✧ 01 T’as grandi dans l’opulence, tu ne savais pas ce que c’était de devoir se priver de quoi que ce soit. A tes yeux tout pouvait s’acheter, ou presque. L’argent ouvrait toutes les portes, déliait toutes les langues et tu as toujours eu du mal à t’en passer. ✧ 02 Alors lorsque ton père a tout perdu, lorsque son entreprise a fait faillite, tu as découvert la réalité, ce monde loin de ta cage dorée. Un monde où tu n’avais pas ta place, où tu n’avais aucun repère. ✧ 03 Certains disent que c’est lorsqu’on touche le fond, lorsqu’on a vraiment besoin d’aide, qu’on découvre alors le vrai visage des gens. Bien sûr, tu as toujours su que ces amitiés que tu cultivais depuis l’enfance étaient superficielles. Mais le savoir et devenir réellement un paria sont deux choses complètement différentes. C’est là que tu as commencé à comprendre à quel point cet univers est toxique, à quel point tu le détestes. ✧ 04 Tout est allé très vite et si au départ, tes connaissances informatiques n’étaient qu’un jeu, pour tromper l’ennui, pour tester tes limites, elles sont rapidement devenues une arme pour te venger. ✧ 06 Au début, tu menais simplement ta vendetta en solitaire, cramponné à ton clavier, la rage au ventre. Et puis l’Egide t’a contacté et tu n’as pas hésité longtemps. Après tout, on te proposait d’emmerder le monde à plus grande échelle, de secouer la société là où ça fait mal, là où elle fait des erreurs. ✧ 07 A ce moment-là, tu es devenu Dionysos et jamais internet n'avait été un aussi vaste terrain de jeu. Peut-être parce qu’avant tu jouais seul. ✧ 08 Pour justifier les sommes d’argent conséquentes qui ont commencé à s'accumuler sur ton compte en banque, grâce à tes arnaques sur le net et à tes petits nuits de hacking en solitaire, tu as décidé de mixer en dehors des murs de ton appartement. En commençant par de petites soirées étudiantes, tu as fini par avoir accès à des boîtes et des clubs de plus en plus fréquentés. Depuis le succès est au rendez-vous, du moins à l’échelle de Savannah, ce qui n’est déjà pas si mal. ✧ 09 A côté de tout ça, tes études n’ont qu’une place minoritaire dans ta vie. Mais tu continues, pour les apparences majoritairement et parce que ça te plait de traîner sur le campus. ✧ 10 Derrière ton arrogance, tu as toujours aimé apprendre au sens large, quel que soit le sujet, tu absorbes tout comme une éponge. Pourtant, tu te gardes bien de le dire, tu te dissimules sous tes airs de branleur. Alors que tu as toujours eu un haut potentiel, tu as simplement du mal à le dévoiler. Tu préfères garder tes connaissances pour toi et les utiliser à l’abri des regards. Personne n’a besoin de savoir qui tu es vraiment. ✧ 11 Et qui de mieux que la famille pour ignorer tout ce qu’il y a de réellement important à savoir sur toi ? Ces liens du sang sont un poison dont on ne peut pas se défaire facilement, tu l’as appris à tes dépens. Et depuis, tu te contentes de les voir le moins souvent possible. Du moins, lorsqu’il s’agit de tes parents. Parce qu’en ce qui concerne ta fratrie tout n’est pas encore bon à jeter. ✧ 12 A présent, tu as ton indépendance, ton appartement, tu ne dépends plus de l’argent de tes parents et cette liberté, tu la savoures au quotidien. ✧ 13 Pourtant, ils sont toujours là, à surveiller tes faits et gestes de loin, à donner un avis qui t’indiffère. Alors pour les contrarier, tu changes de cursus universitaire comme bon te semble, tu t’amuses avec leurs nerfs parce que c’est divertissant et parce qu’ils n’ont plus aucune influence, aucune pression à exercer. ✧ 14 Mais même si tu ne veux pas l’admettre, ils t’ont élevé, ou du moins leurs employés l’ont fait à leur place et ce mode de vie, ce manque d’affection, de sentiments t’a forgé malgré toi. Tu feins de l’ignorer mais cette froideur, cette incapacité à gérer tes propres émotions et celles des autres, elles te viennent d’eux, de cette enfance factice, idéalisée. ✧ 16 Cette rage qui bouillonne dans ta poitrine, cette insupportable arrogance qui se met entre toi et  le reste du monde, sont devenues si naturelles, si incontrôlables que tu ne sais plus comment agir autrement, comme si tu étais en opposition constante avec le monde qui t’entoure. De peur de devoir en faire partie, sans doute. ✧ 17 Tu ne penses jamais à l’avenir, tu ne te projette pas, préférant vivre au jour le jour. Parce que tu sais que tout peut basculer, que tu peux tout perdre en l'espace d'une seconde. Mais tu refuses de vivre dans la peur, dans l’incertitude, alors que tu peux profiter de la vie, la consumer jusqu’à la dernière goutte. Pour n’avoir aucun regret, le jour où il ne restera plus rien. ✧ 18 Lorsqu’il s’agit de ta vie sentimentale – et le terme est plutôt mal choisi – tu appliques la même philosophie. Tu ne te refuses rien, tu ne te projettes dans aucune relation, profitant de tous les plaisirs, comme ils se présentent. Pour autant, tu aimes garder le contrôle, c’est là que tu nourris tes envies et tes désirs. ✧ 19 Beaucoup diraient que tu ne ressens rien, que les sentiments glissent sur toi sans jamais t’atteindre. Parce que tu ne t’attaches pas, et que tu préfères de loin te montrer sarcastique, venimeux, désagréable et provoquant. Comme pour maintenir les autres à distance. Mais personne ne peut se détacher à ce point, pas même toi. Derrière les remarques acerbes, les sourires en coin, tu te lies bien plus que tu ne veux l’admettre. Tu refuses juste d’en parler, de l’exprimer clairement, parce que tu ne sais pas le faire, tu ne sais pas aimer. Et tu ne veux pas qu’on t’aime. ✧ 20 Prêt à tout pour emmerder le monde, tu as tes obsessions ridicules, des restes de cette enfance dorée qui te colle à la peau. Et si tu n’as pas ce que tu veux, tu insistes et tu te montres désagréable jusqu’à ce que tu l’obtiennes. Même pour un simple café, s’il n’a pas deux sucres et de la crème, tu n’y toucheras pas, peu importe son prix et sa provenance, tu préfèreras le jeter plutôt que d’avoir à te forcer à le boire.