Tu laissais tes doigts virevolter sur les touches glacées du piano de la salle de réception. Tu ne prêtais plus attention au monde autour. Il n'y avait plus que toi et la mélodie qui emplissait la pièce d'une mélancolie certaine. Tu laissais les vibrations te parcourir, te transpercer pour ne faire plus qu'un avec la musique, comme si tu y laissais ton âme, ton coeur et ton corps. tout n'était plus que musique. « Jane ? Veux-tu bien cesser ce vacarme je te prie ? Et pourquoi n'es-tu donc pas prête ? Ta sœur et son mari ne devraient plus tarder à présent, je te serais gré d'enfiler une tenue plus convenable. » Tu levais les yeux vers ta mère. Tu esquissas un léger sourire avant de te lever du tabouret et de refermer le clapet du piano. « Je n'avais pas vu l'heure passer, je m'en excuse. » Tu te retiras alors dans les étages où tu retrouvais ta chambre. Pour l'heure tu habitais encore avec tes parents qui jugeaient qu'il n'était pas convenable qu'une jeune fille qui n'était pas encore mariée cohabite avec un homme, même s'il était son fiancé. Il aurait été encore pire pour eux de te laisser habiter seule, qui sait quels déboires tu aurais pu avoir. Alors tu vivais chez eux en attendant d'être mariée et de trouver un appartement avec celui qui serait devenu ton mari. Une fois dans ta chambre tu y retrouvais ton fiancé en train de nouer sa cravate. Il s'approcha de toi et te donna un baiser. Vos lèvres s'étaient à peine touchées que tu te reculas en affichant un fin sourire. « Je dois me préparer. nos invités seront bientôt là. Je ne peux décemment pas les accueillir dans cette tenue. » dis-tu en incitant ton fiancé à quitter la pièce. Une fois seule tu verrouillais la porte et t'assis devant la coiffeuse et t'observais dans le miroir. Tes doigts vinrent doucement caresser tes lèvres. Tu te surpris à repenser à la dernière fois que tu avais reçu un baiser qui avait compté, un baiser qui t'avais donné des papillons dans le ventre, des frissons sur tous le corps, un baiser qui faisait que ton cœur ratait un battement sur deux. Tu la revoyais, si belle dans sa tenue de finissante, elle montait sur la scène pour te rejoindre alors que tu faisais le discours de fin d'année. Tu la revois s'avancer vers toi, un sourire aux lèvres tandis que tout le monde applaudit ton discours parfait. Tu la revois poser ses mains autour de ton visage et t'embrasser comme jamais elle ne t'avais embrassé avant. Tu ressens encore les frissons, les papillons, le bien-être fou dans lequel tu te trouvais à cet instant là. Soudain tu éclates en sanglots. Tu as mal. Pas parce que ce souvenir est à la fois le plus beau et le pire de ta vie. Non, tu as mal parce que tu sais que plus jamais tu ne ressentiras ces sentiments : celui d'aimer et d'être aimée en retour. Tu sais que pour toi le feu de la passion ne brûlera plus, il ne reste que des cendres à présent. Te voilà pliée en deux, le souffle coupé sous la douleur, tu étouffes, tu suffoques et quelque part tu te dis que si l'air te manquait définitivement ce ne serait pas plus mal. Pourtant tu inspires et expires, tu fais de ton mieux pour garder ton calme. Tu t'empresses de te diriger vers ta table de chevet, tu ouvres le tiroir et en sort plusieurs flacons de médicaments. Tu t'en prends un de chaque. Bientôt ils feront effet et tu oublieras son visage, son baiser, tu oublieras qu'on peut être aimée et que tu pourrais être heureuse. Tu finis par te lever. Tu enfiles la tenue que ta mère a laissé sur ton lit et retournes vers la coiffeuse. Enfin les sentiments ont disparus. Tu essuies tes larmes et retouches ton maquillage. Tu es parfaite à présent. Pas un cheveu ne dépasse de ta queue de cheval haute, pas un pli ne vient dénaturer la robe droite que tu portes, pas une peluche ne se balade sur la petite veste de coton que tu as sur les épaules. Tu le lèves donc et sans attendre tu rejoins la famille qui t'attends en bas : ton père, ta mère, ta sœur et son mari. Tous sont réunis pour fêter ton retour à Savannah ainsi que tes fiançailles. Cela faisait quatre ans que tu n'avais pas vu ta sœur. Tu avais d'abord passé un an dans un hôpital psychiatrique au Nebraska qui t'avait rendue docile pour que tes parents puissent te modeler à leur image. Ils t'avaient alors envoyée chez leurs amis près de Boston où tu pourrais commencer tes études de droit à Harvard mais également te rapprocher de leur fils qui avait le même âge que toi. Quand il t'avait fait des avances tu t'étais laissée faire, comme tu avais laissé tes parents t'envoyer à Boston, t'inscrire à Harvard et te donner des pilules matins et soir. Quatre ans après ta remise des diplômes tu étais enfin de retour à Savannah, dans la maison familiale. Bientôt tu pourras te marier, entamer ta troisième année de droit, dans un an tu seras enceinte de ton premier enfant, tu deviendras notaire comme ton père tandis que ton mari continueras ses études de médecine jusqu'à devenir un grand chirurgien, le tout pendant que tu travailles, t'occupes de la maison et des enfants comme toute bonne femme doit le faire. Tu n'as plus aucun soucis à te faire, tes parents ont déjà tracé ta voie pour toi, tu n'as plus qu'à sourire et faire semblant d'être heureuse tout comme ta sœur et ta mère l'ont fait avant toi.

Le drama qui s'annonce . J'ai beaucoup aimé lire ta fiche, maintenant va t'amuser et bientôt parmi nous :D

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