✧ gamin des cités, ta mère, prostitué, tout deux abîmé par la vie, elle est cette pute, celle qui fait les trottoirs, celle qui regarde de son regard candide les voitures passées, celle qui fait la dure à cuire. ✧ dans la vie, y à toujours eu que toi et ta mère. sans père, sans identité, sans visage, juste ta génitrice, instable et infantile, incapable de grandir. ✧ atlas. putain. erreur de parcours, c’était un coup pour s’amuser, c’était un coup comme ça, avec un mec qui à la gueule qui faut et les poches bien remplies et puis pour l’alcool et toutes ces merdes qui colorent encore sa vie. ✧ pauvre fille avec des vieux pourris, ballottée de famille en famille avant de tomber sur eux, l’image d’un couple déglingué et nourrit par les travers, alors elle reproduit. ✧ l’enfance,  pour toi, c’est l’appartement, juste tout les deux, entre cette femme qui ne sait pas trop quoi foutre d’un gosse et puis toi, le môme, chiard infernal.

✧ mauvaise mère, elle le sait, elle rit et tente de s’oublier dans l’acide de ces excipients, aux bras de ces mecs, de ces clients, entre quatre murs, loin des oreilles indiscrètes, avec toi, son gosse, comme seul spectateur. ✧ y a la voisine, une vielle aux relents de naphtaline, d’anti-mites et d’épices. elle regarde et surveille, puis de temps en temps, elle te prend avec elle, quand elle sent que tout dérape. elle te garde, étroitement serré dans le giron chaleureux de son amour, dans les recoins plissés de ces rides, de ses sourires, de ses baiser doux et sucrés et qui par moment piquent. ça te fait rire, tu souris. pour la première fois. ✧ le temps avance, lentement. dans le silence immobile de l’appartement, maman souvent absente, toi à arpenter les murs, à regarder le papier jaunir, les allées et venues, sur les marches de l’immeuble, les passes de ta mère, ses clients, ses amies. ✧ enfant, trop des vêtements, vifs et colorés peuplent ta chambre. cette robe qui traine, les écharpes et les colliers, plaisir d’habiller son gosse comme bon lui semble, maman à ce regard un peu paumé, un peu triste, ce sourie hésitant et cette lueur de plaisir qui te ranime.

✧ l’école, c’est la quille, c’est difficile, c’est compliqué pourtant tu tentes, essaies. de t’impliquer, d’avancer. ✧ depuis gamin, tu sais que t’es pas comme les autres. ✧ dans le secret des quatre murs de ta chambre, t’as ce plaisir qui dérange. ce plaisir de revêtir les vêtements de ta mère, celle qui aguiche et qui ouvre les cuisses, une tare qui amuse ta génitrice, elle et son regard qui divague, elle sourit et t’encourages dans tes déviances. ✧ tu te retrouve seul devant les devoirs, les responsabilités, maman qui s’amuse, qui rit et qui glousse. la voix grave d’un homme qui passe, que t’assassines, t’épingles. lui. puis encore un autre, un autre qui n’a pas la même gueule que l’autre soir. ✧ sans encrage, tu dérives et navigues dans les excès, les soirées et l’alcool, l’oublie de tes nuits. salutaires et dévastatrices, tu les allonges et les consommes à la suite. ✧ t’as cette putain de certitude que l’école c’est tout simplement pas fait pour toi. comme t’as cette putain de certitude que le mec actuelle de ta mère, rien d’autre qu’un mac, à la main lourde sur cette dernière, à coup de poings et de caresses déliés sur son joli minois.

✧ la vielle du pallier est décédée. tu le diras jamais, mais ça te blesse. ✧ les insultes pleuvent, spectateur silencieux de l’échange, t’écoutes les revendications du mec, du mac, de celui qui détient ta mère, ce plaisir malsain qui en découle quand elle cède, courbe l’échine et ploie sous la demande, toujours plus forte. ✧ alors que tu traînes de plus en plus, usant ta chaussure fendue sur le macadam, t’approches des gamins de ton acabit. ils te ressemblent, déglingués par la vie, à se raccrocher à quelques miettes, à quelques brides, à quelques billets pour facilité l’endurance d’une chienne d’existence.

✧ l’école, t’as depuis longtemps décroché, oublié les idées, ces envies qui te bourraient le crâne, te galvanisais quand tu te disais que jamais tu ne seras comme ta mère. pourtant. ✧ dure est la réalité de passer son temps avec les dopes d’une femme, ces envies et lubies, d’être oublier, d’ouvrir le frigo, éternellement vide, de marcher sur cette moquette maculée de cendre et de mégots. cette table basse bourrée de cachets. arc-en-ciel de couleur qui lui colore l’existence alors qu’elle cuve, misérable mère, enfouie dans le canapé, à comater, à dormir et à s’oublier. ✧ dommage collatéral, victime de cette pute ingrate et égoïste qui pense d’abord à son propre plaisir, seul dans ta chambre à regarder le ciel, à vouloir côtoyer les étoiles pour essayer d’obtenir un autre vie, d’oublier, tu nourris cette colère despotique qui ravage et engloutit cette saine partie de ton esprit.

✧ regard de trop, torve, l’ébène d’un souhait qu’on verbalise et qui blesse, cette demande, comme un coup de canif dans le contact, toi qui glande trop dans l’appartement, une bouche de plus à nourrir, une emmerde de plus quand les flics te dépose sur le pas de porte, quand on t’engueule et que tu gueules encore plus fort et puis cet instant… cette chambre vide et ta mère qui hausse les épaules. « c’est mieux comme ça. » ✧ début d’une longue descente en enfer, sans trop savoir quoi faire, toi et tes dix doigts, magouillant sans trop que cela rapporte, tu sais qu’il y a un marché sur lequel le chômage n’existe pas. ✧ tu vends, quelques instants éphémères, vites brulés pour mieux oublier, vends le charme dans une ruelle, à l'arrière d'un bar, dans les chiottes. tu t’y traînes et t’y vautres. t'y abaisses et en crève. mais ça c'était avant. n'est-ce pas ?✧ à l’image de ta mère, une image qui t’obsèdes, alors tu descends un peu plus dans cette addiction, pavant ta vie de mensonges, de pyrex et de billets pour quelques caresses, pour quelques sourires, pour quelques pipes. un truc moche, un truc aujourd'hui que tu veux oublier.

✧ t’as cru t’y perdre, un moment. t’as cru ne jamais pouvoir t’en sortir, pourtant il y a ces mecs, hétéroclites, des membres, une famille disparate mais qui te ressemble, ces putains d’écorchés vifs. ✧ ici se trouve ton salut. entre quelques verres et quelques ventes. t’y as prit goût, toi et ton esprit tordu. tu vends et exhortes. du métal froid et de la poudre chaude pour des sommes qui encore, t’envoies des papillons dans l’estomac et pense cette chaire labourée que t’exposes, encore, de tempe en temps, quand l’argent n’entre pas suffisamment. ✧ ta mère, t’essaie de ne pas trop y penser. elle qui vit toujours dans la cité de ton enfance, dans les dérives de son esprit dérangé avec son mec qui lui tape sur la tronche parce qu'il lui en faut toujours plus. tu te regardes et tu lui ressembles. à cette putain.

✧ ton appartement, petit truc de rien du tout, à ton image, t’as essayé de le décorer, de l’aménager, pourtant, dans le silence criant et immobile, entre les meubles neufs et polit, les murs se ressert. alors tu te sers encore un verre. l’absinthe de tes nuits, la téquila de ton vague à l’âme. ✧ sans port, sans attache, dans les dogs t’es le mieux placé pour aller vagabonder. à droite. à gauche. partir. loin. et te dire de ne jamais revenir, d’oublier ce ramassis, cette vie, aller la recommencer ailleurs. pourtant, inexorablement, toujours, tu reviens vers les tiens. ✧ une place à part entière, t’apprécies venir retrouver ce petit monde, ton monde. au smoking dog, c’est chez toi. ces sourires, ces cris, ces engueulades, à mieux se taper sur la gueule pour exprimer ses resentiments, t’aimes ça. t’exultes et exploses, t’échauffant auprès de ces corps, cadencés par une vie qui n’a jamais été tendre, cette belle salope.