On était dimanche, et comme un peu prêt tous les dimanches, Wolfgang se réveilla aux alentours de 7h. Alors il parait qu’il est complètement con de se lever à cette heure là parce que c’est dimanche et c’est le weekend et qu’il devrait dormir plutôt que se lever aussi tôt. Mais lui il s’en fout du weekend puisqu’il bosse chez lui, il se lève tous les jours à l’heure qu’il veut et nah. Il adore narguer les gens avec ça mais bref. Je reprends. Donc on était dimanche et comme à son habitude, Wolfgang allait aller courir. Ouai, il courait le petit. Pas beaucoup, 1h ou 1h30 dans le meilleur des cas. C’était pas non plus la folie et ça avait surtout été beaucoup d’entrainement parce qu’au début il galérait déjà à courir 30 minutes. Mais on prend vite goût à la course. On prend vite goût à l’air frais du matin qui vient caresser la peau à peine réveillée, à la brise marine, salée, qui s’engouffre dans les poumons, à la vision des vagues qui viennent se briser sur le sable fin. Une vision idyllique que l’on ne peut apprécier que le matin, lorsque le soleil commence tout juste à se lever et qu’il vient éparpiller quelques rayons dans le paysage encore nocturne. Et puis ça avait le mérite de vider l’esprit. On se serait sérieusement cru dans un film quoi, c’est pour ça que Wolfgang aimait bien Tybee Island.
Il rentra aux alentours de 9h30 et regarda brièvement son emploi du temps. Ah. C’était donc ce fameux matin. Il devait aller à la messe. Merde. Wolfgang n’était pas hyper croyant, mais après avoir eu une brève discussion avec sa mère, il savait que ça lui tenait à cœur et lui avait donc promis d’aller y faire un tour à l’occasion histoire de voir ce que ça pouvait donner. Il y allait souvent avant, après tout. Ça pouvait pas lui faire de mal de toute manière. Il sortit le sac de croquettes de Percy et après avoir mesuré la dose, la versa dans sa gamelle. Le bruits des délicieuses croquettes au saumon dans le bol en plastique l’attira et le chat noir déboula dans la cuisine, sautillant sur ses pattes à toute vitesse, le ventre roulant de gauche à droite, la queue dressée. Il se rua sur sa nourriture et Wolfgang en profita pour lui caresser un instant la tête « Mange pas trop vite mon gros. » . Lâcha t’il avant de se diriger vers la salle de bain pour se doucher. Il avait récemment fait des travaux dans celle-ci afin de pouvoir la transformer en douche à l’italienne et il était assez content du résultat. Il ramassa rapidement les grains de litière de Percy avait foutu hors du bac afin de ne pas marcher dessus les pieds mouillés, parce que c’était hyper désagréable. Une fois propre, il retourna dans sa chambre tout en réfléchissant au style vestimentaire à adopter pour aller à la messe. Fallait-il s’habiller en prude ? En normal ? Un t-shirt suffisait-il ? Comment s’habillait les gens qui allaient à la messe, sachant qu’en général ils avaient 70 ans passés ? Franchement, s’il y allait et qu’il n’y avait que des vieux, il se barrait direct. Hors de question de rester avec le club des retraités. Il finit par opter pour une simple chemise à carreaux et un jean noir, préférant rester sobre. Et si jamais il y avait des gens en t-shirt, il le saurait pour la prochaine fois. Terminant de s’habiller, il se coiffa rapidement, se rasa et alla chercher une canette de coca dans son frigo avant de chercher du regard son odieux chat : « Je vais à la messe Percy, t’es sympa tu démontes pas le placard pour choper tes croquettes, je reviens vers 12h t’auras ta deuxième dose. » Il ferma soigneusement sa maison à clé et, prenant son longboard, parti en direction du centre-ville. Il n’avait normalement qu’une dizaine de minutes de trajet, il avait déjà regardé où était l’église la plus proche de chez lui. Il arriva devant en finalement moins de temps que prévu et passa son skate sous le bras pour se diriger vers l’entrée. Il n’entendait rien. Arrivait-il trop tard ? D’habitude la messe, les gens qui chantent, ça s’entendait jusqu’à dehors non ? Enfin en tout cas, le drapeau gay lui, était bien visible… Une eglise gay friendly ? Cela le mis légèrement mal à l’aise. Depuis quand les eglise avaient le droit d’accrocher des banderoles de ce genre devant leurs établissements ? Le prêtre devait être assez détendu du slip pour oser mettre ça. C’était bien cela dit.
Il essaya de pousser discrètement la porte d’entrée et s’introduit dans les lieux froids et austères… qui étaient complètement vide. Merde. C’était déjà terminé ? Impossible, il était encore tôt… Seul, au milieu de la salle, le prêtre qui semblait assez jeune, rangeait quelques chaises qui trainaient. Décidément, y’avait de l’ambiance. Il but la dernière gorgée de coca et s’apprêtait à ranger la canette vide dans son sac à dos lorsque le prêtre se retourna. Wolfgang faillit s’étrangler en voyant apparaître le visage du mec. Il ne put empêcher la surprise d’étirer ses traits. Le mec qui tondait sa pelouse, c’était celui qui faisait la messe dans cette église miteuse ? Etait-ce un délire de charité ? Se passant la main sur le visage comme pour se remettre d’une mauvaise cuite, il rouvrit les yeux pour constater à nouveau que non, il ne délirait pas. Savannah était vraiment une petite ville pleine de surprise… Comment il s’appelait déjà ? Toad ? Baxter ? Toad Baxter. « Alors comme ça tu te contentes pas de tondre des pelouses ? »

C’est dur de vivre dans l’attente. De rester debout sur le seuil de l’église en se demandant si quelqu’un va se pointer, en se demandant pourquoi on s’est réveillé ce matin. Pas de grasses matinées le dimanche pour les pasteurs, mais j’pourrais franchement me laisser tenter, replonger la tête dans l’oreiller à la seconde où j’ouvre les paupières. Faut croire que ce sera Ezra et moi, cette fois. Soupir, je souris doucement à mon petit amish, comme je l’appelle uniquement dans mes pensées, les joues toujours un peu rouges quand je le regarde et qu’il y a la porte de la sacristie dans mon champ de vision, s’il savait c’que j’ai fait là-dedans avec Asher, j’ose même pas imaginer sa réaction. Probablement qu’il se barrerait direct. Enfin bref. Magda, notre petite vieille attitrée, n’a pas l’air d’arriver. Ou alors elle est en retard parce qu’elle a oublié son déambulateur en sortant, j’sais pas. J’espère qu’elle est pas morte dans son sommeil. Grimace. Nouveau soupir. On le saura bien assez tôt. Est-ce que ça veut dire que je devrai m’occuper de son enterrement ? Pas sûr que sa famille soit d’accord, ils diront qu’elle était sénile et que j’en ai profité pour l’attirer dans mon église. Enfin, c’est pas un cadeau, Magda, quand elle m’engueule parce que ça fait dix ans que j’ai promis de repeindre la cuisine – elle me prend pour feu son époux, qui devait être un junkie biker si j’ai bien compris. Je doute de lui ressembler, même un peu, mais parfois j’ai vraiment l’impression d’être son sous-fifre de mari. Parce que j’lui refuse rien, à Magda, ça se chouchoute, une paroissienne, surtout quand on en a aucun autre. Bon, tant pis. Pas de messe ce dimanche matin, j’ai qu’à dire que j’prends congé, et j’vais pas imposer à Ezra de subir le sermon que j’avais préparé en solo. Je sais pas pourquoi je prépare encore des trucs, franchement, de toute façon, Magda oublie ce que j’ai dit d’une fois à l’autre, et elle vient clairement pour m’enguirlander, pas pour prier. Laissant Ezra retourner à la maison, je rentre dans l’église pour ranger les hosties, éteindre les bougies que j’avais pris soin d’allumer, pour que ça fasse plus sérieux et plus joli sur l’autel, et refermer le Nouveau Testament toujours ouvert sur le chapitre que j’avais prévu de lire.

Je remets tranquillement la chaise de Magda dans la bonne rangée – elle a une place VIP, évidemment – quand j’entends du bruit derrière moi, les pas qui résonnent sur le parquet en mauvais état. Elle est en retard, finalement ? Ce n’est pas le claquement des petits talons de Magda, pourtant, les souliers du dimanche qu’elle enfile exprès pour moi. Je me retourne en plissant les yeux pour savoir qui est là, glissant l’index dans mon col de pasteur pour l’ajuster, de crainte de l’avoir foutu de travers sans faire attention. C’est le genre de choses que je fais inconsciemment, avec le stress, l’impression d’avoir du mal à respirer aidant, je tire dessus et ça ressemble plus à rien. Ah tiens, un visage familier. Curieux. Le jeune homme chez qui je tonds la pelouse pour quelques billets et qui pourrait franchement le faire lui-même, mais j’vais pas cracher sur l’argent facile. Surtout avec une église en ruines et des capacités limitées pour faire tout autre job. En général, je m’en sors plutôt bien avec les tondeuses, même si j’ai déjà failli perdre un bras, mais c’est une longue histoire. Je ne me souviens pas lui avoir dit que j’étais pasteur, les discussions restent toujours très professionnelles quand je fais le jardin de quelqu’un d’autre. Non, je déconne, mais je suis certain de pas lui avoir dit, donc il doit pas être là pour me faire des réclamations sur son gazon. C’est plutôt une bonne nouvelle. J’me suis toujours demandé ce qu’il pouvait faire comme job, pour avoir les moyens de se payer les services d’un tondeur de pelouse, et une maison avec jardin, surtout, un p’tit jeunot comme lui. A son âge, j’avais un appart’ miteux sans balcon, le lit dans la cuisine et un placard comme salle de bains. Ce serait probablement toujours le cas si ma congrégation ne m’avait pas octroyé la maisonnette attenante à l’église. « C’est difficile de vivre avec le salaire d’un simple tondeur de pelouses, tu sais. » Je souris en haussant les épaules. C’est vrai que le salaire de pasteur, c’est loin d’être mirobolant, surtout quand la paroisse est inexistante. Mais quand on aime son métier, on se plaint pas. « Qu’est-ce tu fais ici ? Tu t’es perdu ? » Je ne me résous pas à prononcer son prénom, trop certain de l’écorcher si je fais la moindre tentative de le dire tout haut.

Genre. Son tondeur de pelouse était son pasteur. Et puis quoi encore. « C’est difficile de vivre avec le salaire d’un simple tondeur de pelouses, tu sais. » Sans déconner mec, merci Einstein. Le blond se doutait bien que ce n'était qu'un job occasionnel et qu'il faisait surement d'autres trucs à côté, mais PUTAIN PASTEUR QUOI. Qui avait eu le culot de lui filer ce travail ? Un aveugle. Un aveugle et un sourd. Ou alors il avait trouvé la clé de l'église dans un Kinder surprise, c'était tout aussi probable et censé que de voir ce mec habillé en col blanc. Et puis pour être vraiment pasteur, il fallait au moins avoir des croyants non ? Wolfgang regarda sa montre. C'était l'heure de la messe et l'endroit était complètement vide. Seules, au milieu de la salle, sorties des rangées, trois pauvres chaises se battaient en duel. Toad était en train de les ranger. Wolfgang n'était apparemment pas le seul à trouver l'idée de Toad en pasteur totalement déplacée. Les gens avaient surement peur qu'il attire leurs mômes dans une camionnette rose avec des bonbons...
Un sourire narquois étira les lèvres du blondinet. Oh, ne vous méprenez pas, Toad était sexy pourtant. Il était grand, mince. Tatoué. Pas beaucoup de cheveux sur le cailloux mais ça encore ce n'était qu'une histoire de coupe. Il avait un style indéniable et c'était sans doute pour ça que Wolfgang s'amusait parfois à l'observer du coin de l'oeil lorsqu'il venait tondre sa pelouse. Il l'observait et il l'imaginait parfois tout nu. Mais ça il ne l'admettrait jamais, et puis quoi encore. De toute façon les "badboys" c'était pas sa cam. Il y avait un truc dans leurs comportements qui l'agaçait autant qu'il le fascinait. Il avait envie de les attraper par les épaules et de les secouer en hurlant : Hey mec tout le monde a une vie compliquée alors maintenant t'arrêtes ta crise d'ado et tu remballes ton caractère de merde ! Mais bon. Il savait bien que c'était porter un jugement un peu hâtif sur la situation des gens... Chacun avait sa propre vie, il n'aurait pas été correct de sortir ce genre de choses. Et puis avant de savoir que Toad était pasteur à mi temps, il se disait que si jamais il le faisait chier, il avait bien la tête du mec qui te fout un coup de poignard dans le bide au calme. Mais ça c'était avant. « Qu’est-ce tu fais ici ? Tu t’es perdu ? » Hm... C'est effectivement l'impression que ça donnait oui. « Je suis venu remplir mon devoir religieux, vois-tu. » (et non pas l'aider à distribuer des bonbons pour choper des gosses) Lâcha t'il en s'approchant du centre de la salle, pour prendre une des chaises qui attendaient à côté de Toad qu'une âme en peine veuille bien y poser son cul. Ce que Wolfgang fit non sans éprouver un certain malaise à l'idée de partager ce moment avec le mec qui tondait, il y a encore deux jours de ça, sa pelouse. Il adressa à Toad un sourire colgate avant de sortir de son sac à dos une petite bible de poche que sa mère lui avait filée. Les croyants étaient vraiment prêt à tout pour se démocratiser. Une bible de poche quoi. A quand la version e-book ?« Donc t'as plus qu'à tout redéballer, t'as un croyant dans ton église qui a envie de faire la messe ce matin (Déso pas déso). » Et puis il pourrait juger des talents de Toad. Après tout, ce dernier semblait tout à fait susceptible d'avoir d'autres surprises en réserve... « Bon faut que je te vouvoie quand t'es en uniforme ou pas ?  »

Son devoir religieux. J’aime pas cette expression, ça me donne toujours l’impression qu’on force les gens à croire et qu’ils viennent à la messe plus par obligation que parce qu’ils ont la foi, ou par habitude, parce qu’ils l’ont toujours fait avec leur famille et qu’au final ils sont limite là à roupiller sur les bancs de l’église le dimanche matin. J’peux pas trop les blâmer pour ça, je faisais pareil en cours. C’est juste que ça sert à rien de faire semblant d’y croire et de se ramener quand on en a rien à foutre, les pasteurs s’en passeraient bien, je pense. Si j’avais pu faire ça avec l’école. Mais ça c’était obligatoire, contrairement à la messe. Bon, ça m’empêchait pas de faire trop souvent l’école buissonnière du temps où j’y allais encore, c’est vrai. Je le regarde s’asseoir en haussant un sourcil. Apparemment, il a vraiment décrété qu’il allait rester là, juste devant l’autel, il sort même une bible version mini de son sac à dos avant de me demander de lui faire la messe. Ok. C’est un peu arrogant, la manière dont il le dit, là, en plus il avait qu’à pas être en retard. Mais bon. C’est pas comme si j’avais autre chose à faire le dimanche matin. J’me prends une chaise en soupirant, m’assieds à mon tour après avoir récupéré la Bible qui trônait toujours sur l’autel. Je me vois pas trop lui déballer mon sermon sur le fils prodigue – je sais même pas pourquoi j’ai préparé ce sermon pour Magda, peut-être pour qu’elle m’organise une fiesta même si elle croit que je suis son cher Humphrey qui se complait dans le péché. J’ai presque envie de rire quand il me demande s’il doit me vouvoyer. J’ai pas trop la gueule du mec qu’on vouvoie, uniforme ou pas. Je m’y suis fait, j’impose pas le respect, c’est la vie. Puis vu tout l’irrespect que j’ai distribué aux adultes la plus grande partie de mon existence, on va dire que je le mérite. De toute façon, je me sentirais vieux si on commençait à me vouvoyer, j’ai pas encore fêté mes trente ans et mon âge mental est très certainement en-dessous des vingt-huit. En plus, on doit avoir quoi, cinq ans d’écart, lui et moi ? Faut pas abuser. « J’ai pas quatre-vingts piges, merci. » Je lâche ça en souriant, légèrement narquois, en m’enfonçant dans ma chaise pour mieux réfléchir.

« J’peux savoir comment t’as atterri ici ? C’est pas le premier choix en matière d’église à Savannah, donc si ton expérience peut m’inspirer quelques trucs pour faire venir les gens. » Tout est bon à prendre, hein, j’devrais peut-être faire un parcours fléché depuis le centre-ville pour attirer les curieux et promettre chocolat chaud et brownies à l’arrivée. Je sais pas faire les gâteaux (je sais rien faire), mais je demanderai à Ezra, c’est pas grave. Je suis même surpris que Wolfgang soit entré, en fait, parce qu’elle est pas super accueillante, mis à part le drapeau arc-en-ciel au-dessus de la porte qui égaye un peu. Faut que j’achète de la peinture pour les façades et qu’on finisse le toit avec Ezra, mais on manque de thunes et de temps. « Bon, sinon, comme on est que tous les deux, on va parler de toi. T’as des soucis dans ta vie pour lesquels j’pourrais t’aider actuellement ? Ou peut-être des questions sur la religion ? » Oui, je suis un de ces néo-pasteurs qui aiment bien rendre la messe participative, d’autant plus quand on est deux, je vois pas l’intérêt de seulement lire la Bible à voix haute quand tout le monde sait lire, on est plus au Moyen-Âge. Et puis si ça peut aider le blondinet en face de moi à se sentir mieux dans sa peau ou améliorer sa vie, c’est parfaitement à ça que sert la religion, après tout. En tout cas, moi, elle m’a aidé à m’en sortir au moment où j’étais prêt à me laisser crever.

« J’ai pas quatre-vingts piges, merci. » Donc ça voulait dire non ? Wolfgang était rassuré, il se voyait mal sortir le vouvoiement pour ce mec. De toute façon, même s’il lui avait dit oui, il aurait surement refusé. Sérieux ils n’avaient même pas 10 ans d’écart, il était hors de question qu’il le vouvoie. Donc ils étaient là, comme deux cons, en pleins milieux de la salle, à se regarder en chien de faïence assis l’un en face de l’autre. Et maintenant, on passe aux choses sérieuses ou bien ? Pas que Wolfgang avait envie de partir mais enfin il avait pas pour projet de devenir enfant de chœur et avait bien l’intention de rentrer chez lui à un moment donné. « J’peux savoir comment t’as atterri ici ? C’est pas le premier choix en matière d’église à Savannah, donc si ton expérience peut m’inspirer quelques trucs pour faire venir les gens. » Wolfgang éclata d’un rire moqueur. C’est clair que lui-même se posait la question. L’Eglise inspirait pas la confiance, elle était carrément moche même… Mais bon, aller savoir pourquoi, c’était juste la moins loin de chez lui. Y’en avait bien une à Tybee mais elle était remplie de bourges et il avait pas envie de fréquenter ces culs serrés. « Dieu a guidé mes pas Toad. » Répondit-il d’une voix sérieuse, fixant le pasteur d’un regard vif et aussi calme que possible. Il resta ainsi durant quelques secondes, tentant de garder son sang-froid, avant de subitement laisser échapper un sourire… « C’est simplement la plus près de chez moi, si on oublie celle de Monsieur et Madame Balai dans le cul vers la 14ème avenue. » Il soupira. Ça y est, il se faisait chier. C’était prévisible. « Après faut pas juger un livre à sa couverture il parait… Ton drapeau est assez sympa, ça laisse penser que le pasteur est ouvert d’esprit et moderne et c’est cool. Mais ta devanture est quand même hyper pourrie, excuse-moi… » Il s’étira, et prit un air contrit pour essayer de réduire la portée de ses paroles. Mais bon, c’était la vérité et il n’était surement pas le seul à lui avoir déjà dit ça, non ? « J’avoue que je m’attendais pas à te voir là, on dirait Piccolo perdu au milieu des Teletubbies. »
« Bon, sinon, comme on est que tous les deux, on va parler de toi. T’as des soucis dans ta vie pour lesquels j’pourrais t’aider actuellement ? Ou peut-être des questions sur la religion ? » Des problèmes dans sa vie ? Toad voulait l’aider ? C’était la meilleure. Le tondeur de pelouse au service des pêcheurs. Il faudrait qu’il pense à lui filer un peu plus la prochaine fois qu’il viendrait. C’était un gars de l’Eglise quand même, il méritait bien un pourboire. Wolfgang posa sa bible sur la chaise d’à côté. « Pas vraiment… ça va surement te souler, mais je viens pour faire plaisir à ma mère en fait. Elle est hyper religieuse et je lui ai dit que j’irais à la messe à l’occaz pour lui faire plaisir, du coup d’un côté ça m’arrange que ce soit toi tu vois, si on peut faire un selfi pour lui prouver que j’suis bien venu ça serait cool elle me lâcherait la grappe avec le salut de mon âme, tout ça tout ça. » Il soupira, un sourire un brin narquois accroché aux lèvres. Il croyait très peu en Dieu. Il aurait bien aimé y croire pourtant. Penser à un monde au-delà de la mort, un endroit où vont les gens, un endroit qui leur est dédié, pour ce qu’ils ont fait de mal, et pour ce qu’ils ont fait de bien. La destination finale où on remet les pendules à l’heure. Mais lui il irait en Enfer. Et du coup il n’avait pas envie d’y croire, parce qu’à ce qu’il parait, l’Enfer c’est nul. « Désolé. Je suis pas très religion. J’ai fait trop de connerie dans ma vie pour espérer que cette histoire finisse bien donc... C’est pas hyper motivant. »

Ne pas lever les yeux au ciel, ne pas lever les yeux au ciel. Même si j’aimerais bien voir si y’a pas Dieu en train de se payer ma tête affalé sur un nuage au-dessus de mon crâne. Il est pas très bien éduqué, le gamin, à se moquer des autres, comme ça, à balancer des mots qui font pas tellement plaisir, qui n’ont pas leur place dans une église. J’aime pas les gens qui jugent sans connaître, j’aime pas quand on me toise et qu’on se croit mieux que moi. Même si concrètement à peu près tout le monde est mieux que moi, mais quand même, c’est pas parce qu’un gars est tatoué qu’il est foncièrement mauvais. Puis j’essaye de me racheter. Enfin. Ça doit seulement être le dixième qui me dit ça ce mois-ci. A chaque fois que je dis que je suis pasteur, ça fait rire tout le monde. Au moins ça détend l’atmosphère pendant un dîner. Mais bon. On lui a jamais dit de respecter ses aînés, apparemment. « Ouais, j’avais remarqué, mais me faut des paroissiens pour avoir plus d’argent pour retaper l’église, c’est comme ça que ça fonctionne. » Faudrait racler la mousse sur la façade, redonner un coup de peinture, finir le toit. Au moins, y’a plus de trou dedans, Ezra a bien retapé ça, même si ça a pris une éternité avec moi comme assistant. Je tente de me montrer courtois, retenir ma mauvaise humeur pour bien jouer mon rôle de pasteur, mais s’il continue sur cette lancée, c’est sûr qu’il va finir par vraiment me mettre en rogne. C’pour ça que je lui pose des questions sur sa vie, sur ses problèmes personnels, en me disant que s’il accepte de parler de lui, on causera moins de moi et de mon église merdique. Il avait qu’à pas entrer, s’il la trouvait si moche que ça, j’pense que tout le monde s’en serait bien porté.

Je lève un sourcil à sa réponse qui ne me le rend pas plus sympathique. Décidément, je préférais quand je me contentais de tondre sa pelouse, là on dirait une caméra cachée pour voir combien de temps je vais tenir avant de péter les plombs. C’est peut-être un sujet test envoyé par ma congrégation histoire de vérifier que je fais bien mon travail, hein. Je vais donc éviter de le gifler. Pour l’instant. « Tu pourras aller faire un selfie avec Jésus après », ma main qui désigne nonchalamment la grande croix derrière l’autel, notre Sauveur qui y pend, le regard dans le vague. J’me suis toujours demandé pourquoi les sculpteurs prenaient la peine de faire des abdos en béton à Jésus, « ça sert à rien de faire un selfie avec moi, si elle est comme toi, elle y croira pas. » Haussement d’épaules, soupir. « Si je comprends bien, vous êtes catholiques ? Les conceptions religieuses sont un peu différentes dans le protestantisme. C’est une église presbytérienne, ici. » C’est parti pour le cours de religion gratuit, même si je crève d’envie d’acquiescer et de lui dire que oui, il ira en Enfer s’il continue de causer comme ça. « Par exemple, le salut est universel. Ce n’est pas quelque chose que tu dois gagner. Dieu pardonnera chacun d’entre nous à la fin, il n’y a pas de concours à celui qui sera le plus gentil. La brebis égarée aura toujours de la valeur. » Je l’observe un instant, pour jauger sa réaction. Je me doute que si la religion ne l’intéresse pas, ça ne va pas le passionner. Au moins j’aurai essayé. « Paradis et Enfer ne sont pas réellement considérés comme des lieux où nous irons quand nous serons morts. Pas de purgatoire non plus. C’est plutôt en lien avec ta propre vie et ce que tu en fais. On traverse tous des mauvaises passes dans notre vie et c’est ça, l’Enfer, quand tu fais du mal autour de toi, quand tu te sens mal, quand tu n’as plus envie de vivre. A l’inverse, quand tu fais du bien aux autres, tu te fais du bien à toi-même, et c’est le Paradis. Et évidemment, on oscille tous entre les deux tout au long de notre vie, certains plus vers l’Enfer, d’autres plus vers le Paradis. » Et c’est quand on m’a expliqué ça que j’ai eu envie de devenir pasteur. Pas sûr de susciter une vocation chez le gamin, par contre. « Je ne suis pas là pour te forcer à croire en Dieu. Mon job, c’est de t’aider à trouver des réponses dans ta vie et à avancer, du coup on peut vraiment parler de tout ce que tu veux, lâche-toi. »

Même s’il garde son sang-froid, Wolf voit bien qu’il a touché un point sensible chez le pasteur. Un imperceptible mouvement de sourcils, une veine qui palpite, une main qui se crispe. « Ouais, j’avais remarqué, mais me faut des paroissiens pour avoir plus d’argent pour retaper l’église, c’est comme ça que ça fonctionne. » C’est sur que c’est pas avec les quatre pecnos qui devaient venir ici … C’est un peu à l’ancienne, c’est l’argent des paroissiens qui sert à l’entretien des locaux. Pas de bras pas de chocolat, c’est presque pareil.
« Tu pourras aller faire un selfie avec Jésus après, ça sert à rien de faire un selfie avec moi, si elle est comme toi, elle y croira pas… » Lâche t-il d’une voix que le blond sent agacée. Une pause. « Si je comprends bien, vous êtes catholiques ? Les conceptions religieuses sont un peu différentes dans le protestantisme. C’est une église presbytérienne, ici. Par exemple, le salut est universel. Ce n’est pas quelque chose que tu dois gagner. Dieu pardonnera chacun d’entre nous à la fin, il n’y a pas de concours à celui qui sera le plus gentil. La brebis égarée aura toujours de la valeur. Paradis et Enfer ne sont pas réellement considérés comme des lieux où nous irons quand nous serons morts. Pas de purgatoire non plus. C’est plutôt en lien avec ta propre vie et ce que tu en fais. On traverse tous des mauvaises passes dans notre vie et c’est ça, l’Enfer, quand tu fais du mal autour de toi, quand tu te sens mal, quand tu n’as plus envie de vivre. A l’inverse, quand tu fais du bien aux autres, tu te fais du bien à toi-même, et c’est le Paradis. Et évidemment, on oscille tous entre les deux tout au long de notre vie, certains plus vers l’Enfer, d’autres plus vers le Paradis … Je ne suis pas là pour te forcer à croire en Dieu. Mon job, c’est de t’aider à trouver des réponses dans ta vie et à avancer, du coup on peut vraiment parler de tout ce que tu veux, lâche-toi.»
La vache, il avait appris son discours par cœur ou quoi ? Merde, comment on reconnait une église presbytérienne d’une autre, au fond ? Et puis ces quoi ces principes à la con ? Un tueur en série vaut autant qu’une mère au foyer ? C’est ça le deal ? Wolfgang trouvait ça à la fois rassurant et foutrement injuste. Et puis fuck, il était pas venu ici pour une séance psycho, il pensait qu’il en aurait pour 30 minutes à tout casser et hop, on rentre finir la grasse matinée devant Stranger Things. Mais non, apparemment pas. Mauvais plan, depuis le début.   « C’est pas un peu injuste qu’un mec qui fait que de la merde toute sa vie sans en avoir quoique ce soit à foutre se fasse jugé au même niveau qu’un gars qui a suivi les règles ? » Il posait cette question innocemment, sans but réel d’énerver davantage son interlocuteur, ayant bien compris qu’il n’avait guère apprécié sa précédente réponse. En même temps il n’avait qu’à pas demander ? Il posa son coude sur le banc qui était à côté de sa chaise et y appuya sa tête, observant Toad d’un air perplexe. Ce qu’il disait lui embrouillait quelque peu l’esprit. Pas de quoi se retourner le cerveau, après tout il se sentait athée, bien qu’il s’était toujours demandé face à la foi de sa mère si une force supérieure n’existait pas, finalement. Le monde était trop parfait, les cellules trop bien ordonnées.... il ne pensait pas une seule seconde que l’histoire d’Eve et d’Adam puisse être vraie, mais parfois il se laissait simplement aller à imaginer qu’un dieu, quelque part, aurait pu créer l’Univers et tout ce qui le compose, créer le big-bang, l’évolution, l’Histoire de la pensée… Même si ça paraissait tellement absurde, comment expliquer une si parfaite construction ? Son regard retomba sur Toad, le beau gosse tondeur de pelouse. « Et toi t’en as pas ras le cul d’entendre les gens parler d’eux et de leurs problèmes à longueur de journée ? Y’à quelqu’un qui t’écoute, toi, quand t’as fini d’écouter les autres ? » Lâcha t’il. Il faisait une fixette sur sa gorge, il savait pas pourquoi. Il savait pas pourquoi, il se sentait d’un coup bouleversé. Il ne doutait pas que Toad avait dû voir pire, il y a toujours pire. Il y a des voyous de la pire espèce partout, y compris à Savannah. Mais voilà, lui il avait pas fait exprès. Elle était passée sous le train. Elle avait glissé. Non. C’est faux. On l’avait poussé. Tout le déroulement de la journée les avait conduits à ce moment, où son corps s’était fracassé contre des roues de métal lancées à 200km/h, où son sang avait giclé comme un rideau de pluie chaude. On avait même pas pu reconstituer tous les morceaux. Il y pensait encore des fois, il en faisait des cauchemars, son cerveau faisait des avants/après de son visage qui avait eu droit à une reconstruction approximative, qui ne collait en rien à la réalité. Ses cheveux bruns étaient éparses, sa peau blanche tuméfiée. Wolfgang réprima un tremblement et se concentra sur la gorge de Toad, qu’il continuait d’observer avec l’envie soudaine d’y déposer ses dents. Il se pencha en avant, se rapprochant de lui. « Finalement, ça te va bien les petits habits pastorals. J’espère que t’as rien mis en dessous. » Finit-il par presque murmurer d’un ton amusé alors qu’il souriait de toutes ses dents. « Je suis gay, tu crois que tu pourrais m’aider sur ce sujet ? »

J’me demande pourquoi il a pas encore pris ses jambes à son cou, après mon discours interminable sur les bases de la religion protestante. Je capte pas trop pourquoi il reste là s’il n’y croit pas. C’est pas comme s’il devait faire bonne impression devant moi, je tonds sa pelouse, j’m’en tape de ce qu’il fait de sa vie en dehors, du moment qu’il me paye. Ça me dérange pas de l’aider non plus, j’suis pas de mauvaise volonté, mais j’ai plus le sentiment qu’il se fout de ma gueule et qu’il me prend pas au sérieux. S’il veut rentrer chez lui, j’vais pas le retenir en pleurant, d’autant plus qu’il m’agace pas mal avec son incrédulité. Je lève un sourcil à sa question, sceptique. Certes, c’est le coup classique de tous les non-croyants, et c’est tout à fait légitime de se la poser. Mais il vient pas de me dire que sa mère était hyper religieuse ? Il doit savoir qu’il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, que pour nonante-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance, non ? Fin, la Bible, le texte, il change pas, entre cathos et protestants, alors je vois pas trop comment il a pu ignorer ce détail en ayant une éducation très poussée niveau religion. Ou peut-être que sa mère gardait sa foi pour elle, j’en sais rien. Mais souvent les parents ils aiment bien que leurs gosses fassent pareil qu’eux et ils les traînent à la messe, tout ça, non ? Enfin bref, je suis là pour ça. « Dieu aime tous ses enfants. Ça me paraît difficile de considérer que l’amour universel est quelque chose d’injuste, tu ne crois pas ? Après, concrètement, je pense qu’il y a très peu de personnes absolument mauvaises ou absolument bonnes. Je doute même que ça existe. C’est une vision nuancée de l’humanité, c’est tout. » J’hausse les épaules, peu importe que ça lui convienne ou non, comme je lui ai déjà dit, je ne suis pas là pour le forcer à croire en Dieu et à trouver que la religion c’est cool. C’est vraiment pas une priorité, même si j’avoue, idéalement, j’aimerais bien avoir de nouveaux paroissiens. Mais bon, je suppose que des paroissiens de mauvaise volonté ça sert pas à grand-chose. En tout cas, moi ça me parle grave, ces principes religieux, savoir que tout n’est pas perdu même quand t’as touché le fond. C’est un peu l’histoire de ma vie, l’ex-voyou camé qui se sort du gouffre dans lequel il est tombé par le pouvoir de la foi. Sans la pasteure de la cure de désintox, je serais sans doute pas là aujourd’hui.
Que lui répondre encore ? Il en pose de ces questions. Si j’en ai pas marre d’écouter les autres ? Il est marrant, lui. « Euh, eh bien, comme tu peux le voir, j’ai pas énormément de paroissiens. » Je désigne les bancs vides d’une main désinvolte, un peu blasé par tout ça. On s’y fait, à force. « Du coup ce serait un peu malheureux que j’en aie déjà marre de mon job alors que j’ai pas trop l’occasion de le pratiquer. Non ? » Sérieusement, je pense que Skeeter, le Révérend Torres et le psy de la désintox ont assez supporté mes jérémiades pour dix vies d’affilées, je vais pas en rajouter une couche en recommençant à me plaindre. Et le pire, c’est que je pourrais retourner me plaindre que personne me rembarrerait. Je le sais, et j’ai un peu honte de ça, honte aussi de tout garder pour moi face à Ezra ou Asher, pas foutu de leur expliquer qui je suis vraiment, les saloperies que j’ai faites autrefois et ce que j’espère ne plus jamais être. Je pouvais pas le cacher à Skeeter, elle me connaissait trop bien, et les deux autres, leur métier faisait qu’ils savaient très bien dans quelle situation j’étais. Mais dès que c’est quelqu’un qui a un point de vue un peu innocent sur moi – surtout Ezra, putain – j’arrive pas à en causer, comme si j’voulais pas casser l’image que j’renvoie. Faut dire qu’elle est déjà pas terrible de base, cette image. Perdu dans mes pensées, ses paroles me ramènent sur terre, les sourcils froncés pour tenter de comprendre la transition. N’avoir rien mis en-dessous ? Ce serait crade, non ? On m’a toujours dit que c’était crade de pas porter de sous-vêtements, du coup j’ai arrêté de le faire. Oh, attends, c’était un peu tendancieux, comme remarque, non ? Ça se fait de draguer un pasteur comme ça, chez les jeunes, maintenant ? Où va le monde. « Je ne répondrai pas à cette question », je fais, et j’ai du mal à cacher la grimace perplexe qui veut se glisser sur ma bouche. « Cela te pose un problème d’être gay ? Tu as besoin d’aide pour faire ton coming-out ou quelque chose comme ça ? » Bon, au moins, c’est dans mes cordes, mon église est gay-friendly et je l’ai caché à personne avec le drapeau arc-en-ciel au-dessus de la porte. Mais putain, pour les conseils en coming-out, faut pas que je me fonde sur ma propre expérience. Alors, il se pourrait que ton père essaye de te tuer à coups de chaise, mais à part ça c’est super chouette à faire… Ouais, vaut mieux oublier.

« Euh, eh bien, comme tu peux le voir, j’ai pas énormément de paroissiens. Du coup ce serait un peu malheureux que j’en aie déjà marre de mon job alors que j’ai pas trop l’occasion de le pratiquer. Non ? » Ouai, c’était pas faux. C’était un peu triste d’ailleurs parce que mine de rien, ça avait l’air de vraiment lui tenir à cœur. « Je ne répondrai pas à cette question » Wolfgang eut du mal à contenir une moue déçue, apercevant au passage la grimace qui se reflétait sur le visage de Toad. Sérieux il préférait vraiment l’entendre déblatérer sa vie plutôt que de passer le temps d’une manière plus agréable ? Quoique cela dit, Wolfgang aurait très bien put simplement tourner les talons et se barrer, et le laisser en paix, parce que là il avait juste l’impression d’avoir condamné Toad à faire des heures sup. « Cela te pose un problème d’être gay ? Tu as besoin d’aide pour faire ton coming-out ou quelque chose comme ça ? » Le blond se réinstalla dans sa chaise, enfonçant ses mains dans ses poches. Bon. S’il tenait vraiment à éclaircir ce point… Il allait falloir que Wolf pense à lui glisser un petit billet en partant, parce que son sang froid était vraiment à la fois impressionnant et appréciable. « J’ai effectivement quelques soucis avec ma famille à ce sujet… » Normal. Qui n’en aurait pas ? ça existe les parents ouverts d’esprits sur ce sujet ? ça marche toujours quand c’est les gosses des autres mais jamais quand c’est les siens, bizarrement. « Mais pour ça je pense qu’un psy serait plus à même de donner des réponses que toi, sans vouloir t’offenser… » Il soupira et se frotta le visage, se mordillant la lèvre inférieure. Ce n’était pas un sujet qu’il aimait aborder. Comme beaucoup d’autres d’ailleurs. « Je m’entends bien avec mes parents, mais c’est un sujet tabou tu vois. On en parle pas, ça n’existe pas. Du coup autant avant je le vivais bien quand ils savaient pas, autant maintenant ça me fait un peu chier. » Termina t’il. « Mais toi t’es gay non ? ça a été avec… tout ça ? » Demanda Wolf en désignant l’ensemble des lieux.

désobligeantes sur le fait que je n’ai pas la tête de l’emploi – sans blague – je devrais pouvoir contenir mes envies de l’éjecter hors de l’église. J’ai un peu du mal à comprendre son obstination, puisqu’apparemment il avait simplement prévu de roupiller sur les bancs de l’église pour faire plaisir à sa maman, pas d’obtenir un quelconque conseil du pasteur, encore moins de la part de son tondeur de pelouse. Mais bon, puisqu’il est là, puisque je suis là, tentons l’expérience, soyons fous. Du moment qu’il se remet pas à me draguer, ça devrait passer. C’est pas qu’il est désagréable à regarder, le garçon, juste que c’est déjà bien assez le bordel comme ça sans que j’couche avec un autre mec dans la sacristie. Je vais m’abstenir pour cette fois, puis il m’a saoulé, alors j’ai pas envie de rentrer dans son jeu. Je suis plutôt fier de ma contenance, d’ailleurs. Un psy ? Bah, il peut aller en thérapie, si ça l’amuse, mais ça fait partie du boulot de pasteur de causer des problèmes de ses paroissiens et de les guider dans leur vie. Ok, je sais pas déceler les maladies mentales, mais y’avait un peu de psychologie à côté des cours de théologie. Il s’agit pas de se contenter de prêcher la bonne parole en récitant des prières apprises par cœur. « Mais les psys ne bossent pas le dimanche matin, alors accouche. » Wolfgang semble beaucoup moins à l’aise, tout à coup, à prendre son temps pour parler, mais il finit par se confier. J’hausse un sourcil perplexe. Ses parents l’ignorent, sérieux ? Font semblant de rien ? C’est toujours mieux qu’une chaise dans la gueule, certes, mais je crois que l’absence de réaction me ferait chier, moi aussi. Même si ça fait moins mal que du chêne massif dans la tronche. « Tu as essayé de leur dire que ça t’attristait, de leur en parler franchement ? Tu as un petit copain que tu aimerais leur présenter, peut-être ? » Ma foi, ça pourrait être utile pour leur ouvrir les yeux, et ils seraient bien obligés d’y faire face, mais j’suppose que s’il m’a fait des avances, doit y’avoir personne de fixe dans sa vie. J’espère en tout cas. La fidélité c’est important. Ah, encore une question sur moi. Faut croire qu’il aime pas causer de lui, mais c’est pas trop le but que je parle de ma vie pendant qu’il écoute gentiment. « Oui. Mon Église accepte que l’on devienne pasteur tout en étant ouvertement homosexuel et j’ai même le droit de célébrer des mariages gays, c’est super non ? » J’hausse les épaules, parce que ça me paraît normal, au fond, j’aurais pas été cherché une congrégation qui préconisait ma castration ou un truc du genre. « Dieu aime tout le monde, même si les gens ont tendance à l’oublier. »