Elle ne sait plus qui haïr.
Elle en veut au monde entier. A Sam pour l'avoir fait plonger avec lui, pour ses promesses c'est trop bon qu'il avait dit, si bon qu'elle les a vomi l'avant-veille, ses dernières pilules-merveilles. Et elle en aurait chialé de frustration à regarder le siphon emporter le petit cacheton. C'était le dernier.
Le dernier avant le suivant.
Elle s'en veut quand elle s'envoie un rail, s'en veut bien bien plus encore quand elle ne s'en envoie pas. Elle essaye d'espacer les prises, alors c'est son corps entier qui lui crie d'arrêter, arrête, arrête de lutter, on ne lutte pas contre soi. Elle a les mains tremblantes, le dos poisse de sa sueur. Elle a quitté Walmart sans rien dire, a lâché le tablier. Elle a couru jusqu'à chez elle et ne s'en est toujours pas remis, quelques heures plus tard l'impression d'avoir toujours le tournis, le souffle court, couchée à même le tapis, t'es pathétique qu'elle se dit ça ne change rien, elle se giflerait d'être aussi faible.

Ce serait si simple d'y aller.
Elle mâche, re-mâche l'idée amère, de la gomme usée, une idée au sale goût de défaite qu'était déjà mauvaise la première fois qu'elle lui est venue, qui l'est mille fois plus chaque fois qu'elle lui revient, chaque fois que le besoin revient.
Au sommet de sa liste de la haine c'est lui. Ça tourne, bien sûr, grand roulement du désamour. Il a détrôné JJ uniquement parce qu'elle a la malchance de le croiser plus que lui. Il a volé sa place uniquement parce que c'est à lui qu'elle pense quand elle vomit.
Elle peut pas. Peut pas se résoudre à aller sonner chez Seven, encore. A le voir sourire, encore, devant la déchetterie qu'est son corps, à entendre ses rires que même les cris de son crâne ne parviennent pas à étouffer. Alors elle attend. On ne sait quoi, d'ailleurs, que la douce médecine arrive à elle par les bras d'un livreur, plus assez naïve pour croire qu'on la délivre des palpitations de son cœur avide, assez toutefois pour se voiler la face une fois de plus. Et plus elle attend, pire c'est. C'est tout son corps qui se met à brûler, dans les flammes de l'enfer elle se revoit en train de le supplier de l'aider, les genoux sur les braises elle s'en est jamais relevée. Elle peut pas y aller, elle le doit. C'est une course contre elle-même qu'elle perd à chaque fois. Elle repousse les limites, y va en reculant, à pas traînant, c'est insuffisant. L'arrivée avant la ligne est terrible. Il va railler ses états toujours plus minable, la traîner dans la boue, cracher sur sa même pas tombe, elle peut pas.
Ses pas l'arrêtent juste devant la porte des enfers.

Elle cogne à contretemps des battements de son cœur qui la presse de partir, non, qui la presse de céder au plus vite, sinon c'est moi qui lâche il prévient. L’hôte de ces lieux se fait désirer ça l'agace, elle se refuse le pathétisme d'implorer une fois de plus son nom. Ça la brûle de faire demi-tour, mieux, de défoncer la porte, d'aller se servir elle-même dans les réserve du marchand de came. La poignée s'abaisse au moment où elle allait tenter.
C'est pas Seven qui s'imprime sur ses rétines délavées. Une blonde pas bien épaisse qui s'affiche dans l'ouverture. Ses muscles tressaillent compulsivement, elle a pas de temps à perdre avec qui que soit l'invité. « Seven est là ? » elle lui jette sans politesse, pressée. Elle jauge, se demande si son gabarit frêle résisterait à une poussée et si elle n'aurait pas plus vite fait de la bousculer, de faire fi du petit gnome qui garde l'entrée du pandémonium.