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| Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) | |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Ven 31 Mar - 13:27 | |
| Il a un poids sur la poitrine, Lenny, quand il se couche le soir et qu’il n’y a plus rien à quoi penser. Il hésite toujours à reprendre son livre de droit pénal pour relire un peu, en espérant que ça l’endorme, mais à quoi bon, il le connait déjà par cœur, il peut se le réciter dans sa tête sans avoir à l’ouvrir. Il a du mal à concilier le tout, évidemment, à être un étudiant normal en dormant sur un matelas par terre avec trois autres personnes dans la chambre qui respirent, ronflent, se retournent. Ils ont tous un passé, tous une histoire, et il n’est pas sûr qu’un seul d’entre eux dorme bien, Lenny. En tout cas, il est sûr que lui n'y arrive pas. Quand il n’a plus rien à quoi penser, plus de comptabilité à faire, plus de dissertation à écrire, plus de leçon à donner, il a seulement envie de se rouler en boule et de pleurer. Il le fait, parfois, quand il sait que tout le monde est endormi et qu’on ne l’entendra pas sangloter comme un gosse qui a peur du noir. Lenny n’a pas peur du noir. Il pourrait, c’est vrai, mais il n’a pas peur du noir. Juste de ses souvenirs, ceux qui rejaillissent seulement quand la lumière est éteinte et qu’il n’y a plus un bruit dans l’appartement. Bon, c’est rare qu’il n’y ait vraiment plus un bruit chez les Lost Boys, ils comptent quelques oiseaux de nuit dans la bande, après tout, mais c’est suffisant pour que Lenny se retrouve seul face à ses démons. Réfléchir est la clé, faire des analyses littéraires en son for intérieur, se poser de grandes questions de société, énumérer les droits de l’homme. Il en a beaucoup, des comme ça, des diversions, des je-vais-penser-à-ça-pour-ne-pas-penser-à-Darja-à-Tom-et-à-mon-père-qui-devait-probablement-être-ce-mec-à-qui-Darja-a-fait-exploser-la-cervelle. Il ne peut pas s’en plaindre, Lenny, il ne peut pas en parler, non plus. Il trouve cela tellement risible comparé à ce que d’autres ont vécu, tellement sans importance. Il n’est qu’un parmi d’autres à qui l’univers a dit merde, il n’y a pas de quoi pleurer. Il a quand même envie de pleurer.
Il se retourne et regarde le matelas inoccupé pas très loin du sien. Merle. Toots. Il ne sait jamais comment l’appeler, il ne sait pas s’il ose encore lui adresser la parole, en fait. Sans doute pas. Merle le terrifie. Merle est terrifiant, c’est certain. Il a un visage de cinglé. Ou peut-être que c’est Lenny qui l’imagine plus terrifiant qu’il ne l’est. Non. Il est rationnel, Merle est vraiment flippant. Merle ne l’aime pas. Il ne sait pas pourquoi. Enfin, si, il a bien sa petite idée, il en a probablement marre de son blabla permanent et de ses grandes vérités, encore plus des règles grammaticales qu’il balance à tout bout de champ parce qu’il n’y en a pas beaucoup qui s’exprime de façon grammaticalement correcte, dans leur logis. Mais Merle semble le détester plus que ça, ça va au-delà du simple agacement, au-delà de la simple persécution quand il s’en prend à lui. Bien sûr, il est à l’origine de toutes les vannes à l’encontre de Lenny, il a instauré une période de bizutage extra longue spécialement pour lui, et quand il est dans le coin, Lenny est sa victime numéro un. On dirait qu’il ne pense qu’à lui mener la vie dure. Même si Merle n’est pas là, la plupart du temps. Ça doit faire deux semaines qu’il a disparu. Lenny espère qu’il ne reviendra pas, cette fois. Il n’a pas l’air d’aimer Peter, ni d’aimer être là tout court, au fond, mais il revient à chaque fois. Il se demande pourquoi, en fixant ce matelas miteux et dépourvu d’occupant en face de lui. Il a envie d’être naïf et de se dire que Merle aime les autres Lost Boys, mais c’est à l’évidence plus compliqué que cela. Bah, peut-être qu’il a faim ou qu’il n’a nulle part où dormir. Oui, ça doit être ça. Lenny se remet sur le dos, fixe la tache d’humidité au plafond, juste au-dessus de sa tête. Elle a une forme de bactérie. Il n’a jamais apprécié cette tache, il faut dire que la moisissure peut causer des tas de maladies peu reluisantes. Il plisse le front, un peu paniqué en se rappelant tous les symptômes, avant de secouer la tête et de fermer les yeux. Tout va bien. Il ne va pas tomber malade. Il est jeune et en bonne santé, il fait du sport et mange équilibré, et son système immunitaire est en béton. Il n’a jamais attrapé la grippe. Vous connaissez des gens qui n’ont jamais attrapé la grippe, vous ? Surtout en traînant dans une dizaine de familles d’accueil contenant des enfants en bas-âge ? Il sursaute en entendant la porte de la chambre s’ouvrir, s’agite pour retrouver sa couverture et la remonter au-dessus de son crâne, en se tournant vers le mur, histoire que le nouvel arrivant – c’estMerlec’estMerlec’estMerle, il est revenu, lui dit son cerveau – se dise qu’il dort à poings fermés. Il a la désagréable sensation que quelqu’un est penché au-dessus de lui.
Dernière édition par Lenny Kucera le Lun 3 Avr - 12:14, édité 1 fois |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Lun 3 Avr - 6:00 | |
| Il y a un poids sur l’estomac de Merle. C’est quelque chose de récurrent, comme un fredonnement familier. Il a réfléchi. C’est un mauvais plan, un mauvais bail, réfléchir, ça l’oblige à penser, à analyser, à ordonner ses idées. Il sait pas faire ça, Merle, pas vraiment, il sait montrer les dents et être brutal et être violent, il sait serrer les poings et carrer le dos et froncer les sourcils, il sait faire peur mais pas faire de concessions parce que les concessions c’est pour les gonzesses, il sait insulter et pas mâcher ses mots et survivre dans la rue, il sait faire des nœuds trop compliqués avec des cordes et échapper aux flics, il sait taper où ça fait mal et cracher sur les règles, il sait cracher sur Tinks et vomir sur Peter. Il sait pas se fondre dans la masse, par contre, peut-être, et parfois il se sent loin des autres et loin des Lost Boys et en colère parce qu’il les trouve tous dociles et doux et exploités, parce qu’on leur tire leur argent pour une sécurité relative, parce qu’on leur offre un toit qui n’est que d’une sécurité toute relative, parce qu’on les force à vivre ensemble, parqués et coffrés, des matelas pourris à côté d’autres matelas pourris pendant que d’autres s’en tirent un peu mieux parce que le privilège est là, parce que Peter a ses têtes et que ça fonctionne comme ça. Toots hait ça. Il hait regarder Jael privée de repas parce qu’elle a pas mendié assez de thunes, il hait regarder Peter lui arracher sa seringue, il hait regarder Lenny rien branler mais pas se faire punir, il hait, hait, hait, ce système qui les aliène et qui les met en porte-à-faux, pas mieux pas pire que dans la rue, à peine un chauffage bruyant pour leur réchauffer les os. Il se sent dans une autre galaxie, dans un autre monde, parce que personne moufte, parce que personne dit rien, parce qu’il se sent seul, terriblement seul, parce qu’on le tient et que ça ne peut pas durer.
Il a les chevilles qui tremblent lorsqu’il enjambe le matelas de Curl et celui d’Otto, les doigts qui hésitent un instant quand ils effleurent les cheveux de Doll qu’il a dû déranger dans son sommeil. Il ne s’arrête pas, pas vraiment, pas tout de suite. Il ne vise pas son matelas, il ne vise pas la fenêtre, il n’essaye pas de faire du bruit non plus, l’odeur du macdo dans lequel il a passé la journée collée à la peau. Il vient parler à Slight. Ca n’arrive jamais, ça, parce qu’il fait beaucoup de choses à Slight, parce qu’il le bizute, parce qu’il se moque, parce qu’il le fait pleurer peut-être parfois, parce qu’il est trop dur mais qu’il est exaspéré, parce que Peter le prive et qu’il pourrie Lenny, parce que la jalousie le crève et que ça lui donne envie de gerber. Il sait que Lenny est réveillé parce qu’ils dorment depuis trop longtemps dans la même pièce, parce que sa respiration est légèrement différente, parce qu’il a appris à reconnaître les bruits depuis qu’il se glisse en silence dans le lit d’Otto pour appuyer ses doigts sur son corps assoupi. Ca fait deux semaines qu’il est pas venu mais rien a changé, ses comics déchirés gisent dans un coin et une pile de pansements sales sont collés près de la plainte. Ca fait deux semaines qu’il est pas venu et tout le monde s’en fout. Tout le monde sauf Lenny, putain, ce qu’il devait être soulagé. Il le sait, Toots, qu’il est pas juste, que c’est pas de la faute de Lenny tous les mots compliqués et la putain de chance de faire des études, qu’il a juste eu plus de bol que lui au tirage de la vie sur certains trucs, qu’il doit avoir son lot de merde pour atterrir ici aussi. Il sait, Toots. Ca reste dur à digérer, dur à avaler, dur à recracher.
C’est pour cela qu’il se laisse tomber en tailleurs à côté de lui, alors que le corps réveillé de Lenny lui tourne le dos, pour ça qu’il tend la main, pour l’appuyer sur son épaule.
« J’sais qu’tu dors pas, Slight. » Il murmure mais il manque de la verve habituelle, parce qu’il est fatigué et qu’il a besoin d’un matelas, parce qu’il a passé deux semaines à dormir dans les parcs et sur les bancs, à se demander s’il allait rentrer, s’il devait rentrer, s’il avait envie. Et puis il a pensé Jael et Lachlan et et Sasha et Otto et River et Ariel et il a su que oui, oui, oui, évidemment que oui. « J’ai besoin d’aide. »
C’est un aveu horrible parce qu’il sent sa voix qui lui fait faux-bond, parce que c’est absurde, parce que c’est débile, mais que oui, il a besoin d’aide, parce qu’il a imprimé un papier qui expliquait comment se procurer de la testostérone de façon légale mais qu’il y pine rien, parce que Grace lui a pas été plus utile, parce qu’il peut pas continuer comme ça mais qu’il comprend pas, pas vraiment, et qu’il sait pas à qui demander à part à Lenny, Lenny qui pourrait se moquer de lui, Lenny qui pourrait s’en servir, Lenny qui, il espère, a beaucoup trop peur de lui pour y penser lorsqu’il lui fourre le papier dans les mains, penchés par-dessus lui.
« Je comprends pas ce que ça dit. »
Et, pour la première fois depuis très longtemps, Toots a l’air d’un enfant démuni. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Jeu 6 Avr - 18:29 | |
| L’angoisse remonte le long de son échine, lui lèche méchamment la nuque. Il a peur. Il se recroqueville un peu plus, espérant qu’à force de se replier sur lui-même, il finisse par disparaître, comme une étoile qui implose. Il entend la respiration toute proche, il entend son propre cœur qui bat à toute allure. Il ne sait pas si Merle a de mauvaises intentions, mais ça le stresse quand même qu’il traîne à côté de son lit en pleine nuit. Il respire doucement, ferme les yeux trop fort, jusqu’à en avoir mal, peut-être que Merle va simplement retourner sur son matelas et le laisser tranquille. Peut-être que ce n’est qu’un cauchemar de plus dans son petit univers mental confus et épuisé. Il se crispe, en sentant la main sur son épaule, pousse quelque chose de l’ordre du glapissement involontaire, pas assez fort pour réveiller la chambrée, pas assez léger pour que Merle n’y fasse pas attention. Slight frémit sous sa couverture, attendant un coup de poing, une insulte, peu importe, du moment que ça fait mal. Rien ne vient. Rien qu’un murmure. J’sais qu’tu dors pas, Slight. Trop calme, pas assez menaçant. Lenny s’agrippe à ses draps comme si sa vie en dépendait, ne bouge toujours pas, immobile sans l’être parce qu’il tremble un peu. Il se demande ce qu’il lui veut, pourquoi il est revenu si c’est pour lui parler à lui. Ça n’a pratiquement aucun sens. Ou alors ça lui démangeait vraiment de s’occuper de son cas. Sa respiration se bloque dans sa gorge au moment où il entend la seconde phrase. Il grimace dans le noir. Besoin d’aide ? Merle ? De lui ? Il essaye de le faire sortir de sa cachette ou quoi ? Il se défait de sa couverture en se retournant vers Toots, s’emmêlant les mains dans le tissu et il s’agite comme une sardine hors de l’eau pendant cinq secondes avant de plisser les yeux pour tenter de distinguer le visage de Merle dans l’obscurité ambiante.
Lenny se retrouve avec un papier entre les doigts sans savoir en quoi il peut aider. Ça lui paraît bizarre que Merle ait besoin de son aide, il sait lire, quand même. C’est quoi ? Une convocation de la police ? Il se redresse doucement et appuie son dos contre le mur derrière lui. Il glisse sa main à côté de Merle pour allumer la lampe de chevet dégarnie qui trône par terre, vérifie que ni Otto, ni Curl n’a la lumière dans la figure avant de poser les yeux sur la feuille. Il panique. Il panique parce que ce sont des instructions médicales et qu’il a l’impression de lire quelque chose qu’il ne devrait pas lire, quelque chose de privé, quelque chose de secret. Il panique au mot testostérone, il n’ose même pas regarder Merle pour obtenir un indice via son expression. Ses doigts déchirent légèrement le papier à la pliure, de nervosité, il renifle. Si ça avait été quelqu’un d’autre, il aurait sans doute réagi plus calmement. Là, il ne sait pas comment réagir. Il risque de se faire frapper quoiqu’il dise, non ? Evidemment, il a envie de se dire que Toots n’est qu’un de ces abrutis de plus qui veut prendre des hormones pour faire gonfler ses muscles, évidemment, il a envie d’y croire, à cette théorie, mais, Lenny doit bien l’admettre, même s’il pense que Merle est une grosse brute la plupart du temps, il ne l’a jamais considéré comme le genre de mecs bodybuildés accros à la salle de sport. Il tape déjà assez fort comme ça et ce serait carrément idiot de dépenser son argent là-dedans, car visiblement Merle veut se procurer de la testostérone par les voies légales, et cela commence à réellement l’inquiéter. « Tu sais, c’est très mauvais pour la santé sauf si tu en manques parce que tu es un… » Il s’interrompt, tourne sa langue dans sa bouche. « Un très vieux monsieur, par exemple. » Il secoue la tête pour chasser cette pensée, se replonge dans sa lecture en reculant un peu vers le coin de la pièce, là où il se sent plus à l’abri. « Ils disent qu’il te faut une ordonnance. Tu dois d’abord passer un examen pour savoir exactement quels sont tes besoins et quelle dose le médecin doit te prescrire. Un suivi est conseillé. » Il relève la tête un instant, regarde Merle sans trop le regarder. Pas dans les yeux, en tout cas. « Tu l’as déjà fait, euh, l’examen, non ? » Il suppose que oui, il n’en sait rien, il se demande s’il prend déjà de la testostérone, visiblement oui, si, eh bien, si Merle était une fille – il secoue la tête, non, non, il ne devrait pas savoir ça, vraiment pas. Les questions s’entrechoquent et restent en suspens sur sa langue, il garde la feuille contre lui comme si elle pouvait lui servir d’armure. Doit-il l’interroger ? Les autres savent-ils ? Peter sait-il ? Et comment Merle fait pour se la procurer, s’il ne sait pas comment le faire légalement ? Il ne veut pas savoir. Il veut savoir. Ça hurle dans son crâne et il fixe obstinément un point derrière les cheveux de Merle. « Désolé. » Oui, ça va arranger la situation, ça.
Dernière édition par Lenny Kucera le Dim 16 Avr - 11:07, édité 1 fois |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Dim 16 Avr - 3:51 | |
| Il y a quelque chose de réconfortant dans la peur qu’il inspire à Slight. C’est horrible, affreux, terrible en réalité, mais il y a du plaisir à le voir se tortiller, mal à l’aise, incapable de le regarder dans les yeux, parce qu’il le fait crever de peur et que son secret ne change rien, et que son secret n’altère rien. Il devrait avoir honte. Il devrait avoir honte, bien sûr, mais il n’en ressent pas la moindre et il continue à le fixer, impassible et impavide, le regard fixe et les doigts enroulés autour de ses chevilles. Slight sait. C’est évident qu’il sait, qu’il a deviné, parce qu’il y a quelque chose de précautionneux dans sa voix, quelque chose d’infiniment délicat dans son choix de mot. Lenny sait parce qu’il n’est pas comme lui, parce qu’il n’est pas stupide, parce qu’il est privilégié, sur tout un tas de trucs, Lenny sait parce qu’il le laisse savoir, parce que ses yeux se sont posés sur le papier et qu’il pose immédiatement les bonnes questions. Il est direct. Pas suffisamment pour l’effrayer mais suffisamment pour lui donner une direction, quelque chose vers quoi se diriger. Il ne ressent pas la panique délirante qui lui a tordu les entrailles la première fois qu’Otto a posé les yeux sur lui, ou la peur qui l’a déchiré en deux lorsque Peter a compris, il ne ressent rien de tout cela parce que Slight est méthodique, parce que Slight ne représente rien, ou pas grand-chose à ses yeux, parce qu’il ne s’attachera pas à lui, parce qu’il refuse, parce qu’il a déjà trop de chats perdus dans le cœur et qu’un gamin privilégié n’a rien à y faire et surtout pas celui-là, que Peter aime bien trop, surtout pas celui-ci, qui se retrouve toujours à gagner des faveurs sans rien faire, qui n’est jamais puni alors qu’il ne ramène rien, qui a une éducation et qui est intelligent, qui use de trop longs mots et qui le perd tout le temps. Il a jeté la première pierre et c’était sans doute par jalousie et s’il continue aujourd’hui, c’est clairement par envie, parce que Slight est tout ce qu’il aurait pu être et qu’il ne sera jamais, parce que Lenny a une cuillère en argent dans la bouche quand lui ronge les os jetés aux chiens.
Lenny l’aide, ce soir-là, et c’est tout ce qui lui importe. Il met de côté l’envie, la jalousie, la rancœur, les range dans des boîtes qu’il ressortira peut-être plus tard, reste statique, à ses côtés, pour qu’il arrête de flipper, pour qu’il arrête de soupeser le moindre mot, le moindre geste, le moindre mouvement. Merle est une brute. Merle l’a martyrisé. Il ne peut pas dire le contraire, ne niera jamais : c’est un fait. C’est un fait brut et évident et s’il est de mauvaise foi, il ne peut pas l’être à ce point. Il a lancé les hostilités et Lenny a toutes les raisons du monde d’être effrayé parce qu’il est tordu et malfaisant et ingrat et qu’il mordra la main qui le nourrit si l’on laisse trop longtemps traîner ses doigts. Tous les autres soirs de l’année, Lenny aurait dû être effrayé. Pas celui-là. Pas celui-là parce que Toots répond d’une voix basse, parce que Toots se contrôle, parce que Toots écoute, parce que Toots a les yeux rivés sur lui et qu’il n’a pas une once de violence dans le corps, seulement de la retenue, quelque chose comme de la méfiance, quelque chose comme de la défiance.
« Il n’y a pas de raisons d’être désolé, je ne suis pas un vieux monsieur. » lui assure-t-il, et c’est la réalité, parce que son corps n’est pas une désolation, parce qu’il n’y a rien à dire, rien à commenter, rien à regretter, parce que non, il n’est pas vieux, mais que oui, son corps manque de testostérone, parce que c’est une réalité, parce que ce n’est pas quelque chose qu’il veut déplorer. « J’ai passé le test. Je crois pas que c’était un vrai médecin. » Il sait même que ce n’en était pas un, que c’était un faussaire, un escroc, un de ces types qui revendent des organes au marché noir et qui l’a testé parce que Valmont avait monnayé ses faveurs. Il le fixe, parce qu’il s’attend à d’autres questions, parce qu’il a besoin qu’on le dirige, besoin qu’on le pousse, besoin qu’on le guide et que c’est à Lenny de le faire, même si c’est absurde, même si c’est ridicule. Lorsqu’il reprend, il a une hésitation dans la voix et le regard fuyant : « J’sais que c’est pas bon pour la santé mais j’ai besoin d’en prendre. Je peux pas arrêter là et j’veux pas continuer comme ça, j’en ai marre d’être un putain de clebs au bout d’une laisse, Kucera » et il fait l’effort de prononcer son nom de famille correctement. « est-ce que tu comprends ? »
Et il lui demande, vraiment, s’il saisit, s’il est capable, d’imaginer le collier autour de son cou et le sentiment d’étranglement, s’il peut se projeter, saisir ce qui le retient, comprendre pourquoi il reste. Il se demande si Slight est un Tinks bis, en plus effrayé, en plus lâche, s’il est un dictateur dans un corps trop frêle, quelqu’un que Merle ne pourra jamais supporter.
« Je le répéterais pas, Lenny. » Sa voix est calme et la phrase aurait dû être une menace ; c’est à peine un constat. « Est-ce que tu peux m’aider ? »
Est-ce que tu en es capable, veut-il demander. Il se tait. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Dim 16 Avr - 19:35 | |
| Lenny ne trouve pas ça normal, au fond, que Merle vienne lui parler de ça. Que Merle lui révèle son secret, quelque chose dont il n’a visiblement aucune envie d’expliquer ou même d’exprimer à voix haute. Pourquoi à lui ? Il le déteste. Il ne peut pas lui en vouloir de le détester, il a toujours fait cet effet-là aux types un peu violents. Il y a plein de raisons à ça, au foyer, plusieurs gamins lui avaient dit que c’était son intelligence qui dérangeait, qu’il était trop bavard ou trop gentil, que si on ripostait, ils nous laissaient tranquilles. Lenny n’est pas de cette trempe-là, il ne l’a jamais été. Il n’a jamais vu la violence comme une solution viable, même pas pour se défendre. Beaucoup disent que c’est à cause de sa force de crevettes, mais il aurait pu se donner les moyens de devenir une brute épaisse comme les autres, ou se promener partout avec un couteau, ce genre de précautions que prennent les jeunes qui vivent à la rue. Mais Lenny a toujours refusé de le faire. Peut-être par lâcheté, peut-être par courage, peut-être parce qu’il ne tient pas vraiment à la vie. Peut-être qu’il ne veut pas tenir à la vie si la vie signifie taper sur les autres. C’est ça, Lenny, il réfléchit trop, il lit les humanistes et ne s’imagine pas un instant qu’il est mieux qu’un autre parce qu’il a choisi de ne pas être violent. Il comprend pourquoi ils choisissent d’être violents, de se défendre, d’avoir du pouvoir sur leur destinée. Lenny penche pour la facilité, il subit, il suit, il fait ce qu’on attend de lui. Il ne ferait pas de mal à une mouche. Il ne veut pas, en réalité. Mais sa lucidité ne l’empêche pas d’avoir peur de Merle ou des mecs louches qui le hèlent dans la rue quand il passe trop près d’eux. « Non, je suis désolé parce que… Parce que j’ai pas, euh, l’impression que je devrais savoir ça ? Ou que tu voulais me le dire ? Je ne sais pas, je suppose que ça n’a pas d’importance. » Il n’a pas d’importance, pour Merle, il ne semble même pas se méfier de lui, de ce qu’il pourrait faire avec ce secret. Merle sait qu’il ne fera rien, sans doute, qu’il est trop angoissé par les retombées pour tenter quoi que ce soit ou qu’il est trop doux, incapable de manipuler quelqu’un. Lenny préfère qu’il le voie comme ça. Au final, c’est ce qu’il veut être pour les autres, un point d’appui, peu importe si les gens s’essuient les pieds sur lui.
Lenny écoute et ne le regarde pas. Il se concentre sur les plis de ses draps, ça l’aide à réfléchir, à penser correctement, sans être parasité par toutes les questions qui lui viennent à l’esprit quand ses yeux se posent sur Merle. Il est curieux, certes, mais c’est sans doute mieux qu’il aille à la bibliothèque demain pour en apprendre plus sur le sujet. Il aurait trop le sentiment de marcher sur des œufs, de ne pas pouvoir tout demander à Merle en personne. Il grimace au putain de clebs au bout d’une laisse, par pour la vulgarité du langage, mais parce qu’il sait exactement à quoi Merle fait allusion. Il n’a pas vraiment envie d’en parler, pourtant, il ne se voit pas mentir à Toots, ni omettre des choses par respect pour Peter. Lenny n’est pas comme Tinks. Il sait que c’est ce qu’ils pensent tous, mais il n’est pas comme lui. Il aime Tinks, il aime Peter, mais il n’est là que depuis un an à peine. Tinks a passé dix ans avec Peter, toute son enfance tourne autour de lui, parce qu’il n’a rien d’avant, c’est logique, qu’il soit devenu comme ça, aussi fasciné, aussi aveugle. Lenny ne peut pas en dire autant. Il aimerait bien. Ce serait plus simple d’être là s’il idolâtrait Peter. Il n’aurait pas tous ces doutes, il se persuaderait que Peter ne lui ferait jamais de mal, n’attendrait pas là sachant très bien qu’une épée de Damoclès est pendue au-dessus de sa tête. Peut-être si les adultes dans sa vie s’étaient montrés plus conciliants. Peut-être s’il avait pu faire confiance à nouveau. Mais il sait qu’il fera un faux pas, un jour, et tout déraillera. Ça ne durera pas éternellement, tout ça. « Tu parles de Peter. » Pas d’interrogation dans sa voix, simple affirmation. « Il faut que tu ailles voir un vrai médecin, sinon tu n’auras pas d’ordonnance. Tu n’auras rien légalement si tu n’as pas d’ordonnance. » Il ne demande rien en échange, Lenny, ne menace pas d’aller tout raconter à Peter. Honnêtement, il l’aurait fait si Peter avait été Darja. Il n’est pas aussi désespéré d’avoir l’amour de Peter, et tant qu’il n’a pas l’impression de le trahir, ça lui va. « Tu connais quelqu’un à l’hôpital ? Et tu as de l’argent ? Ça risque d’avoir un coût, tout ça. » Il se sent tellement comme un imposteur, parmi les Lost Boys, avec Peter qui lui offre sa nourriture, les cours à l’université, des bouquins, et lui refile même de l’argent de poche, parfois. Pour la compta bien faite, dit-il. Il garde tout, Lenny, ce n’est pas grand-chose, mais il met de côté avec ce qu’il récolte quand il fait la manche ou quand il donne des cours particuliers à des lycéens. Au cas où Sasha, Ariel, River, Otto ou Jael ont des problèmes. Il n’y a pas Merle, dans sa liste de personnes à aider. Il soupire. Il sort ses petits billets de son oreiller, compte cinquante dollars, les tend à Toots et il ose, pour la première fois de la nuit, le regarder dans ce qu’il distingue de ses yeux. « Tiens, avec ça tu pourras te payer les premières injections. Ne braque pas une pharmacie, s’il te plaît. Et ne me vole pas non plus, cet argent, ce n’est pas pour toi, ni pour moi. Je ne sais pas ce que je peux faire de plus pour t’aider, Toots. Tu ne veux pas que je vienne à l’hôpital avec toi, si ? » Il ne peut pas imaginer un univers où Merle lui demande de l’accompagner à l’hôpital. Même s’il ne comprend rien à ce que les médecins lui racontent, il ne doit pas avoir envie de se traîner Slight dans les pattes. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Mer 3 Mai - 3:09 | |
| Lenny est un être étrange et c’est peut-être pour ça que Merle a jamais pu l’encadrer, pour ça entre autre, parce que les raisons ne cessent de s’empiler, mais peut-être aussi parce qu’il lui semble être un putain d’alien et que c’est difficile à avaler. C’est étrange parce qu’il n’a rien contre les extra-terrestres, en soit, ou en tout cas pas contre ceux qui habitent sur une planète lointaine ou dans une autre galaxie, mais il a quelque chose contre cet alien là qui semble destiné à lui pourrir la vie. C’est pas juste de sa part, big news, mais Toots est beaucoup de choses mais certainement pas juste, parce que la vie l’a cogné jusqu’à ce qu’il laisse partir ça, jusqu’à ce qu’il cède, abandonne, délaisse, ce trait de caractère qui ne lui a jamais servi jusque là, qui lui a juste apporté des montagnes d’ennui et des débris de cœur brisé, des cicatrices et des promesses jamais tenues. Il a pas besoin d’être juste, Toots, parce que quatre ans passé à errer lui a appris mieux que jamais que la justice triomphait pas souvent, pas beaucoup, pas vraiment, que ça finissait toujours mal, toujours en queue de poisson, et que c’était jamais un bon plan d’être juste quand la personne en face est prête à te péter les dents. Il comprend pas Lenny, il comprend pas cette façon qu’il a d’être passif, de pas riposter, de pas s’énerver, il comprend pas pourquoi il fait ça, pourquoi il réagit comme ça, pourquoi il agit pas, qu’il le cogne pas, qu’il le tabasse pas, qu’il lui fait pas payer tous les coups durs et les sales mots qu’il lui inflige, il comprend pas parce que c’est tout ce qu’on lui a appris, à lui, œil pour œil, dent pour dent, et la bonté tout le monde s’en fout, parce que le monde est peuplé de fou, justement, de dingues et de paumés, de bêtes aux dents longues et aux griffes acérés, et peut-être que Lenny le voit pas parce que c’est une bête aussi, à sa façon, parce qu’il reste silencieux quand les choses se font compliqués, parce que personne le fait chier et qu’il a personne à contenter. Merle sait pas trop. Merle sait rien, en fait, et avant qu’il puisse dire quoi que ce soit il se retrouve avec de la thune dans les mains et l’impression de savoir encore moins quoi faire, parce que Lenny le prend par surprise, parce qu’il le prend au dépourvu, parce que ça fait ting, ting, ting à l’intérieur de lui, comme si quelqu’un brassait les morceaux de verre qui lui servent de cœur pour nettoyer un peu. Ting, ting, ting, et Toots se mord l’intérieur de la joue pour ne pas se braquer.
Il a pas besoin de la thunes de Lenny. Il a besoin de la thune de personne, en fait, il a pas besoin de ça, certainement pas, et encore moins de l’espèce de pitié qu’il craint de percevoir dans sa voix, un espèce de « désolé que la vie soit difficile parce que t’es toi » alors que Merle crève d’hurler que sa vie est difficile à cause des cons devant, et de ceux derrière, et de ceux partout, qui l’entourent, qui encerclent et qui tournent, tournent, tournent, comme une ronde spécialement conçue pour le rendre fou. Il a pas besoin de ça, Merle, mais quand il ouvre la bouche pour le renvoyer paître, il a pas la force de l’envoyer bouler, parce que c’est généreux. C’est débile, maladroit, complètement con mais c’est généreux, parce que c’est pas livré par la peur ou par intérêt, parce que c’est offert, de façon désintéressé, offert, de façon stupide, parce qu’il doit bien savoir, Lenny, que ça l’empêchera pas de se comporter en con ingrat, parce que c’est ce qu’il est, fondamentalement, intrinsèquement, parce que c’est ce qu’il est, définitivement.Les billets dans la main, il bat des cils un instant, calme ses pulsions, fait taire ses réactions, primitives et instinctives, parce qu’il sait qu’avec Slight ça ne lui apportera rien de bon.
« J’sais pas quoi en faire de ta thune. » admet-il d’une voix basse, et il tend la main pour la lui rendre. C’est pas un signe de guerre ou de l’ingratitude en réalité, c’est juste un peu de perplexité, parce qu’il veut pas lui tirer son fric quand il en met de côté depuis un bail pour pouvoir raquer. « J’en ai pas besoin. Je veux dire. » Il s’interrompt, et c’est un effort qui se lit sur son visage lorsqu’il ouvre la bouche : « Merci. Vraiment. Mais j’ai de quoi payer. Je te piquerais rien. » C’est pas son genre, de toute façon, de tirer la thune d’autres dans la merde. Si Lenny avait été riche, peut-être, mais il l’est pas, pas vraiment, pas de thunes, en tout cas. « J’connais une nana à l’hosto. Elle est pas médecin mais. J’ai été la voir parce que j’voulais lui demander déjà mais j’ai eu peur quand j’ai vu qu’elle était... » Vaguement, il esquisse un geste vers son cou, parce que le collier l’a marqué et qu’il perd ses mots. Il a jamais été très doué pour tenir de longs discours. « Croyante, tu vois. »
La vérité, c’est que c’est facile de parler à Lenny, surtout parce qu’il a jamais la tête du gars qui veut écouter de toute façon et c’est peut-être pour ça que Merle est plus détendu, plus relâché, peut-être pour ça ou peut-être parce que dans la pénombre il peine à déchiffrer ses traits, galère à décrypter les émotions de son visage. C’est sans importance de toute façon.
« Si j’voulais pas que tu saches, tu saurais pas. » lance-t-il, un peu catégoriquement, parce que c’est un peu faux, vu le nombre de personnes qui ont appris par accident, un peu stupide, parce qu’il a une espèce d’assurance débile alors qu’il devrait pouvoir être sûr de rien. « J’voudrais que tu m’accompagnes, en fait, parce que j’ai peur de me faire piner. »
Il hésite, se passe une main dans les cheveux, fini par souffler :
« S’il te plaît. »
Et bon sang qu’est-ce qu’il se sent con à cet instant. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Lun 15 Mai - 0:30 | |
| Lenny ne bronche pas, quand Merle lui rend son argent, un peu abruptement. Il ne va pas pleurer pour ça, pour toutes les fois où l’autre n’est pas très délicat avec lui. Et puis, c’est un tantinet plus délicat que d’habitude, à l’échelle de Toots. Il n’est pas même vexé, qu’il lui rende, pas tellement surpris, non plus, au fond. Il imagine qu’ils font tous quelques économies, chacun dans un coin de l’appartement, pour le jour où ils devront partir ou pour quand Peter se fera arrêter. Il imagine, il suppose, il n’en sait rien, toujours qu’il récupère ses billets sans un mot, les replie soigneusement et les glisse dans leur cachette. Il n’insiste pas. Il avait déjà décidé, au fond, que s’il faisait face à un refus, il n’insisterait pas. Insister avec Merle, c’est un peu synonyme de chercher des problèmes, et ce n’est pas son genre, à Lenny. Il essaye d’être le plus neutre possible, pour ne pas s’attirer d’ennuis. Ça n’a pas toujours porté ses fruits, avec Toots, mais il semble être de meilleure composition, ce soir. Vaguement. Il lui dit même merci. Si ça, ce n’est pas un progrès fulgurant, Lenny ne sait pas ce que l’on peut appeler progrès. Bon, ce n’est pas pour ça qu’il ose lui rappeler les règles de grammaire fondamentales sur la négation, toujours un ne avant le pas. Cela serait sans doute malvenu, là, tout de suite. Et puis, Lenny sait que c’est exaspérant, même s’il ne comprend pas vraiment pourquoi les gens aiment à ce point piétiner leur langage dès qu’ils ouvrent la bouche. Et ça ne veut pas dire non plus qu’il ne dit rien, dans la plupart des cas. C’est plus fort que lui, en général, il faut qu’il remette les autres sur le droit chemin de la grammaire. Il parvient tout de même à se retenir, là, parce que c’est Toots, qu’il a toujours peur de Toots et que la situation est particulière. Voire carrément étrange.
Il suit un pli de son drap de l’index, se concentre là-dessus plutôt que sur les yeux de Merle qui luisent dans la pénombre, lorsque les lumières faiblardes de l’éclairage public viennent s’y refléter. Il l’écoute, regarde sa main désigner son cou, en se demandant ce que cette infirmière était pour que ça effraye Merle. Il essaye de deviner, n’y arrive pas, c’est trop abstrait pour qu’il puisse déduire quelque chose de logique de tout ça. Puis, Merle donne la réponse, et Lenny hausse un sourcil, avant de hocher la tête, tout en la détournant. Croyante. C’est vrai, il n’a pas compris immédiatement, parce que lui ne pense pas comme ça, il a ses raisonnements scientifiques et son scepticisme sur tout, parce qu’on ne peut être sûr de rien à cent pour cent, et qu’il a toujours trouvé bizarre ceux qui décidaient qu’il y avait une bonne manière de faire – qui était la leur, évidemment – à laquelle tout le monde devait se conformer, sans discussion possible. Il ne croit pas en Dieu, non plus, il n’a pas été éduqué ainsi. Pour Darja, seul le travail comptait, un esprit sain dans un corps sain, tout ce qu’il y avait de plus terre à terre. Il fallait s’élever, mais à travers la littérature, les sciences, et la danse classique, dont l’essence même est de défier la gravité. La spiritualité n’était pas vraiment au programme. Il en a lu, pourtant, des bouquins sur les religions, il a même lu les livres fondateurs, Tanakh, Guru Granth Sahib, Coran, les Analectes de Confucius, Bible et d’autres plus obscurs, mais… Rien. Il se demande souvent ce que l’on ressent, quand on a une religion, mais il n’a jamais eu cette petite étincelle qui lui donnerait envie d’y croire corps et âme. Croyante, et il sourit tristement parce qu’il sait bien qu’ils ne sont pas dans l’Etat le plus ouvert du pays, et qu’il a déjà entendu tellement d’insultes contre les personnes jugées différentes, contre lui, avec son nom tchèque, ses collants de danse, ses trop bonnes notes, ses regards gênés vers d’autres garçons, qu’il comprend trop bien où Toots veut en venir.
Il est mal à l’aise, Lenny, quand Merle lui demande de l’accompagner. Il ne connaît pas le mot piner, conclut qu’il ne veut pas d’explications. De toute façon, c’est probablement une des dizaines de façons vulgaires pour dire se faire avoir. Lenny dit se faire avoir, lui. Rien d’autre. En fait, il est beaucoup plus perturbé par le s’il te plaît, auquel il ne s’attendait pas et qui le fait limite frémir, les bras soudain resserrés contre lui-même. « Euh… » Très clair, très concis. Il secoue la tête, doucement, recommence. « Ok. Je viendrai avec toi. » Il joue un peu avec le coin de sa couette, songeur. « Mais je ne sais pas si je vais pouvoir te sauver des croyants. Enfin, ils ne sont pas forcément… fermés d’esprit. » Il grimace, ne sait pas trop quoi dire de plus. Il ignore ce que Merle a vécu avant, mais poser la question lui semble indélicat. Il doit avoir une bonne raison pour se méfier des croyants. Lenny se méfie bien de tout le monde, lui. « Cette femme, elle t’a paru très croyante ? Si tu la connais, c’est mieux d’avoir un contact, mais si tu penses qu’elle pourrait poser problème… » Il tourne autour du pot, clairement, n’ose pas prononcer les mots exacts (avait-elle l’air d’une rétrograde en puissance qui va nous poursuivre avec une croix en hurlant VADE RETRO SATANAS et signer notre transfert dans un centre de réhabilitation si on lui dit que tu veux changer de sexe ?), ni exposer ses inquiétudes. Il se dit qu’avec une infirmière qui semble les connaître, on leur posera peut-être moins de questions. Il n’a pas envie d’aller à l’hôpital, il sait qu’ils auront l’air suspect, deux jeunes sans parent pour les épauler, et qu’il y a toujours des avis de recherche qui traînent dans un coin. C’est un risque pour lui, pas pour Merle, parce que Merle est majeur et qu’il peut faire ce qu’il veut, mais lui n’a pas encore cette chance, et ça l’angoisse un peu, même s’il ne revient pas sur sa parole, ne donne même pas de conditions. « Je viendrai avec toi », répète-t-il, comme pour s’en souvenir, pour se donner du courage. Trop tard pour reculer. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Lun 22 Mai - 18:52 | |
| Assis en tailleurs à côté de Lenny, penché vers lui dans la pénombre, Merle se demande à quel moment sa vie a pris un virage en épingle aussi serré. Si on lui avait dit une semaine avant qu’il serait là, il aurait hurlé de rire. Si on lui avait dit un mois auparavant qu’il a troqué les blagues sur Lenny pour venir lui demander des conseils, il aurait fait des doigts, si on lui avait dit qu’il pourrait avoir besoin de lui, il aurait reniflé, parce que ça ressemble à une plaisanterie, une mauvaise plaisanterie, une qu’on fait pour se rassurer à propos des gens, qui évoluent et qui s’améliorent, qui arrêtent de se comporter comme des pourris, qui arrêtent de faire des choses immondes, qui arrêtent d’être des connards. Il sait qu’il est pas comme ça, Merle, qu’on peut pas rassurer les gens avec son cas parce qu’il est irrattrapable et indécrottable, parce qu’il recommencera à emmerder Lenny le lendemain, sans doute, parce qu’il en veut à Slight et qu’il est incapable de lui dire, parce qu’il lui en veut d’avoir les faveurs de Peter, parce qu’il lui en veut d’être intelligent, parce qu’il lui en veut d’être indispensable, parce qu’il lui en veut que les gens l’apprécient facilement, parce qu’il lui en veut d’étaler sa science de façon aussi ostentatoire. Il sait que c’est pas fait exprès, il sait que c’est peut-être une façon de compenser, une façon d’exister ou il sait pas mais c’est blessant, à chaque fois, blessant et exaspérant parce que Lenny met les doigts dans les failles d’une éducation qu’il a été forcé d’avorter, dans les mailles trop lâches de sa vie et qu’il tire pour agrandir les trous déjà formés. Il sait pas que c’est ce qu’il fait, Lenny, à chaque fois qu’il le reprend sur son vocabulaire ou qu’il lui apprend que la théorie de l’évolution c’est pas qu’un truc inventé pour contredire la bible, il sait pas, c’est clair, parce qu’il le fait pas sciemment, parce qu’il le fait pas volontairement, mais c’est quand même douloureux et compliqué parce que ça met en avant tout ce qu’il essaye de cacher, parce que ça fait ressurgir tout ce qu’il veut planquer. Il déteste Lenny et c’est horrible parce que toute la rationalité du monde ne peut pas l’expliquer, il respecte Lenny et c’est abominable parce qu’il est incapable d’expliquer, incapable de justifier sa présence là et le désespoir de le pousser à accepter de l’accompagner, incapable de lui dire un truc horrible pour tout balayer d’un revers de la main, incapable de plaisanter parce que c’est important pour lui, trop important, infiniment trop important.
« Tu peux pas me protéger des croyants. » Il le coupe, parce que personne peut, il a grandi au milieu d’eux, ils sont partout, dans sa culture, dans son éducation, dans son crâne, à guetter le moindre moment où il baisse sa garde pour lui dire qu’il est une abomination, que Dieu ne voulait pas de ça pour lui, qu’il a raté, qu’il a échoué, que c’est l’Enfer qui attend de s’ouvrir sous ses pieds. « J’veux dire j’attends pas ça de toi. Grace posera pas problème. Je crois pas. Elle m’a fait flipper la première fois mais j’l’ai revue après et. Elle est cool je crois. C’est pas elle qui m’fait peur. Pas vraiment. » Et il utilise le terme peur avec précaution, parce qu’il dévoile quelque chose qu’il ne voulait pas montrer, parce qu’il dit à Lenny que lui aussi a peur, que lui aussi craint, que quelque chose rampe dans son crâne et qu’il est incapable de s’en débarrasser complètement, qu’il est est incapable de le faire disparaître définitivement, malgré le temps et les efforts, malgré les yeux fermés à espérer que ce qu’il ne voit plus s’évapore tout seul. « J’ai peur des médecins. » Il a les yeux qui fuient et le regard distant, parce qu’il va falloir qu’il explique et que le nœud dans son estomac ne fait que s’aggraver, parce qu’il a un poids dans le ventre et que ça ne fait que s’accentuer. « Genre, ta gueule, enfin je veux dire n’en parle pas mais. » Il se frotte les mains, les cale sous ses cuisses, les ressort, agité, parce qu’il ne sait pas comment se contrôler, parce qu’il est réduit à l’immobilité par le silence qui les entoure et qu’il a du mal à se concentrer, qu’il a du mal à rester focaliser, parce que les mots sont difficiles et que l’histoire derrière l’est encore plus, parce qu’il a encore les cicatrices dans son crâne, profondes et à vifs, qui tirent et qui grattent et qui l’empêche de les oublier. « Mes parents ont voulu corriger ma sexualité, tu vois. J’ai été envoyé dans. Un centre. Y avait des médecins partout. Et des infirmières. Et je sais que c’est pas pareil partout, tu vois. Et je sais que tu pourras rien faire. Ou que tu voudras rien faire. Mais au moins tu sauras et. » Il hausse les épaules, baisse les yeux, retient très fort la honte qui l’assaille par vague régulière, encore et encore, érode son armure de fierté. « Quelqu’un pourra dire aux autres que je les ai pas abandonnés. »
Quelqu’un pourra le dire à Jael et à Otto et à Ariel et à tout ceux à qui il tient, quelqu’un pourra témoigner qu’il a pas rendu les armes volontairement, quelqu’un pourra dire qu’il a pas lâchement fui quand les temps sont devenus difficiles.
« J’ai peur de pas comprendre ce qu’ils disent, aussi. » Il change de sujet, dévie, prend la tangente. « Et tout le monde sait que t’es le plus intelligent ici. » Il marque une pause, hésite, fronce les sourcils, ajoute : « Même si c’est chiant. »
Parce qu’il est incapable de ne pas contrebalancer ses compliments, apparemment. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: Staring at the sky ain't gon' fix my problem (Merle) Lun 29 Mai - 16:05 | |
| Il ne s’imagine pas un instant aller à l’hôpital avec Merle, il n’arrive pas à se projeter plus loin que ça, que maintenant, ce moment étrange où Merle lui demande son aide, en pleine nuit, sans savoir l’heure qu’il est et si tout cela disparaîtra d’un claquement de doigts le lendemain matin. Il est trop rationnel pour se dire que ce n’est qu’un rêve, pas assez optimiste pour se dire que ça va changer quelque chose. Il a peur que cela empire tout, que Merle lui fasse payer le fait d’avoir dû lui confier ce secret qu’il ne comptait dire probablement qu’à ses amis. Lenny n’en fait pas partie, il le sait bien. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il aurait pu se contenter d’un sentiment neutre, de l’indifférence, mais Merle ne l’aime pas, même s’il ignore ce qu’il a fait de mal, même si ce n’est peut-être pas de sa faute. C’était déjà le cas avant, au fond, il n’a rien fait pour offenser Toots à part être lui-même, et il a bien fini par comprendre que c’était lui-même le problème, avec un lot de raisons obscures derrière tout ça. Mais Lenny veut être quelqu’un de bien, et peu importe tout ce qu’on peut lui dire, il ne va pas cracher sur Merle et lui dire de se débrouiller tout seul comme un grand. Il aurait pu. Après tout, Toots lui a lancé ça un nombre incalculable de fois, dès qu’il ouvre la bouche pour demander de l’aide. Il aurait pu. Pourtant, Lenny n’est pas comme ça. Il n’a jamais ressenti de la rancœur, Lenny, il s’est fait tabasser, insulter, jeter dans une benne à ordures, il a connu, la violence gratuite tous les jours, mais il n’en a jamais voulu à personne, n’a jamais considéré qu’il devait se venger ou que ses bourreaux méritaient d’avoir des vies pourries. Il s’est toujours contenté d’attendre et de se relever en silence quand tout le monde était parti. Il n’en veut pas à Merle, comme il n’en veut pas à Tom, comme il n’en veut pas à Peter, comme il n’en veut pas à Darja. Il aurait aimé être courageux, Lenny, avoir la force de se défendre, il aurait aimé et, en même temps, il n’a pas envie de se défendre si se défendre signifie faire du mal à l’autre. Alors il se contente d’écouter Merle et d’acquiescer en silence.
Il dit qu’il est intelligent même si c’est chiant et Lenny a un sourire triste, celui de quelqu’un qui n’a pas la foi de se battre et de riposter. Il hausse les épaules, souffle un merci. Il regarde ailleurs, pour se donner un peu de contenance, pour réfléchir sans sentir les yeux de Merle rivés sur lui. « Ne dis pas ça. Ne dis pas que je ne voudrai rien faire. Tu n’es pas dans ma tête. J’ai dit que je viendrai avec toi, et je t’aiderai, jusqu’à ce que ça soit réglé. Je sais que tu ne m’aimes pas et que ça n’a aucune importance pour toi, mais ce n’est pas grave. Ça a de l’importance pour moi. » Il sait bien qu’il ne pourra pas faire grand-chose contre un groupe de médecins réactionnaires, Lenny, pas sans se mettre lui-même en danger de retour en famille d’accueil. Mais si Merle connaît une infirmière, il suppose que ça ne devrait pas trop mal tourner. Elle ne va pas les diriger vers un docteur qui a ce genre d’idées, Lenny en doute. « Ecoute, je regarderai sur internet s’il y a un médecin spécialisé à Savannah. Tu ne cours absolument aucun risque, Merle. Tu as plus de dix-huit ans, le consentement de tes parents n’a plus aucune valeur. » A moins que tu ne sois dans le coma ou juger dément, mais il se garde de l’ajouter, c’est pas vraiment le moment d’étaler ses connaissances en droit médical. « Merle. » Il soupire, tente de trouver un fond de bravoure dans sa poitrine. « Pourquoi tu ne m’aimes pas ? » Et c’est peut-être toute la situation qui fait qu’il ose demander, parce que c’est la nuit, parce que Merle est venu le trouver, et parce qu’il est venu pour autre chose qu’une sale blague, et que même en lui glissant une insulte, il ne semble pas franchement y mettre du cœur. |
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