Scary with you is better than scary without you ☾ C'est marrant à quel point une rencontre plus qu'anodine peut changer notre vie pour le meilleur. Si quelqu'un m'avait dit que le petit gringalet qui venait de temps en temps trier ses photos devant un café deviendrait l'un de mes meilleurs amis à Savannah, j'aurais sûrement eu l'air perplexe. Pourtant, c'est ce qu'il s'est passé. On a des points communs, des intérêts convergents. Et puis sa compagnie est agréable, solaire, sans prise de tête. Ce pourquoi j'ai accepté une soirée film chez lui ce soir. Je n'en peux plus des gardes interminables, des longues journées derrière le comptoir, de l'agitation perpétuelle de la coloc. J'ai besoin d'un peu de calme, et je sais que chez Sasha, ce sera l'endroit parfait. Deux trois affaires fourrées dans un sac de sport, je chausse mes baskets et j'arrive devant chez lui en un temps record. Je sens un sourire s'épanouir tout seul sur mon visage alors que j'appuie sur la sonnette. « Hey, Felix ! Entre ! J'attendais plus que toi. Prêt pour un marathon ? » Je ne me fais pas prier et entre dans l'appartement, qui me parait grand, propre et calme comparé à celui dans lequel je suis coincé depuis début juillet avec six autres personnes. « J'attends cette soirée depuis le début de la semaine. J'espère que t'es prêt à me traiter comme un prince. » Je lui lance un regard de côté, sourire en coin et bras étirés au-dessus de la tête, avant de retirer mes chaussures et ma veste et de poser mon sac à côté du canapé. Je finis par m'affaler gracieusement -comprendre, pas du tout- dans les coussins, saisissant les DVDs disposés sur la table. « Nuit de folie, volumes un, deux et trois. Tiens donc. On me fait des cachotteries monsieur Collen ? », demandé-je en haussant un sourcil. « Allez, dis-moi ce que 'as prévuuu. » Je chouine comme un gosse, mais je m'en fous. Je suis bien là. Reposé, tranquille, heureux d'être avec mon ami pour une soirée de folie. Si seulement je savais dans quoi je me suis embarqué...

Scary with you is better than scary without you ☾ Il te fait marcher et t'aimes pas ça, parce que t'es impatient, parce que t'es curieux, parce que t'es un gamin pourri gâté qui veut pas de surprise. Même les chips et autres merdes disposées sur la table ne font pas le poids face au mystère des films étalés devant toi. Tu les regardes, tu les observes, tu les inspectes, cherchant la faille dans le déguisement, mais bien sûr, tu trouves rien. Tu penses même pas au pire, Felix, parce que t'es trop optimiste, puis tu fais trop confiance aussi. Tu te doutes pas une seule seconde que, peu importe celui que tu choisis, t'es parti pour une soirée d'horreur qui va te donner des cauchemars pour les trois mois qui vont suivre. Non, tu le sais pas, pour le moment, tu te complais dans l'expectative. Tu sais qu'il va finir par craquer devant tes yeux doux et ta moue boudeuse, et ça manque pas. « Mmmh... Choisis celui que tu veux regarder et je te donnerai un indice, alors. »

Tu te mords la langue pour éviter de faire filtrer la joie totale que t'éprouves dans ton expression, te contentant d'un léger sourire alors que tu fais courir tes doigts sur les jaquettes. Un, deux, trois, tu sais pas, tu sais juste que c'est con de te prendre la tête sur ça, que tu perds tu temps à tergiverser, que, de toute façon, vous verrez les trois et que l'ordre importe peu, sauf s'il a fait son bâtard et qu'il a mis une série de films dans le mauvais ordre. Tu sais pas qu'il est encore plus vicieux que ça. Tu te mords la lèvre, tu tires sur tes boucles, et il a le temps de revenir avec le bol de pop corn que t'es toujours en train de faire la plouf pour savoir qui passera à la casserole le premier. « Sasha, arrête de me fixer comme ça, tu me stresses. » Au final, tu te dis que c'est pas la peine de continuer à faire le con, alors tu prends le premier qui te tombe sous la main et tu le passes à ton compagnon de la soirée. « Tiens, celui-là, le... » Tu jettes un regard au numéro inscrit dessus. « Bah le numéro un, on dirait. » Tu relèves les yeux vers lui, un sourire espiègle aux lèvres. « Allez, vas-y, crache le morceau ! »

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Scary with you is better than scary without you ☾ T'as à peine le temps de lui présenter la jaquette qu'il se jette sur le disque et le glisse dans son ordinateur comme s'il lui brûlait les doigts. Tu hausses un sourcil, amusé par son excitation enfantine. Tu ne t'arrêtes pas une seule seconde pour te dire que c'est suspect, cette hâte de mettre le film en route, ce mystère autour de ce qu'il contient. Non, t'y penses même pas, parce que tu fais trop confiance, trop facilement. Si seulement tu savais. « C'est une histoire de rivalités entre deux familles. Tu vas adorer ! » Euh. « S'te plaît, me dit pas que c'est un énième remake de Roméo et Juliette, je m'en remettrai pas. » Tu dis ça à la rigolade, mais au fond, t'es sérieux. Y a un arrière-goût de panique dans ta voix, dans tes yeux. Manquerait plus que le numéro deux ce soit Titanic et le trois Les Hauts de Hurlevent et t'es prêt à te jeter par la fenêtre. C'est pas que t'aimes pas les trucs qui dégoulinent de romantisme hein, mais avec ta meuf ou ton mec, pas ton pote de dix-huit ans. Tu peux pas empêcher une grimace de filtrer dans ton expression à l'idée d'entourer Sasha de tes bras. Frisson de dégoût. Les pensées commencent à affluer, pire les unes que les autres, alors tu plonges ta main dans le bol de pop corn avant de dire une connerie. Panique pas Felix. Sasha bidouille un truc sur son ordinateur que tu piges pas trop -toi et la technologie, grande histoire d'amour- et revient s'asseoir à côté de toi une fois le film lancé. Tu lâches un imperceptible soupir de soulagement en voyant qu'il se cale à l'autre bout du canapé, la moitié du plaid sur les genoux et le bol de pop corn entre vous. T'as eu vraiment peur pendant un court instant. Tu sais pas comment t'aurais réagi s'il avait tenté quelque chose avec toi. Mal, sûrement. T'aurais pas voulu lui faire de mal, ni le blesser, mais t'aurais été obligé, et ça t'aurait sûrement détruit...

Tu secoue la têtes, refusant de t'apesantir sur des choses qui font mal, sur des "et si" douloureux. Tout va bien. Tu te calmes, tu te cales au fond du canapé, enroulé dans ton plaid tel un gamin de cinq ans. Tu fixes ton attention sur l'écran noir qui commence à faire défiler un générique pendant que Sasha te parle. « Alors, comment ça se passe à la coloc ? Ils te font pas trop la misère ? » Tu ris. La tension de tout à l'heure s'est évacuée de tes épaules, t'es serein, heureux, tu sais que tu peux lâcher prise pendant une heure ou deux ou toute la nuit, ne pas te soucier de tes colocataires le temps d'une soirée. C'est ce que Nur voudrait. Elle serait capable de te frapper avec un bouquin de médecine si elle savait que tu pensais à eux au lieu de te concentrer sur le film. « Non, ça va. Je m'entends super bien avec eux, en fait. J'sais pas, c'est con, mais c'est devenu un peu ma deuxième famille. » Tu hausses les épaules, mal à l'aise, une rougeur inhabituelle dans le cou et les yeux qui fuient parce que tu sais pas parler de toi, tu sais pas parler de ta vie de ton ressenti de tes émotions. « J'crois que j'suis un peu la maman poule du lot, j'me fais du souci pour eux, ça doit être chiant à la longue. En fait, c'est peut-être eux qui en ont marre de moi. » Tu ris encore, parce que tu sais que c'est pas vrai. La 2B, c'est un peu un repère d'handicapés sentimentaux qui savent juste pas montrer à quel point ils s'aiment, toi y compris. Mais l'amour, ça se montre de multiples façons différentes. L'amour, c'est s'engueuler parce qu'on a pas donné de nouvelles depuis trois jours. C'est se hurler dessus parce qu'on a encore laissé traîner ses chaussettes. C'est demander d'envoyer un message pour dire si on est bien arrivé. C'est faire du thé quand on va pas bien. C'est regarder des films jusqu'à pas d'heure juste pour profiter de la présence de l'autre.

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