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 you don't know how to die quietly ; ft. grace

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MessageSujet: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyMer 29 Mar - 3:13

Merle n’a jamais aimé les hôpitaux. C’est un truc courant, chez les gens, ne pas aimer les hôpitaux, on y perd des gens, on s’y casse des membres, on y choppe des maladies, bref, c’est pas un lieu qu’on peut réellement aimer, un hôpital, même en y mettant toute la bonne volonté qu’on veut. Merle, de toute façon, n’a aucune volonté d’apprécier l’endroit. Il en a trop vu, des hôpitaux, là-bas à Salt Lake City, des « hôpitaux » en fait, des centres pour jeune qu’il fallait redresser, sexualité trop divergente, genre trop flou, âmes damnées. Il en a trop vu de ces faux médecins qui pensent que l’eau glacée règle tout et que l’électricité purifie, en a trop fréquenté, parce que papa travaillait dans un centre, parce que maman hochait de la tête, les yeux fermés. Ils n’ont jamais su pour lui. Ils ne sauront jamais et c’est ce qui l’a sauvé, parce qu’il est parti après leur avoir dit, leur a jeté ses robes à la figure et s’est cassé, habillé de bric et de broc, cette poitrine si petite mais déjà bien trop importante bien planquée sous des bandes qu’il savait pourtant dangereuses pour sa santé. C’est un survivant, Merle, d’une certaine façon, un survivant de Salt Lake et de ses croyances dangereuses, un survivant des aces bandages qu’il  n’aurait jamais dû utiliser, un survivant de lui-même et des autres. Il n’a jamais eu besoin des hôpitaux. Jamais jusqu’à Grace. Jamais jusque là.

Grace, il aurait pu l’aimer mais il est passé à côté. C’est de sa faute, quelque part, parce que c’est compliqué de parler de lui, compliqué de parler de testostérone, compliqué, compliqué, compliqué, parce que Peter l’a rendu méfiant, l’a hérissé comme une bestiole en danger et qu’il traite tout le monde de la même façon, à distance et avec méfiance, même s’il a besoin d’information, même s’il aimerait contourner le système, même s’il aimerait pouvoir se passer de Peter. Grace, c’est celle qui a tenté de lui fournir des informations et qu’il a fui, parce qu’elle croit en Dieu et qu’il ne supporte pas ça, parce que les religions sont des plaies ouvertes et purulentes, parce qu’il était incapable de la regarder dans les yeux, parce qu’il ne voit que ça, que ses parents, ses putains de parents, qui plissent le nez et lui disent qu’ils n’ont plus d’enfants, tous ces putains de mormons qui traînent en bandes organisées, ces putains de croyants qui pensent que le reste du monde a pas le droit d’exister. Il regarde Grace et il voit que ça, il regarde Grace et il se demande comment elle matte les nanas enceintes qui viennent pour une IVG, comment elle fait pour soigner tous ces gens atteints de MST, il se demande si elle est vierge, mariée, incroyablement frustrée, si elle est comme tous les autres ou si elle vaut vraiment le coup d’être sauvé. Grace, c’est un point d’interrogation qui l’irrite et il préfère pas y penser.

Et puis parfois il y pense et il se fait renverser.
Genre, littéralement.
Par un bus.

Non, bon, en fait, c’est un vélo, mais ça fait mal pareil, parce qu’il trébuche et chute et s’éclate la tête contre un lampadaire, parce qu’il perd connaissance, reprend conscience, se trouve dans une ambulance. Il a envie d’hurler parce qu’il a pas la thune de se payer l’hosto, putain, il a même pas d’assurance, bordel, qu’est-ce qu’ils croyaient les gens, ils ont pas vu qu’il avait une dégaine de clodo, à peine mieux que les punks et leurs chiens qui dorment sur les bancs à cinq heures du matin ? Ils ont pas vu, tous ces types là, qu’il avait pas besoin de ça, d’avoir les huissiers au cul parce qu’il a pas mille balles à aligner juste pour être sûr de pas clamser ? Ben non. Bien sûr que non. Parce que les gens sont cons, déjà, évidemment, et puis parce qu’ils sont pas super malins, parce que ça les dépasse, la pauvreté, la richesse, tout ça, que personne a la moindre idée du temps que ça prend d’exister quand on a pas de quoi bouffer. Quand il se réveille, encore une fois, il est à l’hôpital. Il lui suffit de reconnaître le visage de la meuf pour tenter de se lever.

Forcément, c’est une mauvaise idée.
Il ne collectionne ni les capsules de bière, ni les timbres, ni les coquillages, ni les cuillères, ni les briquets par contre les mauvaises idées, oui, et il atterrit au sol avant même d’avoir pu dire ouf. En vrai, ils ont dû sentir qu’il allait être difficile, parce que la troisième fois qu’il se réveille, il n’est plus certain de savoir comment il s’appelle et en plus il voit flou. Ce qu’il sait, par contre, c’est que la nana à côté de lui est foutrement jolie et qu’elle est tout de même sacrément près de son lit. Peut-être qu’il sait aussi qu’il a franchement mal et au crâne et aux côtes mais ça lui semble un détail – on a pas souvent la visite d’un mannequin lorsqu’on est sur son lit d’hôpital (qu’est-ce qu’il branlait à l’hôpital était, d’ailleurs, une question qu’il fallait qu’il pose : son dernier souvenir était d’avoir fait un doigt à Tinks avant d’aller acheter un big mac.)

« On baise, toi et moi ? » demande-t-il à la nana en agitant un doigt entre eux deux. « Je veux dire t’es jolie et t’as rien à faire là, donc c’est la seule solution. »

L’air rêveur, il laisse balader son regard du haut en bas du corps de la jeune femme.
Peut-être qu’il est amoureux d’elle.
Non, ça, quand même, ça lui semble un peu étrange.
Non pas qu’il cracherait sur le fait de l’épouser – peut-être qu’ils sont déjà mariés, remarque, il sent un truc autour de son doigt et il n’a pas la force de tourner la tête pour regarder. Ça lui semble bien, ça, être marié, surtout à une jolie fille, ça ressemble à ce que font tous les mecs et, eh, il est comme tous les mecs alors peut-être qu’il a une meuf, lui aussi et celle-là ferait carrément l’affaire. Faut juste poser la question, comme ils font dans les films, l’espèce de sensation cotonneuse dans la bouche et la furieuse impression d’être stone en plus.

« Tu veux pas m’épouser ? » Non parce qu’autant demander, il en est pas à ça prêt. Il marque une pause, fronce les sourcils. « Encore ? Peut-être ? J’en sais rien. Putain leur dealer est bon, faudra qu’ils me filent son nom, c’est putain de puissant leur truc. »

Ou alors peut-être – mais alors peut-être – qu’il n’est pas tout à fait dans son assiette.
Qui sait. Grand mystère.
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyMer 29 Mar - 10:48


« Un vélo ? » Comment dire qu'elle a du mal à y croire. Exhibit a, l'espère de vague que fait ses sourcils d'est en ouest, de tu te fous de ma gueule à j'espère qu'il nous fait pas un traumatisme crânien. Un tsunami, carrément, qui lui balaie le visage et emporte avec lui les quelques touches de couleurs sur ses pommettes. Soupir, elle passe la tête par la fissure qui s'étire entre la porte de la chambre et le mur, pas plus large qu'une meurtrière. Elle voit d'abord les cheveux en vrac, puis la tête pas plus rangée en dessous. Exhibit b, il a l'air grave dans les vapes pour un gars qui s'est seulement pris un vélo dans la face. Merle, elle avait pigé qu'il était un peu sur une autre planète, d'accord. Deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin. Mais personne lui avait dit de regarder des deux côtés avant de traverser ? Au fond, elle suppose qu'il a jamais trop reçu de conseils. De bons conseils, de vrais conseils. Elle le revoit clairement, l'air rebuté du mec qu'essaie de trouver la faille dans le plan. Y a pas de faille avec Grace, pas de pièges planqués qu'explosent sous les pieds. Boom. Elle veut juste l'aider, elle veut juste ce qu'elle a toujours voulu ; que tout le monde aille bien. Mais la vie est pas adorable, et y a la croix dorée qui pend autour de son cou comme une foutue ancre, ancre dans laquelle Merle s'est planté le mollet la dernière fois. Elle a bien vu dans ses yeux que ça passerait pas. Il lui fera pas confiance. Elle a l'écrasante certitude qu'il cédera pas, et ça lui fait mal. Sans un bruit, elle ose enfin rentrer dans la chambre. Enfin, sans un bruit, faut comprendre que tout est relatif ici. Le chariot qu'elle pousse est trop rouillé pour se la fermer, y a même une roue qui se la joue rebelle et lui fait faire un détour inutile avant de se poster près du lit. Coupure de budget, ils ont chopé ça au supermarché du coin ? Dieu merci, il est suffisamment shooté pour pas l'entendre jouer les couacs sur le lino. Elle souffle une poignée de cheveux de devant son visage, histoire de mieux voir Merle et surtout de pas se louper. Les hématomes, elle est positive, y en a un échantillon suffisant un peu partout sur le corps là. Du bleu, du violet, de l'indescriptible qui mélange un peu les deux. Du rouge en paillettes, du noir qui se fait déjà sentir dans les couches de dégradé. Aoutch. C'est pas le genre de galaxies qu'on apprécie regarder longtemps. « Merle ? » Merle et sa pâle imitation de la belle au bois dormant. L'insomniaque belle au bois dormant. La résistante aux sédatifs belle au bois dormant. Sérieusement, ça coule plus dans ses veines que dans la nouvelle poche qu'elle s'apprête à installer. Elle craint le pire pour le réveil. « Je vais changer ta perfusion, d'accord ? » T'aimes bien parler aux inconscients ? Ça te donne l'impression que t'as le droit de leur planter des trucs dans la main et des embouts chelous au bout des doigts ? Ouais, un peu que ouais même. L'oxymètre de pouls et la morphine en place, elle se tire une chaise à côté du lit. Voilà. Plus qu'à attendre qu'il se réveille pour tout vérifier.
C'est pas qu'elle veut se laisser bercer par le bruit du moniteur, ou les gouttes régulières de l'anti-douleur. Ça se fait un peu tout seul sans prévenir, léthargie qu'aime jouer avec les dépravés du sommeil. C'est une bonne cliente, elle oublie pas la fois où elle s'est endormie au volant après deux nuits de garde. Elle s'y revoit bien, la route qui sillonne hypnotique. Mouvement soudain sur le lit, d'un coup, elle sort de son moment d'absence. Y a pas de route, juste un oiseau un peu décoiffé qui la fixe avec stupeur dans la lueur des phares. « Prend ton temps pour te réveiller. » Elle envoie la croix se planquer sous le col de sa blouse avant de se pencher vers lui. Une des mains prend l'initiative de plaquer l'épi rebelle sur son crâne. « On baise, toi et moi ? » Pardon. « Je veux dire t’es jolie et t’as rien à faire là, donc c’est la seule solution. » Elle reste un peu con, même la paume se recroqueville sous le coup de la surprise. Non, ils baisent pas. Elle se fait baiser par personne, si c'est ce qu'il veut savoir. Putain, elle déteste même le mot. L'insécurité bouillonne dans ses tripes, un cachet effervescent de gêne qui finit d'émulsionner le tout. C'est sympatoche comme sentiment. « Tu veux pas m’épouser ? » Elle fixe la poche de morphine d'un air inquiet. « Donne toi une heure, ça te passera. » Quand il pensera clair, quand ça sera un peu dilué là-dedans. Puis quand il arrêtera de jouer avec l'oxymètre comme s'il essayait de faire tourner une bague qu'est pas passée à son doigt. Doucement, elle s'empare de sa main pour pas qu'il fasse sauter la perfusion avec sa folie des grandeurs. « Encore ? Peut-être ? J’en sais rien. Putain leur dealer est bon, faudra qu’ils me filent son nom, c’est putain de puissant leur truc. » Pauvre Merle. Elle a vu d'autres piafs passer dans de meilleurs états. « La prochaine fois que tu veux me demander en mariage, n'essaie pas d'attirer mon attention en te faisant renverser par un vélo. Vise pour un skateboard, je sais pas. Tout au pire, une trottinette ? » qu'elle rétorque en se relevant. Retour au chariot musical ; elle met une seconde à trouver la lampe. « J'ai deux trois trucs à vérifier, d'accord ? » Il a pas le choix, en fait. Parce qu'elle s'empare de son visage pour lui braquer la lumière dans les yeux. Ça y est, t'es réveillé maintenant ? Grace sourit pour faire passer la sensation, Grace laisse un index se balader de droit à gauche devant les pupilles de son patient, un air concentré sur le visage. « Ou évite les lampadaires, ça t'a pas loupé... »  
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyMer 29 Mar - 11:28

La docilité chez Merle c’est un peu comme chercher des girafes en plein Manhattan, ça arrive dans les films – il a beaucoup trop aimé Madagascar, il faudra qu’il le regarde avec Jael, putain Jael, oui, elle doit savoir s’il est marié, elle – et puis parfois dans la vraie vie mais seulement quand cette dernière est vraiment,vraiment, vraiment zarbi. Sa vie est peut-être zarbi, là, tout de suite, parce que la nana très jolie n’a pas l’air offusquée par les mots qu’il emploie et qu’elle a l’air même un peu inquiète pour lui. Il ne sait pas trop si elle sait. Il se demande si elle sait. Ça le tue, parfois, de se poser cette question à chaque personne qu’il rencontre, de se demander encore et encore s’ils voient à travers ses vêtements et ses épaules qui se sont élargies avec le temps, s’ils voient à travers sa musculature et son visage un peu plus carré, s’ils perçoivent les cicatrices qui marquent sa peau. Ça l’assassine un peu parce qu’il s’aime, en réalité, parce qu’il est qui il est, parce qu’il se sent parfait dans la peau qu’il a actuellement. Il n’en veut pas plus, il n’a pas besoin de plus, mais il y a ces sourires en coin moqueur lorsqu’il se déshabille et ces remarques déplacées, mais il y a ce nœud au ventre à chaque fois qu’il croise quelqu’un et qu’il se demande s’il sait. Peut-être qu’elle sait, en fait, et que c’est pour ça qu’elle lui demande de repasser plus tard. Peut-être que c’est parce qu’elle ne peut se marier qu’avec quelqu’un qui a un pénis réglementaire – est-ce qu’il y a une réglementation sur la taille des pénis, en réalité ? Une longueur, épaisseur, circonférence obligatoire qui ferait d’une teub une teub ? C’est une question qu’il faudra qu’il pose à Slight, peut-être qu’il saura, il sait toujours des trucs chelous. Ou peut-être qu’il le bolossera jusqu’à lui extorquer une réponse. Il hésite encore.

« J’aime pas les trottinettes. » marmonne-t-il très utilement alors qu’elle lui allume une lampe en pleine figure ce qui, à son sens, devrait être interdit par la loi. « Un skateboard, à la rigueur, okay, mais j’ai une moto, tu sais. Elle est noire et classe. Elle s’appellera Pixie quand j’aurais assez de thunes pour l’acheter. » Il est presque certain qu’il louche, ce qui n’est pas la meilleure façon de séduire, c’est certain, mais il s’acharne avec une bonne volonté qui pourrait presque être touchante s’il n’avait pas les pupilles de la taille de la lune approximativement – et ce n’est pas une citation pourrie d’une chanson de Panic! At the Disco, non (ou peut-être a-t-il entendu trop cette chanson à la radio, c’est une possibilité aussi.) « T’as des jolis cheveux tu sais. Ils brillent comme un soleil à cause de ta lampe mais ils ont l’air doux. T’es sûre qu’on se connaît pas ? » Il lui a abandonné son visage avec bonne volonté, après tout, et il n’a même pas tenté de la mordre alors qu’elle a posé les doigts sur lui sans lui demander son avis, ce qui mérite bien une réponse à une question sommes toutes anodine. Il a réussi à réunir quelques informations, après tout : ils ne sont pas mariés (oui, c’est la plus importante), ils n’ont pas baisé ensemble (ou alors elle ne s’est pas formalisée de sa formulation) et, plus que tout, elle doit être médecin (parce que sinon une inconnue le tripote et lui colle de la lumière dans les yeux et c’est une situation encore plus bizarre que ce qu’elle n’était à l’origine, ce qui lui semble un rien difficile en soit.)

Le truc, le vrai truc, c’est que Merle a sommeil et que les mains de l’inconnue sont douces. C’est facile de se laisser bercer, un peu trop facile sans doute, même si elle lui parle de trottinettes qui doivent être une création de Satan et qu’elle n’a pas l’air trop portée sur le mariage. C’est facile de se laisser aller parce qu’elle n’a pas l’air menaçante, facile de baisser la garde parce qu’elle a pas l’air prête à l’envoyer dans un centre qui tentera de lui greffer une paire de nichons en hurlant que c’est la volonté divine. C’est ça le problème en fait, ouais : c’est facile. Facile de s’abandonner, facile de faire confiance, facile de se détendre et malgré la morphine qui grignote son esprit, il rouvre les yeux, d’un coup, presque sèchement, une ride un peu accusatrice sur le front et quelque chose comme de l’alarme dans les yeux.

« Attends, attends, attends. » ronchonne-t-il et on dirait qu’il a un marshmallow dans la bouche ce qui ôte un peu du sérieux de la scène. « C’est quoi ton blase ? Parce que c’est bizarre tout ça, pourquoi t’es sympa, j’ai pas un rond moi, tu peux rien m’extorquer, tu vois. »

Non parce que clairement, soit c’est ça, soit elle est juste gentille gratuitement – et sans doute un peu teubé du coup, ce qui est encore plus difficile à gérer que les types calculateurs. Non parce qu’avec les manipulateurs, au moins, il n’a pas de scrupule.
Les abrutis, c’est une autre histoire.

« Il faut que je rentre chez moi. » décide-t-il, sans trop savoir où c’est chez lui en réalité vu qu’il n’avait pas du tout prévu de rentrer chez les Lost Boys ce soir-là. « Tu peux m’envoyer tes machins bioniques du bras, s’te plaît ? »

Ou alors il se tire avec, au choix.
Ça doit bien se revendre, ces merdes.
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyMer 29 Mar - 21:49


« J’aime pas les trottinettes. » qu'il marmonne comme un gosse à qui on vient de taper la glace sur le sol. Bonhomme aime pas les trottinettes. Voyons. Grace, elle cache pas le rire que ça arrache. Elle a pas besoin, c'est pas comme s'il voit grand chose derrière la lumière blanche de toute façon. Méticuleuse, y a le sourire qui se suspend momentanément dans le vide, le temps de se concentrer sur le mouvement des pupilles. Trous noir béants qu'avalent sans pitié le vert de l'arrière plan. A première vue, ils ont échappé au trauma. Bien. Elle peut blâmer l'état sur la morphine plutôt que le choc. « Écoute, c'est déjà ça. » elle fait remarquer d'une voix rassurante. Merle a les yeux qui partent en vrille, les globes oculaires qui défient d'aller dans le sens inverse de ce qu'elle indique. Ils en meurent d'envie. Gauche pour droite, droite pour gauche. En haut même quand elle baisse la main. Ah, ces gens qui prennent le contre-pied de tout. Mais elle exagère, il est loin d'être comme tout le monde. Il est grognon dans le genre sympa, un peu comme Seven ; mais encore totalement différent de Seven. Elle décèle rien de foncièrement mauvais ou tordu. Un soupçon de paumé, un je ne sais quoi d'indécis. Du bon qui se l'avoue pas. Puis l'espèce de sourire du gars qui commence à comprendre qu'ils sont pas du tout mariés. Déception. Ça, elle peut rien y faire. Elle sait pas comment panser les divorces qu'ont pas lieu d'exister. « Un skateboard, à la rigueur, okay, mais j’ai une moto, tu sais. Elle est noire et classe. Elle s’appellera Pixie quand j’aurais assez de thunes pour l’acheter. » qu'il continue de lui raconter. Il a la pâteuse qui rend les mots presque incompréhensibles, pourtant, Grace hoche de la tête. Parler, c'est bien. Elle peut s'assurer qu'il a pas perdu sa langue en chemin. Ou un truc plus grave, comme trop de neurones. Ouais, accessoirement un cerveau bien rempli sert plus qu'une capacité à déblatter pour brasser de l'air. « Pixie, hein ? » Elle l'imagine pas sur une moto. Après, elle connait pas des masses de gens à motos dans son entourage, c'est peut-être pour ça que ça bloque. Bref. C'est pas avec sa côte en vrac qu'il fera de la moto de si tôt. Une fois la torture finie, elle repose la lampe derrière elle pour mieux récupérer le poignet de Merle. La pulpe de ses doigts vient chercher le pouls ; elle visualise une horloge dans sa tête. Un, deux, trois ...

« T’as des jolis cheveux tu sais. Ils brillent comme un soleil à cause de ta lampe mais ils ont l’air doux. T’es sûre qu’on se connaît pas ? » Oui. Elle te connaît plus que pour tes ménages à trois avec les vélos et les lampadaires. Elle sait ce qu'il planque sous le t-shirt, ce qu'il planque sous la réaction qu'il s'est même pas vu avoir dès qu'elle a repris contact direct avec son épiderme. Deux fois plus rapide, le pouls. Il a flippé, le pouls. Il a eu peur d'elle, le pouls. Je vais rien te faire. Elle sait. Merle, écoute, elle comprend. Donc t'aimes aussi les filles. Et la tête de son petit frère qu'essaie de remettre ça en contexte. Forcément, il a jamais entendu un truc qui s'y rapporte à la messe le dimanche. Pas dans la bouche de leurs parents non plus. J'aime les personnes. Et ça vaut toute la différence. Parce qu'elle parlera pas d'aura, seulement de sentiments et de ressentis. Elle aime les personnes, elle aime les gens. Elle craque sur les personnalités qui se posent sur son chemin. T'aimerais toujours maman si elle était dans un autre corps ? - Gracie, c'est bizarre. Certes. Comment expliquer ça à un gamin de son âge. Mais imagine, Eoin, tu l'aimerais toujours ? - bien sûr - bah voilà. Elle jugera pas Merle, elle s'en fout. Il pourrait décider de se greffer un troisième bras qu'elle irait juste trouver un moyen de fabriquer des t-shirts à trois manches en masse pour qu'il puisse avoir le choix dans les couleurs. « Attends, attends, attends. » Un problème, quoi, une douleur qu'elle a pas vue ? « Ça va ? » qu'elle s’enquiert en jetant un regard rapide au moniteur. Il a la lèvre inférieure qui plonge à moitié, mais c'est le seul truc qu'elle remarque de différent. « C’est quoi ton blase ? Parce que c’est bizarre tout ça, pourquoi t’es sympa, j’ai pas un rond moi, tu peux rien m’extorquer, tu vois. » Et c'est reparti. Ça fait longtemps qu'on lui a pas tenu la jambe. Elle finit par se dire qu'elle passe plus de temps à rétorquer qu'à véritablement soigner. Sauver des vies, ouais. Publicité mensongère. On dirait que personne tient vraiment à rester là. « Je veux pas de ton argent. » Je veux juste ta confiance avant que tu te souviennes de qui je suis. « Il faut que je rentre chez moi. » Elle pose une main sur la sienne. Derrière eux, le moniteur répète son refrain en canon. « J'attends l'avis du médecin. » Une côte de touchée, une série d'hématomes, une bosse sur la tête si l'esthétique décidait de pas aller dans son sens. Suffirait d'une ordonnance et il pourrait rentrer chez lui. « Tu peux m’envoyer tes machins bioniques du bras, s’te plaît ? » C'est pas bionique, c'est pas aussi cool. Puis surtout elle lui enlèvera pas, il a cru. « Je t'arrête tout de suite. T'étais inconscient quand on t'a mis ça, c'est pas formidable comme sensation que de s'arracher une perf'. » Genre, il a pensé qu'elle verrait pas le mouvement ni le regard qui papillonne vers la sortie. Oh le débutant, elle a l'habitude. « Tu as quelqu'un à contacter pour venir te récupérer ? » qu'elle finit par demander. 
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyJeu 30 Mar - 19:47

Elle est mignonne Grace, même quand il n’y voit rien. Elle est mignonne, mais elle dit beaucoup non et puis elle pose beaucoup de questions aussi. Elle ne veut pas le laisser partir, ce qui ressemble beaucoup à de la séquestration, selon lui, et en plus elle veut appeler quelqu’un. Le choix est un rien compliqué, en réalité. Il pourrait appeler Jael mais il n’est pas prêt à la revoir dans un hôpital, pas si tôt, il pourrait appeler Sil mais il n’est pas sûr d’avoir suffisamment confiance en lui pour venir le chercher, Tinks n’est même pas une alternative – il serait sans doute ravi de le laisser pourrir dans sa chambre – Sasha a quinze ans et l’air d’une gamine trouvée dans une poubelle, Lenny n’est pas beaucoup mieux et il n’est que trop conscient du prix que lui coûtera ce service s’il le demande à Peter. Trop cher, trop fort, trop de privations et trop de dons, une dette monumentale qu’il ne pourra pas payer parce qu’il ne peut pas lui refourguer tout l’argent qu’il récupère des caisses s’il veut se faire opérer et… La pensée le stoppe net, comme si les pièces du puzzle se remettait en place d’un coup sec et précis. Opérer, oui, parce que pour certain il n’est pas suffisamment un homme, opérer, voilà, il s’est déjà fait opérer, pas par quelqu’un d’assermenté, un peu en douce, un peu sous le manteau, opéré et il a deux cicatrices qui traversent sa peau, deux cicatrices qui racontent une histoire, deux cicatrices qui disent tout. Grace refuse de lui enlever la perfusion mais il se tend, subitement, il lutte, contre les brumes qui rongent son crâne, parce qu’il y a quelque chose qui gratte à l’arrière de son esprit, qui lui demande d’être attentif, qui lui demande de ne pas se laisser avoir.

Il est pas très fort pour se laisser avoir, Merle. Il a trop l’habitude qu’on essaye de le niquer pour se laisser faire réellement, trop l’habitude d’être sur le qui vive. Ça l’a pas empêché de se faire niquer par un vélo, c’est vrai, ça l’a même pas empêché d’atterrir à l’hosto, clairement aussi, mais c’est un détail. Elle veut pas de son blé et ça, c’est suspect, elle donne pas son nom, ce qui l’interpelle aussi. Il sait qu’il la connaît, en vrai, il sait, il sait, il sait, il a son prénom sur le bout de sa langue mais impossible de la remettre. Peut-être qu’il l’a croisé, après l’overdose de Jael, ou peut-être qu’il est déjà venu. Peut-être qu’il l’a déjà demandée en mariage et qu’elle a dit non, ce qui serait quand même un truc embarrassant au possible, peut-être, peut-être, peut-être, peut-être, il n’en sait rien et tout tourne et tout se désagrège et il fronce les sourcils. Elle veut savoir si quelqu’un peut venir le chercher, c’est vrai, et il se passe une main sur le visage pour faire le point, parce qu’il a éliminé beaucoup trop de noms et qu’il n’en reste plus beaucoup, parce qu’il n’est pas sûr de vouloir donner. Il hésite, un peu, beaucoup, finit par céder, tend le téléphone qu’il sent encore dans la poche de son pantalon :

« Il s’appelle Curl dans mon téléphone. Mon pin c’est 0309. » Oui, ça veut dire quelque chose. Non, personne ne saura jamais ce que c’est parce que personne ne découvrira jamais qu’il est un gros geek et que son code pin est la date de sortie du meilleur jeu jamais sorti. Bref. Une moue boudeuse sur le visage, il s’adosse contre le rebord du lit, pour masquer l’inquiétude qui s’abat sur lui à présent. « Vous pouvez attendre avant de l’appeler ? Il est pas au courant pour. » Il hésite, agite une main en direction de tout son corps, un geste étrange et ample qui le désigne tout entier. Il aimerait mettre des mots derrière le geste, expliciter, lui dire que c’est pas « pas au courant pour les blessures » ou en tout cas pas celles qu’il vient pour faire soigner mais que c’est « pas au courant pour le fait que je sois trans » et que c’est une autre paire de cicatrices qu’il faut régler. Il ne finit pas sa phrase, pas vraiment. Il marque une pause, percute enfin : « Je suis déjà venu ici. »

Ben oui, évidemment, et il rattache enfin les bouts, l’infirmière, la croix, la peur et il se lève si brusquement que la perfusion tire d’un coup trop sec dans la plaie, manque de l’arracher. Il serre les dents pour contrer la douleur, parce qu’il est fort et qu’il ne pleure pas pour si peu, plaque sa main contre le creux de son bras, les épaules carrées, prêt à se battre, prêt à se mordre, prêt à rendre coup sur coup :

« Je me souviens de vous. »

Bien sûr. Grace et son joli visage et sa croix. Grace qui n’a pas vraiment eu le temps de l’aider. Grace, Grace, Grace, et il y a la détresse quelque part sur le visage de Merle, une détresse trop profonde et trop violente, exacerbée par les médicaments qui lui font tourner la tête, amplifiée par l’adrénaline qui lui pique le bout des doigts.

« Vous aviez une croix. »

Et c’est comme une accusation, presque, et il se sent stupide parce qu’il ne déteste pas les croyants, pas vraiment, mais qu’ils lui font peur, parce qu’il vit dans un pays où l’on croit plus en Jésus qu’au changement de genre, parce qu’il vit dans un pays où son existence est moins tolérable que les bombes qu’on va balancer sur les pays voisins.

« Ne dites rien à personne. » Et il hait le ton presque suppliant de sa voix. « S’il vous plaît. »

Et le mot lui arrache la bouche.
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyLun 17 Avr - 15:16


Terreur dans le regard. Est-ce qu'elle fait peur au point que tous ses patients crèvent de fuir à chaque fois qu'ils se retrouvent coincés dans une chambre avec elle ? De toute évidence, oui. C'est de la rhétorique ta question existentielle. Non, pas Merle. Merle, il crève de se convaincre qu'ils sont mariés. Il l'a dit, pas elle. Et dans un coin de sa tête, elle se jure de lui ressortir un jour. On baise, toi et moi ? Non, d'accord, ça elle garde. Un peu d'humour dans ce monde de lampadaires mal implantés ; elle en imagine un autre de monde, un plus beau de monde, où ils pourraient être amis et elle sentirait libre de le charrier sans être pointée du doigt pour non-respect à personne qui ne sait pas faire du vélo. Amis, peut-être ? Utopique imagination. Avec une lenteur exagérée, Grace tilte le poids de sa tête vers la gauche – la droite lui parle pas, pour une raison stupide et inexplicable. A gauche donc, doucement. Merle a les yeux fous d'un animal en cage, menotté par la seule perfusion qui fouille gentiment la veine. Trop aimable la perfusion. C'est ingrat d'essayer de la tirer maintenant qu'elle est plantée bien profond. Imaginer la sensation lui fait grincer des dents comme crient les ongles sur le tableau. Tête à bâbord, et elle l'observe, la ligne morte d'un sourire qui s'inquiète et se décompose sur son visage. Elle veut pas l'abattre, elle veut pas qu'il se sente obligé de s'enfoncer sous les draps pour disparaître de son champ de vision. C'est mignon, mais elle te voit. Elle te voit qu'évite, qui esquive les mots qu'elles tirent sans relâche dans sa direction. Et t'es bon, t'as un certain talent dans le domaine. T'as un sacré talent même. C'est le sacré qui lui fout les jetons ? « Il s’appelle Curl dans mon téléphone. Mon pin c’est 0309. » Le pin, oui, le téléphone qu'il a matérialisé de nul part et qu'il agite sous son nez comme pour lui dire, prend avant que je change d'avis. Alors elle déplie la main et attrape l'appareil du bout des doigts. « Curl, j'regarde ça. » 0309. Elle se permet pas d'aller se balader plus loin que le journal d'appel. Y a des règles à la confiance ; ça commence par pas espionner les conversations téléphoniques des gens et finit par pas ne croire aux offres du télé-achat. Personne a besoin de cet économe magique en inox transformable en brosse à cheveux lissante. Je te jure, personne. Bref. « Vous pouvez attendre avant de l’appeler ? Il est pas au courant pour. » C'est le grand retour des mains loquaces, presque floues tellement elles s'acharnent à couvrir le corps entier. Il est pas au courant pour … ? Elle a oublié une seconde. Bêtement, elle se penche en avant pour suivre les traces des paumes en folies. Oh. Il est pas au courant pour ça. « Bien sûr, j'appelle seulement quand tu me le dis. Fais moi signe quand t'es prêt. » Un grand signe des bras, un clin d’œil bien appuyé, un code frappé au mur derrière sa tête, un signal de fumée. Ou il peut juste lui vocaliser son accord d'un oui, comme tout le monde. C'est pas tout le monde, mais pas pour la raison, pas pour cette raison. « Je suis déjà venu ici. » Le temps lui échappe des doigts, le téléphone aussi. « Mince. » qu'elle murmure en faisant jongler maladroitement le pauvre téléphone qu'a rien demandé à personne. « Merle, tout va bien ... » Ça crie pas la crédibilité à la voir à demie pliée sur elle-même, les cheveux en bataille, accrochée comme à une bouée à l'écran qu'elle vient de sauver. « Je me souviens de vous. » Méfiance avant l'impact. Elle peut pas se plier plus que ça, faut qu'elle reprenne figure humaine. Figure sympathique, figure familière. Ça prend trois secondes au chrono de se relever. Et trois autres secondes pour recouvrer son professionnalisme. « Calme toi, Merle, tout va bien. » Elle a les mains appuyées en éventail sur l'air, fort. Signe d'innocence, c'est pas souvent que sa gueule d'ange suffit pas. Mais là encore, elle pense qu'il apprécie pas trop les anges. Il a raison. Elle leur ferait pas confiance non plus. « Vous aviez une croix. » Elle veut tuer l'automatisme qui lui fait porter une main fébrile à son cou. Aux cœur des clavicules, écrin d'os et d'ivoire, une minuscule croix plaquée or. Brûlante. Pesante. Gamine, elle y trouvait du réconfort. En regardant Merle, elle a qu'une seule envie. « Ne dites rien à personne. » C'est plus qu'une demande – une supplique. « S’il vous plaît. » Elle a le cœur qui s'effrite. « Respire, je vais rien te faire. » Oh qu'elle en veut au monde qu'elle a pas eu le temps de changer et qui l'affuble d'un poignée de titres ridicules. Croyante. Catholique. Pratiquante. Vive le mariage hétérosexuel, une femme et un homme ou rien. Couche pas, tu vas mourir. Avorte pas, tu vas remourir. T'es musulman ? Hahaha – tu la veux comment ta conversion ? A genoux ou sous les bombes ? Trop, trop, trop. Elle glisse la main sous le col de sa blouse pour défaire le pendentif. Elle le soupèse un instant, admirant le reflet au soleil. C'est sa mère qui lui a offert. Y a comme un pincement quand elle le dépose sur la table de chevet. « C'est mieux ? » C'est ridicule, ça change pas sa foi. Y a des règles à la confiance ; je t'accepte toi si tu m'acceptes moi. « Je suis seulement là pour t'aider, rien de plus. Rien de moins. Je dirai jamais rien à personne. » C'est qu'un réflexe de petite fille d'esquisser une fermeture éclair imaginaire sur ses lèvres, pourtant elle le fait. « Secret médical, si tu me crois pas en dehors. » Et vu sa gueule, ils en sont loin.
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyLun 8 Mai - 17:50

Grace, Grace, Grace, il recolle les morceaux, remonte le puzzle, Grace, Grace, Grace, et il carre les épaules, traque ses mains et ses gestes, arpente du regard son visage à la recherche de quelque chose alors qu’elle lâche son téléphone et le rattrape, comme prise en faute, alors que rien ne s’agence comme il faut, que rien n’a une place logique. Il la comprend pas, Grace, parce qu’elle fait des trucs qu’il pige pas, parce qu’elle s’obstine à le calmer et qu’il se montre odieux, qu’il fuit, qu’il trace, qu’il se casse, qu’il l’écoute pas parce que c’est trop dur, trop compliqué, parce qu’il est un peu con aussi, un peu borné. Y a pas de raisons de pas aimer Grace, bordel, c’est horrible parce qu’il en est conscient, horrible parce qu’il la regard détacher la croix et que ça lui fiche un pieux dans le ventre, parce qu’il se demande comment il réagirait, lui, si elle avait eu ce genre de réactions en le regardant, comment il l’aurait pris, si elle l’avait traité comme ça. Il a pas besoin de se poser la question très longtemps parce qu’il sait, dans le fond, il sait très bien comment ça se serait passé, comment il aurait sorti les armes et les armures, comment il aurait tout fait pour la terrasser, comment il aurait pas été comme elle, comment il aurait été absolument le contraire d’elle. C’est pas pareil, bien sûr, et il sait que la comparaison tient pas, pas vraiment, mais il sait aussi qu’il est obligé de la faire, de se mettre dans ses pompes, une seconde, parce que Grace essaye d’enterrer la hache de guerre et qu’il est incapable de piner pourquoi, incapable d’imaginer pourquoi, incapable de se projeter sur ce qui lui passe dans la tête. C’est un mystère, Grace, parce qu’elle a quelque chose qui s’emboîte pas bien, quelque chose qui a pas de logiques, pas de sens, et il aimerait savoir quoi, savoir pourquoi, savoir si c’est une Asher ou un type nouveau de personne, savoir s’il peut lâcher prise, un peu, arrêter de se battre, se laisser aider. Il sait pas. Il sait pas trop. Il sait jamais trop, et tout trébuche et tout tourne et il sait qu’il panique, qu’il se donne en spectacle, qu’il expose ses failles.

Il déteste ça. Il déteste le bruit de la croix sur le bois, déteste se retrouver dans une situation où il est celui qui force l’autre à se séparer d’un bout de ce qu’il est, déteste la terreur qui s’est lové dans son ventre lorsqu’il a compris la dernière fois. Il a les mains qui tremblent, lorsqu’il tend les doigts, les mains qui tremblent beaucoup trop fort lorsqu’il attrape la croix pour la lui rendre, pas plus rassuré mais pas plus paniqué, la gorge serrée et la respiration difficile. Lorsque ses doigts touchent le métal, il se demande un instant s’il va prendre feu. C’est une pensée stupide, en réalité, la réminiscence d’une blague cruelle des voisins lorsqu’ils avaient appris, une petite phrase balancée juste assez fort pour qu’il l’entende, juste assez fort pour qu’il la saisisse. « Elle prendra sans doute feu quand elle passera la porte de l’église ». Il avait eu envie d’hurler, à l’époque, pas à cause du « elle » parce qu’il n’avait pas compris, pas encore, mais parce que c’était cruel et gratuit, parce que c’était stupide, aussi, parce que si les impies devaient prendre feu sur les porches des églises, les bûchers fleuriraient au sein même des communautés. Il se souvient avoir ri, à l’époque, à la place, parce que c’est sa meilleur arme, parce que ça court-circuite tout, parce que ça rend impossible le reste et c’est peut-être pour ça qu’il sourit, maladroitement, à ce moment-là, pas rassuré pour deux sous mais incapable de faire autre chose.

« Pardon. » lâche-t-il et il prend soin de déposer la croix dans la main de Grace. « J’ai grandi à Salt Lake City. » Elle sait et elle comprendra sans doute, parce que son histoire s’explique d’elle-même lorsqu’on a tous les éléments, se déroule sans accrocs, comme un truc un peu trop cliché, une connerie de série télévisée. Il veut pas en parler plus, il veut pas se battre plus, se laisse retomber contre les coussins, l’air fatigué et vidé, le regard perdu sur elle. Il se demande ce qu’elle cache, il se demande ce qu’elle veut, il se demande pourquoi elle est aussi putain de gentille, aussi douce, aussi compréhensive alors qu’il lui a craché dessus dès le début. Il se demande si elle croit au « aime ton prochain » si c’est ce qu’elle tente de faire, ce qu’elle tente de réussir. Il se demande si ça marche et tout tourne dans sa tête, virevolte, tourbillonne, tout se mélange et il ne peut pas retenir sa langue, lorsqu’il ouvre la bouche à nouveau : « Je vous comprends pas. » Il garde la distance qu’instaure le vous, ne repasse pas au tu, il devrait, peut-être, il pourrait, sans doute, mais ça la rapprocherait trop, mais ça l’exposerait trop et il est pas sûr de pouvoir gérer, pas sûr de pouvoir faire avec. « Je sais que vous faites votre taf, et vous êtes hyper pro, c’est cool, mais vous auriez pu refiler le bébé à n’importe qui d’autres plutôt que de vous occuper de ça. »

Ça, pas moi, ça, parce que c’est pas juste lui, c’est le bordel ambiant, ça, parce qu’il voit pas comment se désigner d’autre, ça, parce qu’il est tout pété, tout fêlé, qu’il lui claquera probablement entre les doigts à la moindre occasion.

« J’sais pas comment vous faites. » balance-t-il et il soupire. « J’supporterais pas de me retrouver face à des types comme moi. » Y a sans doute pire, sans doute bien pire, mais il a du mal à se projeter, le regard encore flou et la panique à fleur de peau. « J’arrive pas à savoir si vous êtes sympas ou si vous avez juste la peau dure. »

Il se demande si c’est important.
Sans doute pas.
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MessageSujet: Re: you don't know how to die quietly ; ft. grace   you don't know how to die quietly ; ft. grace EmptyJeu 1 Juin - 16:25


Elle n'aura pas quitté son pendentif longtemps, déjà Merle se penche sur le côté pour s'emparer de la minuscule croix maudite. Quand il soulève la chaîne dorée, ça fait plusieurs tours autour de ses phalanges, étouffant. Et elle observe les innombrables nœuds se créer en silence, et elle se demande pourquoi  les gens sont aussi stupides, et pourquoi les aprioris et les idées reçues collent plus fort que du double-face aux murs des chambres d'ados. Elle est révoltée, elle est perplexe, elle est confuse, elle est exaspérée. Pas sa religion. Sa religion ne fait pas ça. Sa religion accepte son prochain et s'en fout que le dit prochain soit pas né avec une bite entre les jambes. Enfin, c'est comme ça pour elle. Et à cause d'une poignée conséquente d'ignorants et de tordeurs d'idées pourtant si simples, on lui rend son collier comme si ça valait pas mieux que n'importe quelle autre breloque. Un truc d'un dollar au marché du dimanche, une babiole sans sens caché. Grace vit sa naïveté au grand jour, crève l'écran de ses grands yeux océans alors qu'elle remercie Merle en silence. Elle croit qu'il faut pas dire les choses avec lui, seulement essayer de les faire comprendre. Elle croit aussi qu'il a peur, que la vérité s'entende ou non. Il reprend la parole. « Pardon. » Promis, Merle, elle fera pas de bruit. Pas même alors il dépose le pendentif dans sa main, pas même alors qu'elle bataille avec l'accroche minuscule sur sa nuque. « J’ai grandi à Salt Lake City. » qu'il termine. Elle aurait deviné, il porte toute la misère du monde en plus de la sienne sur ses épaules. Et elle déteste, elle déteste autant que son palpitant de faible lui permet. Beaucoup trop d'un coup. Noirceur étonnante. Elle s'accroche à la croix, presque, on ferait mieux de lui clouer la main dessus. Pour le fun, pour la référence, pour éviter les allers-retours de sa paume entre le symbole et son front. Va savoir ce qu'elle trouve à y essuyer ; l'impossibilité de changer le passé ? Le futur qu'elle pourrait prendre en main ? C'est pas ton expérience de laboratoire. T'as pas le droit de jouer aux grands avec sa vie. Pourtant, elle a envie de se dire qu'elle peut, elle peut l'aider, l'épauler, le guider, l'écouter, marcher sur ceux qui l'enfoncent un peu plus bas encore. Elle peut, c'est dingue, elle peut. « Je vous comprends pas. »  ou elle pourra, le jour où il se méfiera pas au point de reprendre la politesse à un autre niveau. Elle fait celle qui n'a pas capté le changement dans l'air. Promis, elle fera pas de bruit. T'as vu, elle sait tenir ses promesses. « Je sais que vous faites votre taf, et vous êtes hyper pro, c’est cool, mais vous auriez pu refiler le bébé à n’importe qui d’autres plutôt que de vous occuper de ça. » Il ne s'étonnera pas de découvrir qu'elle aime les défis, et que les fracassés ne lui font pas peur. Si c'est en morceaux, c'est à réparer. Quand c'est réparé, c'est beau. Les cicatrices en éclairs. Les fêlures colmatées. L'improbabilité d'être frappé plusieurs fois au même endroit, et de toujours se relever. Ça, c'est beau. Ça, ça a de la valeur. Ça, c'est de la magie à l'état pur. La science expliquera jamais ce qu'elle peut ressentir. L'extase de l'existence et la folie des rescapés. « J’sais pas comment vous faites. » Bah d'abord elle se lève, puis elle prend une douche, et généralement elle va au boulot. C'est pas la question ? « J’supporterais pas de me retrouver face à des types comme moi. » Oh, elle a eu pire. C'est pas le plus violent, ni le plus haut classé dans son palmarès des inoubliables. Déjà, il se réveille en se croyant marié. L'humour accidentel lui fait dégringoler deux ou trois places. « J’arrive pas à savoir si vous êtes sympas ou si vous avez juste la peau dure. » Fausse dure à cuire, Merle, tu vois pas ? Y a tout qui traverse l'épiderme, droit au cœur, cap sur l'empathie. Touché, coulé. Y pas de vraie force à absorber le choc. C'est juste comme ça. Elle absorbe. « J'aimerai t'aider, enfin, si tu le veux bien. » la voix sort rauque, la faute au mutisme qu'elle maintient depuis quelques minutes maintenant. Elle se racle la gorge avant de poursuivre. « Je te force à rien, je te demande simplement d'y réfléchir. Tu auras toujours des moyens de te procurer ce dont tu as besoin, des moyens pas forcément légaux ou même pas très sécurisés, je suppose. » Petit euphémisme, elle sait. Ça sert à un truc, de soigner des gangs. Ça sert à pas mal de trucs, vraiment. « Donc réfléchis. Si jamais tu veux que je m'en occupe, tu m'appelles ou tu me laisses un message. Je réponds généralement dans l'heure. » qu'elle continue en déverrouillant son téléphone. 0309. Liste des contacts. Elle ajoute son prénom, son numéro, puis enregistre le tout. Voilà. Elle rebascule l'écran sur le nom de Curl. Sur un bout de papier qu'elle arrache de son calepin, elle griffonne de mémoire ses rondes à l'hôpital. Si appeler le stresse, elle peut toujours trouver un moment pour discuter face à face. « Et si jamais tu trouves ça stupide », elle tend la feuille soigneusement pliée en quatre, « voir complètement inutile, t'as une poubelle à l'entrée. Merci de ne pas mâcher et/ou avaler le papier, ça passera pas avec les anti-douleurs. » Sourire en coin, elle s'affaire à tout vérifier une dernière fois, retirer la perfusion, coller un pansement sur le dos de la main, prévenir un collègue, récupérer l'ordonnance. C'est machinal, elle voit pas les aiguilles courir. Ça freine seulement pour annoncer la bonne nouvelle. « T'es libre, Brekker. Va juste récupérer ton traitement et si t'as des vertiges dans les prochaines 48h, c'est pas bon, tu reviens me voir. Compris ? Je vais appeler Curl pour qu'il vienne te chercher. Rien que ça. » Promis, promis, promis.
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