Vous savez comme, quelques fois, –lorsque vous faites du vélo et que vous dérapez sur du sable, ou lorsque vous trébuchez et dégringolez dans l'escalier – vous expérimentez ces longues, longues secondes où vous savez que vous allez être blessé, et gravement ?
La mèche vaporeuse et l’œil langoureux. Moue mutine et une pose facile. Chaque flash décalquait une ombre, chaque ombre enveloppait la silhouette. J'étais l'écume sur le haut de la vague. Féminité au milieu de la grisaille, attentive au rythme cadencé de l'objectif. L’œil de verre du cyclone. J'étais en train de participer à cette fantastique machinerie bien huilée chargée de vous vendre tout et n'importe quoi. J'étais la poupée de vitrine soigneusement choisie pour mettre parfaitement en valeur les habits hors de prix que j'avais sur le dos. Tellement bien que ce ne serait pour répondre à un besoin, ou même une envie pré-existante dans votre cerveau. Je la créerais. Bah ouais les gars, ce qu'on faisait là c'était de la chimie. Du rêve à la chaîne pour stimuler vos petits capteurs intracrâniens! "C'est bon on a tout... Merci l'équipe!" Les mots magiques claquèrent dans le studio, libérant chacun de ses sujets de sa tâche assignée. Une fébrilité soudaine s'empara des lieux alors que je me dirigeais vers la cabine (entendez à ça une assistante protégeant ma pudeur d'un drap suspendu) pour m'y changer. Assommée par la redescente d'adrénaline qui ne manquait jamais de m'habiter après un shooting, je ne fis même pas attention à sa haute silhouette. Ajouter à cela les projos aveuglant et son visage de jeune premier s'évanouissait dans l'obscur. J'étais en train de me tortiller pour m'extirper de la guêpière grande classe lorsque sa voix gronda comme un orage. Je levais les yeux au ciel en m'empressant de laisser tomber les bas au sol pour repasser mes fringues, plus confortables. Un simple débardeur noir et un jean plus ajusté qu'il ne fallait pour galber mes jambes interminables. Y avait pas de temps à perdre: Caldwell pouvait pas s'empêcher de faire son show et on était sur mon lieu de travail. "Si c'est OK pour aujourd’hui Jane, je file." j'émergeais échevelée mais maquillage impeccable du shooting laissé en place. "Désolée pour mon ami, il débarque de province." Un clin d’œil entendu suffit à la faire pouffer de rire et s'écarter pour me laisser la place. Je rejoignis Nate à grandes enjambées en le fusillant d'un regard glacial qui contrastait avec le sourire d'ange servit à la directrice du shooting. Avant que l'un ou l'autre n'ouvre la bouche pour se montrer trop curieux et proférer une énormité, j'attrapais fermement le poignet du jeune homme pour l'embarquer derrière moi. Le contact de son épiderme contre le mien suffit à apaiser très légèrement la colère rugissante sous mon crâne. Le jeune assistant du photographe, qui m'avait fait du gringe pendant toute la séance, nous adressa un long coup d’œil avant de se détourner avec une mine contrarié. Curieusement, cela me procura un doux frisson remontant directement de ma paume brûlante sur son avant-bras. Le genre qui donnait envie de cambrer les reins et entrouvrir les lèvres. Ma main fila s'entremêler à celle de Nate. De l'autre bras je m'emparais de mon sac et de mes dernières affaires pour finir par sortir. Aussitôt le seuil franchit je déliais nos doigts et m'allumais une blonde en proie à une intense frustration. Je le fixais sans rien dire, les prunelles luttant contre une fracture de la rétine. Même ce bleu disgracieux qui s'étalait sur sa pommette le rendait plus attirant. Canaille. Mais pour le moment j'aurais plutôt préféré lui appuyer dessus pour l'étaler davantage. Pour lui faire mal. Je croisais les bras dans une attitude de défi en impératrice courroucée. (Le pire étant que mon myocarde faiblissait déjà devant son sourire enjôleur.) "Alors? C'est quoi l'excuse aujourd'hui? Ton portable est encore en rade je suppose pour pas m'avoir prévenu. Ou alors t'as juste eu envie d'ensoleiller ta journée en venant me voir?" Oui Nate, c'était quoi le jeu aujourd'hui? Parce que derrière tes sourires brûlants et ton timbre ronronnant y avait toujours cette petite part de vice. Une face cachée. Toujours le grand point d'interrogation qui me procurait la sensation de plonger dans l'inconnu avec abandon. Nate avait été le calme après sa tempête de sœur. J'me souvenais de notre rencontre comme si c'était la veille. Quand Nora me l'avait présenté au Dog. Un gosse au corps d'homme avec une expression d'ennui radieux. Un homme à l'instinct de gosse qui fouillait vos fêlures. Au fil du hasard de nos rencontres, et bien en dépit de la première idée faite à propos de lui, Nate avait su rafistoler mon cœur en lambeaux. Ç’avait été douloureux et pénible mais le réconfort inattendu de sa présence m'avait solidement raccroché à la terre ferme. Puis Nate avait encore grandi, dépassant le stade du bon pote déjanté. J'avais eu de plus en plus de mal à ignorer l'ourlet de ses lèvres, la ligne de sa mâchoire. Jusqu'à ce fameux soir où, perchés comme des comètes, on avait fini par s'introduire dans la piscine chauffée d'une villa de Tybee. Vapeur, caresse de l'eau et ses foutus abdos avaient fini par m'avoir. J'en avais pas parlé à Nora, et depuis le temps elle non plus. Elle devait croire qu'on lui ferait jamais ça. Dans tous les cas ce fantôme de culpabilité noircissait toujours légèrement mes instants passés avec lui. Mais ce n'était rien à côté de l'indicible attirance qui ravageait tout sur son passage. "T'étais obligé de faire ton cinéma à mon boulot? Avoir un mec d'un mètre quatre-vingt dix et esquinté se revendiquant être mon copain est pas au goût de tout l'monde..." J'repensais brièvement à l'assistant. Pas mal dans le style artiste maudit mais... pas ma came. Pas comme cette putain de dose d'héroïne qui venait, en effet, ensoleiller ma journée.
Dernière édition par Soan Barlow le Jeu 25 Mai - 21:47, édité 1 fois
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Lun 15 Mai - 22:16
Vous savez comme, quelques fois, –lorsque vous faites du vélo et que vous dérapez sur du sable, ou lorsque vous trébuchez et dégringolez dans l'escalier – vous expérimentez ces longues, longues secondes où vous savez que vous allez être blessé, et gravement ?
Du bout des doigts il se saisit d’une mèche folle. Le geste était délicat mais j’eus l’impression qu’il me retenait aussi solidement qu’un filin d’acier. La partie avait à peine commencé que je me retrouvais déjà échec et mat avec le cœur tambourinant entre les côtes. Y avait quelque chose dans sa nonchalance qui m’apaisait. Y avait ce désir coupable qui rougeoyait. Cette revendication au coin des lèvres : mon Nate. Sa Soan. Je lui recrachais ma bouffée en plein visage en tentant de ne pas frémir à son contact. De ne pas sourire. Un refus volontaire et inutile pour jouer la dure alors qu’une partie de mon âme se repaissait de ses caresses. Elles m’avaient manqué, comme d’habitude. C’était l’éternel dilemme avec Nate : moins je le voyais et plus j’en voulais, plus je l’avais et plus j’aspirais à le fuir. Il était un plaisir défendu ; qui allait se taper le petit frère de sa pote ? Et dans son dos ? Une mauvaise amie. Quelqu’un qui n’était pas digne de confiance. Mais c’était plus fort que moi, l’attraction m’emportait en refourguant mes pauvres remords à l’arrière-plan. « Je… Non oublie, de toute façon ma vie privée les regarde pas. » Mon égo ronronnait plus à ce stade-là, il rugissait. Ça m’donnait envie de me gifler. J’étais flattée qu’il se présente ainsi aux yeux des autres, fière qu’il s’affirme à la face du monde. Et j’étais trop faible pour l’engueuler véritablement. Je le laissais me saisir en enfouissant mon sourire bienheureux dans le creux de son épaule puis en profitais pour effleurer la tendresse de son cou du bout des lèvres. « Tu m’fais genre… une surprise ? » Je m’écartais de lui, paumes à plat sur son buste, pour planter mes iris lumineuses dans les siennes. Je guettais l’indice sur une blague à faux-espoirs avant de décider timidement de le croire. J’adorais les surprises. Surtout si elles me permettaient de passer du temps avec lui. « Donc, pour résumer, je te vois pas pendant trois semaines et tu débarques pour m’enlever avec mon consentement la bouche en cœur ? J’pensais que t’étais trop occupé ailleurs… » Les coins de ma bouche s’étaient affaissés en moue boudeuse, déjà éloignée de la colère des instants précédents. Colère qui quelque part se muait en jalousie. Jalousie que je n’avais aucun droit d’exprimer franchement puisque Nate me laissait toujours tranquilles sur les ‟petites affaires” de mon côté. Au point que s’en était vexant parfois, jusqu’à ce qu’il parvienne à force de cajoleries à me persuader d’être sa préférée… Il ne parlait jamais des autres, de ses autres, mais pouvait prêter une oreille attentive lorsque j’avais besoin d’épancher mon cœur plus lourd qu’à la normale, tiraillée par ses tourments affectifs. J’observais ses traits, que j’avais appris par cœur malgré moi et qui ne cessaient jamais de me surprendre. Son nez droit de statue grecque qui se fronçait quand il riait. Sa bouche étroite en perpétuel mouvement. La ligne de ses yeux ombrageux. Sa chevelure sombre qu’il aimait dissimuler sous une casquette. J’y promenais mon regard comme on se baladait dans un coin familier et rassurant à l’affût des nouveaux détails. « T’as de la chance je suis de bonne humeur. » je me gardais bien de préciser grâce à qui… « T’es venu en voiture ? Faut que je laisse la mienne ici du coup ? » Détail technique pour continuer à faire durer l’instant de suspense. Rester dans ces quelques secondes de vide, uniquement raccrochée par la chaleur de son corps et ses paroles tournoyantes. Prémices de plaisirs envolés. Bâton de cendres aux lèvres, je daignais me déshabiller de la tension recouvrant ma nuque et mes épaules avant d’esquisser mon premier vrai sourire. Un qui rajeunissait. Un qui s’évanouissait en mystérieux rayon de bonheur. Un de ceux qui annonçait la joie. Nate il émerveillait toujours les autres comme un enfant. On se sentait exister avec lui. On se sentait meilleur et notre cœur débordait. On comprenait tout à coup ce que signifiait être jeune. On l’ignorait. On se disait qu’on aurait pu mourir en l’ignorant. Alors j’acceptais de le suivre dans sa bagnole avec le sentiment qu’il me tenait, par ses yeux, en joue. J’allais même jusqu’à déposer l’ombre d’un baiser sur sa joue rêche qui m’égratigna la pulpe des lèvres. C’était ça qu’on appelait un engrenage. Une fois qu’on y avait mis un doigt, la main, le bras, tout le corps y passait. Plus moyen de reculer, de revenir en arrière. Au début on y pensait pas. Après, on réalisait qu’on était prisonnier.
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Sam 27 Mai - 1:23
Vous savez comme, quelques fois, –lorsque vous faites du vélo et que vous dérapez sur du sable, ou lorsque vous trébuchez et dégringolez dans l'escalier – vous expérimentez ces longues, longues secondes où vous savez que vous allez être blessé, et gravement ?
Non, jamais Nate ne m’avait tourné le dos. Il avait pu s’emporter, crier, blasphémer, mais jamais osé partir complètement pour me laisser sur le carreau. Déjà, il était rare qu’il se mette en colère. Fallait être sacrément abjecte pour y arriver ou alors complètement stupide. Je l’avais parfois été. Jusqu’à m’excuser. A demi-mots, à mots voilés pour me dévoiler. Nate c’était le pilier improbable mais inébranlable. Une tête bien faite et des racines solides. Tout devenait plus simple, lissé par sa seule présence à l’image des flots rugissant continuellement au creux de ma poitrine. Courants chauds – l’amour, le rire, l’espoir- contre courants froids – la colère, l’angoisse, l’indifférence- se fracassaient l’un contre l’autre en créant de violents tourbillons. J’avais appris à m’y faire, tanguer au milieu jusqu’à l’épuisement. Mais ce déchaînement intérieur se taisait miraculeusement lorsque surgissait Caldwell, fier capitaine à la barre de son navire effilé. « Les princesses font pas le premier pas, tu le sais bien pourtant. » j’élargis encore mon sourire en dégainant mon regard de velours. Les griffes aiguisées soigneusement rangées. « Et non en effet, t’as toujours été beaucoup trop gentil avec moi. » Les caprices et les coups de gueule glissaient systématiquement sur lui, sans prise. J’essayais de ne pas en abuser par crainte d’user jusqu’à la trame sa patience peut-être pas si infinie que ça. Soan craignait l’abandon et Nate restait un homme. Imparfait, n’est-ce pas ? J’observais la voiture empruntée qui nous servirait de carrosse avec un haussement de sourcil dubitatif. Bon, on était loin des berlines que j’affectionnais particulièrement, mais je supposais qu’au moins elle n’allait pas se transformer en citrouille. J’acceptais donc de bonne grâce de me hisser dedans, flattée par les attentions gentleman du jeune homme. Sérieusement, c’était quel genre d’ovni masculin qui prenait encore la peine de vous ouvrir la portière ? L’intérieur de l’habitacle, bien qu’étouffant de chaleur, avait le mérite d’être propre. En écho à la question du brun, mon estomac gronda discrètement devant l’évocation du sandwich. Pendant les shootings on ne mangeait pas : premièrement parce qu’on n’avait pas le temps (c’était prendre le risque de se faire pourrir par le directeur artistique), et deuxièmement parce que ça faisait mauvais genre. Je comptais plus le nombre de fois où j’avais failli emplafonner le photographe hystérique ou une habilleuse névrosée, rendue mauvaise sous l’influence de la faim. Ca me foutait sur les nerfs aussi sûrement qu’une remarque sur le nombre de calories dans les barres de Toblerone que j’avais le malheur d’amener. « Poulet crudités ? T’es vraiment parfait Caldwell, ça cache un truc pas net ça… Pourquoi t’es le seul de ta fratrie à être aussi sympa ? ‘Fin No l’est aussi à sa manière tu m’diras, mais c’est pas elle qui dépenserait des ronds pour moi. » Je déballais le sandwich avant d’y croquer à pleines dents. Nate s’engouffra derrière le volant tandis que je fermais les yeux de délice en savourant lentement l’explosion de saveurs sous mon palais. « Tu veux pas que je t’embauche comme assistant personnel ? J’te rémunèrerais par des câlins et des bonnes blagues. Équitable comme troc je trouve. » Je cherchais pas à savoir où il m’emmenait. De toute façon il me le dirait pas et puis la surprise n’en serait que meilleure. J’espérais simplement qu’on serait en plein air pour profiter du soleil radieux dont les rayons ondulants venaient me caresser la peau. Le paysage familier défilait par les vitres alors que la radio diffusait un vieil air des années cinquante, apportant une touche de légère nostalgie à notre virée. C’était doux. J’engloutis mon repas à une vitesse record avant de porter une blonde à mes lèvres pour la passer à Nate. Une vieille habitude que j’avais prise avec lui et le seul à qui j’accordais ce discret privilège. Une sorte de baiser indirect. Une petite complicité. Il était beau dans la lumière chaude. Tellement que je me pris à soupirer d’aise en m’apercevant que je crevais d’envie de le toucher sous toutes les coutures. Passer mes doigts le long des creux de son visage. Détailler le roulement de ses muscles sous mes paumes. Décortiquer son odeur rassurante. L’embrasser jusqu’à oublier de respirer. J’étais perdue dans un espace sans temporalité, embrumé d’euphorie. Entre l’amour et l’oubli. En redoutant de perdre sa lumière et attendant sans empressement un signe. Qu’il appelle mon nom.
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Mar 6 Juin - 13:53
Vous savez comme, quelques fois, –lorsque vous faites du vélo et que vous dérapez sur du sable, ou lorsque vous trébuchez et dégringolez dans l'escalier – vous expérimentez ces longues, longues secondes où vous savez que vous allez être blessé, et gravement ?
Étrangement, j’me représentais sans trop de difficulté Nate en castagneur. Je l’avais déjà observé en allonger des belles, tout en finesse, comme un enfant jouant à se bagarrer dans la cours de récrée. Il évitait la plupart du temps de se retrouver dans se genre de situation en désamorçant le conflit par des mots ingénieux et ne finissait qu’en dernier recours par parler avec ses poings. Puis, si je voulais être honnête, ça m’aurait pas dérangé qu’il foute une rouste à deux ou trois cons de ma connaissance. C’était primaire. Animal. Attirant. Un mélange de douceur légère et de colère contenue dont il pouvait faire preuve. « Je pense que ce serait dans ton intérêt de t’y tenir. J’ai une bonne influence sur toi, c’est bien connu. » Bien sûr. En réalité j’avais plutôt l’impression de le tirer vers le bas, ce qui le rendait d’autant plus addictif puisque lui me poussait vers le haut. Cela créait peut-être un équilibre précaire et bienfaisant. Pourtant il était abîmé Nate, au moins autant que moi. Une enfance fracassée sous le joug parental peu recommandable. Une éducation à se tirer les cheveux en autodidacte. Mais y avait cette façon de pas se laisser abattre en commun. Cette envie d’observer le monde dans son intégralité, en prenant les bons et aussi les mauvais côtés. On n’avait pas vrillé, ou rien de plus que la norme, et on savait garder notre curiosité à l’égard du genre humain en refusant de s’en couper. J’aurais voulu le remercier de savoir être là, comme aujourd’hui alors qu’il surgissait sans prévenir. J’aurais voulu lui expliquer à quel point c’était bon de se reconnaître autant en quelqu’un qui nous donnait l’impression de ne plus être un OVNI au milieu des autres. Une véritable terre promise. Mais les mots s’étranglaient dans ma trachée et mourait sur ma langue. Ma bouche resta irrésistiblement scellée pendant que je finissais ma cigarette et qu’il garait la voiture. Prestement, je me saisissais de mon sac pour bondir hors de l’habitacle. Je plissais les yeux sous la surprise des rayons du soleil et souriais avec envie. L’air marin me fouettait le visage, gonflant mes poumons d’une brise rafraîchissante. Il se répandit jusque sous mon palais en y déposant une note salée. J’adorais la plage. Avec empressement je me dirigeais jusqu’aux premières dunes et retirais mes chaussures pour sentir la caresse du sable chaud sous mes plantes de pieds nus. Une libération. De loin, entre deux mèches de cheveux virevoltantes, je glissais un coup d’œil vers Nate qui s’approchait sans hâte. Mains dans les poches, la dégaine tranquille et le sourire coquin. Image du bonheur. La culpabilité me hérissa directement la colonne vertébrale. Je me fustigeais déjà de ces instants volés aux côtés du Caldwell, de la terrible personne que je devenais en sa présence. Soan la traîtresse. Soan l’arnaqueuse. Celle qu’on prenait pour son amie alors qu’elle séduisait le petit frère… La haute silhouette de Nate me plongea dans l’obscurité. Ma ligne d’horizon s’arrêtant à la naissance de ses épaules je dus me démancher le cou pour le regarder dans les yeux. « Bon t’as tapé juste avec le lieu. Mais pas dit que la suite me convienne, déjà que la compagnie est pas terrible… » Je me retournais en me mordant l’intérieur de la joue. Dans ma tête c’était l’irruption. Une pagaille sans nom. Je continuais à user de cette stratégie mille fois répétée : utiliser l’attaque pour mieux se défendre. Mon cœur se serrait en essayant vainement de refouler le bonheur qui débordait. L’amour ? Une forme en tout cas puisque j’espérais déjà qu’il passe outre. Nate me connaissait sur le bout des doigts après ces milliers de secondes passées ensembles. Dans le creux des nuits. Aux levers des jours. Dans les étreintes et les rires. Dans les éclats de tendresse. Les mots qui blessent. « Mais bon j't’accorde le bénéfice du doute. » J’ai rarement été déçue. Mes doigts se tendirent vers lui muettement. Tentative de paix, piètre excuse afin d’être pardonnée.
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Ven 16 Juin - 3:56
Vous savez comme, quelques fois, –lorsque vous faites du vélo et que vous dérapez sur du sable, ou lorsque vous trébuchez et dégringolez dans l'escalier – vous expérimentez ces longues, longues secondes où vous savez que vous allez être blessé, et gravement ?
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Dernière édition par Nate Caldwell le Sam 24 Juin - 2:27, édité 1 fois
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Mar 20 Juin - 18:36
Tu m'en avais parlé, une fois. D'la plage. Ça fouilla la retraite de mes souvenirs, en dérangeant quelques uns empoussiérés. Ce soir d’été, le deuxième seulement qu’on passait ensemble, sous le ciel d’encre et les diamants. Ça sentait le chèvrefeuille sauvage et crissait de cigales. On s’était trouvé un spot à l’écart des lumières, une caravane désossée abandonnée au milieu d’une clairière. Y avait rien d’autre qu’un canapé défoncé auquel on avait arraché la banquette pour la foutre sur le toit. Pendant près d’un mois, et lorsque nos vies nous le permettaient, on s’était retrouvé là, assis sur un tas de rouille en fumant des petits bozes par petits bozes. A vivre de rêves et d’humour noir. J’y avais évoqué un nombre incalculables d’envies dont je ne me souvenais même plus pour la plupart. Mais lui il avait tout écouté, sélectionné et soigneusement rangé les choses importantes. Comme cet amour pour les grands espaces et plus particulièrement l’océan. Cet objectif ultime de posséder ma propre maison en bord de mer, les pieds dans le sable et les yeux sur l’horizon. Pouvoir vivre au soleil. Un fantasme m’évoquant le désagréable fantôme de Faust, m’interdisant irrationnellement de m’établir sur la douce côte Californienne. Mais je me refusais à penser un peu plus à cette image fugace qui me poignardait le cœur. Je préférais me savoir là, au sommet d’une carcasse vide, blottie contre lui comme à cet instant. Cette dernière partie fut tue et enterrée.
Soulagement, lorsqu’il se saisit de ma main en abandonnant cet air sarcastique. Surprise, quand je sentis la pointe de mes pieds quitter la terre ferme. Je m’envolais entre ses bras, son corps prolongement du mien. Un énième rire complice teinté de peur raisonna dans ma cage thoracique en écho au sien. Sous mes doigts s’échappèrent mes chaussures, et ils vinrent se crisper sur le roulis des muscles de ses épaules. Y avait que le souffle de Nate mêlé à celui du vent qui rugissait à mes oreilles. Et son rire qui prenait toute la place. Mes boucles s’enroulèrent autour de sa nuque sous l’effet des embruns, m’aveuglant momentanément. Et la fraîcheur inattendue de l’eau me saisit. Elle s’infiltra dans la moindre fibre de tissu, me détrempa les cheveux. Je bus la tasse à gros bouillons que j’éructais en riant. Le crâne de Nate creva la surface à son tour dont il sortit ruisselant. Une myriade gouttelettes translucides venait le parer de diamants bruts donnant un éclat sauvage à son regard malicieux. « Tu déconnes, j’ai aucune fringue de rechange. » grognais-je avec un sourire. Je me faisais davantage l’effet d’une mauvaise imitation de sirène en essayant de limiter la casse avec son mascara dégoulinant. Fort heureusement, il était waterproof. La honte du panda au sortir du bain devant ce jeune demi-dieu me serait évitée. « T’es complètement cinglé. » Au milieu des remous je me jetais à son cou pour le faire basculer au milieu des vagues. Évidemment vu son gabarit il se contenta de légèrement vaciller. Seules les minces couches de tissus séparaient nos deux corps, stimulant des instincts que je tentais vainement de refouler. L’un d’eux l’emporta pourtant et je me laissais aller à l’embrasser. Le faire vraiment en goûtant le salé de ses lèvres et agrippant sa ligne de mâchoire entre mes doigts. La douceur de sa langue vint rencontrer la mienne et hérissa chacun de mes nerfs. J’avais pas froid, pas faim, pas soif. J’avais Nate. Et l’adrénaline qui me bousculait les perceptions en me donnant l’impression d’être seule à deux. Ça dura le temps d’une expiration. D’un coucher de soleil. Ça dura le temps d’une infime seconde étirée jusqu’à la presque rupture. « Tu te rends donc coupable de kidnapping et de tentative de noyade. Ça va faire lourd dans ton casier. » fis-je en m’écartant de lui. « Attends-moi deux secondes, j’vais mettre tout ça à sécher. » Je ressortis de l’eau souplement et me défis maladroitement de mes affaires. Trois minutes plus tard je plongeais en l’éclaboussant, seulement vêtue de mes sous-vêtements d’un noir sobre sans fioritures. Dans mes prunelles les délices du jeu. Sur ma peau l’envie d’un partenaire.
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Sam 24 Juin - 3:53
Vous savez comme, quelques fois, –lorsque vous faites du vélo et que vous dérapez sur du sable, ou lorsque vous trébuchez et dégringolez dans l'escalier – vous expérimentez ces longues, longues secondes où vous savez que vous allez être blessé, et gravement ?
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Sujet: Re: shadows fall ▲ Sate Ven 28 Juil - 15:19
Je retrouvais dans ses yeux cette flamme doucereuse, enivrante qui se propageait au travers de chacun de ses nerfs, chacun de ses muscles. La même qui m’habitait présentement. Cet éclair d’envie me foudroya instantanément, attisant encore la luxure qui couvait entre nous. J’aimais découvrir dans ses prunelles le désir du premier jour. J’aimais y trouver le goût de la surprise. D’une presque dévotion éphémère, reflet de celle qui m’agitait souvent en sa présence. J’aimais ce besoin irrévocable contre lequel je luttais de me blottir contre lui jusqu’à ressentir la moindre de ses cellules. Chacune de ses respirations. Chacun des frémissements de son palpitant. A moitié nue, sous la caresse de l’océan, je nageais en cercle autour de lui. A la distance idéale pour être aussi proche qu’un fantasme ballotté par le courant. Chaque vague roulant contre ma peau m’apportait une sensation de paix qui m’envahissait progressivement. La seule qui pouvait être apportée par la légèreté de l’eau nous coupant illusoirement de notre gravité terrestre. Elle amenait la sensualité. Aux caresses de mes paumes sur ses bras, puis son torse. A la chaleur de mes cuisses qui s’enroulèrent autour de ses hanches. A mes lèvres venant trouver les siennes pour s’y apposer une nouvelle fois. Marques brûlantes que même l’encre d’un tatouage ne saurait dissimuler. Je respirais à petites bouffées le vent tiède qui mêlait merveilleusement l’amertume de l’océan et la fragrance boisée que dégageait Nate. Puis dans un ballet érotique, familier mais terriblement excitant, nos deux langues vinrent s’explorer l’une l’autre. Un bref écart de conduite qui dura l’espace de secondes quasi immobiles selon nos sens. « Tu devrais peut-être faire pareil… » lui fis-je en tiraillant le col de son Tshirt détrempé. « Après tu vas chouiner d’être enrhumé. » Un sous-entendu à peine voilé. J’aimais jamais plus Nate que lorsqu’il était nu. Que désarmé, dans un dépouillement total. Que désirable alors que la lumière se jouait des creux intimes de son corps, l’animant d’ombres insolentes. J’y avais longtemps promené mes doigts, mon souffle et mes lèvres. Nate avait le goût de l’eau fraîche. Comme celle qui parsemait sa tignasse de gouttes translucides. Un éclat de rire féminin m’interrompit dans ma contemplation. Nora ? Je la voyais partout dans ces moments-là me gâchant toute seule le plaisir. Je suivis le sillon de mon compagnon au milieu des remous, la tête baissée en me mordant la lèvre. Sur la grève, la jeune femme blonde riait toujours en saccades qui ponctuaient le roulis. Pendant qu’il entreprenait de se dévêtir je retournais à la voiture pour embarquer mes affaires et ramasser celles que j’avais semé en chemin. J’attendis de pouvoir m’asseoir dans le sable tiède pour mettre les pieds dans le plat. « Dis, t’as eu des nouvelles de ta sœur récemment ? J’ai appris que ce crétin de Nash l’avait viré de la maison-mère. Ou qu’elle s’était tiré, j’ai pas bien saisi. » j’allumais dans un crachat d’étincelles la blonde pendue à mes lèvres avant de lui jeter un coup d’œil en biais. « Sans offense évidemment. » Quoique… Il savait bien que j’avais du mal à supporter ses frères, même si j’avais presque révisé mon opinion sur l’aîné des Caldwell lors de notre dernière entrevue. Épisode, soit dit en passant, « oublié » d’être narré à mon amant. Parce que… parce que je voulais pas qu’il se fasse des idées ? Comme si c’était son genre. Comme si de toute façon le simple effleurement de l’idée d’un début de quelque chose entre Nash et moi n’était pas complètement impossible. Tout au mieux nous pouvions être un semblant d’amis. Je n’avais pas d’autres barrières que celles que je m’imposais seule. L’esprit souple et le corps libre. Quelques uns, quelques unes, qui me marquaient de manière indélébile. Dont Nate. « Tu vas prendre parti ? » Les interactions sociales au sein de leur famille me fascinaient. Elles présentaient des schémas intemporels ponctués de constants changements. Comme un air nostalgique repris par de nouvelles voix.