaient rien fait, rien pour justifier une possible légitime défense des flics. « Vous v’nez d’faire de la merde, vous nous avez agressé alors qu’on vous a même pas menacés » Et la vindicative s’éveilla, et la révolutionnaire s’époumona dans son crâne. Réfléchis, putain. Mais la solution était là, depuis le départ, depuis le dérapage des policiers, aussi simple que les neurones qu’ils cumulaient à eux trois, peut-être un peu trop. « On est blessé, on a b’soin d’aide. On doit aller à l’hosto » Une seconde de flottement, presque jouissive, alors que la rouquine leva son bras pour pointer la rue derrière les flics. « Là-bas » Derrière vous, charognards.

Ce serait trop facile, ils ne pouvaient pas les laisser passer si bêtement – mais la vérité criait sous ces dernières paroles, trop virulente pour être ignorée indéfiniment. Mais la justice allait encore prendre un coup, ce soir. Des voix innocentes – pour une fois – allaient encore se faire taire dans l’immondice d’un système dépassé par les évènements.

Elle avait toujours la nausée, Daire, toujours l’esprit embrumé, les gestes incertains. Qu’ils les retiennent encore et elle n’allait probablement pas tarder à leur déverser le contenu de son estomac sur les pieds.
Désormais, c’était le combat entre sa raison et ses divagations, entre la flamme vacillante et la tempête réveillée, de celle des révoltés, des indignés.
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MessageSujet: Re: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptyJeu 19 Oct - 0:33

Il ne sait pas quoi faire, Ivory, agrippé à la main de Daire pour ne pas se laisser engloutir par la foule derrière eux, pour ne pas vaciller, le flou qui a envahi son champ de vision perturbant quelque peu son équilibre. Daire est bancale, elle aussi, il le sent bien dans ses mouvements, elle semble divaguer, il l’entend dans son ton, pourtant elle arrive à insulter les flics, synonyme de bonne santé mentale. Dans son univers, en tout cas. Il ne sait pas s’il doit cligner des yeux pour évacuer le liquide acide, s’il devrait se les frotter ou simplement les garder grand ouverts comme ils le sont déjà, il se demande si ça pourrait le rendre aveugle. Sans douleur, le corps ne se défend pas, et un corps qui ne se défend pas subit plus vite des lésions graves. Il le sait, il a appris la leçon à ses dépens, les consultations interminables à l’hôpital pour tout et pour rien, à la moindre égratignure parce que ça pouvait toujours être pire. Il a toujours été bagarreur, Ivory, toujours amusé par la surprise chez ses adversaires quand leurs coups n’avaient aucun effet, il a toujours cherché la violence, syndrome de superhéros ou d’autodestruction, peu importe, toujours est-il qu’il est dans son élément face à ces crétins de policiers. D’habitude, il les aime, il se plaît à leur rendre visite chaque semaine au commissariat pour piquer des donuts et saluer ceux qui le connaissent trop bien, au point de soupirer quand il débarque, l’afro en bataille et le sourire trop grand. Pourtant, ceux-là, il ne les a jamais croisés, ou seulement vite fait, sans trop les regarder, il ne peut pas dire aux taches floues qui se meuvent devant lui, il n’a pas eu le temps de scruter leurs visages avant le traitement lacrymogène. Ça doit ressembler à un affrontement de dessin-animé, de loin, Daire et lui main dans la main, debout devant les voitures de police et les mecs en uniforme, les deux feux follets contre les trois poulets hargneux, la team rouquines face à l’injustice. Il a toujours connu ça, Ivory, l’injustice, partout autour de lui, les moqueries, les gens qui se croient supérieurs et qui répondent par la violence si quelque chose ne leur convient pas. Les cheveux roux, le métissage, les robes de princesse quand il était petit garçon, il en avait entendu des tas, des mots durs, d’enfants et de parents soi-disant choqués, il avait reçu des coups et avait été foutu à part pour avoir eu l’audace d’être lui. Et il les avait rendus au centuple, avait tiré des langues et fait des doigts aux bien-pensants, avait souri comme un acharné à ceux qui s’acharnaient à le descendre plus bas que terre, mais qui réussissaient qu’à l’élever un peu plus au-dessus de la masse. Mais ce qu’il déteste par-dessus tout, Ivory, c’est qu’on s’en prenne à ses potes. Lui, il est à l’épreuve des balles, mais pas ses proches, et il les défendrait comme une lionne défend ses petits, jusqu’à la mort s’il le faut.

Il songe un moment à franchir le barrage par la force, se frayer un passage avec les poings, mais ce serait un coup à se reprendre un coup de spray dans la gueule, puis à se retrouver dans une bagnole de police. Dont il pourrait s’échapper sans problème, mais il décide de laisser Daire s’en occuper, Daire qui semble avoir trouvé une manière douce pour obtenir ce qu’ils veulent. Il pense à Mia, il espère qu’elle est là, de l’autre côté des voitures, il espère qu’elle n’a rien, qu’elle va bien, que les autres aussi vont bien. Il distingue seulement le visage d’un des policiers qui s’agite de droite à gauche, visiblement pas convaincu par le petit discours de Daire qui vient de les sommer de les laisser passer pour se rendre à l’hôpital. Il en aurait bien besoin, pour de vrai, pour ses yeux mais aussi pour la foule qu’il a traversée et qui lui a peut-être foutu un coup d’couteau dans le dos, il en sait rien, finit par parcourir distraitement son corps de sa main libre, la ramenant dans son champ de vision pour voir s’il n’y a pas de tache rouge dessus. Pas de sang, il soupire. Il pourrait balancer qu’il a une maladie génétique, mais c’est mort pour que quelqu’un le croie, là. Devant le refus des flics, il attire Daire un peu plus loin, se guidant aux formes qui les entourent et à la lumière qui émane des lampadaires. « Tu vas bien ? T’avais pas l’air dans un état terrible, quand j’te voyais autrement qu’en résolution pourrie de chez pourrie, du moins. » C’est difficile de compter sur quelqu’un qui est bourré ou drogué pour échafauder des plans afin de passer un barrage, il est assez conscient de ça pour essayer de jauger au mieux celui de Daire. « Tu dois vraiment passer ? J’pourrais faire diversion, au pire. » Le dilemme. Aider Daire ou y aller lui pour rejoindre ses précieux amis.
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MessageSujet: Re: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptyLun 23 Oct - 1:15


Daire avait une envie monstrueuse de leur hurleur à la gueule, de leur cracher tout son désarroi et sa colère, de les inonder littéralement de gaz lacrymogène à leur tour, alors qu’ils éclataient de rire face à ses remarques accusatrices, se sentant visiblement peu menacés par l’éclopée qui leur faisait face de manière incertaine. Ils se marraient de leur détresse, et ça la faisait enrager. Elle maudissait le système, la rouquine, elle exécrait la société capitaliste à forte tendance policière, les injustices, le contrôle permanent, le pouvoir. Pouvoir qui appartenait au peuple, elle l’avait toujours pensé, jamais caché, alors qu’elle s’était retrouvée maintes et maintes fois embarquée dans ces mêmes bagnoles qui entravaient la route à présent. Elle ne voyait rien, Daire, mais elle voulait terriblement leur mettre son poing dans leurs figures. Ça la démangeait d’une force insatiable, l’insoumise mise à mal.

Un hoquet ébranla son corps lorsqu’Ivory l’entraîna plus loin, mais rien ne vient. L’air plus sain éloigné des voitures, du plus gros de la foule, lui fit même du bien. Elle prit le temps de s’adosser contre un poteau, légèrement courbée en avant, mains posées sur les genoux, pour prendre de grandes inspirations. Ce serait mentir que de dire qu’elle n’avait pas les jambes qui tremblaient légèrement, bien qu’il était difficile de déterminer si c’était en raison de son état vacillant, de sa colère, ou des deux à la fois. « Flics de merde » qu’elle maugréa en redressant la tête, et se frottant alors les yeux par réflexe comme pour dissiper ce voile qui n’en finissait plus, mais ne provoquait qu’une irritation de plus. « Bordel ! » Respire. Elle aurait pu taper rageusement dans un caillou, le poteau sur lequel elle était appuyée – probablement un lampadaire, d’ailleurs – ou tout simplement sur quelqu’un, ça aurait la réaction la plus naturelle qu’on aurait attendu d’elle, mais elle se contenta simplement de calmer les battements irréguliers de son cœur, de retrouver une respiration plus saine. « Tu vas bien ? T’avais pas l’air dans un état terrible, quand j’te voyais autrement qu’en résolution pourrie de chez pourrie, du moins. » Si seulement tu savais. Un léger rire s’échappa de ses entrailles, entre la nervosité qui abattait les barrières de son corps, et la constatation de l’état pitoyable dans lequel elle s’était mise toute seule. « J’avais un peu – beaucoup – bu avant que » Mouvement circulaire du bras dans le vide. « tout ça éclate. J’ai couru comme une dératée après quelqu’un … pour rien. Ça m’a carrément retourné l’estomac » T’es tellement conne, Daire. Elle se ferait presque pitié, mais encore fallait-il qu’elle ait un semblant d’amour propre pour ressentir une telle chose, ce qui n’était pas le cas en l’état actuel des choses.

Aussi bien que son esprit se faisait plus clair à mesure que ses poumons se renouvelaient, que la nausée se dissipait plus facilement et que le brouillard de ses pensées s’échappait à défaut que ce soit celui de sa vue, un éclair d’illumination la traversa l’espace de quelques secondes. « Attends une s’conde » Froncements de sourcils, il n’allait pas bouger de toute façon. « T’as pas bronché quand t’as pris le gaz dans la gueule aussi, ils t’ont loupé ou quoi ? » Soit Ivory avait développé des capacités de survie hors norme, soit il n’avait tout simplement rien ressenti – elle doutait sérieusement que les charognards l’aient loupé vu la manière dont ils s’étaient accrochés l’un à l’autre comme des égarés dépourvus d’un de leur sens. Daire n’y avait jamais réellement prêté attention auparavant, après tout elle ne le connaissait pas beaucoup malgré leurs nombreuses retrouvailles autour de sa vieille voiture de collection, mais ils parlaient alors surtout de mécanique et non des déboires de leurs existences. Cependant, à mesure que l’idée plausible germait en elle, plus elle repensait à ces détails au garage, où le rouquin n’avait jamais réellement réagi face à la morsure d’un outil dans sa chair, entre autres choses.

« Tu dois vraiment passer ? J’pourrais faire diversion, au pire. » Oui. Non. Tu sais pas, Daire, tu sais même plus ce que tu dois croire. La douleur de tes souvenirs ou le corps de chair et d’os devant toi ? Daire était bien des choses, mais elle n’était pas égoïste. Certainement pas. Elle savait capituler lorsqu’il le fallait, c’était rare, trop rare, mais elle le faisait. En l’occurrence, son combat contre des chimères du passé était vain, sa course à la poursuite d’un fantôme lui semblait désormais dérisoire face à la difficulté de traverser le barrage. Le vacarme dans la ville, autour d’eux, était assourdissant. Le sol tremblait presque sous leurs pieds, les échos des éclats de rages rebondissaient contre les murs dans une danse incessante. Et les tâches ne cessaient de glisser autour d’eux sans qu’ils ne puissent en distinguer précisément les formes et les mouvements, et ça l’agaçait plus que tout, Daire. D’être dans cette position de faiblesse, incapable d’avoir le contrôle d’elle-même, de la situation. Elle lâcha un profond soupir, tant accablée par cette injustice, cette facilité qu’avaient les flics pour asseoir leur domination, son handicap temporaire, et le ridicule de la raison qui l’avait amené là. « J’pense que t’as plus besoin que moi d’aller de l’autre côté » Elle n’avait aucune idée du pourquoi il se trouvait là, mais n’importe qui en l’instant aurait une raison beaucoup plus crédible que la sienne pour traverser le barrage. Tout, était forcément plus cohérent qu’un fichu fantôme.

Si Ivory était bien insensible à la douleur comme elle le pensait, il aurait été plus judicieux qu’il lui serve de bouclier, mais c’était une pensée à la con pour les raclures de ce monde, ça. Elle n’avait beau ne pas le discerner distinctement, la rouquine avait ce pressentiment qu’un plan s’échafaudait dans l’esprit d’Ivory. Elle l’avait déjà vu suffisamment à l’œuvre pur ressentir sa concentration sans même l’observer. « Pas bête ton idée ! » Évidence même, bravo Sherlock. « Il faut faire diversion ... Ouais, y a moyen que tu puisses traverser sous leur nez. » Daire était suffisamment consciente que s’il y avait une chance pour que l’un d’entre eux passe, c’était justement qu’il n’y en ait qu’un sur les deux qui y parvienne. Et faire diversion, ça c’était une compétence qui lui allait parfaitement bien.

« Eh les poulets ! » Daire les alpagua à grands cris, en s’avançant vers eux tout en leur balançant ce qu’elle supposa être des cailloux de par leur consistance entre ses doigts. Elle n’était même pas certaine d’en atteindre un de toute façon, mais c’était suffisant pour déclencher une nouvelle altercation. Elle voulait chasser les tourments qui l’accablait, à se persuader d’avoir vu son frère mort traverser la foule, à se retourner l’estomac rien que pour ça. Elle espérait sincèrement qu’aucun des Kids n’était en mauvaise posture, pourtant elle se doutait tellement que JJ ou Max profitaient du chaos quelque part en ville, elle misait donc sur la sagesse de Sam et les instincts de survie des filles pour qu’eux se soient tous tenus à distance de ce bordel gigantesque. Cela dit, elle ne pouvait absolument pas s’en assurer, tout comme elle ne pouvait rien faire pour eux. Alors si, pour une fois, elle pouvait faire une bonne action à l’égard de quelqu’un d’autre, autant que ce soit Ivory qui puisse en profiter.


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MessageSujet: Re: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptyLun 30 Oct - 21:40

Elle avait bu, Daire. Elle avait bu et Ivory n’a aucun mal à comprendre ce que ça peut être, de vivre une émeute sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, les silhouettes floues qui courent de tout côté et impossible de démêler le vrai du faux, les hallucinations de la réalité. Les substances récréatives, c’est toujours chouette dans un environnement sécurisant, ajoutez-y un peu de stress, et tout part en sucette, évidemment, le cerveau fait de mauvaises transmissions et tout déconne royalement. Il se dit qu’heureusement il a rien pris, aujourd’hui, parce qu’il aurait pu devenir dangereux, avec le trop-plein d’abrutis autour d’eux, nul doute qu’il se serait jeté sur les flics sans réfléchir s’il s’était bourré la gueule juste avant. Il pose une main sur l’épaule de Daire, comme pour la rassurer, gardant toutefois une distance honorable entre eux deux – bah oui, il a balancé qu’elle avait l’estomac retourné et il a pas trop envie de se taper du vomis sur les baskets, quand même. Et puis y’a la question qui tombe. Elle a le sens de l’observation, Daire, pour une meuf qui dessaoule et qui a la nausée. Il sourit, frotte légèrement ses yeux comme si ça pouvait l’aider à recouvrer la vue plus vite, mais tout est toujours très flou, même s’ils recommencent à distinguer les couleurs entre elles, maintenant, y’a des contours aux choses, la crinière rousse de Daire et le halo du lampadaire sur lequel elle s’est appuyée, et c’est déjà un progrès en soi. Il sourit, parce que c’est vrai que Daire ne sait pas, qu’elle n’a jamais tiqué quand il ne grimaçait même pas en se coupant. Y’a pas grand-monde qui capte, en général, et il a toujours droit à des regards incrédules quand il doit l’expliquer correctement. « Ils m’ont pas loupé, mais j’suis un superhéros, j’ressens pas la douleur. » C’est plus joliment dit que je m’appelle Ivory et je souffre d’analgésie congénitale, ce qu’il disait quand il était gosse en pouffant sur le mot souffrir parce que sa mère tenait à ce qu’il prévienne ses petits camarades de jeu, histoire qu’ils fassent attention à ne pas le blesser. Evidemment, ça provoquait toujours l’inverse, le jeu devenant vite le premier qui arrive à faire mal à Ivory a gagné et le principal intéressé n’en était que plus ravi. « J’commence seulement à revoir le monde normalement par contre. » Il voit assez pour ne pas se prendre un obstacle en pleine face, en tout cas, mais peut-être qu’il se le prendrait de travers.

Il hausse les épaules, désinvolte, lorsqu’elle lui dit qu’il a sûrement plus besoin qu’elle de passer le barrage. C’est vrai qu’il aimerait savoir comment vont les autres, mais ils peuvent se débrouiller, ils sont grands. Il jette un rapide coup d’œil à son téléphone portable. Le réseau a toujours l’air saturé et le message qu’il a envoyé à Mia quand le bordel a commencé n’est toujours pas passé. Il s’inquiète un peu, les sourcils soucieux, le regard ailleurs, puis ramène son attention sur Daire qui semble échafauder un plan dans sa petite tête. Il reste un moment immobile, sans saisir tout de suite, quand elle gueule après les flics et qu’elle se met à leur lancer des cailloux à la tronche. Ça le fait limite rire, Ivory, avant qu’il réalise qu’elle est en train de faire diversion pour lui et qu’il est donc censé se barrer pendant ce temps. Il se faufile entre les voitures de police en empruntant le chemin le plus détourné qui soit, prenant soin de passer le plus loin possible des policiers, se laissant guider par les voix qui s’élèvent à l’encontre de Daire et s’écartant au maximum de l’endroit d’où elles proviennent. Il calcule pas, la silhouette massive qui se plante devant lui, les yeux en arrière, cherchant à savoir si Daire se met pas trop dans la merde. C’est trop tard, quand il capte, qu’il s’enfonce dans la bedaine du flic presque à la retraite qu’il a déjà croisé quelquefois. Il est à peu près sûr de l’avoir dragué quelquefois aussi. Il a un faible pour les moustachus avec de l’embonpoint, il trouve ça trop chou. Ils sont quatre, donc, et lui, il était probablement allé pisser dans un coin, ou peut-être qu’il s’est dit que c’était le bon moment pour partir en quête de donuts, on sait pas. Ivory sourit niaisement, joue les idiots du village, mais ça prend pas, avec l’atmosphère lourde qui pèse sur tout le monde ce soir. Les poulets savent que s’ils ferment les yeux pour un, ils vont tous vouloir passer, mais ça n’empêche pas Ivory de penser qu’ils se prennent un peu trop au sérieux quand ils se retrouvent à l’arrière d’une des bagnoles, les mains menottées dans le dos. Ça prend pas trop longtemps avant qu’ils ne finissent par maîtriser Daire (en vrai, ça a pris des plombes, parce qu’elle est enragée, sa pote et il en est bêtement fier) et par l’enfermer avec lui. Ivory fait la moue, se cale dans le siège, trop habitué à l’ambiance familière des voitures de police. « J’ai échoué. » Gros soupir. Il sonne mélodramatique, comme ça, mais ça le fait rire intérieurement, parce que c’est une sacrée soirée, il pourra grave la raconter à ses petits-enfants, celle-là. « Il a serré trop fort, j’arrive pas à me déboîter le poignet. » C’est comme ça qu’il fait, d’ordinaire, pour faire disparaître les menottes tel un magicien trop habile. Le problème, c’est qu’on commence tout doucement à le connaître, au commissariat de Savannah, et que ses techniques d’évasion sont plus tellement un secret pour personne. « T’as pas une pince à cheveux ou une connerie du genre ? »
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MessageSujet: Re: you have been warned - intrigue (ivory)   you have been warned - intrigue (ivory) EmptySam 11 Nov - 23:24


Le lampadaire grésillait au-dessous de sa tête, lui donnant une aura particulière au milieu de l’agitation urbaine, et du tumulte de ses pensées. Sa vision peinait à retrouver sa précision, mais ses forces prenaient de nouveau consistance à mesure que sa respiration effaçait les dernières sensations de nausée. Pourtant, il y avait cette gêne qui persistait au fond de ses entrailles, ce mal-être qui s’était immiscé dans les tréfonds de son âme. Ce reliquat désagréable des souvenirs qu’on saigne à blanc de nouveau. Parce qu’il y avait Hael, quelque part, nulle part. Toujours à laisser sa trace même dans l’au-delà, fantôme continuant de hanter les vivants déjà bien trop morts. Alors elle n’entendit que distraitement Ivory lui répondre qu’il n’était pas particulièrement sensible à la douleur, qu’il n’était pas vraiment de cette espèce humaine qui tressaillait à la chair pourfendue, qui défaillait à l’hémoglobine échappée. Alors qu’elle-même ne ressentait que trop vivement cette douleur particulière, de celle qu’on ne pouvait voir, qui se mouvait dans un silence pernicieux au cœur des esprits jusqu’à rendre captif leur subconscient. Les chimères du passé, d’un autre temps, d’une autre terre. Délaissées à des milliers de kilomètres par-delà un océan, pourtant. Le corps dans le présent, et les pensées dix ans en arrière, partagée entre l’immédiateté et les vieux regrets insatiables.

Elle releva la tête, Daire, lorsqu’il mentionna le recouvrement partiel de sa vue. Et elle cligna des yeux, bêtement, en constatant que ce n’était clairement pas son cas. « Putain ils m’ont vraiment pas loupé » qu’elle maugréa entre ses lèvres serrées, tant elle l’avait mauvaise. Situation avalée de travers, non digérée, et certainement pas oubliée. Elle aurait aimé jeter un regard circulaire autour d’elle, pour observer la fumée qui s’échappait des entrailles de la ville pour ne devenir qu’un ciel grisâtre précaire au-dessus des bâtiments, cette même fumée dont elle n’en ressentait que l’odeur âcre. Elle ne pouvait que s’imprégner de l’agitation, deviner les carcasses de voiture enflammées, les objets divers abandonnés sur le bitume, les pas précipités des échappés, les cris, les bousculades, les silences trop lourds, et les coups de feu. Surtout les coups de feu, comme si les monstres enfouis en chacun s’étaient tous éveillés à la première explosion de souffre. Ses veines en quémandaient, de cette nécessité pressante de s’abreuver de la violence des autres, à se retourner le cerveau dans la fièvre des émeutes de la nuit.

D’un commun accord tacite avec elle-même, elle s’élança hasardeuse, insultant de vive voix ces hommes qu’elle exécrait par nature, seulement parce qu’ils n’avaient pas fait le choix de carrière qui convenaient à ses convictions. D’insultes en gestes obscènes, elle se démena pour les éloigner de leur poste de garde. Ce furent les sens exaltés, mais la vue défaillante, qu’elle attrapa ce qui lui paraissaient être des cailloux. La morsure de la pierre froide au creux de ses paumes, levées bien haut contre la répression, affirmées face au ciel dans l’insoumission. La pluie de projectiles déferla sur les représentants des forces de l’ordre et peut-être même sur les piétons alentours, les cibles mouvantes n’étaient pas les idéales d’une aveugle en colère. L’alarme d’une voiture se déclencha sous les chocs successifs, galvanisant l’atmosphère magnétique, transportant l’assaillante bien au-delà son enthousiasme véhément. Glorification de la désobéissance civile dans les traits de l’irlandaise, éloge des révoltés dans la ferveur de son regard céruléen. Elle était l’insoumise, Daire, l’enflammée qu’on ne soumettait pas. Encore moins une ribambelle de policiers aux airs d’exaspération exacerbés, à s’essouffler entre la rouquine infernale et leur barrage précaire à maintenir. Elle menait la danse la leprechaun endiablée, cessant de se heurter contre les obstacles à mesure que sa vision se faisait plus nette, malgré ses yeux encore cernés par le carcan de la brûlure au gaz lacrymogène. D’une œillade dans le dos des policiers à sa poursuite, elle constata qu’Ivory tentait vainement de passer le barrage, mais c’était sans compter la propre inattention du rouquin lorsqu’il percuta sans vergogne la bedaine proéminente de l’officier ayant compris bien trop rapidement ses intentions. L’égaré se retrouva rapidement enfermé à l’arrière de l’une de leur voiture, la tentative de diversion aussitôt dissoute dans la colère des malmenés.  

Feu follet inépuisable dans sa course, la fauteuse de trouble insultait à tout va, tant les agents de l’ordre que les civils qui tentaient de se fondre dans les murs pour disparaître. Se glissant entre les corps s’agitant à son passage, tournant autour des lampadaires, sautant au-dessus des pare-chocs, sans jamais cesser de balancer divers projectiles. Sans jamais cesser d’observer le manège des assiégés, alors que les flics changeaient de tactique pour s’approcher d’elle en lui bloquant les accès lui permettant de s’échapper. Et elle se laissa faire, l’indisciplinée, reconnaissant que le divertissement était terminé, qu’il n’y aurait pas de victoire pour ce soir, comme tous les autres, comme à chaque fois. Mais elle ne capitulait pas, pas vraiment. Elle se hissa sur une voiture, la puissance de l’insurrection sur les lèvres, palpitant sous sa peau au rythme des règlements de compte martelant la ville. Elle se hissa, et se tint bien droite, dans toute sa hargne, dans toute sa rage. Majeurs levés à l’attention des flics, puis vers le ciel. Va te faire foutre, société capitaliste. On la tira au sol en lui attrapant les pieds, et son dos heurta d’abord la carrosserie avant qu’elle ne soit délogée brutalement. Plaquée sans ménagement contre la tôle par un policier à bout de souffle, le sourire du mauvais vainqueur affiché sur le visage, on lui passa les menottes en lui bloquant les bras dans le dos avant de la bousculer pour la remettre en marche. Qu’elle était fière, l’énergumène de l’Irlande du Nord, dans toute sa splendeur de l’insubordination inaliénable. Révérence périlleuse à l’attention des spectateurs et elle s’engouffra à son tour dans le véhicule, ce putain de sourire espiègle sur les lèvres. « J’ai échoué » Un léger rire s’échappa dans l’habitacle face à cette constatation indéniable, alors que les bruits de l’effervescence leur parvenaient plus atténués. Rire qui s’entrechoqua d’un hoquet de surprise pour se renouveler avec plus d’enthousiasme, lorsque son acolyte d’infortune lui manifesta son incapacité de se déboîter le poignet pour s’échapper des menottes lui mordant la peau. « J’avoue qu’j’aurais bien aimé savoir faire la même chose, ça a l'air super pratique » Tellement efficace, quand tu passais partiellement toute ton existence dans ce genre d’endroit, pour des broutilles, des malentendus, des dérapages. « T’as pas une pince à cheveux ou une connerie du genre ? » Elle gesticula sur son siège, assez mal à l’aise dans l’étreinte de fer, hésitant quelques instants à fracasser la vitre de la portière d’un coup de pied bien placé. « Non c’est pas l’genre de trucs que j’ai sur moi » Désolée, mais à une autre fois pour les évasions. Dans le fond, elle ne se leurrait pas la rouquine, il serait tellement facile de la retrouver, à connaître ses habitudes, ses fréquentations, ses lieux favoris. Ce soir, bien plus que de prendre une foutue lacrymo dans le visage, elle avait également agressé les flics sous les jets de caillasses. Elle savait admettre un mauvais plan lorsqu’il se présentait, et tenter de prendre la fuite en était définitivement un. « Sacrée soirée » qu’elle murmura, le front posé contre la fraîcheur de la vitre, y délestant un voile de buée avant de se perdre dans la contemplation des dernières altercations.  


rp terminé.


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