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 naufragés. (nanaj)

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JJ O'Reilly

JJ O'Reilly
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MessageSujet: naufragés. (nanaj)   naufragés. (nanaj) EmptyMar 29 Aoû - 20:12

Y a exactement 17 cigarettes à mes pieds. En imaginant que je mette trois minutes à fumer chaque cigarette, plus le temps de pause entre deux, je dois être là depuis.. trois fois dix sept.. Putain. Bref, j'suis là depuis un moment. J'observe les vas et viens dans l'immeuble. J'ai pas osé y remettre les pieds en même temps que Samih ou  Daire. Je sais d'avance que ça va dégénérer sinon et pour l'instant, je suis plutôt dans l'optique de faire l'autruche et d'attendre que ça passe. D'attendre que Samih se calme et passe à autre chose. Qu'il me pardonne, qu'il s'excuse même, d'avoir été aussi con avec moi. Parce que moi, je n'ai rien fait de mal. Moi, j'ai fait ce que j'avais à faire. Et je suis prêt à parier tout ce qu'il veut, que si les rôles avaient été inversés, il aurait fait exactement la même chose. Franchement, Samih, avec un marmot ? Jamais d'la vie. Je vois enfin Daire et Ailish quitter l'appartement et Ailish m'envoie un sms, pour me prévenir que les lieux sont vides. Ailish, c'est la seule qui ne m'a pas encore totalement tourné le dos. Elle au moins, elle sait que je n'y suis pour rien. Que tout ça, c'est juste un malentendu. Que c'est plus impressionnant que ça l'est vraiment. Que ça va se tasser, que les choses vont reprendre leurs cours. Et tout ira bien. Tout ira bien, oui. Je me faufile jusque dans l'immeuble et grimpe jusque dans l'appartement. Ça me fait un peu bizarre de revenir ici, comme ça, en cachette. Comme si je n'avais pas le droit. Comme si je n'étais plus chez moi. Alors que, putain, c'est chez moi ici. Plus que chez Samih, que chez Daire, que chez Ailish ou Eanna même. C'est grâce à moi qu'on existe, qu'on survit ensemble, qu'on avance depuis tout ce temps. Quelle bande de sales ingrats. Faudra que je leur rappel, que je leur dise. Histoire qu'ils s'en souviennent un peu. Qu'ils n'oublient pas qu'ils me doivent tout. En attendant, je profite de cet instant de tranquillité pour aller me prendre une douche et changer de fringues, je commençais à en avoir marre de remettre toujours les trois mêmes t-shirt sales. Et puis, je vais me caler sur le matelas qu'on partage avec Eanna. Les draps sont encore frais et propres, signe que personne n'a dormi dedans depuis un moment. J'ai le coeur qui se tord un peu dans ma poitrine mais je bloque rapidement tout ça. M'enlisant dans mon déni encore un peu plus profondément. Pour ne pas penser à tout ça. Ne pas penser à Eanna à l'hôpital. A Eanna fracassée sur le sol. A tout ce sang qui avait coulé de partout. Je n'y pense pas, surtout pas, jamais. A force de ne pas y penser, ça va bien finir par disparaitre. Par n'avoir jamais existé. Et bientôt, ce ne sera plus qu'un lointain souvenir, dont on a du mal à se remémorer tous les détails. Peut-être même qu'on en rira. Après tout, il paraît que le temps arrange tout, adoucit tout. Je reste allongé là, à comater, pendant un moment. Mais je n'arrive pas à être tranquille. Je bouge de façon frénétique, ça me gratte de partout, je ne suis jamais bien installé. Parce que je sais qu'elle va arriver, d'une minute à l'autre. C'est Ailish qui me l'a dit. Un taxi doit la déposer aujourd'hui, dans l'après-midi. Vu que c'est moi qui ait la voiture, personne n'a pu aller la chercher. Tant mieux, ça m'arrange. Et soudain, y a du bruit et mon cœur flanche. Comme si le sol venait de se dérober sous lui et qu'il dégringolait violemment de mille étages. Je me tends. Je voudrais agir normalement, mais je n'y arrive pas. Je suis crispé de la tête aux pieds et j'ai peur, anormalement peur. Une sensation que je ne connais pas habituellement. Mais là, ça me glace la peau et ça me prend aux tripes. Je demeure immobile et muet, je tends juste l'oreille. Elle tourne un moment dans la cuisine, je crois. Et, finalement, elle apparaît devant moi. Et là, y a comme un long blanc. Comme si quelqu'un venait de mettre pause et que tout était figé, nous compris. Et je vois son visage cabossé, et son teint livide et son corps recroquevillé, douloureux. Et je suis incapable de savoir quoi penser, ou quoi ressentir. Y a une partie de moi qui voudrait bondir, lui demander qui a osé lui faire ça et aller buter l'enculé qui a levé la main sur elle. Mais c'est moi l'enculé et je ne peux pas l'admettre. T'avais une bonne raison, n'oublie pas. Je finis par me lever, tout doucement, la mine calme et je m'approche. Et au fur et à mesure que je m'approche, je sens qu'un truc ne va pas. Dans son regard, dans sa posture. Y a quelque chose de laid, d’écœurant, de violent. Et putain, ça me transperce de tous les côtés. Mais je fais comme si je ne voyais rien. Je fais comme si ce n'était pas le naufrage dans ma poitrine. Je l'attrape contre moi, sans lui laisser le choix et je la serre, venant capturer ses lèvres avec une douceur inhabituelle, avant de murmurer. — T'es belle Nana. Et mes mots coulent sur elle comme du poison, une partie de moi le sait, l'autre s'en fout. Ouais elle est belle comme ça, maculée de ma folie. Elle est mon chef d’œuvre. Mais elle est surtout bombe à retardement. J'suis pas certain de m'en tirer vivant cette fois.
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MessageSujet: Re: naufragés. (nanaj)   naufragés. (nanaj) EmptyVen 1 Sep - 23:50

Les jours défilent et elle en perd rapidement le fil, mutique devant l'éternel. Elle ne veut pas parler, Eanna, mais elle refuse aussi d'écouter, d'entendre. Parce que ce serait mettre des mots sur ses maux, admettre la vérité crasse de son corps en miettes et de son coeur qui chiale à l'agonie. Et elle refuse. Catégoriquement, comme une sale môme qui se boucherait les oreilles en parlant très fort pour causer des bruits parasites capables de tout étouffer, jusqu'à la douleur dans ses os martyrisés, dans ses chairs ouvertes, dans son palpitant qui en crève. Elle se fait pourtant passive Nana, docile comme jamais, elle la gosse révoltée, le chat qui feule, griffe et crache alors qu'il voudrait seulement que tu l'adoptes. Elle est une poupée qu'on promène de pièce en pièce, d'examen en examen et sur laquelle s'écrasent aussi bien les paroles réconfortantes que les reproches d'une équipe médicale à la dérive, déconcertée par sa faculté à conserver un silence exemplaire, à les fixer sans les voir. Ils ne savent pas, eux, qu'elle est reine du cache-cache, qu'elle peut se perdre dans les méandres de sa cervelle malade et s'y terrer jusqu'à la fin des temps. Ils n'imaginent même pas combien elle ne les voit pas, comment ils sont remplacés par des filtres fantasmagoriques et des balbutiements dénués de sens. Eanna, elle a abandonné sa carcasse douloureuse pour se terrer à l'intérieur, là où on ne la trouvera jamais. C'est pas si joli à l'intérieur, y a la bande-son des poings de JJ qui s'abattent sur elle comme un tambour. Grave, régulier, chargé d'une intensité à glacer le sang. Mais pas le sien, brûlant d'acide.
Et puis, c'est l'heure de partir. Nana, elle ignore combien de temps elle a dépéri dans cet univers aseptisé où les heures ne s'égrènent que pour imiter les précédentes. Elle ne se souvient qu'à peine des visites, des sourires, les connexions ne se font plus là-haut : elle a pris des vacances, un long congé pour se laisser le temps d'assimiler sans perdre pied. Parce que perdre JJ, c'est un processus long, douloureux Ca implique un deuil impossible et une force intérieure qu'elle n'a jamais possédée. Faudrait être saine pour se battre contre ses démons et puis les siens, pour gravir des montagnes escarpées au lieu de se laisser noyer. Et Nana, elle est rien de tout ça. Elle est cabossée à l'intérieur au-delà du réparable et elle se sent vide. Désastreusement vide et sans consistance, maintenant qu'une partie d'elle est morte sur le carrelage. Pas seulement ce bébé, non, mais aussi la gosse amoureuse de quatorze ans qui se marrait face aux conneries de JJ et passait son temps à l'emmerder en dégueulant d'amour par les yeux. Elle a le sentiment d'être rien sans elle, cette brave gosse pour lui tenir la main et l'entraîner un pied devant l'autre pour rendre les journées plus supportables. Mais Nana, elle ne la voit plus. Jamais. Et ça lui fait peur, de se sentir aussi morne à l'intérieur, elle a l'impression de sentir la mort dans une hallucination olfactive qui la prend aux tripes. Elle serre violemment la poignée de la porte du taxi cossu qui tente de la ramener chez les vivants et elle se sent oppressée Eanna. Y a l'angoisse dans sa poitrine qui gonfle comme un ballon de baudruche pour prendre toute la place et appuyer sur ses côtes endolories.
Elle ne veut pas.
Elle ne veut pas y retourner. Elle ne veut pas le voir, le grand absent de cette cérémonie funeste. Elle veut pas, parce qu'elle a peur que le vide ne redevienne plein sous son regard trouble qui l'enivre. Elle a peur qu'il éveille le monstre à l'intérieur, celle qui est pétrie de haine, de rage, celle qui veut en découdre en permanence et qu'Eanna craint beaucoup. Elle a peur de ce qu'elle pourrait faire à JJ, peur de le voir et d'être démangée par l'envie d'en finir mais également peur qu'il ait détruit jusqu'à ça et que sous ses mots ... il ne se passe rien. Le néant absolu, l'hiver nucléaire à l'intérieur. Alors Eanna, elle actionne la poignée de toutes ses forces pour descendre en pleine marche, compulsivement. Une fois, deux fois, dix fois. Ses doigts se crispent sur la poignée qui ne cède pas et elle crie qu'elle veut descendre, elle hurle comme un animal blessé, laisse ses pieds frapper la portière même si le choc se répercute sur tous ses os de verre et lui arrache des gémissements de douleur. Ingérable, lion en cage. Il pile le chauffeur, la traite de putain de cinglée et déverrouille la portière en secouant la tête. Mais Nana ne le voit pas. Elle ne voit rien, occupée à aspirer frénétiquement de l'air. De l'air à en imploser pendant qu'elle charge à l'aveugle comme un taureau condamné. Elle ne sait pas où aller. Elle ne sait pas que faire. Elle ne sait plus rien.

Et elle zone, encore, tourne en rond dans les rues de son quartier comme une âme en peine, visage contrit et regard hagard, flou. Elle ne voit rien, Eanna, seulement des formes indistinctes et brouillonnes, flottant dans la robe blanche apportée par Daire comme un revenant. Ou une camée ravagée.
Souffle court, respiration stridente et gestes fébriles, elle finit par retrouver le chemin de l'appartement. Sa valise a été égarée quelque part alors qu'elle flottait à cent mètres au-dessus du sol et elle ne le réalise qu'en posant une main faiblarde qui l'énerve sur la poignée de la porte. Putain de merde, c'est chez elle. Mais Eanna, elle n'a pas envie de composer avec les regards compatissants, avec les silences gênants et les conneries débiles pour détendre l'atmosphère. Elle veut pas composer. Elle veut juste la paix. Et un monde sans lui. Mais c'est n'importe quoi d'espérer parce que le dieu de ses parents, il ne l'a jamais écoutée. A part lui coller une queue entre ses cuisses trop juvéniles et un utérus maudit qui sème la mort et la désolation, elle voit pas trop ce qu'il a fait ce con. Alors forcément ... c'est lui que ses opales rougies par les coups aimantent jusqu'à elles, c'est vers lui que ses regards convergent, que ses jambes la portent, que ses muscles se bandent et que son coeur s'écorche. Putain de JJ. Elle le sent, le sang qui bout dans ses veines et pulse trop fort jusqu'à ses tempes. Elle le perçoit, le voile noir qui menace de tomber devant ses yeux ternes pour parfaire sa mutation. Et Nana, elle ne veut pas. Alors elle s'absente à nouveau, elle se désolidarise de son corps comme ce triste jour de septembre, écrasée par le poids mort du salaud de violeur. JJ la serre dans ses bras et elle se raidit, se fait plomb dans une étreinte à laquelle elle refuse de s'abandonner. Et puis il la brusque. Il l'embrasse et Nana bouffe sa lèvre comme un avertissement. Elle aurait pu lui déchirer les lippes et lui renvoyer à la gueule, elle se contente de mordre comme un clébard qui avertit que la prochaine fois, il t'arrache la main. ME TOUCHE PAS T'ENTENDS ?????! Sa voix croasse plus qu'elle ne hurle, brisée d'avoir été trop tue. Et Eanna elle s'écarte, violemment. Ses ongles s'enfoncent dans son torse pour le repousser loin d'elle alors qu'elle rêve d'attraper sa pomme d'adam entre ses doigts jusqu'à en faire un raisin sec. Elle a le souffle court, erratique et l'air écarquillé, perdu, qu'ont ces animaux tremblants piégés dans les phares d'une bagnole. C'est exactement ça, qu'elle ressent. Nana, elle est prise au piège de sa propre inconstance et danse d'un pied sur l'autre comme une funambule maladroite. C'est ce qu'elle est. Incapable de démêler le bordel à l'intérieur, de comprendre ce qu'elle veut et ne désire pas. Elle voudrait juste ne plus exister, c'est pourtant pas si compliqué. JJ ouvre la bouche de sa voix sirupeuse qui vient l'engluer et Nana, elle en tremble, poings fermés et sens aux aguets, cramés par l'adrénaline, le danger qui n'a pas lieu d'être quand elle est là. Chez elle. Avec les siens. Mais c'est JJ qui a tout détraqué, lui qui savait si bien la compléter. Et toi t'es laid. qu'elle siffle, à nouveau calme, bipolaire des sentiments, trop instable pour son propre bien. Eanna elle crache ça en le regardant droit dans les yeux des siens qui lancent des tempêtes comme si elle le voyait distinctement pour la toute première fois. Comme si JJ n'était plus son âme soeur, mais juste ce qu'il a toujours été : une merde. Et puis y a la voix dans sa tête qui s'élève à nouveau. Qui lui rappelle qu'elle ne doit pas le regarder. Qu'il faut pas. JJ, il enflamme ses rétines et si elle le regarde, elle aura pas la force de s'opposer. Parce qu'il est son centre de gravité, et c'est sa faute si elle tourne encore moins rond que d'habitude. C'est comme si tu m'avais ouvert les yeux en essayant de me les fermer ... Et en réussissant, partiellement du moins, la faute aux coquards comme offrande. Nana, elle cherche pas la cohérence, elle balance ce qu'elle ressent comme si elle saignait ses pensées. C'est pas beau. C'est pas recherché. C'est pas réfléchi. C'est là, et c'est tout. Ou que tu portais ton âme par-dessus le corps, tu sais, que tu pouvais plus t'cacher maintenant. Et ce que j'vois, ça me fout la gerbe.

Elle recule, Nana, comme sonnée par ce qui s'est glissé en filigrane entre elle et un JJ que ses yeux refusent de reconnaître tout à fait. Comme s'ils avaient besoin de le grimer, de le transformer, pour séparer le bourreau du sale con qu'elle aime à en crever. Ca peut pas être les mêmes, elle pourra jamais s'y faire, alors elle se noie dans son déni et heurte l'angle de la table dans sa fuite en avant, grimaçant de douleur alors que ça irradie partout. J'veux plus te voir JJ. J'veux plus que tu me regardes. J'veux plus que tu m'parles. Je veux plus rien de toi. Parce que s'il la regarde, s'il lui parle, si elle plonge dans ses iris instables qui lui rappellent tant les siennes, elle sait qu'elle va sombrer Eanna. Et j'suis sérieuse, j'te jure que je vais te tuer si tu m'écoutes pas. Mais moi, j'vais pas t'rater, tu finiras comme ton gosse, dans une putain. de. poubelle. Et elle se remet à crier la gamine, poing serrés et haine brandie en étendard. Elle pourrait le tuer, oui. Parce que si elle ne le tue pas, elle sait qu'elle va lui pardonner.
Et c'est encore pire.
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MessageSujet: Re: naufragés. (nanaj)   naufragés. (nanaj) EmptyMar 12 Sep - 10:18

ME TOUCHE PAS T'ENTENDS ?????! Elle hurle, me repousse, ma lèvre meurtrie par ses dents. Je me laisse faire, un peu dubitatif de cette réaction que je juge exagérée. Je fronce les sourcils et reste pantois, la dévisageant avec cet air perplexe. Comme si c'était elle qui était à côté de la plaque. Comme s'il y avait un malentendu et que je ne méritais pas d'être traité comme ça. Elle doit probablement être un peu perturbée par son séjour à l'hôpital. C'est rien, ça va lui passer. Dans deux minutes elle sera calmée et je pourrais la reprendre dans mes bras, et tout ira bien, tout s'arrangera. Comme toujours, pas vrai ? Pourtant, je reste bloqué. Je n'arrive pas à retourner vers elle, à la reprendre de force dans mes bras. Y a une force interne que je n'explique pas et qui me pétrifie. J'ai l'impression que mon cœur devient douloureux, comme si quelqu'un pressait un étau autour. C'est comme si mon intuition gueulait quelque part au fond de ma poitrine, qu'elle me disait que le vent est en train de tourner, que c'est la merde et que je ferais mieux de me casser d'ici avant de me faire engloutir par la tempête. Mais j'suis trop con, je ne vois pas venir l'orage, alors je reste là. Et ma voix s'élève et je ne comprends pas pourquoi mes mots ne la détendent pas, ne lui font pas plaisir. Elle se raidit encore plus et il y a un tas de choses qui passent dans son regard. Rien de bon. Que des trucs sales, violents, emprunt d'une haine qui ne m'avait encore jamais été destinée. Et ça me broie de l'intérieur, ça me fait peur. Pourtant, j'ai jamais peur moi. — Et toi t'es laid. En temps normal, j'aurais éclaté de rire, je lui aurais dit que sa répartie de gamine de 5 ans elle pouvait se la garder. Puis j'aurais foncé sur elle et je l'aurais attrapée, je lui aurais fait l'amour jusqu'à ce qu'elle me supplie de ne jamais arrêter. Jusqu'à ce qu'elle me hurle qu'elle m'aime et à quel point elle ne peut pas vivre sans moi. Mais aujourd'hui, je ne dis rien. Parce que j'suis peut-être pas Einstein, mais je suis loin d'être complètement con. Et je sens bien que sa phrase veut dire bien plus qu'il n'y parait. Ça me glace le sang et ma gorge se noue, me laissant étrangement silencieux. Moi qui suis toujours en train de causer, de l'ouvrir, de riposter. Là, je suis incapable d'émettre le moindre son. Comme un condamné qui attend sa sentence avec résignation et terreur. — C'est comme si tu m'avais ouvert les yeux en essayant de me les fermer ... Ou que tu portais ton âme par-dessus le corps, tu sais, que tu pouvais plus t'cacher maintenant. Et ce que j'vois, ça me fout la gerbe. Bang, bang. Je me fais flinguer en deux phrases et c'est moi qui me mets à pisser le sang devant elle maintenant. Mon visage qui se décompose, puis qui se tord, dans une moue froissée. J'suis en colère, au moins autant que j'suis à terre. J'ouvre la bouche, mais y a rien qui vient. Je perds mes mots et le fil de ma pensée. J'ai l'impression qu'on me joue un sale tour. Je finis par déglutir et je passe mes mains sur mon crâne, les doigts qui tremblent légèrement. La faute à la nervosité, à la rage mal dissimulée, à la crainte grandissante. — Tais toi... Que je souffle, à mi-voix, parce que je ne sais pas quoi faire d'autre. — Tu sais plus c'que tu dis. Et je l'espère. Je l'espère vraiment, parce que j'ai l'impression de la sentir me filer entre les doigts. Je suis en train de la perdre. Comme si notre navire avait fait naufrage et qu'elle avait réussi à se hisser sur une bouée et qu'elle me regardait me débattre dans l'eau, jusqu'à ce que je m'épuise et que je finisse par couler. Tout au fond. Probablement entrainé par le poids de mes erreurs, de mes conneries, de mes faux pas. Sûrement que y en a trop. Je fais un pas vers elle et aussitôt, elle recule et prend la fuite. Alors je m'arrête et mon regard s'agite, un peu perdu. Pourquoi elle fait ça ? Pourquoi elle nous fait ça ? Pourquoi elle ME fait ça ? Je mérite pas d'être rejeté comme ça, d'être traité comme ça. Comme un moins que rien, comme si je ne valais plus rien. Mon rythme cardiaque s'affole et mes boyaux se tordent. Non, non, l'histoire ne peut pas se répéter. Elle n'peut pas me lâcher elle aussi. Elle n'peut pas m'abandonner. Je refuse. JE. REFUSE. La panique grimpe en flèche et s'insinue partout dans mes veines, mes cellules, mes chaires, mon esprit, mon cœur. Et ça nécrose tout sur son passage, ça fait un mal de chien. — J'veux plus te voir JJ. J'veux plus que tu me regardes. J'veux plus que tu m'parles. Je veux plus rien de toi. Et j'suis sérieuse, j'te jure que je vais te tuer si tu m'écoutes pas. Mais moi, j'vais pas t'rater, tu finiras comme ton gosse, dans une putain. de. poubelle. Et pendant trois secondes, je bloque. Mon gosse ? Quel gosse ? Il me faut quelques instants avant que les connexions ne se fassent. Avant que je me rappelle de l'existence de cet intrus. Je me crispe mais me détend presque aussitôt en me souvenant que j'ai déjà réglé ce problème. Mais y a le reste des mots de Nana qui tourne en boucle dans ma tête et ça se fracasse contre les parois de mon crâne. Ça cisaille tout, hémorragie interne, mon cerveau qui se remplis de sang et je me noie de l'intérieur. Elle serre les poings et je fais pareil, parce que je ne sais pas quoi faire d'autre. — Arrête putain, arrête de dire d'la merde. Je m'approche et elle fuit encore. Et là, je tape du pied par terre et j'enrage. — MAIS ARRÊTE ! Arrête de fuir, arrête de me fuir. Arrête de faire semblant de ne plus m'aimer, de ne plus vouloir de moi. J'ai comme une montée d'adrénaline, tellement forte que je me mets à trembler de la tête aux pieds. Le visage livide et les yeux orageux. Y a comme un vent de panique qui souffle au fond d'eux. Je suis gelé et pourtant j'ai l'impression de mourir de chaud, comme si j'étais atteint d'une violente fièvre. Et la colère qui m'anime finit par se faire piétiner par la peur de la perdre. De la voir disparaitre, définitivement. Alors je me jette sur elle, rapide, désespéré. Et je termine à genoux devant elle, mes bras qui entoure sa taille et ma tête qui vient se coller contre son ventre. Et je m'agrippe, de toutes mes forces, peut-être même que je lui fais mal mais je m'en fous. — J't'aime Nana. On va surmonter ça, on surmonte toujours tout, tu t'souviens ? Tout. J'ai le souffle haletant, je déglutis à de nombreuses reprises, stressé. Mes doigts s'enroulent dans son haut, comme si ma vie en dépendait. — Tu verras, tu me détestes là, mais demain tu regretteras de m'avoir dit tout ça. Demain tu seras contente que je t'ai pas écoutée aujourd'hui. Je vais rester, tu vas rester aussi et tout va s'arranger. Il faut que ça s'arrange, y a pas le choix. Sinon je vais dépérir, je vais crever. Je ferme les yeux, la voix étranglée par l'émotion. — J't'aime tellement. Gâche pas tout Nana. Ouais, parce que c'est elle qui gâche tout là. C'est elle qui merde, qui déconne, qui dit des choses atroces qui font mal. Moi j'ai jamais rien fait pour nuire à notre couple. Au contraire, j'ai dû prendre des décisions pas faciles parfois, mais je l'ai fait pour nous. J'ai toujours tout fait pour nous. Pourquoi elle ne le voit pas ça ? Pourquoi elle ne comprend rien ? Elle ne voit pas que c'est elle qui nous fait souffrir là ? Et moi je lui pardonne, je ne lui en veut pas, parce que c'est ça quand on aime, non ? On pardonne tout, on accepte tout. Moi je lui pardonne ses mots venin, alors elle peut bien me pardonner pour tout le reste aussi, non ? Non ?
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