Le casque sur les oreilles, j’attends depuis bien 10 minutes devant le musée, allumant une énième cigarette alors que je regarde distraitement autour de moi. Rez est en retard, ce qui n’est pas pour me surprendre, alors je reste là bien sagement, pianotant distraitement sur mon téléphone en songeant à quel point c’est stupide de le lorgner constamment en espérant que Pixie m’envoie un message. Déjà, elle a pas que ça à foutre et, en plus, faut vraiment que j’arrive à me détacher de ce qui, au final, sera probablement la pire idée du monde. J’aurais jamais dû lui filer mon téléphone en fait, ça m’aurait évité de me prendre la tête pour rien. Je sursaute quand je vois un sms et j’essaie de cacher la pointe de déception en voyant que c’est Rez. Qui en plus ne peut pas venir. Génial.

Bon, je fais quoi moi maintenant ? Je vais voir mon expo tout seul comme un con ? D’un côté, c’est Rokkaku Ayako, je peux pas rater ça, surtout que c’est pas comme si l’expo allait durer des mois. Et de l’autre, j’ai pas envie d’y aller tout seul. Fait chier sérieux, j’aurais mieux fait de rester chez moi, j’aurais pas à me poser cette question. Je grimace en glissant mon téléphone à l’intérieur de ma veste et en montant le son de mon casque, avant d’enfoncer les poings dans mes poches alors que je fais quelques pas, sans bien arriver à me décider. Et me faut bien un petit temps avant de piger qu’on est en train de me parler. Et ce « on » c’est des flics. Deux mecs engoncés dans leur uniforme qui me regarde d’un air mauvais. Et merde, ils vont me reprocher quoi ce coup-ci ? Je sens déjà mes mâchoires se contracter alors que je fais glisser mon casque sur mon cou et que je les fixe, essayant de pas prendre mon air buté habituel. "C’est pour quoi ?" Bon, j’aurais pu faire plus avenant, je sais, mais j’aime pas la façon dont ils me regardent, j’ai le droit de me sentir agressé ou pas ? Je me rends pas compte. « Tes papiers. Et commence pas à faire le mariole avec nous. »

Alors, s’il y a bien un truc que j’ai retenu, c’est de jamais l’ouvrir devant un mec qui a visiblement envie de se faire mousser devant son collègue. Ouais, je sais, si ça se trouve, c’est pas ça du tout. Mais vous voyez une autre raison vous, à ce qu’un flic vienne me demander mes papiers devant un putain de musée ? Alors qu’on est au beau milieu de la journée et qu’il y a personne d’autre ? Remarquez, je dois être le seul à emmerder, ça peut aussi marcher. Donc là, je dois me taire et leur filer ce qu’ils demandent. Je soupire et je commence à chercher dans mes poches, avant de me réaliser que je visualise très bien mon permis de conduire posé sur ma table basse. Oups. "Vous allez rire, je les ai oubliés chez moi…" Tu parles qu’ils vont se marrer. Je leur laisse pas le temps de dire quoi que ce soit que je reprends, essayant de rester aussi cool que possible. "Ecoutez, j’attends quelqu’un, on doit aller voir une expo. Elle devrait pas tarder." Ou pas, d’accord, mais c’est un autre problème, chaque chose en son temps. D’autant que j’aime pas trop le sourire mauvais qui se dessine sur ses lèvres au plus vieux des deux flics. « Genre, un mec comme toi, aller au musée ? Tu vas aussi essayer de nous faire croire que tu sais lire aussi ? Allez, qu’est-ce que tu fous là ? Tu viens vendre de la drogue ? En acheter ? » Okay, ça pue un peu ça. Là, je devrais faire profil bas, baisser la tête et attendre que ça passe. Au pire, j’aurais droit à une balade dans la voiture de flic et après je rentrerais chez moi. Pas comme si c’était pas arrivé une paire de fois ça. Délit de sale gueule, vous connaissez ? Si c’est pas le cas, vous avez bien de la chance, moi, c’est mon lot quotidien. Mais, au lieu de calmer le jeu, je lâche, d’un ton narquois. "C’est pas parce que les seules œuvres d’art que vous voyez sont les peintures des chiottes du mcdo que c’est le cas de tout le monde. Filez-moi une amende ou je sais pas quoi parce que j’ai oublié mes papiers et foutez-moi la paix." Je sais, je sais, j’aurais dû la fermer. D’autant que la suite me plait pas des masses, quand je vois une lueur briller dans les yeux de l’autre flic, celui qui avait encore rien dit. « Hey, t’es un fils Popescu toi non ? » Et merde. "Qu’est-ce que ça peut te foutre ?" Un silence. Ils sont tous les deux figés. « Mauvaise réponse petit con. » Ouais, ça, j’aurais deviné tout seul comme un grand. J’ai pas le temps de répondre quoi que ce soit que je suis déjà plaqué contre le mur, songeant vaguement que je vais probablement passer un mauvais quart d’heure. Journée de merde tiens.

Vous savez ce qui me laisse le plus perplexe ? Non, je ne parle ni de ces gens qui associent des motifs à pois et à rayures, ça c'est scandaleux et on devrait les mettre au bûcher, ni de ces idiotes dont le rire ressemble au cri d'une otarie, ou encore celles qui pensent que manger une pomme les fera maigrir. Soyons sérieux, pour rester canon, il n'y a que trois solutions : ne manger ni gras, ni sucré, faire du sport ou se shooter. Le mieux étant un combo des trois. Bon, personnellement, j'ai une fâcheuse tendance à grignoter le soir devant un film ou mon ordinateur en mode Pixie, donc c'est raté. Mais je me rattrape sur le reste. Bref ! Tout cela pour dire qu'à l'instant T, je me demande comment fait un bled aussi paumé que Savannah pour attirer des expos aussi cools. Parce que ce n'est pas la première fois qu'un artiste réputé passe par là. Certes, la proximité d'Atlanta peut jouer, mais normalement, tout devrait se passer là-bas non ? Et encore, ce n'est pas une ville de folie non plus... Je sais, je ne vais pas me plaindre, c'est encore plus simple quand c'est ici. Même si voyager ne me pose pas vraiment de problème, bien au contraire. Ça fait un moment non d'ailleurs que je ne suis pas partie. Trop longtemps à mon goût même, peut-être que je devrais m'organiser un voyage à Madrid ou Milan... Pour la prochaine saison des défilés tiens. Ou New York, histoire d'avoir des fringues potables et de profiter un peu de la civilisation... Enfin, ce n'est pas pour tout de suite, même si en l'occurrence, j'aurais carrément plus le temps maintenant que les cours sont terminés. Je verrais. Je m'égare un peu là non ?

Je sors de ma voiture et réajuste ma jupe, lissant le tissu en me regardant dans la vitrine d'une boutique. Et je dois avouer que je suis magnifique. Cette minijupe taille haute Gucci à motif vichy avec les escarpins nude Dior me font des jambes à tomber, sans parler que j'ai d'un coup 10 cm en plus, et la petite veste rose cintrée Chanel est vraiment hyper classe. Je me mets les lunettes de soleil sur le nez et attrape mon sac à main rose, Chanel évidemment, avant de fermer la voiture. Oui, les gens diront qu'il ne faut pas accorder de l'importance aux marques et ne pas être aussi superficielle, qu'il y a plus important, blablabla... Je précise : les gens pauvres le diront. Parce qu'on est d'accord, l'argent dirige le monde et il n'y a rien de mieux pour montrer qui vous êtes. Les gens sont jaloux et envieux, c'est moche. Et ils ne cesseront de se montrer désagréables quand vous avez ce qu'ils ne peuvent avoir. Et j'adore ça. Pouvoir les remettre à leur place, les snober, je trouve ça terriblement amusant. Enfin à petite dose. Je trouve les gens ennuyants et lassants la majeure partie du temps.

Et c'est bien pour cette raison que je n'ai proposé à personne de m'accompagner. Parce que je n'aurais pas pu profiter de cette expo, ils m'auraient tous gâcher la visite avec leurs commentaires stupides et autres remarques déplacées. Je monte quelques marches menant au musée, tournant la tête en finissant ma cigarette. Je hausse un sourcil en voyant les deux flics. Pourquoi faut-il qu'il y ait toujours des abrutis qui jouent au con ? Je tire une taffe et penche un peu la tête sur le côté, les yeux plissés, en soufflant la fumée. Merde. Je le connais lui. C'est le connard de l'autre nuit. Oui, l'homme des cavernes qui s'est révélé être un super coup. Quand je disais que c'était un cassos... Je grimace un peu malgré moi quand il se fait plaquer contre le mur par un des flics. Ça a dû faire mal. Mais bon, ce n'est pas vraiment mon problème, on est bien d'accord. Je jette ma clope d'une pichenette et finis de grimper les dernières marches, avant de m'arrêter, la main sur la poignée de la porte. Ma bonté me perdra.
Je soupire, secouant la tête, et fais demi-tour, mes talons claquant et résonnant  contre les murs qui nous entourent, alors que déjà je rallume une clope. A défaut de pouvoir reprendre une dose, je fais ce que je peux... Tant qu'ils me font pas chier, parce que bon, la dernière doit dater de moins d'une heure et c'est sans doute pour ça que j'ai la foi de jouer Mère Thérésa. Ça et pour que j'arrête de me sentir redevable envers lui, parce qu'il m'a sorti d'un mauvais pas. C'est horrible comme sensation, ce sentiment... de devoir être reconnaissant, je déteste ça. Surtout envers ce genre de mecs.

« Excusez-moi. » J'attends qu'ils se tournent vers moi et j'ai un sourire qui n'atteint pas mes yeux, mais on s'en fout, mes lunettes le cachent. « Bonjour Messieurs les agents. Il y a un problème ? »

Oui, je suis aimable, polie et souriante. Ils me regardent de bas en haut, et je n'aime pas plus ce que je vois dans leur regard maintenant, du style du dédain, que juste avant quand ils le regardaient lui. Quoiqu'il y a aussi autre chose, que j'aime bien plus. Genre un "oh putain, une gamine de riche qui va nous faire chier, mais elle on peut pas l'éclater contre le mur". Qui n'aimerait pas cela ? Être assez importante pour faire hésiter quiconque, sans même qu'ils ne sachent qui je suis. Juste parce qu'ils voient les insignes Chanel et Gucci. Les gens sont si prévisibles...

« Tout va bien Mademoiselle, vous devriez vous éloigner, nous contrôlons la situation. »

Je relève mes lunettes en les plaçant sur mon front, et je hausse un sourcil, mon visage se faisant hautain. S'ils pensent pouvoir me juger et avoir le dessus parce que ce sont des flics, ils se trompent et pas qu'un peu. Je regarde Truc qui est toujours maintenu contre le mur par l'autre flic.

« On peut les accompagner au poste, on sera sur place pour porter plainte pour coups et blessures volontaires, ainsi que pour délit de faciès. On pourra toujours revenir demain pour voir l'exposition. Une discrimination et un délit, je suis persuadée que Maître Powell se fera une joie de poursuivre la police de Savannah et de faire la une des journaux... Qu'en penses-tu chéri ? »

J'ai un léger sourire alors que je le regarde toujours, et je les vois se regarder du coin de l’œil. D'accord, je m'amuse un peu à les voir hésiter et reprendre avec plus de précaution.

« … Vous le connaissez ? »

« J'ai une tête à jouer au bon samaritain ? Évidemment que je le connais. Nous attendons l'exposition de Rokkaku Ayako depuis des semaines, au minimum, et je n'ai aucune envie de la voir seule. Pourriez-vous relâcher mon ami maintenant ? Je vous en serais vraiment reconnaissante. Et cela m'éviterait de perdre du temps en paperasse inutile. A moins que vous n'ayez une raison particulière de le retenir ? »

Celui qui le maintenait contre le mur le relâche lentement, sans perdre pour autant son regard méfiant, alors que l'autre reprend tout aussi aimable.

« C'est un Popescu, de la mauvaise graine. Il a pas ses papiers. Je sais pas à quoi vous jouez, mais me faites pas croire que vous le connaissez. »

Hé comme quoi j'avais raison. C'est un cassos, et pas qu'un peu. Mais ils m'ont saoulé, même si je ne sais pas trop pourquoi. Sans doute parce qu'ils ne m'écoutent pas assez. Je fais un pas vers Truc, passe ma main derrière sa nuque et l'embrasse sans retenue, ma langue allant chercher la sienne. Je souris contre ses lèvres, avant de me tourner de nouveau vers les flics, une main toujours sur son torse.

« Autre chose ? Vu qu'en plus vous savez visiblement déjà comment il s'appelle... »

Ils grimacent et se lancent un coup d’œil. Oh seigneur ! Cassez-vous...

Quand je vous le disais que c’était vraiment une journée de merde ? L’espace d’un instant, je me dis que ça pourrait difficilement être pire et c’est le moment que choisit Barbie pétasse pour faire son entrée. Sérieusement ? C’était quoi la probabilité pour qu’elle débarque comme ça, puant le fric à des kilomètres et avec son air suffisant qui me donne déjà envie de la claquer ? J’attends le moment où elle va se foutre de moi et se tirer, m’étonnerait qu’elle fasse quoi que ce soit d’autre. Remarquez, elle peut en rajouter une couche et dire que je l’ai agressée, ce serait pas totalement impossible. Alors je me fige totalement, ignorant royalement la pression de ce connard sur ma trachée. Je vais quand même commencer à avoir du mal à respirer s’il continue à vouloir faire dans l’excès de zèle là. Mes mâchoires se crispent quand le flic dit qu’ils contrôlent la situation. Tu parles qu’ils contrôlent ces connards, ça doit les éclater de me plaquer contre un mur alors que j’ai juste le malheur d’exister. Le pire, c’est que je sais bien que je devrais la fermer, que ça fera qu’aggraver mon cas alors que, de base, j’avais rien fait du tout. Juste avoir la prétention de faire autre chose que de trainer comme la mauvaise graine que je suis. C’est quand même pas de bol. Je jette un regard noir en direction de Barbie pétasse avant de me faire incrédule. Elle raconte quoi là ? Elle est vraiment en train de tenter de me sauver la mise ? Sans déconner ? Ah merde, va falloir que je revoie ma partition là. Pour le coup, je m’y attendais vraiment pas et visiblement, les deux autres non plus. Le connard relâche d’ailleurs un peu la pression et je prends une longue goulée d’air avant qu’il pose de nouveau sa main sur mon plexus en agitant l’index. « Teuh teuh teuh, tu bouges pas Popescu. »

Et, pendant que je lui jette un énième regard noir, elle continue de papoter avec l’autre type, comme si de rien était. Putain, elle va voir l’expo. A quel point je peux dire que j’ai du bol pour le coup ? Même si ouais, j’aurais préféré quelqu’un d’autre. Enfin, là au moins, je sais que j’aurais pas à me battre et que je devrais pas finir au trou. Ce qui aurait ptet pas été le cas avec d’autres. J’inspire alors qu’il me relâche et je hoche la tête, comme pour confirmer ses propos. "Qu’est-ce que je vous disais rapport à l’expo ?" Et merde, voilà qu’ils en rajoutent une couche. Je t’en foutrais de la mauvaise graine tiens. Et après ils se demandent pourquoi ça se passe jamais bien avec nous. S’ils nous laissaient une chance, ça irait probablement mieux. Mais non, direct à la poubelle. Irrécupérable la fratrie Popescu. Qu’ils aillent tous se faire foutre tiens. Evidemment, ils croient pas un mot de ce qu’elle raconte, comment un mec comme moi pourrait serrer une fille pareille. S’ils savaient ce que j’ai pu lui faire, ils en tireraient une de ces gueules. D’ailleurs, on dirait qu’elle a la même idée que moi vu qu’elle vient me rouler la pelle du siècle, devant leurs regards ébahis rappelant vaguement des poissons morts. Je songe à peine à lui rendre son baiser tellement je suis sur le cul, j’avoue, mais je me passe la langue sur les lèvres, avec un sourire satisfait entièrement destiné aux flics, posant ma main sur celle de Barbie pétasse alors qu’elle leur balance une nouvelle vacherie à la gueule. Ca va marcher ou pas ?

« Arrête gamine. Va pas me faire croire que tu fricotes avec un de ces types-là. T’es pas crédible. C’est ton dealeur, c’est ça ? Tu sais que c’est interdit de faire ce genre de trafic hien. » Ah bah ça marche pas terrible donc. Remarquez, l’autre a pas l’air aussi assuré que le connard qui me jette un énième regard mauvais et qui se demande probablement dans quelle cellule obscure il va me balancer. Et je lâche, sans réfléchir, parce que je suis quand même un peu con. "C’est par parce que tu baises une truie que je suis obligé de faire pareil. Pas ma faute si t’as moins la cote que moi monsieur l’agent, sois pas jaloux." Oui, oui, je sais, c’était probablement la deuxième pire chose à dire en cet instant précis. La première étant un truc en lien avec sa mère probablement. Elle venait de calmer le jeu et je balance de l’huile sur le feu, tout ça tout ça. Mais merde quoi, j’en peux plus de ces connards qui me donnent l’impression que ma vie vaut moins que la leur parce que je suis pas né dans la bonne famille. C’est bon, j’ai assez donné non ? J’en prends plein la gueule alors que je fais même pas de conneries, enfin pas plus que la normale quoi. Alors ouais, le baisse les yeux et attends que ça passe, ça va deux minutes. J’ai un soupir en voyant le sourire de l’autre disparaitre à la seconde où j’ai parlé et je cherche même pas à comprendre quand je me retrouve de nouveau plaqué contre le mur, mon visage heurtant le béton alors que je lâche vaguement un "hééé doucement !" Il commence déjà à me faire les poches et je grimace quand j’entends le bruit de mon mp3 qui tombe au sol et qu’il écrase joyeusement. « Oups, je suis maladroit. » Je serais pas aussi énervé, j’aurais presque un regard désolé en direction de Barbie pétasse qui va devoir se farcir l’autre flic qui commence déjà à ouvrir son sac. Mais là, je me concentre juste pour pas cogner le mec qui me fait les poches et appuie bien mon visage contre le mur. Quelle merde sérieux.

J'aurais pu, j'aurais dû passer ma route. C'est ce que je me dis alors qu'il me lance son regard méprisant. Mais de quel droit il me regarde comme ça ? Dire que j'attends cette foutue exposition depuis des lustres, pourquoi je me casse le cul pour lui ?... Oui, je sais. Pour remettre les compteurs à zéro. Et parce que je suis un peu défoncée. Je sais, j'aurais sans doute dû dire que je n'aime pas l'injustice et les préjugés en tout genre. Mais ce serait des conneries. En soi, je n'en ai absolument rien à foute qu'il se fasse emmerder par les flics. J'ai parfois juste des élans qui me surprennent moi-même. Ouais, papa et maman seraient fiers de moi, ça me fait une belle jambe. Si j'étais tout à fait sincère avec moi, je dirais que c'est effectivement le cas, qu'on m'a appris à protéger et être utile, blablabla... ça ramène jamais rien de bon d'être gentil, je l'ai acté y a un certain temps déjà ça. Par contre, c'est divertissant un peu de pouvoir emmerder gentiment des flics, non ? Ils semblent pas d'accord, mais le contraire serait étonnant.

Je plisse les yeux quand le flic qui le maintient contre le mur reprend sa position, jetant un coup d’œil au cassos. S'il a l'air aussi étonné, ça ne risque pas de marcher des masses. Pourtant, il finit par le relâcher pour de bon alors que je parle de l'exposition. Ce qu'il disait ? Merde, c'est ce qu'il leur a sorti comme connerie en plus ? Oui, bon, c'est peut-être possible, qu'il aille la voir. Il en avait parlé non, alors qu'on parlait peinture ? J'ai une bonne mémoire, même pour les trucs comme ça oui... Enfin, quand je suis clean du moins. Et puis ce n'est pas tous les jours qu'on arrive à me surprendre autant que lui j'avoue.
Mais comme ce n'est jamais aussi facile que ce qu'il paraît, ils insistent et en rajoutent. A quel moment c'est censé commencer à m'énerver pour de bon ? Et oui, je suis un peu déçue qu'il ne m'embrasse pas en retour, pas vraiment, pas autant que dans son appart. En même temps, ce serait un peu tendu devant les flics je pense, faut pas trop pousser.

Ah mais les relous quoi. Merde. Lui, il deale ? Ils se foutent de moi ? Ils ne savent pas reconnaître ce genre de mecs ou quoi ? Bon, d'accord, je suis plutôt bien placée pour savoir ça... Mais j'apprécie encore moins qu'il m'accuse de mentir et de me droguer, quand bien même il a raison sur tout. Question de principe. Et je ferme les yeux alors que Truc Popescu donc lui répond. Mais quel abruti. Quel sale con. Je le fusille du regard alors que ma mâchoire se crispe. Oui, bon, c'était bien trouvé, je peux comprendre, et je réprime le léger sourire qui me vient malgré tout.
Je soupire profondément quand il se fait à nouveau éclater contre le mur. Pour le coup, il l'a cherché, mais quand même. C'est quoi leur problème ?  

« Ça, ce n'était vraiment pas intelligent, chéri. Et sa pauvre femme n'a rien demandé. » J'insiste un peu sur le chéri, parce que merde, je me casse le cul pour lui, et ce boulet joue au plus con avec les flics. « Quant à un de ces types-là, comme vous dites, je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous entendez par là. Et je ne vous permets ni de m'appeler gamine, ni de me tutoyer. Pas si vous voulez que je reste polie de... »

… mon côté. Sauf que la fin de ma phrase meurt sur mes lèvres quand ce fils d’empaffé me prend mon sac à main pour fouiller dedans. D'accord, s'il veut jouer, on va jouer.

« Étant donné que ce sac doit valoir à minima trois mois de votre salaire, j'en prendrais soin à votre place. Comme de tout ce qu'il contient. » Il me pointe du doigt et secoue la tête. « T'es suspectée de trafic de drogue, je serai toi, j'arrêterai de jouer la gentille fille et de jouer les emmerdeuse.
… Oooh ! Ça fait une jolie somme ça ! Ça fait beaucoup de liquide non ? »

Il sort l'argent avec un sourire victorieux à la con, et fait tomber mon portefeuille en même temps. J'inspire lentement. Il me regarde, avant de se pencher pour le ramasser, sortant mon permis et de le regarder distraitement. Et là, je sais. Je le vois dans son regard. Une légère ombre et une infime hésitation. Mon sourcil se lève. Savoir qu'on a encore gagné, c'est décidément beaucoup trop agréable. Il me regarde, regarde son collègue, et reporte à nouveau son attention sur moi, incertain, hésitant, presque bégayant.

« Charbonneau... Vous êtes Mademoiselle Charbonneau ?... Charbonneau comme... » Je le coupe et reprend mon permis d'un geste sec. « Non, ne pensez même pas à faire un jeu de mots sur mon nom, on m'a déjà tout fait. Charbonneau rime avec jambonneau, j'ai de jolis cuissots et au final, c'est lui qui couche avec une truie. » Je vois une étincelle de colère revenir dans ses yeux, mais mon ton se durcit et mon visage se fait encore plus froid. « Charbonneau comme la famille qui fait des donations non négligeables à la police de Savannah chaque année, Charbonneau comme le nom de l'aile de chirurgie de l'hôpital de la ville, Charbonneau comme la multinationale oui.
Pourriez-vous à présent me rendre mes biens et relâcher mon ami ici présent avant que mon envie de vous faire muter à la circulation ne se transforme en envie de procès en bonne et due forme ? » Il blanchit. « Ou comptez-vous nous inculpez pour des faits imaginaires ? »

Il fait un geste et son collègue recule d'un pas. Bien, au moins peut-il respirer à nouveau maintenant. Il range tout dans mon sac avant de me le tendre et de toussoter.

« Désolé... Mademoiselle Charbonneau. Procédure de routine, vous comprenez ? C'était pas... Désolés. »

J'attrape mon sac, le remet sur mon épaule, et fais un pas, pour attraper le bras de Truc. Je dévisage les deux flics, avec l'air le plus hautain et le plus froid que je puisse avoir. Et je me débrouille pas mal dans le genre oui. Je désigne le MP3 démoli à terre alors que j'enregistre distraitement leur numéro de matricule sur mon téléphone.

« Nous passerons porter plainte pour ceci tout à l'heure. En attendant, je suis persuadée que mon ami aimerait lui aussi recevoir des excuses de votre part pour cette terrible méprise et pour la violence dont il a été victime. »

Je les fixe à tour de rôle, mon téléphone en main, attendant ostensiblement qu'ils réagissent. Leurs mâchoires se crispent et celui qui le maintenait contre le mur s'apprête à protester, avant de s'arrêter sur un regard de son collègue.

« Désolé. 'voulais pas. » Je penche la tête sur le côté. Si ça ce n'est pas de la mauvaise volonté. « Nous sommes désolés d'avoir agir trop brusquement. Veuillez accepter nos excuses... Monsieur Popescu. »

Ah. Mieux. Je regarde ledit sieur Popescu en haussant un sourcil, attendant de voir si ça lui suffit ou pas. Ils m'ont énervés, et pas qu'un peu, mais dans l'absolu c'est lui qui s'est fait écraser la gueule, donc bon, c'est son problème...

Je suppose que je devrais être content qu’elle vienne me filer un coup de main. Pire encore, je devrais lui en être reconnaissant. Et je vous jure qu’une part de moi l’est vraiment. Je veux dire, elle était pas obligée de le faire et tout, même si j’imagine que dans sa petite tête de pétasse, elle va se sentir tellement supérieure à moi une fois qu’elle m’aura tiré de là. Mais en fait, tout ce que je pourrais éprouver vis-à-vis d’elle se retrouve noyé face à cette haine presque viscérale que j’éprouve face à ces flics. Ca fait des années que ça dure, des années que je fais mine de pas m’en préoccuper, de faire avec. Comme si ça me touchait pas vraiment, comme si je me disais pas qu’au final, quoi que je puisse faire, ce sera foutu d’avance. Alors ouais, je devrais la fermer, entrer dans son jeu pour me sortir de là, mais je peux. J’y arrive pas. Et je sais pas si elle peut voir tout ça dans mes yeux ou pas, si elle voit bien que si je suis pas aussi conciliant que je devrais, c’est pas contre elle. Mais dans le fond, je m’en fous un peu. Pas comme si ça allait changer quelque chose de toute façon.

Pourtant, elle continue, elle essaie de m’aider. Je crois. Je saurais pas dire pourquoi mais au moins je peux lui reconnaitre ça. Alors j’inspire, autant que je peux vu que j’ai quand même un peu de mal à respirer et je rétorque, d’une voix un peu étouffée. "C’est pas ma faute chérie. Avec toi en point de comparaison, toutes les femmes sont des truies." Voilà, c’est mieux non ? Bon, pas vraiment, vu qu’ils commencent à s’en prendre à elle. Et j’avoue, je regarde la suite des évènements un rien perplexe, pour pas dire carrément sur le cul. Par contre, même si fondamentalement, je me cogne de ce qui peut lui arriver, je me débats quand le flic commence à fouiller dans son sac. "Hey, tu la touches p…" J’ai pas le temps de finir ma phrase que je suis de nouveau écrasé. Super, on en reparlera de la liberté d’expression ou des merdes dans le genre hein. Je tique à peine quand il sort la liasse de billets, me rappelant vaguement que, si ça se trouve, elle était vraiment partie se chercher de quoi se défoncer. Vu l’état dans lequel je l’ai retrouvée l’autre jour, ce serait pas totalement déconnant. Je commence à me dire qu’on est quand même sacrément dans la merde quand là, le retournement de situation est digne des meilleurs films d’Hollywood.

Charbonneau… ça me dit vaguement quelque chose ouais. Et vu comment le flic se met à bégayer, lui aussi on dirait. Je laisse filer un ricanement quand elle parle de jambonneau même si je me dis que j’aimerais pas être à la place du mec qu’elle est en train de démonter sur place. Je savais qu’elle avait du cran Barbie pétasse mais là, j’avoue que je trouve ça plutôt cool. Surtout que ça m’aide carrément alors que je sens la pression du flic se relâcher enfin. Je me masse la gorge avec une grimace avant de me faire attraper le bras par Mademoiselle Charbonneau donc. Et je marmonne, pendant qu’elle les fixe de son air hautain. "Procédure de routine ouais… tu parles…" Je sais pas s’ils m’ont entendu mais de toute façon, ils se sentent tellement merdeux face à la Princesse qu’ils font presque plus gaffe à moi. Je me fige quand elle leur dit de me présenter des excuses, retenant un rire mauvais. Genre, ils vont s’excuser de se comporter comme d’habitude, mon cul ouais. Je vois bien qu’ils ont pas la moindre envie de le faire et je sens mes mâchoires se contracter une fois de plus alors que mon regard se perd dans le vide. Comment vous voulez qu’on soit autre chose que de la mauvaise graine quand on voit ça ? Ma main posée sur le bras de Barbie pétasse se crispe et je me contente de hausser les épaules, inspirant longuement, comme pour éviter de les envoyer chier une fois de plus. "Ouais, ouais excuses acceptées." Et tirez-vous maintenant, foutez-moi la paix, oubliez mon existence, ce serait chouette. On dirait qu’ils lisent dans mes pensées parce que j’ai à peine le temps de battre des cils qu’ils sont en train de se barrer. Et je relâche ma sauveuse pour ramasser mon mp3, la mine déconfite. "Fais chier…"

Je le glisse dans la poche de ma veste avant de reporter mon attention sur la blonde, à qui je lâche, tout en essayant de retrouver un semblant de calme. "Merci. T’étais pas obligée et… bref. Merci donc." Même si j’aurais préféré qu’elle ait pas besoin d’intervenir et j’aurais bien aimé que ce soit pas parce que c’est vraiment une ponte qu’on se sorte de là. Tu parles de foutus préjugés. J’ai quand même une ombre de sourire alors que je lui jette un regard en coin. "Alors comme ça, t’es une vraie princesse en fait, c’était pas des conneries." Remarquez, y a qu’à voir la façon dont elle est fringuée. Rien que son sac à mains doit valoir trois ou quatre mois de salaire. Et je parle même pas du reste. Elle pue tellement le fric que j’arrive même pas à trouver cette mini-jupe sexy, c’est dire.

Durant un instant, je peux comprendre sa réaction face aux flics. En même temps, ils n’y vont pas de main morte, ce serait compliqué de faire autrement que de les envoyer se faire foutre. Bon, de mon côté, j’ai rarement ce genre de problème. Jamais en fait pour être sincère. Mais hé, je suis riche, blonde, mince et sexy, comment je pourrais avoir affaire à eux ? C’est bon, je plaisante, je ne suis pas si stupide. J’ai de la chance, beaucoup de chance, et visiblement ce n’est pas son cas à lui. Et vu le regard qu’il me lance, c’est loin d’être la première fois qu’il se fait autant emmerder. Et non, je sais, ce n’est pas contre moi qu’il est autant en rogne pour le coup. Heureusement, parce qu’il fait encore plus peur que la fois où j’ai eu le malheur de parler un peu de sa famille. Mais ça, les flics s’en foutent comme de l’an 40, vu que ce sont eux qui sont en position de force. Et que techniquement ils ont la loi de leur côté ouais. Mais pour autant, ça ne leur donne pas le droit d’agir comme ça pas vrai ? Je veux dire, visiblement, il n’a rien fait et c’est juste sa gueule qui ne leur revient pas. Elle est pas si mal pourtant… Ouais, bon, je sais, je ne suis pas censée m’intéresser aux problèmes des autres, encore moins les défendre ou intercéder en leur faveur. Ça ne colle pas trop avec… moi. Et en général, je ne le fais pas, parce que je m’en fous. Sauf que lui…
Je le fixe un instant, un léger sourire en coin aux lèvres.

« C’est la chose la plus mignonne que tu ne m’aies jamais dite trésor ! »

Avec l’intonation, on pourrait presque y croire. Si ce n’était pas aussi nul. Enfin, c’est vrai, je suis sans doute plus jolie et plus classe que n’importe laquelle des nanas qu’il a pu se taper, mais tu parles d’un compliment… Et puis franchement, ce n’est pas ce qui me préoccupe le plus. Dans l’immédiat, ces gentils flics commencent à réellement me taper sur le système alors que l’un des deux s’empare de mon sac comme s’il était tombé sur la trouvaille du siècle. Abruti. Je jette à peine un coup d’œil à Truc quand il proteste, ou qu’il tente du moins, l’intention y était, et je reste concentrée sur le flic en face de moi, qui commence visiblement à se rendre compte du merdier dans lequel il a mis les pieds. Parce que clairement, entre lui et moi, ce n’est pas moi qui aurait des problèmes. Et je crois qu’il commence à s’en rendre compte. Mais c’est trop tard. Et je ne vais certainement pas m’arrêter maintenant alors que j’ai le plaisir de le voir changer de couleur et que l’autre finit par relâcher Truc.
Et je me trouve vraiment hyper calme et raisonnable. Je le sens se raidir, mais ça ne m’empêche pas de continuer. Faut pas déconner, je ne peux pas faire grand-chose pour le moment, alors les fusiller du regard et les remettre à leur place, c’est le minimum. Je me fige un peu à mon tour quand sa main se crispe sur moi, me retenant de peu de le regarder. Ouais, bah ça va, ils s’excusent, ce n’est déjà pas si mal, même si ça enlève rien de ce qu’ils ont fait. Et que j’irai sans doute porter plainte, avec ou sans lui. Je ne bouge pas tant qu’ils sont encore là, et je finis par me tourner vers lui. Je hausse les épaules quand il ramasse son lecteur.

« Ça va, c’est qu’un mp3. Et ils te le rembourseront alors pleure pas. »

Je le fixe un instant, avant de relever mes lunettes sur ma tête.

« Non, je n’étais pas obligée. Mais on est quitte maintenant… Et de rien donc. »

Je plisse les yeux et ma mâchoire se crispe sensiblement. Et voilà. Tu crois que le jouet est cassé ? Ce serait dommage, le seul truc qu’il avait d’intéressant était de pas se comporter comme les autres avec moi. Ça et son sourire. Et que c’est un super coup au lit. Hum. Pas si mal donc. Je sais, j’ai suffisamment pesté contre lui, quand il s’est comporté comme un connard avec moi. Mais au final, j’ai toujours eu un petit faible pour les emmerdeurs non ? Y a qu’à voir Glenn. Donc ça fait chier. J’ai un sourire en coin.

« Oui, une vraie de vraie, comme dans les contes de fées ! Le matin, j’ai des oiseaux qui m’aident à me coiffer, je chante avec les arbres et je pète des paillettes. »

J’inspire profondément, avant de désigner le musée.

« Pas que je m’ennuie avec toi, mais j’avais prévu de voir l’expo. »

Je monte quelques marches, avant de m’arrêter et de me tourner vers lui.

« Tu comptais vraiment y aller où c’était du pipeau pour les faire partir ?... Enfin, je me doute qu’un Popescu ne veut pas trop être vu en si bonne compagnie, ça ruinerait ta réputation, ce genre de truc, mais vu qu’une princesse ne fréquente habituellement pas les types dans ton genre, on doit être à égalité… » Je hausse un sourcil. « A toi de voir. Moi j’y vais de toute façon. »

Ne me demandez pas, je ne sais pas trop pourquoi je suis presque sympa avec lui. Je reprends ma route et ouvre la porte du musée.

Je me demande à quel point elle doit regretter de s’être arrêtée pour me filer un coup de main. Faut dire que là, ils nous font la totale, j’attends presque le moment où ils vont appeler les renforts ces connards. Alors ouais, forcément la passivité, c’est pas mon délire. Parce que de toute façon, ils trouveront toujours un truc qui leur plait pas, un truc qui cloche. Comme si ça flottait dans l’air tout autour de moi. Je les mets mal à l’aise visiblement, je dois casser le tableau idyllique qu’ils ont de Savannah et ils se disent peut-être qu’à force de m’emmerder, je vais disparaitre. Des fois, j’aimerais bien, ils ont pas idée à quel point. Mais ça passe et je continue de m’accrocher. Malgré eux, malgré moi, malgré toutes ces merdes qui tombent sur mes épaules à chaque fois. Un jour je me dis que je vais tomber et que j’arriverais pas à me relever. Et puis, après, je me demande si ce serait si grave que ça. J’arrive quand même à me reconnecter un minimum, au moins pour pas qu’elle s’enfonce tout seul dans son petit jeu. Et elle arrive même à me décocher une ombre de sourire, surtout quand on pense à ce que j’ai pu lui dire la seule fois où on s’est vus. "Mais je le pense ma petite caille."

Le pire, c’est que c’est pas tout à fait faux et que, jusqu’à présent, elle reste le meilleur coup que j’ai eu dans mon plumard. Et physiquement… ouais elle est juste parfaitement mon type. Sans ses fringues qui coûtent un bras évidemment. Et encore, ça dépend du bras. Bref, j’ai pas vraiment le temps de penser à ça que ça s’enchaine un peu vite. Ils commencent à l’emmerder mais le retour de bâton est pour le moins intéressant. Et, contre toute attente, enfin la mienne surtout, ils finissent par se tirer. J’ai un profond soupir alors que j’examine les dégâts. Matériels s’entend. Je sens ma joue qui me brûle mais fondamentalement, je m’en fous. J’ai connu tellement pire que ça, c’est rien du tout. J’arque un sourcil dans sa direction avant de souffler, avec mon élégance habituelle. "Mon cul ouais. J’aurais déjà du bol si je me prends pas un retour de flamme et si j’ai pas droit à une descente pour qu’ils retournent mon appart sous je sais pas quel prétexte bidon. Mais ouais, c’est juste un mp3. Je m’en sors bien." Dans combien de jours ils vont me tomber dessus ? Quatre ? Cinq ? Le temps qu’ils savent à quel Popescu ils ont à faire donc.

"Ouais on est quitte. Enfin, j’espère qu’ils comptaient pas jouer avec moi comme les autres voulaient le faire avec toi. Je sais que je suis mignon mais quand même…" Je grimace avant de secouer la tête, essayant de retrouver un semblant de contenance. Même si ouais, je suis toujours furieux. Oh, pas contre elle pour le coup, même si je sais pas trop quoi faire de cette espèce de gratitude que j’ai envers elle. Je laisse filer un rire à sa réplique et je secoue la tête en me penchant vers elle. "Vu la nuit que t’as passé chez moi, je peux t’affirmer que je sais que tu pètes pas des paillettes Princesse, désolé de te l’apprendre." Ouais, je pense que ça, c’est pire que l’épisode cellulite. "Mais je veux bien te voir chanter avec les arbres, ce serait déconne." J’ai même pas le temps d’ajouter quoi que ce soit qu’elle s’éloigne en direction du musée. Et je me fige un instant, sans bien savoir quoi faire. Evidemment que j’ai envie de la voir cette foutue expo. C’est le dernier jour en plus. Ca me ferait chier qu’ils me bousillent le reste de la journée. Mais le faire avec elle ? Je sais pas. Ce serait bizarre non ? Remarquez, elle connait son sujet. Ou en tout cas, si c’est pas le cas, elle fera super bien semblant je parie. Alors j’inspire et je lâche, d’un ton neutre.

"Je comptais effectivement y aller. Mais ma frangine m’a planté. Et qu’est-ce que tu connais de la réputation des Popescu Princesse ? C’est toi qui va tout foutre en l’air. Remarque, t’en as qui pourraient croire que je suis ton gigolo. Ou ton animal de compagnie. Tiens, d’ailleurs, ça m’étonne que t’aies pas un des affreux petits clébards là qu’on range dans un sac Prada et qui ressemble à un rat en plus moche. Tu pètes tous mes clichés sur les Princesses du sud là. Tu devrais avoir honte." Je la rejoins et j’ajoute, d’un ton amusé presque naturel alors que je pose ma main sur la porte d’entrée du musée Et sur la sienne accessoirement. "Faut que je te tienne les portes en faisant la révérence ou pas ? Je me rends pas compte." Bon, on va donc essayer d’oublier ces connards cinq minutes. Ce serait cool. Même si ouais, c’est pas gagné, je sais. Et en attendant, continuer à faire semblant, comme d'habitude.

On pourra dire ce qu’on voudra, j’ai la preuve par A plus B que non seulement ça m’arrive d’être sympa, mais surtout qu’être sympa, ça ne sert à rien. Ça ne fait qu’amener des emmerdes et des complications, même si je sais bien que je n’aurais pas réellement de problèmes de mon côté c’est vrai. Et oui, je sais, ce n’est pas vraiment inutile. Les bonnes actions, les bonnes causes, ça fait du bien et à l’image et au moral. Même si là, je cherche encore ce que ça pourrait amener de bien à mon image. Pas grand-chose je le crains. Quant au moral… oui, ça m’amuse un peu de faire tourner ces flics en bourrique. Oui, je remets les compteurs à zéro avec lui. Oui, il s’était révélé plus intéressant qu’il n’y parait. Et oui, c’est un moyen plutôt efficace de me changer les idées et de moins m’ennuyer durant quelques instants. Quand bien même, Truc ne m’aide pas beaucoup, au contraire. Je lui jette un regard hésitant entre l’amusement et la réprimande alors qu’il me répond. Ma petite caille ? Ayez pitié de lui et faite qu’il ne drague pas comme ça pour de vrai… non mais c’est bon, je sais qu’il ne me drague pas, heureusement, mais franchement, personne ne peut appeler sa copine comme ça pas vrai ? Enfin, ce n’est pas comme si j’avais vraiment le temps de m’appesantir sur la question, vu que les flics enchaînent et en rajoutent. Qu’ils s’amusent donc. Sauf que je n’avais pas prévu non plus qu’il irait jusqu’à me fouiller moi. Non mais sérieusement, j’ai une tête à supporter d’être fouillée comme ça sans raison ? Lui non plus remarque il n’a pas vraiment l’air de le supporter vu son regard, même s’il semble avoir vachement plus l’habitude on est d’accord. Au final, comme d’habitude, je finis par gagner, si l’on peut dire, et ces abrutis se barrent en s’excusant. Je hausse un sourcil alors qu’il répond, avant de décider que je m’en cogne. Faut pas pousser, ma gentillesse ne va pas jusqu’à m’inquiéter au après pour lui. Je fronce un peu les sourcils. Genre je lui ai moins sauvé la mise que lui avec moi, c’est ça ? Il rêve là, tout pas content qu’il soit.

« Je suis pas certain que ça aurait été plus sympa pour toi comme type d’amusement. Et ouais, t’es mignon, je suis certaine que certains t’auraient trouvé à leur goût en taule. »

Bon, il n’aurait pas fini en taule, quoiqu’on ne sait jamais parce qu’à les entendre parler, ce n’est pas la première fois que lui et sa famille ont des emmerdes. Et visiblement, ils n’ont pas vraiment tord vu sa capacité à sortir des saloperies. Ma mâchoire se crispe un peu, même si je parviens à garder un léger sourire, un poil narquois.

« Tu sais parler aux filles toi dis donc, un vrai séducteur. C’est tes frangines qui t’ont filé une liste de mots doux à ressortir ou t’as simplement un talent naturel pour te montrer reconnaissant et pour te faire des amis ? »

Sale con. Quoi ? Il va encore s’énerver parce que j’ai eu le malheur de parler de ses sœurs ? Merde, c’est lui qui se comporte en parfait goujat, il n’a pas intérêt. Et pour le coup, je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Pourquoi, à nouveau, je m’arrête et me tourne vers lui. J’aurais mieux fait de le laisser aux mains des flics. Ou de lui balancer ma main à la gueule à l’instant. Et pourtant… Ouais, pourtant, je lui propose de faire la visite avec moi. Justement parce que c’est un connard ?... Possible. Au moins, ça me change des lèches-cul et des hypocrites un instant. Et si vraiment il devient insupportable, je crie au viol et il aura tous les vigiles sur le dos, ce qui me permettra de finir ma visite tranquille. Je le toise, pour une fois que je le peux du haut de ces quelques marches, même s’il me rejoint rapidement.

« Tu crois sincèrement que je connais ta famille ? C’est les flics qui ont parlé de vous, moi, je m’en cogne. Et mes gigolos sont mieux fringués, sans vouloir te vexer. » J’ai une grimace et je secoue la tête. « T’es vraiment en train de me comparer à cette gourdasse de Paris ? Les petits chiens, non seulement c’est moche comme tu le dis si bien, mais ça grogne, ça bave, ça court et ça chie partout et c’est totalement idiot. Comme des gosses quoi, donc y a même pas moyen. » Je hausse un sourcil. « Je te rends moins con tu veux dire ? Parce que ce serait pas du luxe hein... Et tu as des clichés différents pour les princesses du nord ? Genre là-haut, elles sont brunes et elles ont ces horribles chats sans poils ou une connerie du genre ? »


Et je jette un coup d’œil à sa main quand il la pose sur la mienne. Non, je ne la préférais pas quand elle était ailleurs sur moi. J’inspire et acquiesce, presque sérieuse, presque sans l’ombre d’un sourire amusé.

« M’ouvrir les portes, ce serait un bon début. La révérence, c’est accessoire, surtout si tu ne sais pas la faire et que tu n’as pas de crinoline. Même si ce serait sans doute aussi déconne de te la voir faire que de m’imaginer à chanter avec les arbres. »

J’ouvre la porte avant de retirer ma main et de passer devant lui.

« Tu te rattrapera à la prochaine porte. Oh, et les bonnes manières voudraient que tu m’invites, surtout après l’épisode traumatisant des flics, mais je t’en fais grâce. »

Et je vais donc payer mon entrée, avant de faire quelques pas vers les premières toiles.

« Alors comme ça t’aime vraiment Rokkaku Ayako ? Ou c’était pour faire plaisir à ta sœur ? Tu pètes tous mes clichés sur les familles de cassos là tu sais… »

Bon, finalement, je m’en tire pas si mal non ? Je veux dire, un mp3 de cassé mais de toute façon, ce truc datait de l’âge de pierre. Ca m’emmerde juste parce que c’était Pixie qui m’avait filé la playlist et que je vais devoir la réclamer de nouveau mais sinon, en soit, je pourrais aller me faire plaisir et racheter un truc un peu moins pourri. Pas comme si je dépensais vraiment mon fric de toute façon. Mais ça m’emmerde, parce que je me dis que rien ne changera jamais. Peut-être que je devrais tout lâcher et me tirer d’ici. Ca a bien réussi à ce connard de Valerian après tout. Juste mettre les voiles et oublier ce que c’est d’être marqué juste parce que tu portes le mauvais nom, que t’es pas né dans la bonne famille, que t’as pas la tête de l’emploi. Ca pourrait marcher ailleurs ? Genre, pour de vrai ? J’en sais rien en fait et c’est ça le pire. Si ça se trouve, partout où j’irais ce sera la même chose. Parce que ça coule dans mon sang, dans mes veines, que c’est limite tatoué sur mon front. De la mauvaise graine, c’est tout ce que je suis. Qui s’acharne malgré tout et même malgré moi. Surtout malgré moi ces derniers temps. Je soupire longuement, essayant quand même de me reconnecter à la réalité. Parce que ouais, aussi imbuvable soit-elle, Barbie pétasse m’a tiré de là. Pour pas être redevable donc. Remarquez, j’aurais pu faire la même chose. J’ai quand même un sourire en coin à sa répartie, comme si l’idée m’amusait vraiment. "Putain, je serais ptet devenu une mascotte et tout. La grande classe." Ouais, alors non, on est bien d’accord. J’aurais pété des dents et mal fini si un mec avait essayé de m’approcher. Et, pour les rares nuits que j’ai passées en tôle, j’ai jamais eu de problème dans ce genre. Tant mieux remarquez, je pense que ça aurait très mal tourné sinon.

Je tique un peu quand elle parle de mes frangines mais, tout comme elle, j’arrive à garder le sourire. Parce que bon, je vais pas la menacer de nouveau, je l’ai un peu cherché, quand bien même elle pourrait s’abstenir de parler de mes sœurs cette petite conne. "T’as pas idée. Et non, c’est juste réservé aux pseudos princesses, mais si tu veux des mots doux, je suis sûr qu’on peut arranger ça." Je suis quand même étonné qu’elle me propose de voir l’expo avec elle. Alors ouais, j’hésite un peu mais j’ai pas envie de rater ça en même temps. Et elle a l’air de s’y connaitre. Donc je me rapproche avant de souffler, avec un rire. "Oh merde, je pensais que tu me dirais que toi au moins t’as pas besoin de payer des gens pour baiser. Je suis déçu princesse. Et…ouais, je te compare à cette gourdasse de Paris, même si t’es quand même vachement plus baisable, j’avoue." C’est fou comme j’en rajoute avec elle. Je parle pas vraiment comme ça d’habitude mais, je sais pas si c’est ses fringues, sa façon de parler, ou autre chose encore, en tout cas, ça me donne envie de la titiller et qu’elle me prenne pour le dernier des connards de l’ère de Cro-Magnon. Autant dire que ça marche pas trop mal même si je reprends, toujours avec le sourire. "Un point pour toi. Ces chiens sont presque aussi dégueulasses que des mômes. Et note que tu me rends moins con, j’ai pas dit que tu me rendais intelligent, je suis pas sûr que tu le sois assez toi-même pour ça. Sinon ça pèterait encore les clichés sur les blondes pétasses, ce serait dommage non ?" Oui, elle a l’air loin d’être conne en plus d’être la nana la mieux gaulée que je connaisse. Mais on s’en fout. «"Ah ouais, les chats sans poils, j’y avais pas pensé. Mais y a des gens qui en achètent genre volontairement ? Pas parce qu’on les oblige pour leur image de marque ? Hum… oublie."

Je fixe sa main avant de remonter les yeux vers elle et d’accrocher son regard. Et là, mon sourire se fait plus amusé à sa mine faussement sérieuse. "Je mettrais une crinoline si tu chantes avec les arbres donc." Je lève le bras pour la laisser passer et j’ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu’elle a déjà payé son entrée. Je la rejoins avec une grimace. "Ce qui est con c’est que j’avais déjà acheté deux entrées pour ma sœur et moi. J’aurais pu faire semblant d’être un gentleman, t’as tout foutu par terre. Va vraiment falloir que je me rattrape sur les portes donc."

Et là je me fige devant la première toile, cillant alors que je me rends compte que, pour la première fois, je vois un de ses tableaux en vrai. Ca risque pas de se reproduire de sitôt alors je regarde, un sourire un peu incrédule sur les lèvres et oubliant même d’être désagréable avec Barbie Princesse. "T’as remarqué qu’aucun de ses personnages ne sourient jamais ? La petite fille fait toujours la tronche. Alors que tout autour c’est lumineux… vivant. J’sais pas toi mais de voir ça, c’est comme d’avoir une explosion de …" Je m’arrête brusquement avant de laisser filer un rire. "Désolé, tu disais quoi ? Ah ouais, j’aime vraiment Rokkaky Ayako donc. Même si j’étais aussi venu pour faire plaisir à ma sœur qui est étudiante en arts et qui rayonne encore plus qu’un de ces tableaux. Mais sinon je peux dire que je pige pas comment on peut encore dessiner avec ses doigts quand on est adulte ou un truc tout aussi débile si tu veux pas que je pète tous tes clichés. Remarque, j'étais de toute façon pas sûr de dire grand-chose d’intelligent, t’en fais pas." J’ai quand même du mal à détacher mes yeux de la toile, comme si, en la fixant bien, je pourrais me rappeler de chaque détail, de chaque impression. Et j’enfonce mes poings dans mes poches, me sentant comme un gosse sans bien arriver à savoir pourquoi.

Je le fixe, lui et son sourire en coin, haussant un sourcil malgré moi. Ouais, alors vu les remarques qu’il avait pu faire concernant les hommes, les vrais, les purs, les durs, je doute qu’il apprécie réellement quoi que ce soit de ce genre. Mais il fait semblant, peut-être qu’il joue le jeu pour pas faire la gueule, parce que ce coup-ci, c’est moi qui lui ai rendu service et qui l’ai tiré d’un mauvais pas. Bon, il y a perdu son mp3, mais ce n’est pas un drame. J’y avais bien perdu mon téléphone, mon liquide et ma cam moi. Pas un drame non plus, mais quand même. Je me retrouve à sourire, presque malgré moi, en secouant la tête. Tu parles d’une mascotte. Quoiqu’avec sa multitude de tatouage et son cul, ça pourrait être possible. Pas que je sois fan des tatouages, mais j’avoue que ça lui va super bien et que ça le rend encore plus sexy ouais. Et s’il a un sourire craquant, son cul me donne juste envie de le tripoter. Je sais, je parle comme un vieux vicelard, et ça me désole presque. D’un autre côté, c’est quand même un peu vrai. Bref. Pour le peu que je sais de lui, j’ai vite compris que la famille c’était un peu un sujet tabou, genre tu ne touches pas sinon je te défonce la gueule. Et je suis un peu limite là, mais c’est de sa faute, c’est lui qui cherche. Ça lui plait pas des masses, y a une ombre qui passe dans son regard, mais elle ne fait que passer, et il garde son sourire.

« Je ne demande pas de traitement de faveur, mais je te remercie de l’attention. Et si tes mots doux sont dans ce style, ou en lien avec le "ma caille", je m’en passerai tout aussi bien. »

Résultat de tous ces mots doux, je lui propose de faire la visite avec moi. La logique parfois, c’est surfait. Et mon sourire s’agrandit en l’entendant rire.

« Je n’aurais pas eu la satisfaction de te faire rire… Et t’es bien placé pour savoir que je n’en ai pas besoin non ? Même si les mecs sont hyper décevants en général…  
Encore heureux que je le sois davantage, elle ressemble à une tige sur patte à qui on aurait greffé un cerveau de veau. » Je sais, ça a l’air de l’amuser de me chercher et d’en rajouter pour me faire chier, et puis, surtout, depuis le temps, j’ai l’habitude que l’on me prenne pour une gourde sans cervelle. Je fais avec et c’est même plutôt avantageux quand on sait s’en servir. Mais quand même… Je plisse un peu les yeux alors qu’il reprend, même si j’esquisse un sourire en faisant la moue. « Je ne l’ai pas dit non plus, j’évite de placer de trop grands espoirs chez les gens qui ne savent ni lire ni écrire. Je ne vais pas trop t’en demander, ne t’en fais pas. Ça ferait surchauffer le mien en plus, de cerveau de blonde pétasse. » Je hausse les épaules. « Il en faut pour tous les goûts non ? Ou peut-être que oui, ils s’imaginent que cela leur donnera un style particulier. Et puis, ces bestioles n’ont rien fait de mal. »

Quelle horreur. Je suis sûre que ça a des sales caractères en plus. Comme les siamois dans la belle et le clochard, des sales bêtes. Je le dévisage un instant.

« A force, je vais être obligé de te fixer un rendez-vous pour te voir faire, tu t’en rends compte ? »

Et si je ne suis qu’à moitié sérieuse, parce que je ne compte pas le revoir, ce serait amusant malgré tout. Mais bon, je me contente de passer devant lui et d’avancer dans le musée. Me retournant vers lui, c’est à mon tour de souffler un rire.

« Tu m’en vois navrée. Tu veux tenter de te faire rembourser celle de ta sœur ? Et je vais essayer de laisser l’occasion d’être un gentleman si tu veux. »

Au final, il arrive avant moi devant la première des toiles exposées, et je le fixe un instant. Merde. Il a vraiment l’air d’aimer. C’est amusant. Presque surprenant, si l’on omet la conversation de la dernière fois. Bizarrement, je trouve ça… touchant je crois. Même s’il me pète déjà mes clichés sur les cassos et les hommes de Cro-Magnon du coup, et que ça va pas en s’arrangeant quand il parle. Je me tourne vers la toile, me retrouvant à mon tour à sourire un peu connement. Je lui jette un coup d’œil quand il rit, avant de secouer la tête en souriant.

« Quand tu n’essaie pas de faire le guignol, ça t’arrive de sortir des trucs pas trop cons, même si ça te surprend. Ta sœur rayonne plus que ça ? C’est drôlement mignon… »

Je fixe la toile et grimace un peu.

« Et à vrai dire, je ne sais pas comment elle fait pour parvenir à ce résultat avec ses doigts. Parce que oui, c’est une explosion de… bonheur, de joie, presque trop… vive et intense. Ça semble tellement joyeux, mais la gamine au milieu, elle… ouais, elle fait la gueule. Comme si… Tu sais, dans une interview, elle disait que toutes ces couleurs n’étaient que des apparences. Elle disait que les apparences sont souvent trompeuses et que sous cet excédent de gaité et de douceur se cachent… la peur, la colère, le danger, l’inquiétude, l’incompréhension… Ce genre de sentiments… et que si tout reste familier, le regard des gamines, en canalisant tout ça, peut devenir hostile. Et un peu flippant. Ça crée presque un sentiment de malaise parfois, tu ne trouves pas ? Qu’il y ait autant de décalage… »

Au bout d’un moment que je ne saurais trop définir, je toussote et grimace un sourire, me tournant pour regarder la suivante.

« Hé… euh… Truc… Popescu. »

Hum, c’est moyen oui. Mais tant pis. Je l’attrape par le bras et l’entraîne vers la suivante. Enfin, je fais un geste, attendant qu’il me suive.

« Je sais, on pourrait y rester des heures. Mais l’expo est plutôt grande et j’aimerais bien tout voir avant que ça ne ferme… On pourra faire le chemin en sens inverse si tu veux, en revenant… »

Oui, l’art, les peintures, ce genre de conneries, ça a tendance à me rendre aimable… ou alors c’est juste que non seulement il s’y connait, mais qu’il semble fasciné… Et c’est cool je trouve…

Difficile de jouer le jeu tout le temps. Des fois, j'aimerais juste être complètement moi-même, sans avoir à brandir cette carapace qui me permet de tenir face au monde entier. Mais, clairement, c'est pas face à miss monde que je vais pouvoir le faire. Point positif, elle joue pas son offusqué quand je l'envoie chier ou que je balance des piques. Au contraire, elle a un sens de la répartie que je ne peux qu'apprécier et qui contraste grave avec cette image de poupée bien propre sur elle qu'elle renvoie. Enfin, là, pour le coup, j'aurais préféré qu'elle n'ait pas autant de piquant dans ses propos, ou qu'elle parle pas de ma famille. La dernière fois lui a pas suffi ? Remarquez, elle était peut-être pas en état de se souvenir. En tout cas, j'arrive à garder mon calme, elle m'a tiré d'un mauvais pas alors je vais pas la claquer en public quand même, j'ai un minimum de retenue. Alors je me marre, parce que c'est toujours mieux que de gueuler non ? "Désolé, j'ai pas trouvé pire que ma caille pour le coup. Enfin j'ai hésité avec mon roudoudou mais, vu ma gueule, j'aurais été encore moins crédible en fait." Et je m'en fends d'un clin d'œil alors que je la suis, sans bien arriver à comprendre pourquoi j'accepte en fait.

Bon, outre le fait que je meurs d'envie de la voir cette expo, elle était pas obligée de me proposer de me joindre à elle. Alors je suis curieux un peu. Et ça me change els idées, j'ai plus à ressasser ce qui vient d'arriver et cette colère sourde, latente, qui me quitte de moins en moins. Elle me fait sourire pourtant, à me balancer des vannes sans se demander comment je vais réagir ou sans se dire que ça peut péter son image de marque. "Ouais, je suis pas trop mal placé pour le savoir. Et comme je peux dire sans trop m'avancer que je t'ai pas trop déçue quand on s'est croisés. Ou alors t'es sacrément douée pour simuler. Remarque, je suis pas sûr de vouloir une réponse à ces affirmations. En tout cas, t'as le sens de la formule, je suis impressionné." Et je secoue la tête, mon sourire se faisant plus large quand elle renchérit. Au moins, elle a le sens de la dérision. "C'est bien de te rappeler de mes handicaps, ça m'évitera d'avoir à le répéter à chaque fois que t'essaies de me faire comprendre un truc qui demande la connexion de plus de deux neurones. Et j'en voudrais de voir ton cerveau cramer pour rien." Je la fixe alors, incrédule. "Mouais, si tu le dis. Je veux bien avoir des goûts de merde mais là, c'est pire que tout. Mais oui ces bestioles ont rien fait de mal, je veux bien te l'accorder."

Je lui jette un regard en coin avant de laisser filer un rire moqueur. "Un rencard ? Alors là, je demande à voir Princesse." Et, une fois qu'on est dans le musée, je hausse les épaules, même si je me départis pas de mon sourire narquois. "Nan ça ira, j'ai pas de fric, mais j'en suis pas à ce point-là. Et tu m'en vois ravi de me laisser l'occasion de jouer au gentleman. Si ça me demande pas trop d'efforts en tout cas." Et là, on se retrouve devant la première toile. J'en oublie même de jouer au con, c'est dire, tellement ça me fait un truc bizarre. "Mignon ? Je sais pas. C'est vrai en tout cas. Ca existe des gens qui rayonnent tellement que même cette peinture parait fade à coté." Et je sais pas, en voyant cette peinture, je pense à Pixie, sans bien savoir pourquoi. Pour les couleurs surement, même si ça manque de paillettes pour coller totalement. "Mais oui, ça surprend, j'avoue." Quand elle reprend, je fixe de nouveau la toile, le regard un peu perdu et je hoche la tête avant de souffler, d'une voix douce. "C'est flippant parce que c'est la réalité, c'est pour ça que les gens se sentent mal à l'aise. Parce qu'on devrait sourire devant une telle explosion de couleurs, pas faire la gueule, parce qu'on devrait se sentir bien et pas se sentir en colère ou en danger. Mais en vrai, si on sourit quand on nous le demande, parce qu'il le faut, c'est là que ça donne faux. Et…" Je secoue la tête, incapable de finir ma phrase, perdu dans mes pensées. Et je sursaute quand elle toussote, en hochant la tête. "Serghei. Je m'appelle Serghei. Au cas où ça t'intéresse. Hum." Je me laisse entrainer sans rien dire de plus avant de grimacer quand on s'arrête devant les autres toiles. "Ouais, désolé, j'ai pas l'habitude de voir des toiles en vrai et… bref. On va par où alors ? T'as pris un plan de l'expo ou un truc dans le genre ? Y a genre un sens ?" Je vais me taire pour le reste, je vais avoir l'air tellement pathétique qu'elle va se foutre de moi et que je vais plus apprécier ce que j'ai sous les yeux. Et je parle pas que des toiles oui, oui. Je commence presque à me faire à ses fringues de Barbie pétasse d'ailleurs. Même si elle est carrément mieux sans, je serais moins mal  l'aise. Je reporte mon attention sur les toiles, oubliant les conneries qui m'ont traversé l'esprit, fasciné par ce que j'ai sous les yeux. Alors c'est comme ça de voir des toiles qu'on aime en vrai. Truc de dingues.

« Mon roudoudou, mais c’est trop mignon, j’adore ! Oh et je pourrais t’appeler mon sucre d’orge ! »

Bon, et ça doit bien être parce que j’arrive à plaisanter aussi facilement et aussi bêtement avec lui que je lui propose qu’on fasse la visite ensemble. Et j’aimerais bien savoir d’ailleurs pourquoi je me sens assez à l’aise avec lui pour agir ainsi. Ça ne m’empêche pas de lui répondre, mais justement… J’ai l’impression de ne pas réussir à rester détachée et impassible. Oui, on a baisé, mais ça s’arrête là. Alors quoi ?... Il me répond et en rajoute, il aime l’art et a un peu de conversation. Il m’amuse. Je crois que c’est aussi simple que ça. Même si ça me fait chier un peu quand même pour de multiples raisons.

« Je ne répondrais donc à aucune de ces affirmations. Et pour le coup, je ne sais pas si je dois me sentir flattée que tu sois impressionné pour si peu. » Sans doute que non. Que je me moque de lui est une chose, que j’en arrive à plaisanter sur moi-même est perturbant quelque part, ça ne m’arrive pas si souvent. « Tu sais qu’il existe des aides particulières pour les personnes désavantagées par la nature ? Et je fais des dons chaque année, faut bien que je m’entraîne à me souvenir des handicaps, je peux faire semblant de réellement m’y intéresser comme ça… » Je hausse un sourcil. « Tu as des trucs de super-héros en plastique chez toi, tu veux vraiment t’aventurer sur ce terrain-là ? »

Parce que bon, amateur ou pas de Rokkaku Ayako, question goût douteux, j’ai de quoi faire avec lui. Je grimace.

« A moins que tu me promettes de venir en crinoline et tutu, je plaisantais. »

Je hausse les épaules, avant de soupirer quand il répond.

« C’est comme ça que tu fonctionnes ? Sans trop d’efforts ? Non pas que ça m’importe, je me demande juste si c’est un genre de philosophie de vie ou si ce n’est que pour jouer au gentleman… ou qu’avec moi. »

Même si cela ne change rien et me laisse plus perplexe qu’autre chose. Remarque, pas d’efforts, ça expliquerait un certain nombre de choses… Et si je me retrouve à contempler la première toile, je reste aussi perplexe en l’écoutant.

« Ah oui ? Ça me dérange de l’admettre, mais tu as plus de chances que moi si tu en as rencontré. »

Perso, pour moi, les gens ressemblent plus aux gamines. Ou alors c’est moi, je ne sais pas trop. Par contre, je sais pourquoi je préfère faire les visites seule en général. Je parle trop. Paraître censée ou intelligente ou cultivée n’est pas le souci, le souci est de me rendre compte que je suis entourée de crétins et d’incultes qui ne pigent rien… Bon, d’accord, et qui me regarde comme si une deuxième tête me poussait quand je parle comme ça. Pas que je tienne spécialement à avoir une image de barbie pétasse comme il dit, mais… Bref. Sauf que là, non seulement il pige ce que je dis, mais il en rajoute et tape juste.

« Non… Enfin oui, tu as raison. Mais perso, je suis mal à l’aise parce que je serais plutôt comme la gamine. Pourquoi on devrait sourire ? Le monde peut être rempli de joie, ce n’est pas pour autant que tu es obligé d’être heureux. Les gens trop heureux et souriants sont flippants et louches. Comme les marchands de glaces ambulants. »

Je fronce un peu les sourcils. Je parle beaucoup trop effectivement. Je lui jette un coup d’œil.

« Serghei. Je vais tâcher de m’en souvenir… Wendy. Moi, c’est Wendy. »

On se comporte comme des personnes civilisées et polies, un truc de fou. Mais je vais arrêter d’être mauvaise langue, ça ne se passe pas si mal que ça, vu qu’en plus, il me suit sans râler. Je relève la tête vers lui, en me notant de pas le faire trop souvent, c’est un coup à me choper un torticolis cette connerie. Je le fixe un instant, les sourcils levés. Alors qu’il est pas les moyens okay, mais même sans ça, je veux dire, y a eu quelques trucs sympa ici ou même à Augusta, ou Atlanta, ce n’est pas si loin, si ?...

« T’as jamais vu d’expo ? Genre vraiment jamais ?... Ou t’es carrément jamais allé dans un musée ?
Hum. Il y avait peut-être un plan, mais l’expo n’est pas si grande, on devrait s’en sortir… Et non, il n’y a pas de sens. Ou alors je m’en fous… Tu te poses beaucoup trop de questions. » J’esquisse un sourire, un peu moqueur, mais je fais ce que je peux. « Comment ça se fait ? Je veux dire t’as l’air d’aimer ça, ce qui est louche en soit venant d’un homme de Cro-Magnon, mais pourquoi pas… T’as jamais eu envie ? T’as jamais été rien qu’au High Museum of Art à Atlanta ? »

Je m’attends pas à ce qu’il soit allé au Louvre ou au Prado, je suis pas totalement idiote, mais quand même, il y a quoi ? 4h de route à tout casser pour Atlanta ? Franchement, ce n’est pas le bout du monde… Même New York, 2h en avion… Ouais, je sais, tout le monde n’a pas les moyen, c’est d’un triste, vous m’en voyez désolée. Je secoue la tête, les yeux de nouveau rivés sur la toile.

« Et j’ai beau avoir l’habitude de voir des toiles en vrai, ça n’enlève rien à la beauté et au… à l’envoûtement que je peux ressentir quand j’aime les toiles… Et elles sont… »

Je souris sans finir ma phrase. Bon, on est seuls, on a quand même le temps non ? Je le pokerai s’il traine de trop,  mais sinon, on peut y aller à son rythme non ?
Je sais, j’arrive pas à croire que j’ai vraiment pensé ça. Et juste pour faire le contraire, je le tire en avant, continuant d’avancer dans l’expo.

C'est marrant, y a deux secondes, j'aurais pu frapper un mur, je l'aurais fait sans hésiter, mais là, elle arriverait presque à me faire sourire avec ses conneries. Ah, mais en fait, je souris vraiment. Truc de dingue. Enfin, c'est pas comme si c'était vraiment important, c'est certain, mais ça change. "Tu peux m'appeler ton sucre d'orge, mais je suis pas sûr de répondre par contre roudoudou." Je lui décoche un clin d'œil et … ouais, j'avoue, je suis pas mécontent de faire la visite avec elle en fait. Même si je sais que c'est juste temporaire, pour la première fois depuis longtemps, j'arrive à être vraiment moi-même avec quelqu'un que je connais pas vraiment, quelqu'un qui ne fait pas partie de ma famille et, pire encore, avec une nana que j'ai baisée il y a quelques semaines. Ca me perturbe un peu mais, ce qui est cool, c'est qu'elle en sait rien du tout. Elle est cool. Pour une pétasse s'entend. "Oh tu ne répondrais même pas pour me tacler un coup ? J'suis presque déçu en fait. Mais sois donc flattée, c'est rare que je sois impressionné et encore moins que je le dise." Mais ouais, qu'elle ait une répartie pareille, c'est clair, c'est étonnant. Et pas désagréable. Je me doute bien qu'à terme, son coté relou doit reprendre le dessus mais là, ça me plait bien. Je pourrais dire que je passe un bon moment en fait. Comme quoi, après mes démêlées avec les flics, autant dire que je pensais pas du tout que ce serait possible. "Des aides particulières ? Oh merde, tu crois que je peux en bénéficier ? Ce serait cool ça. Remarque, si ça me rend moins con, j'aurais plus vraiment d'excuses, je sais pas si je prêt à sauter le pas. Et donc, tu fais genre, tu sais de quoi tu parles et tout ?" Et je tousse un rire à sa répartie, avant de hausser les épaules. "J'ai peur de rien moi. Et t'as raté ma collection de mugs super-héros, je suis sûr que t'aurais fait un malaise."

J'ai un sourire amusé et je lui jette un regard en coin. "Je pourrais te le promettre mais je pense pas que tu me croiras. Donc tu me planteras en tutu dans un bar et là, je le prendrais super mal. Le drame quoi." Je laisse filer un silence, me faisant un rien plus sérieux avant de souffler, d'un ton neutre. "Non c'est pas comme ça que je fonctionne. Mais je le fais pour toi, ça a l'air de t'agacer un peu et j'aime bien ce petit pli entre tes sourcils quand t'en parles. C'est super sexy. Je pense pas que ma vraie philosophie de vie t'intéresse vraiment au demeurant." Le fait d'être devant la toile me fait un peu oublier de lui balancer des vannes et je hoche doucement la tête, mon sourire se faisant plus franc et mon regard un peu brillant. "Il y en a. Pas beaucoup, je te l'accorde. Et ouais, pour le coup, je peux dire que j'ai de la chance. Comme quoi, même les cassos' peuvent avoir de la chance." Et puis, elle me dit ce qu'elle pense de cette toile. Marrant comme ça colle avec mon point de vue. Je la fixe un instant, avant de reporter mon attention sur la peinture, non sans esquisser un nouveau sourire. "On devrait pas être obligés. Mais parait que c'est qu'il faut faire. Du genre t'es en vie, en bonne santé, tu dois sourire à la vie et elle te sourira. Une merde dans ce style quoi.  Je préfère les gens qui sourient pas souvent. Au moins, quand ça arrive, on sait que c'est sincère. Et cette gosse là, c'est peut-être juste ça qu'elle veut dire. Qu'on est pas obligés de sourire parce que tout est beau autour de nous. Déjà, ça veut pas dire qu'on apprécie pas ce qu'on voit, mais qu'il y a pas besoin de se mettre à vomir des paillettes et de dire que tout est beau et rose. Et… les marchands de glace te font flipper ? C'est la musique je parie."

Je me fige un instant avant de hocher la tête et de souffler, à mi-voix. "Wendy. Comme Peter Pan ?" C'est joli. Je m'attendais pas du tout à ça en fait mais, à la réflexion, je m'attendais pas vraiment à ce qu'elle ait un prénom. Enfin, non, pas vraiment mais… bon okay, j'en avais rien à foutre. Là, je sais pas trop. Princesse ça lui va quand même bien et Wendy c'est trop…mignon. Ca me dérange un peu.  Comme le petit ton condescendant qu'elle a dans la voix quand elle parle du fait que je fasse pas d'expo. Je sens mes mâchoires se contracter, retenant tant bien que mal une grimace. "Si, je viens souvent ici mais là, c'est pas pareil. J'ai jamais vu un truc qui me plaisait vraiment, pas à ce point-là en tout cas." Et si j'ai un bref sourire quand elle dit que je pose trop de questions, je pique un peu du nez au reste de ses propos, me contentant de hausser les épaules avant de répondre, d'un ton neutre. "C'est pas parce que j'ai envie de faire certains trucs que j'en ai la possibilité. Je suis… j'ai jamais quitté Savannah. Voilà. Au moins, ça colle mieux avec le coté cassos' et Cro-Magnon hein." Mouais, ça m'énerve un peu alors je préfère me focaliser sur la toile qu'on a face à nous. Et je lui jette juste un bref coup d'œil quand elle reprend, bien décidé à ne pas répondre mais, sans que je puisse m'en empêcher, je lâche un "… elles sont magiques. Comme si un truc se dégageait d'elles. Ca donne envie de toucher pour voir si elles sont réelles."

Et, sans me laisser le temps de la regarder plus longtemps, elle me tire en avant. Je manque de trébucher et je me retrouve nez à nez avec elle, au point de pouvoir sentir son souffle tout près du mien. Et je lance, non sans un sourire narquois. "Doucement Princesse, j'ai comme l'impression que t'as pas envie que je te tombe dessus." Je me redresse, non sans avoir effleuré sa joue du bout des doigts et là, je me fige à l'entrée de la nouvelle salle. Ah ouais, c'est juste la toile que je préfère. Nickel. Je dois avoir l'air d'un abruti maintenant.

Je lui jette un coup d’œil et secoue la tête, sans perdre mon sourire. Comme si c’était mon genre d’appeler quelqu’un comme ça. Je souffle un rire en imaginant la tête du mec si je le faisais. Je sais pas quel mec okay, mais c’est pas vraiment le plus important. L’entendre dire roudoudou, ça c’est important et super drôle à voir. Et ça me confirme aussi qu’il est sexy quand il sourit comme ça, j’avais pas imaginé ça l’autre jour. Okay, c’est un cassos et les flics l’aiment pas, mais il a de la conversation mine de rien et il a envie de voir l’expo, alors, pourquoi pas ? Mieux vaut lui qu’un abruti qui va soupirer ou faire semblant de s’y connaître non ? Et après tout, si on me voit avec, je pourrais toujours dire que je fais œuvre de charité ou un truc du genre non ? Il y a bien des associations pour tout, alors pourquoi pas…
Je réprime un sourire et hausse une épaule.

« Je suis une actrice née, mais j’ai depuis longtemps appris qu’il valait mieux laisser les hommes croire ce qu’ils veulent, surtout à ce niveau. C’est beaucoup plus rentable et efficace. Et je suis donc… euh d’autant plus flattée et ravie. »

Ou pas. Je suis pas certaine de vouloir qu’on se souvienne de moi parce que j’ai de la répartie. Enfin, si, mais…. Juste que ça ne colle pas avec… Je n’en sais rien. Et non, ce n’est pas dit qu’il se souvienne de moi, fort heureusement. Et oui, dans l’absolu, c’est peut-être mieux qu’on se souvienne de moi pour un truc du genre que pour mon côté barbie. Mais ça ne me plait pas pour autant. Je me construis une image, ce n’est pas pour qu’on s’extasie sur le reste. Okay, ça n’a aucun sens et c’est ridicule.

« J’en suis persuadée. Y a des assistantes sociales pour aider et tout, tu devrais te renseigner quand même, on sait jamais. Etre con, c’est un état d’esprit, l’un n’empêche donc pas l’autre. » Je hoche la tête. « Je fais genre de savoir oui. Mes parents savaient, les gens pensent donc facilement que je sais aussi… J’ai loupé ça ? Quelle chance. Pourquoi des mugs ? Non laisse tomber. Et de rien ? Même pas des serpents, qu’on te pense intelligent, des licornes à paillettes ou des supers vilains ? »

Je le fixe avant de lui faire un clin d’œil. Oui, je plaisante. Sans doute même un peu trop avec lui là, mais ce n’est pas grave, ça me va bien. Au moins, je me prends pas la tête, je m’interroge pas sur le sens de la vie et sur tout ce qui merde dans la mienne, et puis, honnêtement, il me répond et j’aime bien.

« Ton amour propre serait touché ? Et je suis sûre que la vidéo aurait un succès fou sur youtube. » Je plisse les yeux en le regardant. Okay, je l’ai un peu cherché. Mon sourcil se lève. « Tu ne sais pas ce qui m’intéresse ou pas. Et… j’ai un… pli… sexy ? Genre une ride ? » J’esquisse un sourire avant de reprendre. « Pour le coup, je peux me passer d’un traitement de faveur, ne t’en fais pas. »

Bon, d’accord, tout comme lui, j’oublie un peu toutes ces conneries en commençant l’expo. Parce que c’est chouette, vraiment chouette, et pas qu’un peu. Je grimace un sourire et secoue la tête quand il répond. Tout le monde peut avoir de la chance. Tu parles. Mais je ne vais pas me perdre en débat philosophique là-dessus, surtout avec lui, ce serait ridicule. Surtout qu’on a mieux à faire, genre parler des toiles ouais par exemple. Je fixe la toile, avant de reporter mon attention sur lui. Et je hoche doucement la tête, non sans sourire.

« Ah tu vois, les paillettes, je le savais que tu n’aimais pas. Mais c’est exactement ça oui. Et oui, c’est ce qu’il faut faire. Les gens ne comprennent pas sinon ce qu’il peut clocher, ils refusent de voir qu’on peut ne pas être heureux malgré tout, que ce qu’ils voient, c’est juste… les apparences. » J’inspire et lui jette un coup d’œil. « Ouais, la musique. Et tous les gosses qui s’y précipitent, ça fait tellement film d’horreur. »

Et voilà, il va se foutre de moi. Non, je m’en fiche, j’aime mon prénom, il est joli, et de toute façon, je suis tellement habituée. Mes lèvres se pincent néanmoins.

« Ouais, comme dans Peter Pan. Ma mère adorait quand elle était petite, le pays imaginaire, les fées, les sirènes, tout ça… »

Je fais un vague signe de la main. Oui, bon, j’aime bien aussi. Ce n’est pas pour rien que j’ai choisi Pixie comme nom. Les Disney c’est sacré, c’est tout. Je sais, ce n’est pas tant la question et il s’en fout totalement. Bon d’accord, le fait qu’il parle des expos ou musées qu’il n’a jamais vu, ou c’est moi qui lance le sujet, ça n’a pas d’importance, m’amuse autant que cela me perturbe. Enfin, pas vraiment perturber, mais disons que c’est étrange venant de quelqu’un qui semble bizarrement cultivé. Ou alors il fait semblant, mais je ne vois pas l’intérêt et il en sait trop pour faire semblant. Et puis surtout, je m’en fous royalement en vrai. Je le fixe, ou le toise si l’on voit la différence, avant de hausser un sourcil. Il serait presque mignon à être gêné comme ça, si l’on omet son caractère de merde et le reste.

« Ouais, ça colle mieux, même si j’ai toujours du mal à capter comment tu peux ne pas en avoir la possibilité... T’as vraiment jamais quitté Savannah ? Même un week-end ? Tu n’en as pas marre ? Comment tu fais pour ne pas péter un plomb ? »

Non promis, là, ça m’intéresse vraiment, parce que j’imagine même pas ne jamais avoir quitté ce bled… Mais genre même pas une journée ?... Il est fou. Même à pied, tu te casses quoi… Non ? Bizarre. Carrément. D’autant plus qu’il finit ma phrase, parce qu’il semble penser comme moi face à ces toiles. J’ai un sourire en coin et me penche un peu vers lui.

« Magiques oui… Si tu veux toucher, profites, je surveille les couloirs… Tant que tu la fais pas tomber, ça devrait aller. » Je montre une caméra à plafond d’un signe de la tête. « Avec de la chance, ils verront rien. »

Je lui laisse le choix, avant de l’entraîner un peu plus loin, pour continuer la visite. Et genre je suis assez forte pour vraiment le tirer et le faire trébucher. Peut-être qu’il était vraiment absorbé par la toile, c’est possible ça. Et même avec mes escarpins de plus de 10 cm, je lui arrive au menton, c’est fou d’être aussi grand… Alors je lève la tête vers lui, et je plisse les yeux.

«Wendy... » Mais mon sourire se fait aussi railleur que le sien. « J’aime bien avoir les hommes à mes pieds, mais je préfère effectivement choisir quand ils me tombent dessus. Et ce serait un peu déplacé dans le musée. »

Il me frôle la joue des doigts, et j’attends qu’il se soit redressé et un peu éloigné avant d’inspirer. Heureusement que je ne suis pas en manque, on est d’accord. Ni question dope, ni question cul. Et je stoppe juste après lui, retenue par son bras, fronçant les sourcils en le regardant.

« Pourquoi tu… »

Je cligne des yeux en le regardant avant de regarder la toile face à nous.

« … S’approcher pour la voir, ça peut être pas mal aussi tu sais. Tu veux la toucher du bout des doigts elle aussi ? »

Je le dévisage, haussant les sourcils, avant de me mordre la langue. Je sais, j’ai horreur qu’on me fasse chier avec des questions à la con quand je fais une expo et je me conduis comme un de ces boulets. Alors je reporte mon attention sur la toile et grimace un sourire. J’avoue, elles sont quand même magnifiques. Peut-être que j’en achèterai une un jour tiens…

Alors, c'est comme ça dans un monde normal ? Genre, pouvoir discuter avec une fille à qui rien ne me lie sans que ça parte forcément en vrille ? Je serais du genre à analyser la situation, je dirais que c'est quand même vachement bizarre. Mais je préfère prendre les choses comme elles viennent et me dire que c'est juste une coïncidence et que, après ça, on partira chacun de notre côté sans rien demander, comme la dernière fois. Parce que c'est carrément moins prise de tête comme ça au final. Et puis, elle est pas méprisante, enfin, pas plus que ce à quoi je m'attendais. Elle est même sympa. Un peu. Elle me fait sourire sans que j'ai trop à me forcer et je lui jette une œillade amusée quand elle me répond. "Une actrice née hein ? Mais effectivement, parait que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Pour ta tranquillité c'est ça ? Et n'en fais pas trop quand même, même moi j'y crois pas là." M'enfin, pour le coup, j'avoue qu'elle est… étonnante ouais. Autant en temps normal j'attends pas grand-chose des nanas que je peux baiser autant, là, j'en attendais encore moins. Donc ouais, forcément, ça surprend. Que ce soit sa répartie ou sa façon de voir les choses.

Je fais mine de secouer la tête, l'air dépité, alors qu'elle reprend. "Ah merde, personne peut rien faire pour moi donc. C'est pas de bon ça. Et, ça marche bien ? De faire genre de savoir ?" J'ai un rire et je hausse une épaule à ses questions, qui n'en sont pas vraiment. Son clin d'œil a quelque chose de plaisant, genre vraiment. Alors je souffle, d'un ton complice. "Personne pensera que je suis intelligent, on le sait tous les deux. et les super vilains sont trop cool. Et t'as quoi contre les mugs remplis de café ? Par contre… le reste…" Je fais une grimace avant de continuer de plus belle avec elle, sans avoir à me forcer ou sans me dire que ça m'emmerde de faire la causette. Parce que bon, clairement, on sait tous les deux que ça mènera nulle part. Non pas que je me la ferais pas, bien au contraire, mais, vu le rôle qu'elle a endossé, je la vois pas trop accepter de se faire sauter comme ça. Donc ouais, étonnamment, je suis carrément plus détendu parce que je sais que j'ai pas à réfléchir à comment amener le truc pour lui virer ce foutu costume qui doit coûter un an de salaire ou un truc du genre.

"Hey, j'ai de l'amour propre hein ! Même si j'avoue que si je peux gagner du fric comme ça, je peux envisager de le mettre de côté…" Ou pas, on est bien d'accord. Mais c'est presque marrant d'imaginer la scène en fait. Je lève un index dans sa direction et je hoche la tête. "Un point pour toi. Je sais pas ce qui t'intéresse. Mais je serais quand même prêt à parier que j'en fais pas partie. Et… non pas une ride, t'emballes pas et t'as pas besoin de filer chez l'esthéticienne. C'est vraiment sexy." Je lui décoche un clin d'œil avant qu'on finisse par vraiment entrer dans l'expo. Et oui, j'avoue, je perds un peu de ma morgue en voyant tout ce que j'ai devant les yeux. Mais tout le monde de normalement constitué ne peut que réagir comme moi. Parce que ça vous prend aux tripes de voir ce que ça fait de les voir en vrai. Tous ces tableaux que j'ai pu voir sur Internet, que je rêvais de pouvoir approcher comme ça. C'est juste un truc de dingues. Et, d'un coup, je me dis que je suis content d'être avec Barbie pétasse. Elle me connait pas et risque pas de me rebalancer ça à l'occasion. Je cille quand elle me parle mais je réponds, sans trop réfléchir, me demandant si elle va pas se foutre de moi. Mais non, ça va on dirait. J'ai un sourire pensif à ses propos avant de hocher la tête. "T'en fous toujours partout avec des paillettes. Et puis, c'est comme si tu te forçais à mettre de la gaité et de la joie de vivre en saupoudrant cette merde partout." Je fronce légèrement les sourcils quand elle reprend et je souffle, d'un ton plus doux. "Et je crois qu'on sait tous les deux à quel point les apparences peuvent être emmerdantes." Je secoue la tête avant de me focaliser sur le reste et, surtout, de reprendre un ton normal. "Je te parie que si tu filmes, que tu mets au ralenti avec une musique flippante, ce sera digne du pire film qu'on ait jamais vu."

J'arque un sourcil quand je vois ses lèvres qui se pincent et je la fixe un instant, curieux. "J'aime bien Peter Pan. Enfin, le dessin-animé. Et c'est … enfin ta mère avait bon goût, c'est un joli prénom." Ouais, pas la peine d'en faire des tonnes, de toute façon elle me croira pas. Pour une fois que je dis pas ça pour baratiner une nana. Enfin, on s'en fout de toute façon, c'est pas comme si je comptais lui dire. Je fronce les sourcils à ses questions, me demandant si elle attendant vraiment des réponses ou pas, incapable de trouver comment expliquer le vrai pourquoi du comment en quelques mots à peine à quelqu'un qui, au demeurant, s'en branle complètement. Enfin, c'est peut-être plus simple d'en parler à quelqu'un qui s'en fout non ? Genre, c'est pas à ça que servent les psys ? Ou une merde dans le genre. Enfin bref, j'inspire et je réponds, cherchant mes mots. "C'est… enfin c'est bizarre mais c'est juste que si je pars, même pour un week-end, j'ai peur de jamais avoir envie de revenir." J'ai un rire sans joie alors que je secoue la tête et je reprends, d'un ton plus assuré. "Ca doit te paraitre encore plus débile et… pour ce qui est de pas péter les plombs bin…" C'est un peu tard pour ça je crois. Mais bon, je vais pas trop m'attarder sur les détails hein. Alors je me contente de hausser les épaules comme si, dans le fond, c'était pas vraiment important. Parce que ça l'est pas. Ouais, ça doit pas l'être donc.

Je la fixe, un rien abasourdi quand elle reprend et je la fixe, non sans chuchoter. "Mais t'es une délinquante en vrai, avoue !" Je me laisse entrainer sans rien faire, tout en continuant, sur le même ton. "Tu sais, niveau chance, je me pose là, je vais éviter hein…" Ca me ferait chier d'être interdit de musée à Savannah quand même. Je fais pas trop gaffe où je mets les pieds et je manque de me casser la gueule. Sur elle en plus. Ca va que je me démonte pas et j'ai un clin d'œil dans sa direction. "Wendy ouais… et c'est nul de choisir, tu perds tout l'effet de surprise. Je te l'accorde cependant, ce serait déplacé, mais pas inintéressant." Je m'éloigne pourtant avant de me figer devant la toile. "C'est rien, c'est juste ma préférée. T'inquiète, dans deux minutes, j'aurais le même air cassos' que d'habitude." Et je m'avance un peu, hésitant, avant de souffler un rire. "Je vais finir par croire que tu veux me dépraver. Mais c'est un peu tard pour ça. Vas-y toi, si tu veux toucher." Et je pose ma main sur sa taille pour la pousser en avant, non sans un regard amusé. Bon, j'en profite peut-être un peu d'accord, mais ça, c'est juste un détail.

Je lève les yeux au ciel. Je devrais faire attention et me reprendre un peu, genre pour l’envoyer chier, pour me montrer plus hautaine, plus moi, vous voyez ? Pourtant, j’ai beau savoir tout ce que je sais à son sujet, il se révèle assez intéressant pour que je fasse des efforts et pour que j’accepte de passer du temps avec lui. Et puis, ça ne coûte rien et ça ne m’oblige à rien surtout.

« Pour ma tranquillité et parce que les mecs se sentent à la fois rassurés et reconnaissants, c’est bizarre, mais ils sont plus utiles dans cet état d’esprit. »

Je hausse les épaules en souriant quand il dit que j’en fais trop. Comme si c’était mon genre. Bon, d’accord, ça l’est… en l’occurrence, ce serait aussi mon genre de l’ignorer, de l’envoyer chier ou de le dédaigner, et je ne le fais pas, comme quoi, on ne sait jamais et tout le monde peut changer. Au moins temporairement. Non, parce qu’il ne faut pas rêver, je ne compte pas le revoir ou en faire mon meilleur pote. Et ça change tout.

« Non, t’es un cas désespéré, t’es foutu. Je serai presque désolée de te l’apprendre aussi brutalement, si seulement j’avais un cœur et que tout ça m’importait. Et ouais, ça marche plutôt pas mal. Et quand ça marche pas, je fais un chèque et détourne l’attention. Ça marche bien aussi ça. » Et mon sourire s’agrandit un peu quand il rit. J’approuve d’un signe de tête, avant de la secouer. « On est d’accord. Le café… le BON café, c’est cool. Pas les mugs ringards. »

Je veux bien être compréhensive, mais j’ai mes limites. Genre des mugs de super héros. Pour le reste, il n’y a qu’à voir, je discute avec lui comme si on se connaissait, aucun de nous ne semble se prendre la tête, et ça se passe plutôt bien non ? Aussi surprenant que ce soit. Voyons là l’un des bons côtés de la coke, ça me rend sociable et aimable, c’est fou non ? Lui, je sais pas trop quelle est son excuse.
Je le fixe franchement dubitative, avant de secouer la tête et de grimacer.

« Ça ressemble quand même à une ride non ?... Okay. Mettons que c’est sexy… »

Mais je ne vais quand même pas me botoxer à 22 ans à peine hein ?... Et puis, une ride, ça n’a rien de sexy, il lui manque une case sérieux. Et là, si je me dis qu’il aime les trucs bizarres, ça craint, parce qu’il avait l’air d’aimer ce qu’il voyait et tripotait quand on s’est envoyé en l’air l’autre fois. Hum. Peu importe, on commence la visite et tout ce qui n’est pas lié aux toiles et à l’expo passe à la trappe. Et le pire, le plus étrange, c’est qu’on semble avoir le même avis, les mêmes pensées l’un et l’autre concernant la peintre et ses œuvres. Je veux dire c’est pas l’analyse bateau ou quoi, c’est vraiment… ce qu’on pense, non ? Je souris et secoue la tête, avant de lui jeter un coup d’œil sceptique. Genre il me prend pas pour une poupée barbie simplette ?.... Bon peut-être pas simplette, je crois que mon masque de pétasse superficielle s’est un peu effiloché depuis le début…

« Parle pour toi. Les paillettes c’est rigolo, même si oui tu en fous partout… C’est pourtant tout ce qui compte les apparences en vrai, c’est le plus important, même si on refuse de l’admettre… Et même si c’est totalement naze. » Je souffle un rire et acquiesce. « Toute façon, dès que tu mets des gosses, c’est hyper flippant. »


C’est vrai non ? Des mini monstres qui courent et hurlent partout, c’est l’horreur. Et si je me vexe un peu, j’esquisse néanmoins un sourire hésitant.

« … Merci. Et je ne sais pas si je suis plus surprise que tu aimes ou que tu le dises… »

Non mais aimer les trucs de super-héros, c’est une chose différente d’aimer les dessins animés, non ? C’est un geek, qui ne ressemble pas du tout à l’image qu’on se fait d’un geek, qui aime Rokkaku Ayako et Peter Pan donc. Bon, d’un autre côté, je suis une pétasse friquée qui s’amuse à jouer à la hackeuse à la nuit tombée… Alors bon, en parlant d’apparences depuis tout à l’heure, je suis plutôt bien placée pour en parler. Bon, ça ne m’empêche pas d’avoir d’être bourrée d’aprioris pour autant. Mais n’empêche, même en étant cassos, tu restes pas dans le même bled pourri tout le temps, toute ta vie, sans même un week-end… si ? Je le fixe et je plisse un peu les yeux. Il est sérieux ?

« Si ça te plait pas ou que t’as pas envie de revenir, pourquoi tu restes ? Je pige pas. Je m’en fous, mais je pige pas, que ce soit débile ou pas en fait... »

Je fronce un peu les sourcils. Genre il ne pète pas les plombs lui ? Faudra me dire comment il fait, parce moi, je n’y arrive pas. Même quand j’essaie de m’occuper et de me divertir. Comme là. Non, je ne veux pas le pousser à la faute ou à faire des conneries, mais ça reste rigolo. Je hausse les sourcils et les épaules quand il me regarde, l’air parfaitement innocente, avant de souffler un rire silencieux en secouant la tête.

« Non monsieur, c’est toi, pas moi, le délinquant. Je suis sage comme une image moi. »

Un vrai modèle de vertus. Je me contente de hausser à nouveau les épaules avant de l’entraîner à nouveau. J’aurais dû le prévenir, ça aurait évité la suite. Même si y a pas vraiment grand-chose. J’ai un sourire.

« L’effet de surprise, c’est surfait. Et sérieusement, pas inintéressant ? Pitié, se faire sauter dans les toilettes ou les couloirs d’un musée, ou de n’importe où ailleurs, c’est glauque. »

Je suis persuadée qu’à lui ça lui va tout à fait, mais je ne suis pas l’une de ces idiotes en manque ou stupide que ça attire ce genre de trucs. Même avec lui, qui a soudainement l’air… mignon, si ce mot peut lui convenir, quand on arrive devant la toile suivante. Je hoche la tête en admirant ladite toile.

« Oh. Je comprends. Je l’aime bien aussi, les couleurs et la disposition… Elle est chouette. »

J’ouvre la bouche pour répondre, et je me retrouve à pousser un petit cri quand il me pousse en avant. Je tourne un peu la tête pour le regarder, avant de regarder à nouveau la toile. Il m’en croit pas capable ou c’est juste pour m’emmerder ? Les deux possiblement oui je sais. Je m’approche de la toile et tends le bras. Ce n’est pas une question de dépravation ou quoi, mais c’est un peu un sacrilège non ? De toucher quelque chose comme ça ? C’est comme toucher la Joconde ou la Vénus…
Et je me retrouve à avoir bêtement le cœur qui bat trop vite alors que mes doigts effleurent la toile. Je toussote et recule d’un pas, ramenant mon bras contre moi. J’inspire et me tourne vers lui, les bras dans le dos.

« Hum. Satisfait ? Je suis assez dépravée et amorale pour que tu continues la visite avec moi ? » Je lui souris, même si je ne peux pas m’empêcher de jeter des coups d’œil dans le couloir. Bon, moins crédible… « … Bon d’accord, je ne suis pas délinquante, enfin, pas dans ce genre-là… Mais c’était rigolo. Tu devrais essayer. Tu sens l’épaisseur de la peinture et le tracé de ses doigts. »

Tout en parlant, je fais un ou deux pas vers lui en levant les yeux. Je soupire et me tourne vers la toile.

« En fait, tu flippes vraiment hein ? Tu crois que les gardes vont débarquer avec des taisers et des bombes lacrimo ? »

Je souris pour de bon, et il n’a pas vraiment besoin de me voir pour le sentir je suppose…

« On reprend mon lapin ? »

C’est marrant, elle est carrément moins chiante que dans mon souvenir. Et pourtant, elle avait quand même déjà réussi à m’épater avec sa conversation et tout. Comme quoi, tout peut arriver. Enfin, j’attends quand même le moment où elle va redevenir la pétasse qu’elle a l’air de si bien être. En attendant, je me retrouve à être plutôt sympa, à mon grand étonnement d’ailleurs. Mais elle cherche pas la merde, alors pourquoi je le ferais ? Elle me fait même rire, sans que j’arrive vraiment à le cacher. Et, au fond, ça fait du bien. Surtout après le petit face à face avec les flics et… tout le reste. J’aurais jamais cru penser ça un jour soit dit en passant. Que la compagnie de Barbie pétasse me ferait du bien. Putain, j’ai vraiment un truc qui cloche moi en fait. Et pourtant je me contente de secouer la tête avec un sourire en coin. "Reconnaissants ? Alors autant rassurés je veux bien mais là, va falloir m’expliquer Princesse. Mais je reconnais que t’as de la ressource, je suis impressionné." Pour un peu, je lui ferais même une révérence, histoire d’en faire trop à mon tour. Je suis sûr que ça l’épaterait en plus. Pour le coup, je me contente de grimacer, faussement vexé. "Foutu ? Carrément ? Merde alors. J’avais pourtant tellement de grands projets comme devenir dealer ou cambrioler la banque populaire. Dommage. Heureusement que t’as pas de cœur, sinon je serais en plus obligé de te consoler. T’imagine à quel point ce serait la merde ? Donc si je te vois sortir ton chéquier, ce sera pour détourner l’attention de quelqu’un si j’ai bien pigé." Et je me fends d’un clin d’œil avant de souffler, non sans ironie. "Je sais, ça va te surprendre mais j’ai racheté une machine à café. Avec l’argent de l’aide sociale évidemment. Et mes mugs sont cools. Ne sois pas aussi jalouse, ça te va pas au teint."

J’essaie de pas trop me focaliser sur le fait que cette situation est assez surprenante pour qu’elle ne risque de jamais se reproduire et de pas trop m’interroger là-dessus. Ca servirait pas à grand-chose de toute façon. Et puis, la titiller un peu est carrément plus drôle en fait. "Ca ressemble pas à une ride, pas besoin de filer chez ton chirurgien esthétique dès qu’on sortira de là. Et tu crois que je le dirais pas si je le pensais pas ? Genre, j'y gagnerais quoi ?" Enfin, qu'elle pense bien ce qu'elle veut, dans le fond, c'est pas vraiment mon problème. Surtout qu'on commence enfin la visite et que mon attention est captée par tout ce qu'il y a autour de nous. Je profite de chaque instant, de chacune des sensations que je peux ressentir, même les plus fugaces. Et j'en oublie même de l'envoyer bouler. Parce qu'en fait, elle est d'excellente compagnie, elle est même plus condescendante. "Ca devrait m'étonne que t'aimes les paillettes ou pas ?" L'espace d'un instant, j'ai un sourire en pensant à Pixie et à son amour des paillettes et des trucs roses. J'en oublie presque la présence de Wendy avant de laisser filer un rire au reste de ses propos. "C'est pas ce qui compte, c'est que les gens retiennent. C'est pire en fait. Parce qu'au final on finit par croire qu'on est que ça et… bref… ouais je confirme, les gosses c'est flippant. A mort."

Je la fixe un instant avant de souffler, d'un ton tranquille, ignorant le fait qu'elle doit se foutre un peu de moi du coup. "J'ai pas si mauvais goût que ça. J'ai adoré ce bouquin. Et la fée clochette est… magique dans le dessin animé." Ouais, là encore, une pensée pour Pixie du coup. Je lui décoche un clin d'œil quand même, parce qu'elle fait une drôle de tête. Avant de me faire un peu plus sérieux quand elle m'interroge. Je me doutais bien qu'elle pigerait pas et je vois de toute façon pas trop comment l'expliquer vu que même moi, j'ai du mal à vraiment comprendre tout ce foutoir dans mon esprit. Et je finis par répondre, d'un ton pensif, comme si je réfléchissais à haute voix. "Parce que là, au moins je connais. Et que ça peut toujours être pire. Bref… laisse tomber, c'est normal que tu piges pas." J'inspire, avec un sourire, comme pour souligner que tout ça, dans le fond, n'a pas la moindre importance. Et là, devant le tableau, j'ai un sourire en coin à sa réplique. "Un modèle de vertu ? Voyez-vous ça. Tu devrais te coller une auréole sur la tête, ça collerait parfaitement pour le coup." Je me marre même carrément au reste de ses propos, prenant un air faussement déçu. "Genre, t'as carrément trop de classe pour faire ce genre de trucs et tu vas me faire croire que ça t'ai jamais arrivé ?" Vu comment on s'est rencontrés, ça m'étonnerait fortement. Mais peu importe. Parce que là, il y LA toile. Elle m'arrache même un frisson et je me frotte le bras sans même m'en rendre compte avant de sourire doucement. Et de la piquer un peu au vif. Je suis curieux de voir comment elle va réagir et, quand je la vois toucher la toile, j'ai un petit sifflement admiratif. "Satisfait. Et je pense que je peux envisager de continuer la visite. Même si tu vas devoir ranger ton auréole du coup." J'ai quand même un rire quand je la vois vérifier si personne ne viens même si j'hésite un instant, haussant une épaule. "e suis pas quelqu'un de particulièrement chanceux en fait. Donc c'est un coup à tomber sur un gardien un peu trop zélé et… oh et puis merde… pas comme si j'allais vraiment avoir de nouveau l'occasion de le faire."

Et je tends la main, effleurant la peinture et incapable de retenir un nouveau frisson alors que mon regard se perd un pu. Je finis par ciller et par me reculer d'un pas, croisant à mon tour sagement les mains derrière le dos… pour voir un gardien arriver. "Et bah, c'était moins une on dirait." Et je l'attrape par la taille pour l'entrainer avec moi. Pour le coup, j'suis content. Ouais. C'est assez rare pour le souligner. Pas dit que ça dure mais, pour une fois, c'est cool.

Je le fixe et hausse un sourcil.

« Parce que qu’ils soient nuls ou doués, ils sont contents de m’avoir satisfaite. Regarde-moi. N’importe quel mec sera reconnaissant que je le laisse penser qu’il assure un max et que je tremble entre ses doigts comme une jouvencelle. Tu l’étais pas toi ? »

Bon, après, il y en a qui s’en foutent totalement des gonzesses et de ce qu’elles ressentent, et tant pis s’il en fait parti… Même si je n’ai pas vraiment eu besoin de faire semblant ou d’en rajouter avec lui, et que ça, c’était cool. Plus que cool même. Je souris en acquiesçant, avant de souffler un rire et de le regarder, écarquillant exagérément les yeux.  

« T’as effectivement des projets impressionnants, je suis surprise. La banque populaire, c’est ambitieux… Et quelle horreur, devoir consoler une fille, qui pourrait vouloir infliger ça à un si gentil garçon ? Et oui, ce sera exactement ça, l’argent dirige le monde que veux-tu. » Je lève les yeux au ciel. « Jalouse oui, c’est ça… Tu veux dire, une vraie machine à café qui fait du vrai bon café ? »

Comme si ça avait une importance ou que je me souciais de son avis. Bon, d’accord, je m’en soucis assez pour me vexer quand il me parle de ride. C’est pas tant que je m’en souci en fait, mais ça se fait pas de dire que les filles ont des rides, pas vrai ? Surtout à moi merde. Je fais la moue sans insister pour autant.

« J’en sais rien. Mais tu peux être assez bizarre pour trouver ça sexy même si ça l’est pas, t’aime bien des mugs chelous… »

Et il aime aussi Rokkaku Ayako. Hum. C’est lui qu’est vraiment chelou en fait. Pas pour aimer la peintre, mais d’avoir des goûts aussi éclectiques et tordus. Enfin, je me comprends. Et pour les peintures, je le comprends, parce que c’est juste fantastique de se retrouver face à de telles toiles.

« Toutes les filles ne sont pas censées aimer les paillettes et autres trucs du genre ? Tu sais les trucs de princesses et de fées… Moi, j’aime et j’assume. » Je le fixe, lui et son sourire devenu tout doux. Je secoue la tête et grimace. « Ouais, on est que ça… Et on est d’accord sur les mômes aussi. »

Je plisse les yeux  et penche la tête sur le côté.

« Le bouquin ? On t’a fait la lecture ou t’en as trouvé un avec des images partout ? » J’esquisse un sourire. « Ouais, elle est plutôt cool. Disney a bien réussi son coup la concernant. »

Elle est super cool même, surtout quand elle boude, j’avoue. Et puis, ça a beau être une peste, elle reste adorable non ? Juste un peu jalouse et possessive quoi. Mais toute mimi. Bref. Le concernant, je ne sais pas trop quoi penser, mise à part que c’est un peu ridicule. Je reste pensive un instant en le regardant.

« Si, je comprends un peu… La zone de confort... Mais tu t’es jamais dit que ça pouvait aussi être mieux ? »

Je suis plutôt mal placée pour faire la morale à ce sujet, je le sais bien, étant donné qu’en vérité, ma zone de confort, je ne la quitte que rarement. Et qu’elle est vachement plus étendue que la sienne sans aucun doute… Je n’en sais rien. Et puis, je m’en fous.

« Mais j’en ai une ! Je l’avais acheté pour un déguisement, elle me va super bien. »

Je le laisse se marrer, me contentant de l’observer avant de soupirer.

« Je suis trop classe pour ça oui. Et non, ça ne m’est jamais arrivé. »

Pas volontairement du moins, pas que je me souvienne, mais on a décidé que je m’en foutais, pas vrai ? Ouais, j’ai décidé ça. Et là, je le perds. Et je me fais avoir comme une bleue quand il me pousse et me taquine. Bon, ça pouvait valoir le coup vu comme c’est chouette de frôler cette toile. Et de l’entendre siffler. Genre je l’ai impressionné ? Je lui tire la langue sans réfléchir, avant de croiser les bras quand il rit. Oui, je vérifie qu’on ne m’ait pas vu et alors ?
Et je le regarde s’avancer à son tour pour la toucher. Il est pas mieux que moi en fait. Et je souffle un rire sans pouvoir m’en empêcher quand un gardien arrive effectivement.

« Sérieux c’est carrément hallucinant, comment tu fais ?... Tu parles d’un chat noir. »

Et je le laisse m’entraîner, toujours à moitié en train de rire. Et pour le coup, je ne cherche même pas à discuter ou à râler qu’il n’a pas à en profiter pour me tripoter. Je m’amuse. A une expo. Je suis encore à moitié stone, mais je m’amuse pour de vrai. Et le pire c’est que le reste de la visite se passe aussi bien. Bon, on ne tente pas de faire plus de conneries, mais ça se passe plutôt bien et les toiles sont toutes plus magnifiques les unes que les autres. C’est vraiment chouette.
Je finis par ralentir et par m’arrêter alors qu’on franchit de nouveau les portes du musée, et je jette un coup d’œil au ciel en soupirant. Il va pleuvoir ? Je me tourne vers lui.

« C’était… sympa. Même si j’ai failli me faire arrêter deux fois par les flics à cause de toi. » J’esquisse un sourire et toussote. « Tu… T’es attendu quelque part ? »

Je le fixe de mes grands yeux innocents, les mains sagement croisées devant moi. J’ai été sage pendant toute la visite, je peux bien avoir une récompense non ? Et puis sinon, je peux faire quoi ? Courir, nager, me défoncer… pas forcément dans cet ordre-là. Mais faut que je m’occupe… Je commence déjà à sautiller sur place.

Je la fixe, non sans esquisser un sourire amusé. "Un point pour toi. Evidemment que je l’étais mais c’était pas tant pour le côté jouvencelle que pour avoir été persuadé de t’avoir cloué le bec. Du coup, ça marche aussi ou pas ?" Bon, je pourrais vraiment me poser la question de si elle a simulé ou pas mais, dans le fond, je m’en branle un peu. Alors forcément, je vais pas trop entrer dans ce petit jeu. Okay, mon égo serait un peu vexé du coup, vu qu’elle a vraiment eu l’air d’aimer ça mais… Bref, on s’en fout on a dit. Et puis, on continue de débiter des conneries, comme si on était genre les meilleurs amis du monde. Alors que, clairement, on vit pas dans le même monde. Ca me surprend, comme la dernière fois, que non seulement on arrive à trouver des tucs à se dire mais qu’en plus, le courant passe plutôt bien. Si on omet que je l’ai cognée la dernière fois. Hum. Détail. "Ouais, je suis ambitieux comme mec, t’as pas idée. Et je suis tellement gentil que ça pourrait déteindre sur toi, fais gaffe." Je lui décoche un clin d’œil avant de hocher la tête. "Bin du vrai bon café, tout dépend, mais vu le prix j’espère que oui."

Et vu les litres de café que je m’enquille c’était devenu vital. Enfin, je sais même pas pourquoi je parle de ça, pas comme si je comptais de nouveau la faire dormir chez moi. Remarque, si c’est pour que ça se passe comme au réveil la dernière fois, y aurait moyen de négocier. Et je sais, ça irait totalement à l’encontre de mon principe de jamais ramener de nana chez moi, encore moins pour les baiser. En tout cas, elle se vexe quand je parle de rides qu’elle n’a pas. Remarquez, j’aurais dû me souvenir de sa réaction sur la cellulite. Pourtant, elle doit bien savoir qu’elle est juste… parfaite ouais. Mais je me garde bien de le dire à haute voix, je voudrais pas voir son égo m’exploser en pleine face et faire des confettis tout partout. "Pourtant, c’est pas le cas Princesse. Tout va bien, t’as pas besoin d’aller te faire botoxer la gueule."

On regarde les peintures et, j’avoue, je me perds un peu dans leur contemplation. Alors que la discussion avec Wendy donc, est plus agréable que je l’aurais cru. On continue de se balancer des piques mais ça reste vraiment gentil je trouve. Et j’ai même un sourire narquois en la fixant de bas en haut. "M’étonne pas que t’aimes et que t’assumes. Après, tant que tu me demandes pas d’aimer le foot et les grosses bagnoles, tu peux respecter tes clichés à toi ouais." Je laisse alors filer un silence pensif même si j’ai un rire quand elle confirme pour les gosses. Avant de me focaliser sur son prénom. On dirait que ça l’étonne que je connaisse mais, du coup, avec Pixie, j’étais un peu obligé de lire Peter Pan et, pire encore, de me mater le dessin animé. Je me fends d’un large sourire et je souffle, me penchant vers elle, la mine complice. "J’ai écouté un mec qui le lisait sur Internet faut pas déconner, j’allais pas apprendre à lire pour ça. C’est magique Internet, tu trouves absolument tout. Et oui, Disney l’a bien réussi, même si d’autres versions sont tout aussi cool du coup."

Je sais pas trop pourquoi je lui parle du reste. Probablement parce qu’on se connait pas, qu’on aura jamais vraiment l’occasion de se connaitre alors qu’elle risque donc de pas m’en vouloir ou de me juger pour ce que je dis. Enfin si, elle me jugera ptet, surement même mais, je m’en fous complètement. J’ai un mince sourire et je laisse filer, la mine pensive. "J’ai plutôt tendance à me dire que ça pourrait être pire en fait." Mouais, le verre à moitié vide, tout ça. Je secoue la tête avant de la fixer, la mine curieuse. "J’aimerais bien te voir avec donc. Et j’ai du mal à le croire Princesse."
Je sais pas comment elle finit par me convaincre de toucher un des tableaux mais, comme je l’imaginais, t’as un type qui débarque. Je le savais, c’était obligé, comme elle le dit, je suis un putain de chat noir. Mais elle se marre alors, du coup, je suis obligé de sourire, même si j’ai un regard en arrière, juste pour être sûr qu’on nous surveille pas du coup. Et on continue de regarder, de se lancer des piques, d’admirer ce qu’on a sous les yeux. Merde, ça se passe vraiment bien fait. Je pensais pas que ça durerait autant avec Barbie pétasse. Elle est marrante et a de la répartie, elle cherche pas à me prendre trop la tête. C’est cool. Vraiment. Alors ouais, je suis presque déçu que la visite se termine du coup. Mais visiblement, je suis pas le seul.

Je hoche la tête à ses propos et j’ai un rire avant de rétorquer, avec un haussement d’épaules. "Tu leur aurais dit que tu faisais ta BA du jour va. Et j’avoue que j’ai quand même bien aimé le petit frisson de l’interdit, même si on aurait pu se faire choper." Je cille quand elle me demande si je suis attendu quelque part et je la fixe un instant avant de reprendre, d’un ton tranquille. "J’ai rien de prévu non. Je te dirais bien que j’ai envie de voir si t’es toujours aussi classe sans tes fringues mais je me dis que, comme façon d’amener les choses quand bien même je suis curieux de voir si ce serait aussi cool que la dernière fois, ça reste pas super élégant. Par contre, je peux te proposer un café." Putain, elle a pas idée de l’effort que je viens de faire là. Moi, proposer un truc à boire, chez moi, à une fille. Que j’ai DEJA sautée. Y a un truc pas net dans l’air, je vois pas d’autres explications. Pourtant, je me penche vers elle et je l'embrasse dans le cou, avant de la fixer avec un sourire en coin.

Je plisse les yeux en le dévisageant, avant de secouer la tête en levant les yeux au ciel.

« Pour les abrutis, ça marche. Même si t’étais pas obligée de me baiser pour me faire taire donc, on a connu des moyens plus efficace et moins pénible tu sais. »

Je le toise, avant de hausser les épaules. Non mais, il ne faut pas déconner, pour qui il se prend lui ? Genre me clouer le bec… Déjà que j’avais discuté avec lui et qu’il aurait dû en être reconnaissant, il n’allait pas me faire croire que ça l’avait fait chier en plus. Et puis merde, on ne couche pas avec moi par dépit ou pur me faire taire donc. Oui, je sais, je me prends la tête toute seule là. Surtout que bon, encore une fois, mine de rien, on parle à nouveau comme si on se connaissait depuis un bail, comme si on s’entendait bien. Et encore une fois, c’est parce que dans le fond, on parle d’art. et merde, ça me surprend encore qu’il soit si… cultivé ou un peu malin quoi.
Je lui jette un coup d’œil et grimace.

« Aucune chance, ne t’inquiète pas. C’est au-dessus de mes moyens d’être gentille… Tu espères ? Tu l’as acheté et même pas encore testé ? »

Et puis, ça m’obligerait presque à revoir mon opinion sur lui, s’il avait du vrai bon café, même si je dois me contenter de son jugement à ce sujet. D’un autre côté, vu la teneur de ses jugements, entre la cellulite et mes rides qui ne sont pas vraiment des rides en fait, je ne suis pas certaine de vouloir le croire. Je hausse les épaules, la mâchoire un peu crispée. Autant pour ses remarques à la con que pour le Princesse. C’est tellement insultant dans sa bouche. Bon, pas forcément là en l’occurrence, je sais bien, mais ça reste ironique… Le bon côté, c’est qu’avec la visite et les toiles, ça passe à la trappe, ou tout du moins, ça reste des trucs pas trop méchants. Je tourne la tête vers lui et j’ai un sourire en coin.

« Merde, t’aimes ni le foot, ni les bagnoles ? Plus ça va, moins je vais m’en remettre, tu brouilles beaucoup trop les pistes là. T’aime l’art, mais les flics t’arrêtent juste à cause de ta gueule. T’as tout du relou crétin, mais t’aime pas le foot… Et les grosses bagnoles, c’est cool. Ouais, on peut aimer les paillettes ET les bagnoles, même en étant une nana. »

Comme on peut visiblement avoir une gueule de délinquant et être geek. Et avoir lu Peter Pan. Ou écouter… Je lui retourne son sourire et acquiesce sur le même air que lui.

« Apprendre à lire pour un roman, ce serait moche… Et oui, j’ai entendu dire ça, c’est fou que ce les gens vont inventer de nos jours, faudra que j’essaie pour voir… Parce que donc, non seulement tu as trouvé un truc audio, mais tu as vu le Disney, ainsi que d’autres versions ? On t’a payé pour ça ou quoi ? »

Je le regarde interrogative, avant qu’on change de sujet et qu’on en aborde un autre, tout aussi surprenant. C’est vrai quoi, qui aurait pensé qu’il me balancerait tout ça ? Certes, je me dis qu’il en a sans doute rien à foutre, qu’il peut aussi me raconter des conneries, ou peu importe en vérité. Même si je grimace malgré moi. Pire. S’il le dit. Ouais, perso, je pourrais être fauchée effectivement. Seule, accro et fauchée. Beurk. Je secoue la tête, avant d’esquisser un sourire quand on parle d’auréole et d’autres conneries. Et à nouveau, je me braque un peu. Encore de sa faute oui évidemment. Mais je lui répondrais même pas, et peut-être parce que ça a pu m’arriver quand j’étais totalement défoncée. Mais  ne m’en souviens pas, donc ça ne compte pas. Et j’évite d’y repenser surtout, alors je ne vais certainement pas lui confier.

Et cet abruti arrive à me convaincre de toucher une toile sans que je pige comment. Et s’il finit par le faire aussi, c’est de justesse. La poisse. Ce mec a la poisse sérieux. Et je lui attrape le bras en riant avant de nous éloigner du gardien. Je ne sais pas trop non plus comment, mais le reste de la visite se poursuit de la même façon. Entre piques, sourires et émerveillements. Et j’arrive à rester aimable et enjouée tout du long avec lui. Tout comme il arrive à rester civilisé et sympa. Un exploit. Tant pour lui que pour moi je suppose. Mais ça reste… oui, super agréable. Mais on va dire que je lui pose la question parce que sinon je vais m’emmerder... Et que c’était un super coup. Hum.
Je souris.

« Genre je promène le simplet pour sa promenade hebdomadaire ? Ça pourrait marcher… Le frisson de l’interdit, c’est toujours ce qu’il y a de mieux. Tant que tu ne te fais pas choper. »

Durant un instant, je me demande si je fais vraiment bien. Mais s’il a aussi un instant d’hésitation, il ne dure pas longtemps, et je le dévisage alors qu’il reprend mine de rien. Je grimace un sourire, les sourcils froncés, partagée entre le dépit, l’amusement et l’envie. Parce que j’ai bien aussi envie de le revoir sans fringues, on va pas se mentir. Et si c’est toujours aussi bon avec lui. J’inspire lentement quand il m’embrasse dans le cou.

« Y a pas à dire, tu sais t’y prendre pour plaire aux filles. Un véritable séducteur… Je te remercie de vouloir être élégant donc. » Je le toise. « C’était cool à ce point là la dernière fois ? » J’ai un sourire alors que je commence à descendre les marches. « Ma voiture est garée pas loin. Tu veux aller où ? Je vais avoir le droit de gouter ton super bon café hors de prix dans un mug de super héros ?... Le pire, c’est que je suis sûre que t’as même pas de super héroïne hein ? »

Comme si je pouvais croire que ce serait ailleurs que chez lui après son baratin. Comme si je pouvais faire croire de mon côté que j’en avais pas autant envie que lui. Mais faut bien que j’ai quelques défauts ou faiblesses non ?
Je désigne ma voiture du menton et j'ai un sourire en lui ouvrant la portière.

« Allez grimpe. Tu vas voir comme c'est chouette les grosses bagnoles... »

J’ai un rire alors que je secoue la tête en voyant la façon dont elle prend la mouche. "Je me trouvais susceptible mais t’es pas mieux en fait. Et, franchement, s’envoyer en l’air pour arrêter de causer, tu crois vraiment qu’il peut y avoir plus efficace ?" Surtout que bon, on s’était plutôt bien marrés elle et moi. Même si je pensais clairement pas la recroiser un jour. Et que, mine de rien, quand elle a l’air plus clean, elle est presque sortable. C’est même plutôt cool de discuter avec elle et, pour un peu, j’ai presque pas l’impression de détonner dans le décor. Ca change un peu du coup. "Oh allez, tu dois bien arriver à faire semblant d’être gentille au point de convaincre le monde entier non ? Et j’ai testé mais vu tes goûts de luxe Princesse, je préfère pas m’avancer et dire qu’il est bon si c’est pour que tu me le jettes à la gueule." Enfin, pas comme si elle allait venir en boire un chez moi. De café donc. A cette pensée, je retiens un ricanement surtout que, visiblement, j’ai quand même presque réussi à la vexer. Et vu le numéro, je suis vraiment étonné. Mais bon, ça passe à la trappe et c’est pas plus mal vu que visiter l’expo avec elle s’avère plus cool que prévu. Bon, j’avais rien prévu du tout mais c’est l’idée quoi.

Je lui rends son sourire et je hausse les épaules. "Désolé, je peux pas non plus être un cliché ambulant sur tout. Et du coup, c’est une bonne ou une mauvaise chose que je t’embrouille ? Je me rends pas compte. J’ai quand même pas tout du relou crétin si ?" Est-ce la réponse a vraiment une importance ? En fait non, mais je suis curieux de voir les arguments qu’elle peut balancer. Après tout, le jugement d’une pétasse bourrée de fric, même si elle est moins conne qu’elle en avait l’air au premier abord, c’est toujours déconne à entendre. "J’ai quand même jamais dit qu’une fille avait pas le droit d’aimer les bagnoles. Grand bien te fasse si c’est ton cas. T’aimes le foot aussi ?" Et elle me lance des petites piques. Rien de bien méchant, d’autant que je cherche un peu la merde aussi. Alors, forcément, j’en rajoute une couche. "J’ai vu les films aussi. Enfin le film et la suite donc. Et euh… y a une bd plutôt cool qui l’a réadapté dans le Londres du 19ème siècle j’crois. Un truc du genre. Bref…" La faute à Pixie tout ça, à force de lui chercher des dessins à la con, j’ai fini par me renseigner et par trouver ça plutôt cool. Et puis, on continue de discuter. J’avoue que les sujets abordés ont de quoi me surprendre mais pourtant, j’essaie de jouer le jeu, autant que possible. Quand bien même je reste persuadé qu’elle doit rien piger ou s’en foutre totalement de ce que je raconte. C’est pas dramatique hein, qu’on soit bien d’accord, mais je suis étonné de lui balancer des trucs pareils en fait.

Et de la voir jouer à la pseudo dévergondée en touchant la toile. Bon c’est sans compter sur mon côté chat noir mais au moins, on finit la balade sur une note… marrante ? Ouais, on va dire ça comme ça. J’ai un rire à ses propos et je jette un regard aux alentours avant de hocher la tête. "Ouais ou le cassos’ du coin. Et je te dirais bien que je suis d’accord avec moi mais vu que je me fais presque tout le temps choper, j’évite en général les trucs interdits du coup." Et voilà que je me fais maitre de la délicatesse. Oh, ça va, vu comment ça s’est passé la dernière fois, je vais quand même pas me casser le cul à faire dans la subtilité si ? Et puis, faut bien que j’entretienne mon image de connard un peu. J’ai quand même un sourire en coin quand elle me répond. "Mais de rien. J’ai toujours été super doué ouais pour ce genre de trucs." Je lui jette un regard de bas en haut avant de reprendre, un ton plus bas. "C’était vraiment cool ouais. Et t’as pas vraiment du genre prise de tête, c’est un bonus non négligeable." Je la suis, les mains dans les poches avant de me figer devant la voiture et de laisser échapper un petit sifflement. "Ah ouais, quand même. On est à 10 minutes de chez moi en voiture et je crois que j’ai un mug fée clochette à défaut d’en avoir un de super héroïne. Tu crois que ça ira ?"

Donc ouais, je la ramène chez moi. Enfin, elle nous ramène chez moi. Le truc juste improbable en fait. Mais pas tellement désagréable. Je reste un instant interdit quand on monte dans la caisse, ne parlant que pour lui indiquer la route, avant de lâcher, avec un sourire narquois. "Okay, j’aime toujours pas les grosses bagnoles mais avec toi au volant, c’est plutôt pas mal. Et c’est juste pour la frime ou t’aimes vraiment les voitures, la vitesse, ce genre de trucs ?" Je finis par lui indiquer la petite rue en bas de chez moi et une place au bout de la voie sans issue, attendant sagement qu’elle fasse les manœuvres et me demandant vaguement si on a déjà eu une voiture dans le genre dans le quartier. Sans compter que je me demande si elle arrivera à sortir de là sans rien péter. Mon regard s’attarde alors, comme il a pu le faire à plusieurs reprises pendant le trajet, sur sa jupe, bien remontée quand elle s’est installée au volant. Ouais, je me rince l’œil mais, en même temps, y a de quoi faire. Mais, à noter que j’ai rien fait. Outre le fait que j’ai pas particulièrement envie d’avoir un accident, j’ai pas non plus envie de payer les frais si elle raie sa caisse parce que je l’aurais touchée où il faut pas. Me faudrait 10 ans de paie pour rembourser une jante, ou un truc du genre. Et je me penche alors vers elle, mes lèvres s’appropriant les siennes sans la moindre hésitation pendant que mes doigts glissent sur sa cuisse, s’aventurant même sous le bout de tissu. De toute façon, elle est assez grande pour me dire d’arrêter si ça la branche pas. Et je souffle, mes lèvres contre les siennes. "C’est le moment où je te propose de boire ce foutu café c’est ça ?"

Je lui lance un regard peu amène et je hausse les épaules. Je ne suis pas susceptible, je n’aime juste pas qu’on se permette de me parler comme ça et… Bon, d’accord, je suis sans doute un peu susceptible. Et non, je ne lui ferai pas le plaisir d’avouer que s’envoyer en l’air est effectivement un bon moyen de faire taire quelqu’un, moi en l’occurrence. Un moyen de changer les idées, de penser à autre chose, ça oui, mais c’est pour tout le monde pareil. Bref, ce n’est pas tout ça, mais on discute et on passe à autre chose. Je finis par sourire un peu en grimaçant.

« Je ne le suis pas vraiment, même si oui, je suis bonne comédienne pour ça aussi, je peux convaincre n’importe qui que je suis un amour, mais uniquement quand ça rapporte assez… Et si je t’ai pas jeté le truc immonde de l’autre fois, je ne le ferais pas davantage. »

Je suis bien élevée quand même. Et pour pouvoir l’ébouillanter, encore faudrait-il que j’aille chez lui, de nouveau, volontairement. On est d’accord, ça n’arrivera pas. Même s’il est plutôt d’agréable compagnie pour une visite telle que celle-ci. Je soupire néanmoins à ses questions et je le regarde rapidement de bas en haut avant de répondre.

« Je préfère avoir le contrôle, sur ce qui m’entoure, et savoir à quoi m’en tenir, donc non, c’est pas une bonne chose. Et mise à part que t’es à une expo de Rokkaku Ayako, t’es quand même bien dans ton rôle, entre le blabla un peu macho et la dégaine de vrai-faux bad boy, et les collections à la con entre autre… Laisse-moi deviner, tu souris et les nanas mouillent leur petite culotte ? Je trouve ça désespérant un peu quand même. Ça t’énerve quand tu n’as pas ce que tu veux ? » Je lui souris, tout en me demandant pourquoi diable je lui parle autant. Et j’ai cette petite voix insidieuse qui vient me souffler quelques mots à l’oreille. Ouais, ouais, il y a quelques fragments, quelques ressemblances… Tant mieux pour lui, au moins, ça me rend un peu sympa. Oui, je suis trop conne. « Ça va de paire avec l’image de macho non ? Les femmes n’ont pas à aimer ou faire certaines choses… Et non, le foot, ça craint. Même si les mecs sont super bien foutus en général. »

J’inspire et me demande un instant pourquoi un mec comme lui semble s’intéresser à Peter Pan. Mais après tout, il aime la peinture, les super-héros, alors pourquoi pas un Disney ? Peut-être que ses parents lui lisaient quand il était petit, comme moi… Et puis surtout oui, je m’en fous.

« Les films sont cools aussi c’est vrai. Robin Williams est génial dans Hook. Et on m’a parlé des BD, je n’ai pas encore pris le temps de les chercher pour les lire. »

Faudra que je les commande en fait, elles ont l’air plutôt cool. Et parce que je suis de bonne humeur, ça continue un peu sur le même ton, entre conversation sympa et piques pas trop méchantes. Il reste super bizarre, du genre que je ne pige pas trop, mais après tout, c’est son problème s’il reste alors que ça l’emmerde. Pourtant, j’essaie de comprendre, ce qui me surprend moi-même. Mais… on passe un moment agréable, pourquoi le gâcher ? Ce n’est pas comme si ça m’arrivait si souvent que ça mine de rien. Et puis, c’est amusant d’avoir quelqu’un avec qui faire des conneries. De petites conneries certes, mais quand même... Ce n’est pas avec mes amis que je pourrais me conduire ainsi. Et c’est aussi à cause de ça que Pixie est apparue, pouvoir faire des trucs à la con sans devoir rendre de compte, pouvoir agir comme je le veux vraiment sans être jugée. Et je dirais bien que je me fous d’être jugée, d’autant plus par quelqu’un comme lui, mais ça ne serait pas hyper crédible dans l’immédiat. Mais en vrai, dans mon état normal, je m’en cogne de l’avis des autres. Même si je trouve ça chouette de le faire rire mine de rien. Mon sourire s’agrandit un peu en retour.

« Faut travailler ton… style. Enfin, t’en construire un, ce serait déjà pas mal en fait, parce que là, ça craint un peu. Tu te ferais moins choper. C’est marrant quand même les trucs interdits… »

Quand on ne risque pas de se faire prendre soit. Et lui, j’avoue que c’est mal barré vu sa gueule. Tout sexy qu’il soit avec ce sourire. S’il est aussi doué avec les flics que pour draguer, ça fait un peu flipper. Bon, je sais, je ne dis pas non malgré son manque flagrant de finesse. Je devrais refuser, si je n’avais pas enclenchée le truc, mais la vérité c’est que je n’ai pas mieux à faire et que c’était assez bien pour que je veuille recommencer. Je le fixe, un sourcil levé.

« Et ça marche ce genre de drague sans subtilité ? Moi, ça ne compte pas, j’ai demandé en première si tu étais dispo… Et c’est bien la première fois qu’on me dit que je ne suis pas prise de tête. »

Pas que je suis un super coup par contre, et encore, la dernière fois, je n’étais pas spécialement au mieux de ma forme. Mon sourire s’agrandit à sa réaction devant ma voiture. Ouais, elle est classe. Même si je fronce un peu les sourcils.

« … La fée Clochette ? Je sais qu’elle est sexy, mais c’est un peu bizarre comme obsession quand même… »

L’hôpital, la charité, tout ça. Mais moi, c’est normal. Et si la route se fait relativement en silence, me contentant de suivre ses indications pour arriver chez lui, je tourne la tête vers lui et hausse une épaule.

« Pas mal… C’est vexant un peu. Et non, ce n’est pas uniquement pour la frime. J’adore cette sensation de puissance, de force quand je suis au volant. 570 chevaux, 10 secondes pour atteindre les 200km/h… C’est grisant, la vitesse, t’as pas idée. Je me suis dit que j’allais en changer peut-être, j’adore la Bugatti Chiron, mais ils m’emmerdent concernant le prix… Je verrai, la Porsche 918 spyder ou même la Lamborghini Huracan Performante ne sont pas si mal… »

Même si la Chiron est tellement magnifique… Mais merde quoi, j’ai plus de 21 ans, ils n’ont pas à me dire quoi faire de mon argent pas vrai ? Qu’est-ce que ça peut faire que je mette des centaines de milliers de dollars dans une voiture ?... ou même deux millions donc… Hum. Enfin ce n’est certainement pas avec lui que je discuterai de ça. Je finis par me garer dans l’allée qu’il me désigne, me demandant vaguement combien de personnes y ont déjà été assassinées. Bon, j’exagère un peu, mais elle reste glauque. J’arrête le moteur, me détache et tourne la tête vers lui, sans avoir pour autant le temps de dire quoique ce soit. Il m’embrasse et je lui rends son baiser sans hésitation, mon cœur s’accélérant un peu en sentant sa main sur ma peau. Je le dévisage et effleure ses lèvres de ma langue.

« Sans doute. Et c’est celui où je réponds que ce n’est pas pour le café que je suis là ? »

Et je fais sans doute le truc le plus stupide de toute la journée. Je me tortille et me déplace tant bien que mal pour finir à califourchon sur lui, ma jupe remontée jusque sur mes hanches ou presque. Je le fixe un instant, avant de l’embrasser à nouveau, passant mes mains sur ses épaules pour en virer sa veste. Je me recule un peu, tirant pour lui enlever sa veste, et je le regarde.

« Et si je te dis qu’en plus des toilettes du musée, je n’ai jamais fait l’amour… ou baiser dans cette caisse si magnifique, tu me croirais ? » Je le mordille dans le cou. « Tu m’aides à remédier à ça ? »

Et mes mains passent sous son t-shirt, mes ongles griffant sa peau, alors que je lui souris.