Lucy Bridges avait besoin de l'aide de son père. Elle n'osait pas trop lui demander mais la situation possédait un caractère urgent. Si elle ne racontait pas tout à Llewyn, c'était parce qu'il vivait trop d'événements bouleversants. Depuis peu, le pompier était séparé de sa femme. Il vivait en dehors du foyer familial. Lullaby et lui ne s'entendaient sur rien. Ils ne savaient pas comment continuer à élever leur fille. Leur chagrin les bouffait. Ils avaient perdu un fils. Ils se rejetaient la faute et cela restait un détail très ennuyeux. Ils ne pouvaient pas continuer à vivre ensemble. Ils n'arrivaient plus à partager. Ils ne s'aidaient pas mais ils s'enfonçaient seuls comme des grands. Ils agrandissaient leurs souffrances. La séparation était nécessaire pour prendre de la distance et réfléchir, se recentrer sur soi. Comprenaient-ils ces enjeux ? Lullaby avait même trompé son mari, un acte condamnable. Ils avaient effectué pas mal de dégâts mais leur couple demeurait solide, le vécu commun de Lulla et Llew était impressionnant : ils ne pouvaient pas tout balayer en un claquement de doigts, Luce avait espoir en leur rédemption. Aussi, son père digérait difficilement une nouvelle. Sa soeur, India, s'était présentée à lui. Elle lui avait fait comprendre que ses parents regrettaient leur geste. Ils avaient toujours surveillé leur enfant. La femme était repartie en l'absence de réponses de son frangin mais ce dernier savait qu'il possédait bien de la famille à Londres. Lucy regrettait que cet échange n'avait pas été plus loin. Le pauvre anglais se prenait trop d'éléments en pleine figure. Lucy vivait avec lui pour le moment car elle s'était disputée avec sa mère. Ce changement de domicile devenait presque monnaie courante. Lullaby ne cautionnait plus les actes de sa fille. D'ailleurs, elle ne pourrait pas entendre ce que sa fille allait justement partager avec son père. Lucy tenait à son lien, sa complicité avec son papa. Elle le savait prêt à tout pour elle. C'était pour cela qu'elle osait se lancer. La brunette amenait Gothiqua et Bo à l'appartement. Gothiqua saignait beaucoup. Luce appuyait sur sa blessures avec une serviette. Ils se dirigeaient vers Llew qui buvait un verre dans la cuisine. L'homme n'était pas prévenu de cette arrivée, sa fille et ses amis devaient se situer en classe. D'une voix grave, Luce annonçait :

Papa je suis navrée de t'embêter mais j'ai besoin de toi. Gothiqua va mal. Elle a reçu un coup de couteau. Je sais : ça semble grave mais... ne t'occupe pas du reste papa. Gothiqua prenait place sur une chaise de la cuisine, elle pleurait. Bo restait choqué : Monsieur, on ne voulait pas que ça se passe comme ça.

Une journée ordinaire, dans une vie ordinaire. Les jours défilaient et se ressemblaient à s'y méprendre. Plus rien n'avait véritablement de saveur depuis qu'il avait quitté la demeure familiale. Et il avait beau réfléchir à la situation, il ne voyait guère comment les choses pouvaient s'améliorer. En avait-il seulement envie ? Rien n'était moins sûr. Pour le moment, il se contentait de vivoter, voire de survivre. Du moins juste assez pour offrir un visage à peu près décent à sa fille, qui vivait avec lui depuis peu. Comme il y avait du positif en chaque chose, Llewyn décidait de voir cette période de sa vie comme une opportunité d'apprendre à (re) découvrir sa propre fille. L'adolescente et lui partageaient à nouveau pas mal de choses. Cela semblait leur faire du bien à tous les deux. Lullaby avait mise Lucy à la porte de toute façon. Ils n'avaient guère d'autre solution que de composer avec cette donnée. La jeune fille avait donc intégré le petit appartement qu'il louait en co-location avec Anthea. L'artiste était peu là en ce moment, chose qui facilitait la cohabitation. Le Pompier avait préparé un semblant de repas pour le soir, fatigué de son exploit, il était en train de boire un café et un verre d'eau dans la cuisine, tout en regardant par la fenêtre. Il laissait son esprit vagabonder, sans tenter d'arrêter les pensées parasites qui traversaient ce dernier. Pensées qui furent interrompues par le bruit de la porte d'entrée. Lucy venait de rentrer. Il réalisa en regardant sa montre qu'il n'était pourtant pas l'heure qu'elle rentre. Il se retourna et avant qu'il n'eut le temps de dire quoi que ce soit, sa fille et ses deux amis avaient déboulés dans la cuisine. Ils avaient l'air tous trois paniqués. Lucy prit la parole la première et ce qui sorti de sa bouche était totalement édifiant. Llewyn laissa son verre d'eau sur le comptoir de la cuisine. « Quoiiii ? C'est une blague j'espère ? » A peine a-t-il prononcé cette phrase qu'une Gothiqua passablement blanche comme les murs apparaît dans son champ de vision. Non visiblement ce n'était pas une blague. Lucy la fit s'asseoir, l'adolescente pleurait. « Bougez pas, je reviens tout de suite ! », Une blessure à l'arme blanche. Il ne manquait plus que ça. Lullaby l'avait déjà menacé d'appeler une assistante sociale, il n'avait vraiment pas besoin de ça maintenant. Avant les questions, les agissements, il devait faire vite. Rapidement il se dirigea vers la salle de bains, attrapa sa trousse de premier secours – bien plus garnie que la plupart des trousses de M. Et Madame Tout le Monde et revint au pas de course dans la cuisine. « Lucy, aide-moi à installer ton amie par terre, il va me falloir des couvertures et des serviettes s'il te plait ! ». En attendant que sa fille aille chercher tout cela, il inspecta la blessure de la jeune fille, après avoir enfilé une paire de gants. L'entaille était assez profonde, il n'allait pouvoir faire que du rafistolage. La jeune fille avait besoin d'être emmenée rapidement aux urgences. « Bo, est-ce que tu veux bien appeler les secours s'il te plait, explique leur où tu te trouves, ce qu'il s'est passé et dit leur que Gothiqua est consciente, mais qu'elle a déjà perdu beaucoup de sang... ». Il aida l'adolescente à retirer son gilet et son top, afin d'avoir une meilleure vision de la blessure.  

Lucy Bridges s'y attendait. Son père avançait une réaction de surprise presque comique. Il pensait à une blague de la part des adolescents. Sa fille venait d'annoncer que son amie, Gothiqua, avait été poignardée. Cela pouvait paraître grotesque et inenvisageable. Pourtant, il s'agissait de la vérité. Les jeunes gens auraient des comptes à rendre. Luce préférait partager cette histoire avec son père avec qui elle entretenait des bons liens. Ils avaient retrouvé leur complicité. La brunette possédait une confiance monstre en son père. De plus, il avait des compétences dans la médecine puisqu'il était pompier de formation. Alors, il représenterait son meilleur allié.

Non désolé p'pa. C'est pas une blague.

Lucy adorait les plaisanteries mais pas les glauques. Il ne s'agissait pas de son genre d'en faire. La lycéenne ne rigolait pas. Son amie souffrait réellement et avec Bo, ils avaient assisté à cette scène. Llewyn choisissait de laisser les trois amis, seuls dans la cuisine. Il se sentait concerné. Il allait sûrement chercher du matériel pour soigner Gothiqua.

Goth' ça va aller. Ils vont le payer d'une manière ou d'une autre.

Elle lui prenait la main. L'adolescente commençait à pâlir de plus en plus. Ses larmes se stoppaient. Le pompier arrivait. Il donnait des instructions à sa fille. Cette dernière les respectait à la lettre. Elle aidait son père à installer sa pote au sol. Puis, elle partait à la recherche de serviettes et couvertures. Le stress montait. allaient-ils pouvoir sauver la gamine ?

Non j'peux pas monsieur. J'vous jure, ils vont lui poser des questions et elle sera obligée de mentir. Comment réagirait-il ? Llewyn était quelqu'un de consciencieux et de très à cheval sur les soins de base. Il voulait apporter son aide sans rien demander en retour. Il était si généreux !

La situation était quelque peu critique. Jamais au grand jamais Llewyn n'aurait pu s'imaginer en train de soigner quelqu'un blessé à l'arme blanche, en se levant ce matin. Pour le moment, tout ce qui lui importait, c'était d'étendre la pauvre patiente et de s'occuper de sa blessure. Les questions et le pourquoi du comment de cette blessure viendraient par la suite. Et il comptait bien avoir des explications. Sa fille et ses amis semblaient tremper dans quelque chose qui lui apparaissait comme étant bien obscur. Et quelque part, cela lui fit peur. Il espérait bien mieux pour sa fille que des histoires sordides et de mauvaises fréquentations. Il ne savait guère comment cela se passait au lycée depuis l'épisode où elle avait envoyé son plateau repas dans la tête de cette pauvre fille. Pour l'instant, il devait faire au plus vite. Il attendit que Lucy revienne avec ce qu'il lui avait demandé, tout en farfouillant dans sa trousse de secours, à la recherche de pansements compressifs. L'entaille avait l'air assez profonde, il procéda à un premier examen, avec la pauvre Gothiqua en larme et au bord de l'évanouissement. « Je sais ça doit faire un mal de chien, mais je dois m'assurer qu'aucun organe vital n'a été touché. » Il était tellement désolé pour elle et pour la douleur qu'il était obligé de lui infliger. Mais il n'avait pas le choix comme il venait de le spécifier et il n'avait rien sous la main pour calmer la douleur... Il n'allait pas lui ordonner de boire du whisky tout de même. Le pauvre Bo avait l'air tellement secoué qu'il ne semblait pas réaliser qu'il était dans l'obligation d'appeler les secours. Pas le choix, Llewyn n'avait pas le matériel prévu pour s'occuper correctement de ce genre de blessure. Il n'était pas non plus médecin et encore moins chirurgien. « Bo, ce n'est pas une question... c'est un ordre ! On s'en fout qu'ils lui posent des questions... Tu tiens à ce que ton amie se vide de son sang ici ? Si tu tiens à elle, appelle immédiatement ! ». Trop occupé avec les adolescents, le jeune homme n'entendit pas les couprs portés contre la porte d'entrée. « Lucy, dépêche toi s'il te plait ! », hurla-t-il au travers de la pièce.