des minutes, peut-être des heures que tu tournes en rond, là, paumé dans ce quartier que t'as pourtant eu l'habitude d'arpenter. t'es perdu, nash.  enfoncé dans l'incertitude et dans le doute. tu te noies dans la panique, bousculé par ces vertiges de la peur, par cette nausée qui ne cesse de te soulever l'estomac. t'es pas là pour rien. tu ressens pas ça par hasard non plus. t'es perdu nash, à tenter désespérément de te raccrocher à l'espoir qui se meurt. tout comme toi. alors, cet appel qui vient mettre en pause ta transe, c'est la providence que tu refuses. le doute qui se referme autour de toi. la réalité qui te rattrape. peut-être la mort qui te talonne. nash ? tu te stoppes dans ta course contre le temps, te raccrochant à cette voix qui parvient à peine à t'apaiser tant la peur qui s'en échappe te paralyse. c'est peut-être la première fois qu'elle t'appelle parce qu'elle est inquiète. oui ? t'oses à peine parler, pour ne pas laisser entendre ta propre crainte. pour ne pas l'inquiéter. pour t'accrocher à l'espoir que tout ça, ce n'est qu'un putain de cauchemar qui va bientôt s'arrêter. putain ça fait des heures que j'essaye de vous joindre, personne répond. ça va, t'as rien ? t'as vu les infos ? c'est la folie dehors. mais, ça ne s'arrête pas. tu soupires en relevant les yeux autour de toi. t'es dans ta bulle. coupé des réalités en même temps que tu t'y trouves au centre. tu le sais tout ça. tu le sais mieux que personne. oui je sais… c'est le bordel partout. nora ? tentative avortée de savoir où elle se trouve. si elle va bien. si à défaut de ta vie qui semble se faire la malle, la sienne est indemne. tais-toi nora. et tic et tac, ils sont où ? la question qui foire. la question qui soulève ton palpitant qui tambourine déjà trop pour ce qui est humainement possible. tout mais, pas ça. je sais pas je pensais qu'ils étaient avec toi… faut que tu les retrouves. tu t'emballes, imperceptiblement. t'oublies de rester détaché. t'oublies de ne rien laisser transparaître. t'oublies de pas paniquer. t'es à bout. le visage caché dans le creux de ta main, tu pries pour qu'au moins eux, soient épargnés. il est lourd ce silence qui se creuse à l'autre bout du combiné. c'est lourd cette ambiance de fin qui commence à se dessiner. nash, rentre à la maison. t'as du mal à déglutir, étouffé parce que tu sais et essaye tant bien que mal de cacher. tu rentreras pas aujourd'hui. ni demain. ni peut-être plus jamais. et ça, c'est trop dur d'avoir à lui dire. là, comme ça, au détour d'un appel qu'elle aurait surement voulu plus  rassurant. tu laisses le silence retomber un instant. un dernier. juste pour écouter le son écorché de son souffle que tu n'entendras peut-être plus jamais. je peux pas nora… un soupire à peine audible, mué dans les regrets qui s'amoncellent déjà dans les méandres de ton esprit. comme celui de ne pas avoir été avec elle pour lui dire adieu. je rentrerais pas. le ton froid, la dureté forcée. t'essayes nash, pour ne pas flancher. mais, t'as déjà l'impression de sombrer.  

t'aimes pas ce moment. t'aimes pas cette entre deux où le temps semble se suspendre. semble, parce qu'il s'échappe quand même malgré toi. et, soudainement il apparaît comme plus précieux que jamais. pour ces adieux implicites qui commencent à se dessiner dans vos voix. pour ce malheureux dernier moment où tu te raccroches à ce murmure foireux qu'elle te laisse entendre, comme s'il ne te restait plus que ça comme seul espoir pour y croire encore.  ouais on va y aller. y a sil, avec moi. tu soupires, légèrement soulagé de ne pas la savoir seule contrairement à toi. elle ne mérite pas de traverser le chaos dans un tête à tête tragique avec sa peur. nora, elle a besoin de sil, elle a besoin de ses frères, elle a besoin de tous ceux qui pourront rester avec elle pour combler le vide que tu laisseras. faites gaffe à vous. conseil menaçant. t'aimes pas savoir qu'elle va sortir. t'aimes pas savoir qu'elle va partir chasser des fantômes pour essayer de sauver le peu qu'il lui reste. t'aimes pas savoir qu'elle n'est pas en sécurité, nulle part. mais, c'est nora, elle s'avouera jamais vaincue et cette force, t'aimerais bien l'avoir à cet instant. tu voudrais qu'elle t'insuffle le courage de ne rien craindre, la détermination de vouloir encore y croire. au lieu de ça, y'a plus que l'hésitation, le doute. cette saloperie de doute qui te paralyse, transformant tes derniers mots en des lames de rasoirs froides et dures. parce que tu veux pas te laisser aller à ce drame apocalyptique qui rend tout le monde guimauve. t'es pas comme ça. elle l'est pas non plus. pourquoi tu dis ça ? elle se referme nora. tu l'entends dans sa voix qui se pare de la même froideur que toi. c'est plus vrai que jamais. plus vrai que tu ne l'aurais voulu. arrête deux secondes de blaguer, c'est pas drôle. t'as plus le temps pour les blagues. t'as plus le temps de prendre ça à la légère comme si c'était rien. tu la vois la fin du monde qui est en train de se dérouler sous tes yeux. toi t'as compris que c'était du sérieux. tais toi, je suis sérieux. tu la coupes dans son élan, pressé par le temps. pressé par cette marée humaine qui évolue autour de toi et qui nourrit tes instincts de panique. t'as plus le temps nash. je vais pas rentrer. que tu répètes aussi durement, comme pour être sûr qu'elle en prend bien conscience. pour être sûr de donner un sens à ce qui est en train de se passer. parce que dans le fond, toi aussi t'aimerais croire que tout ça, c'est rien qu'une mauvaise blague qui passera aussi vite qu'elle est arrivée. écoute, je… je suis coincé à tybee et j'ai ces putains de symptômes. y'a l'hésitation qui te prend mais, tu lâches enfin. tu renonces à garder ça pour toi encore longtemps, matérialisant l'angoisse qui vous tenait depuis le premier mot qu'elle a laissé entendre. t'as plus le temps pour les délicatesses et les adieux timides. c'est le moment où jamais. et à défaut de pouvoir la rassurer elle, t'as besoin de te rassurer toi, alors t'attends pas de réaction avant de poser ton ultime question. nora ? dis moi que toi tu t'transformes pas en zombie… s'il te plait… prière fébrile qui refait naître l'espoir. un faible espoir. parce que si toi t'es déjà perdu, elle, elle a peut-être encore une chance de s'en sortir. une chance d'étreindre la vie avant de la voir filer et tu partiras pas avant d'en être certain.

non. tu la détestes quand elle fait ça. quand elle écoute pas et qu'elle rend les choses encore plus compliquées qu'elles ne le sont déjà. non, ça veut rien dire d'autre qu'elle refuse. comme toujours. comme trop souvent. ce non maudit qui malmène ta patience déjà trop fragilisée. tu la détestes quand elle ne pense qu'à elle, suffisamment pour en oublier le reste. quand elle a pas l'air de saisir l'importance de l'instant. et, cette question qui reste en suspend. elle t'entend pas nora, murée derrière sa sauvagerie qui la pousse à ne plus t'écouter. toi, tu t'en fiches du reste, tu veux juste savoir comment elle va. arrête putain, arrête de parler comme ça ! tu serres les dents, tu grognes. sa voix qui te perce le tympan et fait monter la panique. pourquoi ça peut avec être simple avec elle ? pourquoi elle ne peut jamais se contenter de se la fermer et de t'écouter. t'as intérêt à rentrer, parce que je te jure que si tu reviens pas c'est moi qui viens te chercher. tes doigts se resserrent autour de ton portable que t'éloignes de ton oreille. t'as pas besoin de l'entendre te dire ça. t'as pas besoin de te heurter à sa colère. t'as pas besoin de l'entendre sombrer alors que c'est peut-être la dernière fois où t'auras l'occasion de lui parler. alors, c'est instinctif, tu t'en fiches de ce qu'elle peut dire. tu t'en fiches de ce qu'elle pense. t'as pas le temps. nora putain arrête ! tu t'emportes, coupant ou non ses menaces, ça t'es égal. laissant ta colère suinter, encore plus, puisqu'elle veut pas comprendre autrement que quand tu gueules. j'ai pas besoin de ça merde ! et si c'était pas si sérieux, t'aurais déjà raccroché. t'aurais déjà renoncé.  c'est peut-être la dernière fois qu'on se parle et toi tu m'emmerdes à faire ta putain de gamine. tu voulais pas l'admettre. tu voulais pas l'avouer. pas comme ça, aussi lâchement. mais, elle te laisse pas le choix. elle te laisse pas la chance de faire des adieux moins dégueulasses que votre pauvre vie. oui, tu la détestes furieusement quand elle est comme ça, nora. tu crois que ça m'amuse de… de te dire adieu comme ça ? tu t'étrangles à moitié. ça reste coincé. le mélodrame ce n'est pas pour vous et ça ne le sera jamais même si tout est sur le point de s'achever. alors, dans un soupire tu secoues la tête pour chasser cette idée, pour retrouver le fil de ta pensée. dis moi que tu vas bien, je le répèterais pas. t'as le ton ferme et déterminé. tu la veux cette putain de réponse et tu ne lâcheras pas.

c'est plus dur que tout ce que tu avais pu imaginer. c'est plus difficile à supporter que tout ce qui a pu vous arriver. t'as beau serrer les dents pour encaisser sagement, t'en mènes pas large. non ! c'est dit avec une telle virulence que ça te transperce les tympans à l'instar de ces similis sanglots qui te transpercent de part en part. des pleurs désespérément colériques qui tirent tes propres larmes en espérant les faire couler. mais, tu résistes, ravalant difficilement cette peine qu'elle soulève pour ne pas sombrer définitivement dans les lamentations. t'as pas le droit, nash ! t'aimes pas quand elle pleure, parce que t'as l'indéniable impression que c'est toujours et seulement à cause de toi. mais, aujourd'hui, tu n'y es pour rien. droit ou pas, t'es forcé de l'admettre. t'avais juste naïvement espéré frôler des adieux plus doux que ce que vous avez partagé jusqu'ici. et, tu lui en veux de tout gâcher par ses pleurs. tu lui en veux de tout gâcher par sa colère. t'as pas le droit de nous laisser. non, t'as pas le droit, comme cette injustice qui n'avait pas le droit de te frapper de plein fouet. t'as pas besoin de l'entendre te dire qu'encore une fois, tu as échoué. comme toujours.  nora ! que tu cries pour tenter de la ramener avec toi, dans cette conversation bancale où elle n'a de cesse de s'éloigner pour se morfondre dans sa peine affligeante. peut-être que quelque part, elle elle pleure pour toi et plus seulement à cause de toi.  peut-être que dans le fond elle tient à toi. peut-être qu'elle le réalise enfin, aujourd'hui. quand c'est trop tard. que c'est fini. et, ça te mortifie qu'il faille en arriver là pour l'entendre, pour le voir. pour le croire. non ça va pas nash, comment tu crois que ça peut aller ? t'es en train de dire que tu rentreras pas, comment je suis censée faire ? tu soupires, épuisé d'avoir à te débattre contre ses réponses foireuses. elle te donnera pas la réponse que tu attends, sans doute parce qu'elle va bien. aussi bien qu'on peut aller quand on a l'impression d'avoir la mort au bout de la ligne. alors, tu te ravises. t'as pas envie de lui laisser un dernier souvenir de toi aussi mauvais, dur et froid que tout ceux qu'elle conservera. écoute moi… le ton plus calme, étouffé par son chagrin trop communicatif. c'est oppressant. c'est angoissant. et putain que t'aimes pas te sentir aussi vulnérable. surtout pas face à elle. t'avais promis. coup-bas que t'attendais pas. instinctivement tu refermes les paupières pour te rappeler cette dite promesse. serment implicite laissé au coeur de vos querelles habituelles. tu l'as toujours promis, oui même avant cette fois-là, même sans qu'elle le sache mais, c'était sans compter sur les imprévus qui fauchent sans prévenir. et, nora, elle l'avait deviné. t'as dis toi même que je pourrais pas la tenir cette promesse… tu le savais nora. réponse tremblante, étouffée dans un hoquet pleurnichard que tu fais tout pour retenir, avant de renifler pour balayer cette faiblesse. c'est à toi de m'en faire une maintenant. faiblement, tu retrouves ta dureté pour ne pas chanceler. pour amorcer les consignes qui doivent précéder tes adieux. t'as besoin de te rassurer une dernière fois. t'as besoin de te convaincre que t'auras quand même tout fait pour eux. jusqu'au bout. jusqu'à ce qu'on te les arrache. je veux que tu me promettes que tu prendras soin de vous mieux que je l'ai jamais fait. je veux que tu me promettes de retrouver tes frères et de jamais les lâcher… ils y arriveront pas sans toi. ça s'écoule plus facilement que tu l'aurais cru, dans un naturel déconcertant. comme si finalement, tu t'étais déjà préparé à cette éventualité. mais, non et tu en souffres. là, en lui donnant tes responsabilités, tu entrevois la fin. tu entrevois la gravité. tu vois la lourdeur qu'implique ce fardeau. mais, ce que tu vois surtout, c'est que nora est la plus capable de vous quatre. qu'il n'y a qu'en elle que tu as suffisamment confiance pour lui confier ce que tu as de plus cher à ton coeur. je veux que vous viviez pour de vrai nora. plus d'emmerdes, plus de galères, plus de survie. et, surtout, ne refait pas les mêmes erreurs que moi. promet-le. que tu exiges fermement, exempté de toute émotions, de tout ressentiments jusqu'à ce qu'elle te le promette véritablement où qu'elle te réponde d'aller te faire foutre comme elle l'a toujours fait quand soudainement les choses devenaient sérieuses.

y'a la détermination qui te pousse. cette fin approchante qui te presse. cette promesse désespérée qui te retient. une dernière volonté que tu espères et attends. de sa voix, une dernière étreinte d'adieux que tu n'auras jamais. non toi écoute-moi. tu geins en sourdine, regrettant qu'elle trouve encore le moyen de te te contrarier en un instant aussi sérieux que celui là. tu te fiches de ce qu'elle a à dire, tout ce que tu veux c'est partir sereinement en ayant la certitude d'avoir fait tout ce que tu pouvais. j'peux pas promettre ça. tu le ferais, toi ? tu promettrais de vivre sans nous ? ce sera jamais une vraie vie, pas si t'es pas là pour la vivre avec nous. ton palpitant désaxé se mortifie dans ta poitrine. non, tu ne pourrais pas non plus et quoi que t'offre la fin qui s'ouvre à toi, elle sera difficile sans eux à tes côtés. tu voulais juste ne pas en prendre conscience, pour ne pas sentir l'angoisse grandir en toi. parce que malgré tout ce que tu peux prétendre, devoir te passer de leur présence relève plus de la torture que du soulagement. outre les parasites que tu te plais à repousser sans cesse, ils sont avant tout la seule chose qui te tient. la seule richesse de ton existence. sa seule raison, aussi. qu'est-ce que tu comprends pas, hein ? j'te lâcherai pas. jamais. j'te laisserai pas, nash, t'entends ? et, peut-être que pour nora aussi tu représentes cette dépendance abstraite qui vous tient malgré tout ce qui vous oppose. peut-être que pour tes frères aussi ce n'est pas plus différent. alors, tu souffres d'avoir à en prendre conscience seulement maintenant. maintenant que tout s'achève, maintenant qu'elle se sent pressée par le temps pour refuser cette fin qui s'approche. maintenant que tout est trop tard. arrête… supplique timide qui parvient difficilement à percer le flot de ses mots. tu peux plus supporter cette conversation. tu peux plus supporter de l’entendre se liquéfier entre ses sanglots, entre sa détermination farouche qui n’a plus lieux d’être. t'as pas fini de m'avoir sur le dos. alors dis-moi où t'es, et j'arrive. ça deviendrait presque douloureux de l'entendre. un poids oppressant qui t'accable encore plus. une peur soudaine qui transperce. tu ne veux pas qu'elle te rejoigne. tu ne veux pas non plus qu'elle te voit comme ça. tu ne veux pas qu'elle s'expose à ce chaos ambiant. à cette apocalypse foudroyante. non. que tu réponds sèchement, autant déterminé qu'elle peut l'être face à toi. même si au fond de toi tu voudrais pouvoir la voir une dernière fois, tu ne lui diras pas. ça serait trop égoïste de la laisser de mettre en danger pour toi. mais, tu le sais. tu le sens qu'elle ne lâchera pas l'affaire. tu n'as plus rien à espérer d'elle d'autre que cette volonté folle de te rejoindre. vos adieux s'arrêtent ici. je peux pas te laisser faire ça nora. conclusion tremblante et fragile, laissé dans un écho sec et froid avant de mettre un terme avec empressement à cet appel. une fin lâche et brutale, imposée entre vous pour faire face à ce déchirement insoupçonnable qui vient de vous séparer. peut-être à tout jamais.