(event) michael | junior

C'était comme un genre de trêve, en tout cas c'était l'une des premières fois qu'on voyait ça. Résidents et équipe de tournage étaient ensemble, dans une même pièce, mélangés. Beaucoup s'étaient regroupés autour de la télévision ou bien parcourait le net sur leurs smartphones. Michael n'échappait pas à la règle, il était adossé dans l'encadrement de la porte tout au fond de la pièce. Il avait les bras croisés sur son torse et regardait les messages d'alertes qui défilaient sur les écrans. Ca a l'air sérieux, parait qu'ils sont entrain d'installer des barrages autour de Tybee Island. Michael haussa les épaules, et s'éloigna du salon. Il se dirigea tout simplement vers la cour, il avait besoin de prendre l'air. Même si on aurait dit que l'air n'était pas bon à respirer. Il avait toujours eu du mal à croire les médias et leurs émissions anxiogènes. Non pas qu'il regardait souvent les infos, mais depuis qu'il vivait ici, depuis qu'il savait à quoi ressemblait une équipe de tournage, il n'avait pas la moindre confiance en eux. Il aurait aimé s'en foutre de tout ça, de ces mots flippants qu'ils avaient prononcé. Virus. Mort. Quarantaine. Bizarrement, il n'avait pas peur pour lui, même si y avait deux trois résidents qui avaient dit ne pas très bien se sentir. Il ne pensa pas une seule seconde à lui, pourtant si égoïste. Mais il avait l'air préoccupé. Il s'assit sur les quelques marches devant l'entrée et sortit son téléphone portable. Il appela le seul numéro enregistré. Junior. Il devait venir le voir, comme tous les jours. Il serait sans doute bloqué par la mise en quarantaine, fallait le prévenir. Et surtout, fallait pas qu'il vienne, qu'il s'approche, qu'il puisse passer avant que la quarantaine ne soit mise en place. C'est moi. déclara-t-il seulement quand son frère décrocha. T'as entendu les infos, quelque part ? se tenir au courant de ce qui se passe dans le monde n'est pas très facile quand on vit dans la rue, le mythe de ces magasins d'électroniques qui diffuse les infos dans les vitrines, ça ne se fait pas tellement. Junior n'était pas au courant. Bon, écoute, panique pas mais ils bloquent complètement Tybee Island. Il allait paniquer. Sûrement de la connerie tout ça mais... bref, paraît qu'il y a un virus qui traîne. Genre de signe divin ou simplement le hasard, le pouvoir du psycho-somatique... bref quoi que ce soit, Michael se mit à tousser. Il ferma les yeux et repris : Mieux vaut que tu restes où t'es, ok ? t'approches pas, ça sert à rien t'arriveras pas à entrer. Et surtout reste loin, LOIN ! Voulait-il crier sans le faire. Car s'il s'inquiétait pour Junior, Junior s'inquiéterait pour lui.

Le téléphone qui vibre pendant que j'avance d'un pas rapide. Je décroche tout en continuant à avancer, pressé.
- C'est moi. Évidemment que c'est lui, y a que lui qui m'appelle. Je souris. T'as entendu les infos, quelque part ?
Je fronce les sourcils, surpris par sa question. Dans un réflexe instinctif, je regarde autour de moi avant de répondre.
- Euh, ben non, pourquoi ?
- Bon, écoute, panique pas - génial, je sens que je vais paniquer - mais ils bloquent complètement Tybee Island. Sûrement de la connerie tout ça mais... bref, paraît qu'il y a un virus qui traîne.
Je m'arrête aussitôt, la bouche entrouverte les yeux écarquillés et dans ma poitrine, mon cœur qui rate un battement et se heurte douloureusement à cage thoracique.
- Attend, q-quoi ? Un virus ? Quoi comme virus ? Tu vas bien ?!
Je me remets aussitôt en route et accélère le rythme, cent fois plus pressé d'arriver. Putain, putain, c'est quoi cette histoire encore ? Je l'entends tousser au téléphone et je deviens livide.
- Mieux vaut que tu restes où t'es, ok ? t'approches pas, ça sert à rien t'arriveras pas à entrer.
Je m'étrangle à moitié.
- Que je res.. ? Mais t'es malade ! J'arrive d'accord ? Enferme toi quelque part tout seul en attendant que j'arrive d'accord ? Et lave toi les mains.
Ma voix se fait autoritaire et sans plus attendre, je me mets à courir. Est-ce qu'il pense vraiment que je vais le laisser là-bas, tout seul ? Hors de question. Jamais.

Attend, q-quoi ? Un virus ? Quoi comme virus ? Tu vas bien ?! Michael leva les yeux au ciel. J't'ai dis de pas paniquer... lâcha-t-il sans que son frère ne l'écoute réellement. Il semblait parfois qu'il n'entendait que ce qu'il voulait bien entendre. Encore un magnifique exemple du genre quand, alors que Micha lui demandait expressément de ne pas s'approcher de Tybee Island, il déclara tout l'inverse. Michael l'entendait presser le pas. Que je res.. ? Mais t'es malade ! J'arrive d'accord ? Enferme toi quelque part tout seul en attendant que j'arrive d'accord ? Michael soupira et s'enfonça la tête dans sa main libre, il était crevé, courbaturé. Il n'avait pas bien dormi, enfin sans doute, il ne se souvenait pas exactement de sa soirée de la veille, trop de bière, manifestement. Noooon.. soupira-t-il. Et lave toi les mains. Il esquissa un sourire. Oui, bien sûr, la sécurité sanitaire décide de mettre toute une ville en quarantaine, mais si je me lave bien les mains ça va aller. c'était de la blague mais il avait la voix monotone et fatigué d'un type qui n'avait pas forcément envie de rigoler. Il était partagé, il n'était pas inquiet pour lui-même, malgré le fait qu'il se trouvait au coeur de cet état d'urgence. Il était inquiet de ce qu'était capable de faire Junior. Ecoute-moi putain, j'veux pas que tu viennes, je te dis ça ne sert à rien tu vas être bloqué. Il recommença à tousser et poussa un juron étouffer par sa quinte de toux. En désespoir de cause il sortit son paquet de cigarette de sa poche et en coinça une entre ses lèvres. Je bouge pas du foyer moi, de toute façon. Il peut rien m'arriver. il alluma sa cigarette et essuya sur son front quelques perles de sueurs.

- J't'ai dis de pas paniquer...
Ben oui bien sûr, il est coincé dans une zone contaminée et je ne dois pas paniquer. Il en a de bonnes lui. Qu'est-ce qu'il m'énerve quand il fait ça. Celui que rien n'atteint, comme si rien n'était jamais grave. Je l'entend geindre au téléphone lorsque je lui dis que j'arrive mais ça ne me fait pas ralentir pour autant. S'il croit que je vais l'écouter, il se leurre.
- Oui, bien sûr, la sécurité sanitaire décide de mettre toute une ville en quarantaine, mais si je me lave bien les mains ça va aller.
Je grogne un peu, agacé par ses sarcasmes immatures.
- Ecoute, on n'sait pas comment le virus se propage alors on est jamais trop prudent ! Arrête de faire chier et fait ce que je te dis. S'il te plait.
Pourquoi il refuse toujours de m'écouter ? Pourquoi faut toujours qu'il n'en fasse qu'à sa tête ?
- Ecoute-moi putain, j'veux pas que tu viennes, je te dis ça ne sert à rien tu vas être bloqué.
Blablabla. Je ne l'écoute pas. Par contre, j'entends. Je l'entend qui tousse et la panique grandit, prend toute la place.
- Pourquoi tu tousses ? T'es contaminé c'est ça ? C'est pour ça que tu ne veux pas que je vienne ?!
La foule s'intensifie et bientôt, j'aperçois les véhicules militaires et sanitaires. Putain de bordel de merde. C'est du sérieux.
- Je bouge pas du foyer moi, de toute façon. Il peut rien m'arriver.
Je ralentis, essoufflé.
- Ben oui, c'est bien connu... Je reprends mon souffle. - Le virus va s'arrêter aux portes du foyer. C'est comme les nuages nucléaires qui s'arrêtent aux frontières des pays. Trop sympa d'leur part.
C'est un bordel sans nom autour de moi. Ça crie, ça se bouscule, ça proteste, ça pose des questions. Y a des journalistes partout, des gens au téléphone, c'est n'importe quoi.
- Putain Micha, ça a l'air vraiment grave.
Faut que je trouve un moyen de rentrer.

Pourquoi tu tousses ? T'es contaminé c'est ça ? C'est pour ça que tu ne veux pas que je vienne ?! Eh merde ! Il a entendu. Michael éloigna la téléphone de son oreille le temps de tousser une dernière fois et puis répondu, de mauvaise foi : J'tousse pas... mais les mots de son frère lui montaient au cerveau. Et s'il était contaminé hein ? Et si ce virus bizarre qui inquiétait tout le monde était Dieu qui l'enculait une bonne fois pour toute ? Il ferma les yeux et essaya de couper court à ses pensées, en rassurant Junior. Ben oui, c'est bien connu... Je reprends mon souffle. - Le virus va s'arrêter aux portes du foyer. C'est comme les nuages nucléaires qui s'arrêtent aux frontières des pays. Trop sympa d'leur part. Hein ? Michael ne comprit évidemment pas la référence. De quoi tu causes ? Mais sa question fut parasitée par le brouhaha à l'autre bout du fil. Putain, Junior n'écoutait rien du tout. Michael tira sur la clope. Putain Micha, ça a l'air vraiment grave. Il se releva dans la hâte, si bien qu'il eut le tournis. Woo... lâcha-t-il sans se contrôler le temps de retrouver son équilibre, là il fit quelques pas dans la cour, comme s'il allait apercevoir Junior, ce qui en soit était idiot, et s'arrêta en plein milieu. Bordel Junior, je t'ai dis de pas venir ! Son ton était plus sec, désormais fermé à toute discussion. Casse-toi, t'as compris ? Barre-toi tout de suite ! Eloigne-toi de Tybee ! Il ordonnait et on pouvait voir la peur filtrer à travers ce ton trop dur. Voyant que ça ne servirait à rien du tout, il laissa passer quelques secondes et avoua : J'me sens pas très bien ok ? C'est sûrement que dalle mais t'as pas intérêt à te pointer, de toute façon, tu pourras pas entrer. Junior savait se faufiler et c'était bien ce qui faisait peur à Michael. J'pense qu'il n'y a rien de grave, mais... mais j'veux pas que... Il ne trouvait plus ses mots, sans savoir si c'était son état vaseux ou la peur qui lui tordait la gorge. J'veux pas prendre le risque qu'il t'arrive quoi que ce soit... s'il te plait, fait ça pour moi. Va en centre ville, prend un café, on se verra quand la quarantaine sera levée.. Michael faisait les cent pas sous le soleil de plomb, du moins, il lui semblait qu'il faisait très chaud.

- J'tousse pas...
- C'est ça..
Que je me marmonne à mi-voix, plus pour moi que pour lui. Il ne tousse pas, j'ai des hallucinations auditives, je suis la Jeanne d'Arc de la toux.
- De quoi tu causes ?
Je lève les yeux au ciel, classique.
- Laisse tomber et lave toi les mains, pitié.
Mais il a probablement raison. Ça ne suffira peut-être pas. Vu ce qu'il se trame aussi, ça a l'air vraiment vraiment grave. Comme le scénario catastrophe d'un film Hollywoodien. Je n'aime vraiment pas ça. Mon souffle refuse de se calmer, malgré le fait que je récupère de ma petite course.
- Woo...
Je me fige.
- Woo ?? Quoi "woo" qu'est-ce qui a ?!
Qu'est-ce qu'il me fait là ? J'oublie un instant tout ce qui se trame autour de moi pour me concentrer sur lui, le regard affolé.
- Bordel Junior, je t'ai dis de pas venir ! Casse-toi, t'as compris ? Barre-toi tout de suite ! Eloigne-toi de Tybee !
Je me redresse, surpris de cette agressivité soudaine. J'entrouvre la bouche mais aucun son ne sort. Perdu, je recommence à regarder autour de moi, sans plus savoir quoi faire.
- Je..
Je, je, je quoi putain ? Je panique.
- J'me sens pas très bien ok ? C'est sûrement que dalle mais t'as pas intérêt à te pointer, de toute façon, tu pourras pas entrer. J'pense qu'il n'y a rien de grave, mais... mais j'veux pas que...
Je deviens livide à ses paroles. Comment ça il ne se sent pas très bien ? Non. Non ! Mon palpitant s'affole, mon ventre se noue et je suis pris de bouffées de chaleur.
- J'veux pas prendre le risque qu'il t'arrive quoi que ce soit... s'il te plait, fait ça pour moi. Va en centre ville, prend un café, on se verra quand la quarantaine sera levée..
Mais je ne l'écoute pas et je parle par-dessus la fin de sa phrase, nerveux.
- Attend, attend, c-comment ça tu te sens pas bien ? Putain, je.. Je passe une main sur mon front. - Je n'irais nulle part putain ! Tu crois que je vais te laisser tout seul dans ce merdier ?! Tu m'connais mal ! Et raccroche pas ok ? Je t'interdis de raccrocher.
Je souffle, tourne en rond, tout s'emmêle dans ma tête. Je finis par m'approcher du barrage et notamment d'un militaire.
- Excusez-moi, faut que j'passe.
Ma voix est tremblante mais autoritaire malgré tout. L'homme me toise brièvement.
- Personne ne rentre, personne ne sort. Eloignez-vous maintenant.
- Mon frère est dedans ! Et je ..
- Eloignez-nous !
Je me fais éjecter en protestant, furieux.
- Micha, est-ce que des gens sont morts ?
Sûrement. Ou ça ne va pas tarder en tout cas vu les moyens déployés pour contrôler le quartier. Je commence à longer le barrage, à la recherche d'une faille. Je rentrerais, qu'il le veuille ou non. Je ne l'abandonnerais pas.

Laisse tomber et lave toi les mains, pitié. On dirait un putain de maniaque, ceux avec des TOC. Michael ne répondit pas, ce n'était pas un lavage de main qui changerait quoi que ce soit. De toute façon, le virus n'était sans doute pas dans le foyer, il n'y avait pas tant de passage, les résidents ne sortaient pas souvent, et l'équipe de tournage dormait là ! Ou alors, c'était déjà trop tard. Et ça se laver les mains n'y changerait rien. Car si le virus était déjà dans le foyer, Michael était sans doute déjà contaminé, ceci expliquerait son état.. Et merde. Putain. Woo ?? Quoi "woo" qu'est-ce qui a ?! Aarg ! Voilà ce qui n'était qu'un simple étourdissement parce qu'on se relève trop vite devenait le signe évident d'un virus mortel maintenant. Et l'angoisse de Junior impactait forcément Michael. C'est comme ça les jumeaux. Michael a toujours ressenti ce que Junior ressentait. Et inversement. Ils n'étaient une extension d'eux-même, une même âme dans deux corps différents. Rien je... Il ne sait même plus s'il a envie de le rassurer ou pas, en fait, il ne sait pas s'il peut le faire. J'me suis relevé trop vite. marmonna-t-il. Mais il n'arrivait plus à faire semblant, il ne pouvait tout simplement plus. Alors il avoua qu'il se sentait mal, ce qui évidement fit l'effet d'une bombe. Attend, attend, c-comment ça tu te sens pas bien ? Putain, je.. coupa Junior. Michael leva les yeux au ciel et traîna les pieds jusqu'à l'intérieur du foyer. Fallait qu'il regagne sa chambre au plus vite. Je n'irais nulle part putain ! Tu crois que je vais te laisser tout seul dans ce merdier ?! Tu m'connais mal ! Et raccroche pas ok ? Je t'interdis de raccrocher. La voix tambourine dans le fond de son crâne. Michael traversa l'entrée sous les regards interloqués des quelques résidents qu'il croisa. Ca va Michael ? T'as pas... Michael leur fit signe de se taire et s'approcha des escaliers, il monta quelques marches avant de s'arrêter en plein milieu, il entendait Junior parler avec un type : Excusez-moi, faut que j'passe. Arrête de faire ta tête de mule Ju... soupira-t-il, il reprit la montée des marches. Le temps d'arriver en haut en entendant Junior se faire refouler, ce qui le rassura légèrement. Tu vois, tu peux pas entrer... j'te jure ça sert à rien que tu poireautes devant pendant des heures, et si jamais... si jamais y a vraiment un virus qui traîne bah... peut-être qu'il vaut mieux pas que tu sois dans le coin... il parlait lentement, il cherchait ses mots, il avait mal au crâne. Sa chambre, ENFIN ! Il poussa la porte et la claqua derrière lui avant de se traîner jusqu'à son lit et de pousser un soupir d'aise. Micha, est-ce que des gens sont morts ? La gorge de Michael se noua. Il savait que oui, plusieurs personnes étaient mortes. Il l'avait entendu aux infos y a quinze minutes de ça. Il voulait mentir, mais il en était incapable, pas à Junior. Ouais, enfin... tu sais, c'est ce qu'ils disent aux infos... c'est peut-être... peut-être pas vrai. Il n'avait plus l'air si sûr de lui à l'heure actuelle. Je t'en supplie, éloigne-toi de Tybee. Je... ok, ça va, peut-être bien que je suis malade et si c'est le cas... si c'est le cas hein ? Ca servirait à quoi que tu sois avec moi ? A que dalle, je veux pas qu'il t'arrive un truc. Il inspira profondément, il avait soudain envie de chialer à la simple idée qu'il puisse arriver quelque chose à Junior.

- Rien je... J'me suis relevé trop vite.
- T'as bu ?
Que je demande aussitôt, avec l'espoir que ce soit. Que ce ne soit rien d'autre que ça. Encore un énième abus de bières. Je tends l'oreille alors que j'entends une voix autre que la sienne venir du combiné mais je ne perçois pas tout et très vite je n'entends plus rien. Je me braque un peu. Je préfèrerais le savoir seul cloîtré quelque part. Y a trop de monde au foyer, beaucoup trop de monde.
Alors je m'emballe, j'accoste un militaire sans plus attendre, ignorant les protestations de Micha dans le combiné. Mais ça ne se passe pas comme prévu et j'enrage. Les salauds. C'est pas comme si je demandais à sortir de la zone de quarantaine. Je veux y entrer, putain, y entrer.
- Tu vois, tu peux pas entrer... j'te jure ça sert à rien que tu poireautes devant pendant des heures, et si jamais... si jamais y a vraiment un virus qui traîne bah... peut-être qu'il vaut mieux pas que tu sois dans le coin...
Je fronce les sourcils, en colère. Ma voix se charge d'émotions, un peu trop peut-être, elle devient tremblante.
- T'es sérieux ? Tu crois que je vais t'abandonner ? Que je vais attendre à l'extérieur pendant que t'es là-bas et me contenter de prier pour que tu t'en sortes ?
On a déjà abandonné Bee, je ne referais pas deux fois cette erreur. Je déglutis, mes yeux se gorgent de larmes à cette pensée. Je me sens vraiment mal. Hors de question de perdre Michael. Hors. de. question.
- Ouais, enfin... tu sais, c'est ce qu'ils disent aux infos... c'est peut-être... peut-être pas vrai. Je t'en supplie, éloigne-toi de Tybee. Je... ok, ça va, peut-être bien que je suis malade et si c'est le cas... si c'est le cas hein ? Ca servirait à quoi que tu sois avec moi ? A que dalle, je veux pas qu'il t'arrive un truc.
Je continue d'avancer à la recherche d'une brèche dans le barrage, d'un endroit sans surveillance, n'importe quoi où je pourrais me glisser. Et tout en avançant, je me mets à hurler dans le téléphone, au bord de la crise de panique, la voix chargée de sanglots.
- J'VEUX PAS QU'IL T'ARRIVE UN TRUC NON PLUS ! Micha je.. putain. Je t'ai déjà perdu une fois je .. je veux pas revivre ça d'accord ? Il faut que je rentre. Il faut que je te rejoigne, il faut que je t'aide, il faut que je sois là. Je vais trouver un moyen Micha, t'entends ? Je vais rentrer et je trouverais une solution pour toi si jamais t'as le virus.
J'm'en fous si c'est pas possible, cette option n'est juste pas envisageable pour le moment. Les mains tremblantes, je fulmine en constatant que la quantité de militaires et de policiers ne faiblit pas au fur et à mesure de mon avancée. S'il faut, je me jetterais à l'eau et je nagerais jusqu'à rejoindre Tybee Island par la plage.

T'as bu ? Il ne savait même pas ce qu'il était censé répondre. Oui, évidement qu'il avait bu, c'était devenu une sale habitude, un rituel matinal. Mais s'il en parlait il craignait la réaction de Junior. Il ignorait à quel point son frère savait qu'il buvait, il ne voulait ni l'inquiéter ni passer pour un alcoolique. Et pourtant, dire qu'en réalité il était simplement ivre, que ça expliquait son air vaseux et qu'il avait gerbé toute la nuit, ce qui expliquait qu'il toussait aujourd'hui, était sa porte de sortie. Ca rassurerait Junior. Mais il n'arriva pas à l'avouer, comme une saleté d'alcoolo qui tente de camoufler sa dépendance il répondit fermement : J't'ai dis que j'm'étais relevé trop vite ! Après quoi il s'était mis en tête de retourner dans sa chambre pour s'y écrouler, il se sentait faible, vraiment. Il essayait par la même occasion de retracer le début de sa journée dans sa tête. A qui il avait parlé ? Qu'est-ce qu'il avait fait ? il ne se rendait pas compte qu'il s'était levé, qu'il avait bu dans sa chambre avant d'aller préparer le petit déjeuner pour lui et les autres résidents, vu qu'il faisiat la cuisine pour Beth. Qu'il avait encore bu en faisant couler le café, qu'il avait d'ailleurs corsé son café, qu'il avait encore bu quand il était resté dehors, profiter du soleil pendant que l'équipe de tournage s'activait autour de lui. Non, il ne s'en rendait pas compte, plus compte. T'es sérieux ? Tu crois que je vais t'abandonner ? Que je vais attendre à l'extérieur pendant que t'es là-bas et me contenter de prier pour que tu t'en sortes ? Bah quoi, c'est bien ce qu'ils avaient fait pour Bee, non ? Ils avaient pensé à la même chose tous les deux, mais aucun des jumeaux n'osaient le dire. D'une voix faible, il se contenta donc de répondre, avec plus ou moins d'ironie : C'est ça... faut que tu pries pour moi. Michael était aussi croyant qu'on pouvait l'être, mais chaque fois qu'il évoquait la religion ça avait l'air d'une putain de blague. Sans doute à cause de cette gueguerre contre Dieu dans laquelle il s'était engagé. Enfin, il pénétra dans sa chambre et s'écroula sur le lit. Et Junior paniquait complètement. J'VEUX PAS QU'IL T'ARRIVE UN TRUC NON PLUS ! Il éloigna le combiné de son oreille avant que son frère ne puisse lui crever les tympans. Je t'ai déjà perdu une fois je .. je veux pas revivre ça d'accord ? Il faut que je rentre. Il faut que je te rejoigne, il faut que je t'aide, il faut que je sois là. Je vais trouver un moyen Micha, t'entends ? Je vais rentrer et je trouverais une solution pour toi si jamais t'as le virus. Michael ferma les yeux une seconde. Il comprenait, et sans doute que si leurs places étaient inversées il réfléchirait de la même manière. Mais ce n'était pas le cas. C'était lui qui était piégé dans une zone contaminée. C'était lui qui était malade. C'était lui qui risquait de mourir. Et tant mieux. C'était la meilleure configuration possible. Tu peux rien faire. T'es pas médecin. déclara-t-il terriblement terre à terre. Il semblait maintenant qu'il n'essayait même plus de minimiser son état. Il avait des sueurs froides, et il avait chaud aussi. Il était convaincu d'être malade maintenant. Junior... tout ce qui t'arrivera à faire si tu me rejoins c'est... c'est d'être contaminé aussi. Il tenta de se redresser sur son lit, il avait la gerbe, il toussa un peu. Si c'est... si c'est aussi grave qu'ils le disent, alors y a vraiment rien à faire. Il parlait calmement. Mais... mais ça va, t'inquiète pas.. je suis pas inquiet moi. Oh il pensait être malade, c'était clair. Mais ça ne l'inquiétait pas, pas pour lui. Il pensait à Bee, il pensait à sa vie d'aujourd'hui et il n'arrivait pas à s'enlever de la tête que c'était pour le mieux. Tu sais quoi... va prier. Non je suis sérieux. Vas-y, ça te fera du bien. Cette fois, il n'était pas condescendant. Et si on était vraiment dans la configuration qu'il pensait, et s'il allait mourir d'une maladie mystérieuse, il préférait autant savoir Junior dans une église. C'est pas grave. De mourir. Ca ne l'était pas pour Michael. Il se remit à tousser.

- J't'ai dis que j'm'étais relevé trop vite !
Ça ne me rassure pas. J'aurais préfère qu'il me dise oui, qu'il est bourré comme pas permis et que c'est pour ça qu'il est vaseux. Juste ça, rien d'autre. Rien qui puisse me donner des sueurs froides.
- C'est ça... faut que tu pries pour moi.
Je connais son opinion sur la question et je la respecte, je la comprends même. Parce que il m'arrive de douter parfois, de me poser des questions. De me dire que c'est pas possible tout ça. Y a cette contradiction entre notre éducation - bourrage de crâne serait plus exact - et la logique. Je préfère garder le silence, ce n'était franchement pas le moment pour se lancer là-dedans. Et à vrai dire, pour l'instant, j'avais plus envie d'agir que de prier. Sûrement qu'un véritable croyant aurait fait l'inverse. Sûrement.
- Tu peux rien faire. T'es pas médecin.
Sa voix est trop calme, comme résignée. Et ça me glace le sang. Je me sens de plus en plus nerveux, je continue d'avancer sans parvenir à réfléchir. J'suis p't'être pas médecin mais j'suis malin, je suis sûr que je peux trouver une solution. J'en suis fermement convaincu. Je n'ai pas le choix. Il faut que je trouve. A chaque fois que je l'entends tousser à nouveau, je pâlis un peu plus. C'est insupportable comme situation. Cette impuissance va me rendre dingue.
- Junior... tout ce qui t'arrivera à faire si tu me rejoins c'est... c'est d'être contaminé aussi. Si c'est... si c'est aussi grave qu'ils le disent, alors y a vraiment rien à faire. Mais... mais ça va, t'inquiète pas.. je suis pas inquiet moi.
- T'es pas inqui.. ?! Mais putain ! T'es pas bien, je t'entends tousser je, je le sens que t'es pas bien Micha me prend pas pour un con ! Y a forcément quelque chose à faire. Y a toujours quelque chose à faire.
Je sais que c'est faux mais je refuse clairement d'accepter cette réalité.
- Tu sais quoi... va prier. Non je suis sérieux. Vas-y, ça te fera du bien. C'est pas grave.
Les larmes me montent aux yeux et je me tends de plus en plus. Faut qu'il arrête, putain. Qu'il arrête d'être calme comme ça. Comme s'il acceptait son sort sans rechigner, sans se battre. Il n'a pas le droit.
- Non j'ai pas envie de prier Micha ! J'ai envie de te sortir de là ! Je rentrerais, j'te jure que je vais rentrer. J'en ai rien à foutre d'être contaminé si tu l'es aussi. Je pourrais pas vivre si t'es plus là. Et tu le sais très bien.
Il le sait, parce que c'est pareil pour lui. C'est une sorte de vérité évidente, y a rien qui puisse changer ça. On est trop liés pour survivre l'un sans l'autre. Je regarde autour de moi, cherchant à rassembler mes esprits pour trouver une chose intelligente à faire. C'est là que je repère un des camions des autorités sanitaires. Je m'approche prudemment et quand je suis sûr que personne ne me voit, je pénètre dedans, priant pour qu'il soit vide. Bingo. Y a des combinaisons et je me dis que c'est peut-être ma porte d'entrée. Je murmure tout doucement.
- Micha, j'ai peut-être trouvé le moyen de rentrer en toute sécurité.
Et je m'en fous s'il désapprouve.

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