Sujet: Comeback home. Please, comeback to me - Iulia Dim 2 Avr - 22:01
Les mains accrochées à son sac à main posé sur ses genoux, Lavinia ne cesse de regarder autour d'elle. Angoissée, elle n'ose ni bouger ni même croiser le regard d'un inconnu. Tout lui paraît risqué et dangereux. Si elle pose son sac sur la chaise à côté d'elle, elle en est certaine, quelqu'un va le lui dérober et partir en courant avec. Si elle croise le regard d'un inconnu, celui-ci va se sentir persécuter et risquer de se sentir agressé. Alors la mère parcourt avec rapidité les lieux qui l'entourent. Son regard se pose tour à tour sur les arbres au loin, sur cet enfant qui tient la main de son père, sur ce chat qui traverse la rue, sur les voitures qui passent. Et puis inlassablement il se pose sur sa montre. Vingt minutes. Vingt minutes de retard. Mais que peut-elle bien faire ? Iulia lui a donné rendez-vous à la terrasse de ce café, refusant de mettre les pieds à la maison mais désireuse de passer un moment avec sa mère. Lavinia a du prendre sûr elle pour accepter. Elle a attendu que son mari parte travailler et puis elle s'est rendue sur les lieux du dit rendez-vous. Elle déteste agir dans le dos de son mari, lui mentir et lui désobéir, mais ces derniers temps, elle s'est rendue compte qu'elle n'a pas vraiment le choix si elle veut garder contact avec ses enfants. Iulia l'a mise dans une position délicate. Lavinia déteste être seule dans les rues de la ville. Elle craint la foule, elle craint l'inconnu. Et même si cela fait des années qu'elle vit ici, elle n'a jamais vraiment exploré la ville. Lorsqu'elle sort de chez elle, son mari est toujours à ses côtés, et lorsque ce n'est pas Lucian, c'est Serghei qui lui sert de guide et de garde du corps. Son fils est toujours là lorsqu'elle en a besoin, préoccupé par son bien-être, il déteste la savoir seule dans les ruelles parfois sombres de la ville. Mais aujourd'hui, Lavinia est sortie seule, et elle attend sa fille. Elle sursaute brusquement lorsqu'elle entend qu'on s'adresse à elle, ses mains se sont crispées encore un peu plus sur son sac, et elle s'est mise à rougir lorsqu'elle s'est rendue compte qu'il ne s'agit que de la serveuse qui souhaite prendre sa commande. La jeune femme attend avec patience que la roumaine lui réponde, mais rien ne vient. Les mots sont bloqués dans sa gorge tandis que le cerveau de la matriarche semble s'être mis en pause. Elle balbutie quelques mots inintelligibles et puis finit par reprendre contenance : « Un café, s'il vous plaît. » Son accent roule entre ses lèvres et honteuse, elle baisse la tête. Elle n'aime pas quand son accent roumain résonne aux oreilles d'inconnus. Ils la regardent toujours avec surprise, cherchent toujours à savoir d'où elle vient et pourquoi elle est arrivée jusqu'ici. D'autres n'ont tout simplement pas confiance, parce que les roumains n'inspirent que le vol et la trahison, mais ils se trompent, tous autant qu'ils sont. Nerveusement, Lavi commence à taper du pied par terre, elle craint le pire, s'imagine l'impensable. Et si elle s'est trompée de date ? Si Iulia n'arrive jamais ? Et s'il lui est arrivé quelque chose ? Peut-être a-t-elle eu un accident ? Peut-être l'a-t-on enlevée ? Peut-être est-elle morte dans un caniveau ? Sans qu'elle ne s'en aperçoive le cœur de Lavi se sert, elle a du mal à respirer et la panique commence à la gagner. Elle va s'évanouir, elle va faire un malaise, elle ne sent plus son pouls...
Et soudain tout s'éclaire à nouveau, elle sent une main sur son épaule, elle relève vivement le visage et elle croise le regard de sa fille. Brusquement elle se lève, et le regard courroucé elle lui dit : « Mais tu as vu l'heure qu'il est ?! Je me suis fait un sang d'encre ! » Et puis elle croise les bras, la mine boudeuse. Lentement son corps se détend, et la mère se rend compte qu'elle a exagéré, qu'elle s'est encore trop inquiétée, trop emballée. Certains la trouvent ridicule, d'autres exaspérante, mais pouvait-on réellement lui reprocher le fait de tenir à ses enfants et de s'inquiéter pour eux ? Lavinia esquisse un léger sourire et dépose un baiser sur le front de sa fille. Elle va bien, c'est l'essentiel. Elle l'invite à prendre place en face d'elle tandis que la serveuse revient avec son café. Pendant que Iulia prend sa commande, la mère l'observe. Qu'elle est belle sa fille, qu'elle est forte sa fille. Lavinia a toujours été fière de ses enfants, et jamais elle ne se lasse de les admirer. Lorsque Iulia repose son regard sur elle, la matriarche demande : « Tout va bien chez toi ? » Evidemment, elle prend des nouvelles de Iulia, mais elle s'interroge aussi sur le reste de la fratrie. Parce qu'elle sait que certains de ses enfants vivent là-bas. Et si elle essaie de le cacher, cette situation la blesse. Parce que ce n'est pas chez leur sœur qu'ils devraient être, mais chez leur mère. Alors elle ne peut s'empêcher d'ajouter, sur le ton du reproche : « Vous pourriez venir me voir plus souvent à la maison... » Parce que vous me manquez, et parce que j'ai besoin de vous. Mais la suite ne vient pas, parce que Lavinia ne veut pas montrer qu'elle souffre, parce que Lavinia ne veut pas de la pitié de ses enfants, et parce qu'au fond d'elle, elle sait qu'elle n'a rien à exiger d'eux, elle a juste besoin d'eux.
Invité
Invité
☽ ☾
Sujet: Re: Comeback home. Please, comeback to me - Iulia Sam 15 Avr - 17:14
Comeback home. Please, comeback to me.
Lavilia
“My mother, poor fish, wanting to be happy, beaten two or three times a week, telling me to be happy: "Kid, smile! why don't you ever smile?" And then she would smile, to show me how, and it was the saddest smile I ever saw”
Y a ses doigts qui tapotent, agacée, le clavier de son ordinateur. Ses yeux, eux, font l'aller-retour entre son écran et l'horloge accrochée au mur. Elle va être en retard, elle le sent. Elle ne pourra partir du bureau que quand elle aura fini ce qu'elle est en train de faire et c'est loin de la passionner. D'autant plus que ces mails à la con, décrivant des procédés chimiques ou des manipulations que les laborantins effectuent dans les étages inférieurs de l'immeuble aux partenaires commerciaux de ses patrons. Si on lui avait dit qu'un jour, elle devrait faire ce genre de rapports remplis de mots compliqués dont elle ne comprend pas forcément le sens, elle ne l'aurait pas cru. Mais elle ne crache pas dans la soupe. Ce travail ingrat permet de ramener suffisamment d'argent pour nourrir sa famille et lui fournir un toit. Même si elle se permet difficilement quelques extras, c'est déjà ça de pris. Cependant, aujourd'hui, plus que les autres jours, ça l'agace. Forcément, il faut que ce soit le jour où elle a donné rendez-vous à sa chère maman que son patron est venu lui demander, coulant et doucereux, d'envoyer ces mails en urgence, alors qu'elle devait déjà être partie. Bien sûr, elle ne pouvait pas refuser, en plus, elle devait faire profil bas parce qu'ils lui avaient accordé tout un week-end de repos et une avance de salaire pour qu'elle puisse offrir son cadeau à Madalina. Ils en profitaient un maximum et la faisaient travailler plus tard les soirs et les week-ends, lui demandant des tâches supplémentaires et parfois même des services qui n'avaient rien à voir avec son travail. Mais bon. Rien n'est trop beau pour sa fille, alors elle allait se saigner aux quatre sangs sans rechigner. Mais ça l'embêtait de mettre sa propre mère dans le pétrin en la faisant l'attendre. Du coup, elle s'active. Elle sort son devenu habituel mail bullshit où elle ne comprend rien de ce qu'elle écrit, que c'est quasiment un copier/coller des précédents qu'elle a pu envoyer et voilà. Basta. Quand tous ses mails sont envoyés, elle attrape son sac à main et toque à la porte de son boss pour lui dire qu'elle y va. Il hoche la tête et la salue. A demain.
Elle dévale les escaliers et regarde son téléphone. Pas de message, ni d'appel manqué. Mais ça veut rien dire. Elle la connaît sa maman. Si elle est seule dans un café, elle va angoisser. Alors, elle se dépêche. Elle trépigne en attendant le bus et pendant le trajet, enfin, elle arrive à destination. Pressée, elle saute à terre et s'avance vers la rue où le café où elle a donné rendez-vous à sa mère se trouve. Elle la voit. Raide. Stressée. A regarder autour d'elle. Même de dos, elle sent qu'elle n'est pas à l'aise, mais elle s'approche et pose une main douce sur l'épaule de celle qui l'a élevée. Elle sourit quand celle-ci sursaute presque à son contact et se lève, dans les yeux, ce même regard qu'elle lui lançait quand elle faisait une bêtise, enfant. « Mais tu as vu l'heure qu'il est ?! Je me suis fait un sang d'encre ! » Elle rit un peu, pas pour se moquer d'elle, non loin de là, mais parce que ça lui fait presque chaud au cœur. Maman, tu ne changeras jamais. Mais c'est pour ça qu'elle l'aime. Toujours à se soucier de ses enfants, même quand ceux-ci sont grands. Même quand ceux-ci sont adultes. Ils restent ses enfants. « Désolée, j'ai été retenue au travail. Mon patron n'a pas voulu me laisser filer. » Elle sourit encore, pour la rassurer. Sa mère l'embrasse sur le front et elle lui retourne un baiser sur la joue. Puis, elles s'installent. Le café de la mère, ou plutôt grand-mère depuis seize ans déjà, arrive et Iulia commande le sien. Leurs regards se croisent. « Tout va bien chez toi ? » « Oui ! Tout est parfait. Mihail va bien, Madalina aussi. Ils ont de bons résultats à l'école, y a de quoi être fières d'eux ! » Elle sourit et sa maman enchaîne : « Vous pourriez venir me voir plus souvent à la maison... » « Oui… Je sais bien. Mais on viendra. C'est bientôt l'anniversaire de Madalina, on passera manger un bout ou boire un verre pour l'occasion. » Elle sourit encore, pour la rassurer, pour lui faire du bien. Parce que même si elle ne vit plus chez elle depuis longtemps, même si elle récupère un à un ses frangins, elle sait qu'ils lui manquent. Qu'elle devrait faire plus d'effort pour passer outre la présence indésirable du géniteur et passer du temps avec celle qui fut longtemps – et est toujours – son modèle dans la vie. Lavinia, plus que ça encore, c'est son pilier, celle qui a toujours été là, même dans les pires moments. Toujours quand sa fille aînée était dans une situation corsée. Même si leur famille est plus que bancale, ils peuvent tous compter les uns sur les autres et c'est tellement rassurant.
La serveuse arrive avec son café et Iulia la remercie, puis elle se tourne à nouveau vers sa mère. « Et toi ? Ça va, là-bas ? » Là-bas. Chez elle. La maison de son enfance, où elle a grandi, mais d'où elle tire autant de mauvais souvenirs que de bons. « Je suis fière de toi, Maman. Il paraît que tu sors de plus en plus. C'est bien ! » Les nouvelles vont vite, personne, sauf peut-être le père, ne passe à côté de ce genre d'informations. « J'espère que tes petites escapades ne te posent pas de problèmes avec Lucian… Si y a quoique ce soit, tu sais que tu peux te reposer sur moi, hein ? » Lucian. Le père. Le géniteur. Celui qu'elle n'appellera plus par ces dénominations, simplement par son prénom. La scission dans la famille, finalement, elle vient peut-être de Iulia, qui ne veut plus rien avoir à faire avec cet homme. Ce bourreau qui a maltraité ses frères, en allant jusqu'à les battre pour qu'ils deviennent des hommes. Ce salopard qui lui a posé le poids de sa culpabilité sur les épaules et qui l'a accusée de tant de maux. Comme si c'était elle la mauvaise graine de cette famille et pas celui qui a assis son autorité et sa poigne de fer roumaine sur sa ribambelle de gamins et sur sa propre femme.