Un jour de congé, je pense que je n'en avais pas encore eu depuis que j'avais quitté le lycée. Depuis que mon frère était dans le coma. J'avais d'ailleurs passé la matinée avec lui avant de finalement voir la neige tomber. J'avais beaucoup de chose à gérer, j'avais encore des courses à faire, des factures à payer. Pourtant en fixant mon frère dans son lit, je n'avais pas envie d'être une adulte, pas aujourd'hui. Je voulais simplement être une ados, une enfant profitant de la neige pour oublier durant quelques heures le fait que la vie n'avait pas été clémente. J'avais envie de prendre du temps pour moi. Alors, sans vraiment réfléchir, j'envoyais un message à la seule personne vers qui j'avais envie de me tourner, Quinn. On ne se connaissait sans doute pas depuis assez longtemps pour se parler de tous, mais j'avais toujours eu l'impression qu'elle pouvait tout entendre. Je n'avais pas de plan précis, en fait j'espérais même que la neige m'offre suffisamment d'idée pour ne pas avoir à rentrer rapidement. J'avais envie de rire. Je ne savais pas si elle avait quelque chose de prévu, je savais qu'elle n'avait pas cours, mais je n'étais pas à l'abris d'une autre activité. Pourtant elle accepta, nous donnant donc rendez-vous dans un parc, j'y arrivais bien plus excité que je n'aurais du. Bien que caché derrière un gros pull, un bonnet et des gants, je ne pus me retenir de lui sauter dessus lorsqu'elle apparut dans mon champs de vision.

« Il neige ! »

Déclarais-je avec un large sourire. J'avais les joues rougit par le froid, mais je n'avais pas l'impression d'en souffrir.

« Merci d'avoir pu venir, c'est mon premier jour de congé, je savais pas quoi faire d'autre ! »

Si ce n'est rester dans la chambre de mon frère, ce qui ne m'aurait pas aidé. Je ne pouvais pas m'arrêter, je devais me battre pour lui, pour lui offrir les meilleurs soins. Et je n'avais pas le droit de ne plus sourire. Car même si il était l'unique rayon de soleil de ma vie, je ne voulais pas m'avouer vaincu. Je devais vivre. Rester positive.

Je fronce les sourcils, le nez collé sur le bac de développement, pas franchement convaincue par ce qui est en train d'apparaitre. J'aurais jamais du laisser Luka me prendre en photo, j'aime décidément pas ma tête dessus. Heureusement pour lui que je lui ai promis de pas les jeter parce que ça tiendrait qu'à moi, je le ferais aussi sec. J'ai l'air encore plus godiche que d'habitude, surtout avec cette robe, comment il a pu dire que j'étais magnifique. Ce garçon est totalement fou. Je secoue la tête et je soupire, accrochant la photo à une pince à linge pour qu'elle s'égoutte avant de sourire en voyant l'autre qui commence à apparaitre. Ah, là, c'est mieux. Il ouvre son cadeau. Je préfère carrément. Bon, je m'égare un peu à sourire comme une cruche en regardant ses traits se faire de plus en plus nets, mes pensées s'envolant je ne sais où. Enfin si, je sais et heureusement que personne n'est là pour me voir rougir.

Je sursaute quand je vois mon téléphone qui se met à sonner et mon sourire se fait plus large quand je vois un message d'Aleks. Maintenant qu'elle bosse elle est beaucoup moins disponible la pauvre. Alors autant dire que j'hésite même pas quand elle me propose une sortie. Luka est au resto en train de bosser et il revient que ce soir alors autant dire que rien ne me retient. Même pas le développement des photos de Noël.

J'attrape mon énorme écharpe-col, mes mitaines et mon bonnet avant d'envoyer un message à Luka. Je suis en balade avec Aleks, je vais bien, je suis bien couverte, blabla, Mitaines dort dans ses chaussures, blabla, bisous. Ce genre de trucs quoi. Je l'imagine déjà en train de froncer les sourcils et cette pensée me fait pouffer de rire avant de lui envoyer un autre message où je lui dis avoir bien mis trois paires de chaussettes. Mais non, je me moque pas. Ou juste un peu. Ca lui fera peut-être passer son coté mère poule au moins.

Je sautille plus que je ne marche pour aller rejoindre Aleks et mon visage s'illumine quand je la vois. Même si elle a l'air épuisée au moins elle semble contente de me voir. Et quand elle me saute au cou, je la serre dans mes bras sans me retenir avant de me figer à ses propos.

"Oh mais… je m'en étais même pas rendue compte."

J'éclate de rire, réalisant que j'étais tellement concentrée sur le fait de pas me perdre et de mettre le moins de temps que possible à la rejoindre que j'avais même pas vu. Le truc de dingue quoi. Je me frotte le nez et je souris de plus belle avant de hausser les épaules.

"Merci d'avoir pensé à moi. Je… ça me fait plaisir de te voir. Vraiment."

Je me retiens de lui dire que rien n'est plus pareil au lycée sans elle mais je sais que ce serait maladroit et vraiment pas cool. C'est pas comme si elle avait eu le choix hein. Et je peux rien faire pour l'aider, si ce n'est réfléchir à la meilleure façon de l'obliger à manger à la maison ce soir. Luka va encore ramener plein de restes, on aura largement de quoi faire à trois. Et il dira pas non, surtout si ça me fait plaisir.

"Bon… tu veux faire quoi ? Aller effrayer les écureuils dans le parc ? Chanter faux et voir combien d'oiseaux s'envolent du premier coup ? Loucher sur les vitrines de fringues qu'on mettra jamais parce qu'on aura l'air déguisées ?"

Tout, tant que ça lui change les idées. Parce qu'elle en a besoin, bien plus que moi. Et je louche sur un flocon qui m'atterrit sur le nez. Ce serait chouette que la neige tienne vraiment, ça serait super beau en plus.

Ok, j'étais peut-être un peu trop un radar à neige, et Quinn était peut-être un peu trop dans les nuage, je ne saurais dire qui était le plus juste, mais une chose était sur, il neigeait. Le froid avait quelque chose de rassurant, une sorte de rappel à l'ordre que je ne pouvais pas ignorer. Une douce danse pouvant s'abattre sur vous sans que vous ne puissiez la repousser. Elle me remercia alors d'avoir pensé à elle pour aujourd'hui, cela lui faisant vraiment plaisir de me voir. Souriant doucement, je la pris dans mes bras un instant avant de lui embrasser la joue. Quinn était peut-être la seule personne de confiance ici, la seule personne vers qui je pouvais me tourner en étant moi-même. La seule personne vers qui j'avais envie d'aller. Je savais très bien que derrière ses sourires se cachait un sentiment plus complexe. Un sentiment qu'elle ne voulait pas exprimer. Je ne la connaissais pas assez pour pouvoir lire entre les lignes, mais je savais au moins comment elle fonctionnait sur certains points.

« J'avais besoin de ma Quinnie pour vivre ! Tu manques tellement à mes journées ! »

Ce qui était vrai, je ne pouvais pas me retourner, pour la voir. Elle était plus jeune que moi de quelques mois, mais j'avais l'impression d'avoir une petite soeur bien plus jeune. Elle était un éclair d'innocence terni par la vie qui continuait toutefois de rayonner. Elle me demanda alors ce que je voulais faire, me donnant alors une liste des choses improbables mais déjà faite par nos soins, elle finit par m'arracher un nouveau sourire franc.

« Huuuum, il y a suffisamment de neige pour une bataille ! On en fait une en visant les gens autour ? »

Déclarais-je en jouant faussement une cruche. Les filles avaient les réputations de mal viser, et bien que je doute que l'on soit si nul, viser volontairement les gens pressé avec leurs cafés était jouissif, même si cela devait nous attirer les foudres de quelques personnes, ou entrainer des courses poursuite. L'avantage de ne rien posséder, c'était bien de considérer chaque chose comme un plus et donc, quelque chose loin d'être vitale.

C'est fou comme la voir de visu comme ça, ça peut me réchauffer le cœur. Je savais que je m'étais attachée à elle mais c'est que maintenant, alors que je la vois carrément moins qu'avant, que je m'en rends vraiment compte. Oh, au lycée, je ne suis plus vraiment toute seule. Visiblement, on m'a prise en affection et je mange avec des filles le midi. Elles suivent les mêmes cours que moi et t'en as même une qui est pompomgirl. Autant dire que c'est la classe il parait Et pourtant, ça remplacera jamais Aleks. Parce qu'elle est vraie, qu'elle fait pas semblant d'aimer les gens juste parce que c'est ce qui se fait, qu'elle cache peut-être ce qu'elle ressent parce que c'est trop compliqué à gérer mais ça se voit que c'est une fille bien.

Et je sais que je peux compter sur elle. Elle est importante pour moi mais je sais même pas si elle se rend compte à quel point. Pas parce qu'elle m'a accueillie à sa table de déjeuner quand je suis arrivée, même si ouais, ça joue évidemment, mais parce qu'elle m'a prouvé que je pouvais être vraiment bien avec quelqu'un d'autre que Luka. Alors que je pensais pas que ce serait possible. Et là je la fixe, le cœur gonflé de tous ces trucs que je peux pas lui dire parce que je saurais pas où commencer, et que je suis pas sure qu'on soit faites pour ce genre de guimauve toutes les deux, le regard brillant alors qu'elle me répond exactement ce que j'avais envie, besoin d'entendre. Sans même que j'ai besoin d'attendre quoi que ce soit de sa part. Elle est juste parfaite.

"T'imagines pas à quel point ça me fait plaisir de t'entendre dire ça en fait. Des fois j'ai peur que tu oublies l'insignifiante gamine qui te collait aux basques au lycée."

Oh je dis ça sur le ton de la plaisanterie mais j'ai quand même peur. Pas qu'elle le fasse exprès mais après, je suis là dans sa vie depuis quoi, six moi ? Ce serait normal qu'elle tire un trait sur moi comme sur le reste. Même si ça me ferait très mal, je comprendrais. Mais j'ai pas envie de lui prendre la tête sur ça ou sur quoi que ce soit d'autre. Elle a besoin de se changer les idées, ça se voit et ça, je sais faire. Enfin j'ai toujours des idées totalement farfelues et on fait toujours tout et n'importe quoi quand on est ensemble. C'est ça qui est cool. De pas se prendre la tête ou se demander si ça se fait ou pas, si c'est bien vu ou pas. Ce genre de trucs dont on se moque totalement en fait.

Mon visage s'illumine à sa réponse et je regarde autour de moi, me faisant pensive quelques secondes.

"Oh regarde là-bas, derrière la haie. On peut se faire un fort et préparer nos munitions. Mais genre on est dans la même équipe ou pas ? Parce qu'on peut faire un duel aussi et la perdante devra faire des crêpes à l'autre ! Luka a ramené plein de trucs d'ailleurs, faudra que tu viennes manger avant que tout soit périmé. Parait que même un estomac sur pattes comme moi arrivera pas à tout engloutir d'ici demain. Bref… Duel ou pas ?"

Ouais, je parle beaucoup, je sais. Et je devrais respirer entre mes phrases. Mais ça m'arrive souvent ça, quand j'ai trop de trucs qui se bousculent, y a tout qui sort d'un coup. Et pas toujours dans le bon ordre d'ailleurs. Des fois, c'est pas pratique. Alors je la fixe, guettant sa réaction, dansant d'un pied sur l'autre alors que je me rends que oui, il commence à y avoir plein de neige. Et que c'est super ça.

Même si le ton prêté à la rigolade, je ne pouvais pas faire autrement que sourire, doucement certes, mais avec toute la chaleur qu'elle pouvait m'apporter. Je ne pouvais pas oublier une fille comme elle, une fille loin d'être insignifiante au passage mais allez lui dire. Elle était faite du même matériau que moi et je n'étais pas certain qu'elle accepte si facilement ce genre de mot. Bien qu'il soit réel et pensé. J'aimais énormément cette fille, elle avait été depuis six mois, une dose de bonheur, d'énergie et un second souffle que je ne pouvais pas ignorer. Alors en guise de simple réponse, je m'avançais vers elle pour la serrer dans mes bras. Loin de moi l'idée de lui faire un long discours sur l'attachement que je lui portais, mais un geste pouvait lui dire, lui faire entendre cette raison. En vient alors le sujet de notre après midi. Une bataille de boule de neige en prévision, elle finit par repérer un spot qui pourrait être intéressant si nous faisions équipe, mais le but était de faire des victimes, en plus de nous non ? Elle m'arracha un nouveau sourire lorsqu'elle commença à parler de nourriture. C'était littéralement un estomac sur patte cette fille.

« Peux-tu tenir une conversation sans parler de nourriture ? »

Demandais-je dans un sourire avant de m'éloigner de quelques pas. Il était temps de déclarer la guerre hivernal.

« Duel ! Et pas de quartier !!! »

Commençant à courir dans la neige, j'avais quelques difficultés pour tenir debout, le sol avait gelé par endroit, mais rien d'assez fort pour m'arrêter. M'abaissant pour faire une boule, je me retournais pour la lancer sans regarder devant moi et… Headshot ! Dommage que Quinn est bougé et qu'il s'agisse du visage d'une vieille dame à la place. Criant une excuse, je partis en courant une nouvelle fois pour rejoindre le fameux fort, pas encore construit. J'avais bien commencé ma journée moi. Sortant la tête de la haie, je regardais avec précaution autour de moi l'arrivée possible de Quinn, tout en faisant des boules de neige. Je sens que mes gants n'allaient pas faire long feu, mais pas grave, j'aurais des minutions. En parlant de munition, quelque chose me disait que si elle arrivait derrière moi, je ne saurais pas la voir venir.

Je sais, je devrais pas me prendre la tête, ou plutôt lui prendre la tête, avec ce genre d'interrogations. Parce que bon, elle a bien assez à faire avec tous ses problèmes déjà pour en plus supporter mes états d'âme. Surtout que si elle veut m'oublier, elle le fera. Je suis pas du genre à aller chercher les gens, j'ai déjà eu du mal à me faire des amis… bon, soyons honnêtes, mis à part Aleks devant moi, des amis, j'en ai pas des masses. Enfin, maintenant je peux avoir plusieurs noms dans une liste qui avant n'était composée que de Luka. Qui avait disparu de ma vie pendant deux ans. Tout ça pour dire quoi au juste ? Ah oui, que si elle veut plus de moi, si elle n'a plus de temps pour moi, je ferais avec. Même si ça me ferait de la peine, je le cache pas. Beaucoup même. Enfin, ça a pas l'air d'être le cas pour le moment non ? Vu qu'elle a l'air vraiment contente de me voir. Et ça c'est chouette. Trop trop chouette même.

Et d'un coup, je me dis qu'il faudrait que je lui avoue tout, qu'elle sache pourquoi je suis comme ça, ce qui cloche chez moi. Même si j'aurais peur de sa réaction, ce serait lui montrer à quel point j'ai confiance en elle. Je me mordille la lèvre avant de me dire que je vais demander à Luka si je peux. Après tout, Zak est au courant, moi aussi j'ai le droit d'en parler à la personne la plus proche de moi à part lui non ? Ou pas. Bref, c'est trop compliqué pour moi et je préfère me focaliser sur l'instant présent. Ca c'est mieux. La neige qui tombe sur mes cheveux emmêlés, cette odeur de froid si caractéristique qui flotte dans l'air et Aleks, ses cheveux flamboyants et son sourire qui me réchauffe le cœur. Voilà ce qui est important là tout de suite.

Je pouffe de rire à sa répartie et je fais mine de réfléchir, me tapotant le nez du bout du doigt.

"Euh… bin maintenant que t'en parles, en fait non. Mais des fois je suis plus subtile. Enfin je crois. Sauf quand ça parle de fromage ou de crackers. Là, j'avoue, je suis fichue."

Je la vois pas s'éloigner de façon vile et fourbe vu que je suis plongée dans des pensées super prenantes. Ouais, je le fromage c'est important quoi. Si Luka était là, il serait mort de rire. Et BIM je me prends une boule de neige en plein sur le nez. Je laisse échapper un cri de surprise et je lâche, avec un rire joyeux.

"Haaaan ! T'as même pas euh… dit partez ! C'est de l'antijeeeu !"

C'est pas dans les courses qu'on dit ça ? Bon, on s'en fiche, vu que là, faut que je me ressaisisse. J'attrape de la neige que j'essaie d'entasser et j'en fait une jolie boule bien ronde. Et je cours en direction d'Aleks, riant aux éclats avant de lui lancer. Je tiens à dire que je suis particulièrement fière de moi parce que j'arrive à la toucher à l'épaule. Mais je m'écroule lamentablement sur le sol, après avoir glissé sur une plaque de verglas. J'atterris sur les fesses mais je ramasse de nouveau de la neige, prête à l'attaquer de nouveau. Non mais, je vais pas la laisser gagner d'abord !

Un rire franchit la barrière de mes lèvres lorsqu'elle me reprit sur le fait qu'elle savait être subtile, du moins elle le croyait, du moins tant que cela ne touchait pas le fromage et les crackers. Elle s'avouait souvent vaincu à ces moments là. Combien pouvions-nous parier sur le fait qu'elle avait justement pensé à ça là maintenant et qu'elle venait de se donner faim ? Profitant de ses réflexions pour reculer et préparer une attaque je la touche avant de faire une victime collatérale. Entendant durant ma course Quinn m'affirmer que je n'avais pas dit partez et qu'il s'agissait alors d'anti-jeu. Non, il fallait y voir un partez imaginaire. Me courant dessus, elle réussit à me toucher à l'épaule avant de s'écrouler sur le verglas lamentablement. Me moquant d'elle, je tends un doigt vers elle, riant au larme avant de souffler.

« C'est là qu'on reconnait les filles du nord ! Ça tombe pas ! »

Lui targuais-je avant de la voir reprendre de la neige en comptant en découdre à nouveau avec moi. M'abaissant pour en faire de même, je lançais mes minutions, me loupant royalement avant de glisser à mon tours, tombant sur le dos, mais fort heureusement dans la neige, du coup pas vraiment de grande blessure à déplorer. Juste l'égo en ayant prit un coup sans doute. Ou le Karma m'ayant rappelé son existence. Me redressant, de la neige plein les cheveux, je repris.

« On oublie la phrase d'avant ? »

J'avais pas su la toucher et en plus je m'étais jeté dans tellement de neige qu'on aurait pu penser que je venais d'en prendre un bain. Ça comptait bien pour quinze ou vingt boules de neige pour elle. Au moins. Mais au moins on s'amusait, il y avait de quoi nous amuser, de quoi se moquer, avec amour certes, mais tout de même. Ça faisait du bien d'être avec elle, franchement beaucoup de bien.

Bon ok, j’avoue, penser au fromage, ça m’a donné faim. Luka dit que je suis un estomac sur pattes et qu’il pige pas comment je fais pour pas grossir vu tout ce que j’ingurgite. Mais moi je me dis que c’est tous mes tocs et ce qui cloche chez moi qui mangent le surplus. Genre comme des petits gloutons cachés un peu partout dans mon corps, voyez le genre ? Je nourris mes angoisses quoi, un truc dans le genre. Donc ouais, vu que j’en ai des tas, bah j’ai souvent faim. Tout le temps quoi. J’ose même pas imaginer le budget bouffe de la maison mais ça expliquerait pourquoi on change pas l’aspirateur alors qu’il commence à faire de la fumée quand je m’en sers.

Et oui, je me perds encore dans mes pensées mais ça, c’est habituel à force. Sauf que là, Aleks en profite pour prendre l’ascendant et pour commencer à marquer des points. Enfin, on note les points ou pas ? Je sais plus. Bref, on s’en fiche, elle est plus douée que moi pour viser en tout cas, c’est une certitude. Je fronce les sourcils alors que je me relève tant bien que mal et qu’elle est en train de … ouais de se moquer de moi. Non mais. Je suis outrée, tout ça.

"Heeeey ! Je suis du nord moi ! Bon pas tant que ça mais déjà vachement plus au nord que Savannah ! Ta théorie elle est tout pourrie na !"

Oui, je suis très mature, je sais. Et d’un coup, je me demande si elle sait d’où on vient. Ou plutôt quel bobard on a dû lui balancer. J’avoue qu’à force, j’ai du mal à suivre un peu. Même si globalement, on raconte toujours la même chose aux gens. Même famille d’accueil, parents adoptifs morts, blabla. Et vu qu’elle m’a pas vue avec mon plâtre, qu’on se connaissait pas encore quand j’avais le cou gonflé et un œil au beurre noir, c’est plus facile à faire croire comme histoire.

Je retrouve le fil de mes pensées quand je la vois s’étaler à mes pieds. Et je la toise, bras croisés avec une tête de gagnante. Ou un truc dans le genre.

"Ah ! Bien fait ! Et de quelle phrase d’avant tu parles ? Celle où tu disais que je suis tellement trop classe et tout ?"

Et là, je me penche pour faire rapidement une boule de neige. Avant d’hésiter un instant. Parce que bon là, elle vient de prendre plus cher que moi. Même si j’ai mal aux fesses et que je vais surement avoir un bleu, elle, on dirait qu’on lui a mis la tête la première dans un  tas de neige. Donc ce serait bien trop facile.

Alors, je lui décoche mon plus beau sourire avant de la lancer. Et bim ! En plein dans le nez.

Vite, fuyons.

Le nord de Savannah ? Quelle répartie dit donc. Je réalise bien rapidement que je ne sais pas grand chose d’elle dans le fond, après, ce n’était pas trop des choses qu’on se disait de but en blanc. Et puis cela ne faisait quelques mois qu’on se connaissait. Elle ne savait même pas un quart de ce qui avait pu m’arriver, comme je ne savais pas un quart de ce qui lui était arrivé. Le temps nous ferait sans doute parler, mais pas pour le moment.

« Le vrai nord ! L’Alaska madame ! »

Et non pas une ville random. Une vrai ville de froid, l’Alaska, le pays des rennes ! Bref. Je reprenais ma place dans cette bataille avant de m’éclater lamentablement par terre. Fort heureusement, il y avait eu de la neige, et la mort ne fut pas au rendez-vous, mais j’avais l’air fine à présent. Surtout que j’avais un peu trop fait ma maligne avant. Serait-il possible d’oublier ? Visiblement non. Elle se tira toutefois une balle dans le pied en me demandant qu’elle phrase, avant de parler de celle ou je disais qu’elle avait trop la classe. Ahah, donc on l’oublie c’est ça ?

« On oublie que t’es stylé ? Donc t’es nul ? »

Mais pas le temps d’en dire plus que je me retrouve avec une boule de neige en pleine face. Secouant la tête je la vois déjà fuir au loin. Me redressant, je me remets en chasse, courant cette fois si dans la neige avec un style de plus en plus bancale. La neige tombait fort aujourd’hui, c’était ce que j’appréciais le plus. Prenant des munitions au passage, j’en lançais aléatoirement devant moi, au point de toucher quelques passants pas content. Je finis par la rattraper, lui sautant dessus pour nous faire atterrir dans la neige, je lui lançais le plus de neige que je pus. Un peu comme dans une piscine, quand on tente de mouiller quelqu’un.

« On fait moins la maligne ! »

Concluais-je à bout de souffle. Je m’en foutais presque autant sur moi que sur elle. C’était ridicule.

Des fois, j’essaie d’imaginer sa tête si je lui racontais tout. Je me dis qu’il y a deux options, soit elle me prend dans ses bras en me disant que tout va bien, soit elle se barre en courant parce qu’elle a peur par rapport aux flics, aux faux papiers, au kidnapping, ce genre de trucs, soit elle fait comme si de rien était pour éviter que je me sente trop pathétique. Ah oui, tiens, ça fait trois options ça. Bref, je sais pas comment elle pourrait réagir et ça me fait encore plus peur que le fait qu’elle puisse contraire notre secret. Oui, je sais, c’est super bizarre dit comme ça, mais je veux juste pas la perdre.
Mais là, tout va bien, je vais pas me prendre la tête pour rien hein. Alors je la fixe, les yeux écarquillés de surprise.

"L’Alaska ? Sans déconner ? Mais c’est au bout du monde ça ! Comment t’as atterri ici ! T’as déjà vu des rennes ? Et des ours polaires ? Et des esquimaux ? Ah non, attend, c’est pas là-bas, je me goure… Alors que moi bin… je viens de Blacksburg en Virginie. Dans le genre, le plus trou paumé du monde, tu te poses là. Mais c’est genre vachement moins loin quoi."

Bon, au final, elle a beau venir du grand nord et moi pas, je m’en sors honorablement mine de rien. Bon, je crois que j’ai presque autant de neige qui essaient de s’insinuer sous mes fringues que dans mes cheveux mais sinon, je gère totalement. La grande classe. Tout ça.

"Haaaan ! Comment tu retournes mes phrases et tout pour en faire n’importe quoi. Je suis scandalisée ! T’as très bien pigé ce que je voulais dire. J’ai trop la classe et pas toi. Et toc."

Je m’en fiche, je me suis vengée. Et j’ai de nouveau l’impression d’être une gamine, enfin encore plus d’habitude quoi. Sans prises de tête, sans tous ces tocs qui me pourrissent la vie. Sans ces frayeurs qui font que j’arrête pas de me demander si je vais réussir à gérer la journée qui va suivre. On s’amuse juste et y a que ça qui compte. Je ris à gorge déployée, sans la moindre retenue et ça fait un bien fou. Quand bien même je vais surement finir avec le rhume de l’année. Il commence à sacrément neiger en plus mais c’est super chouette. Faudra que je pense à sortir avec l’appareil tiens, ça pourrait faire des trucs pas mal.

Et là, c’est le drame. Enfin, le déluge de neige. Je sais pas comment elle fait pour en amasser autant d’un coup, mais je me fais bombarder dans tous les sens, les gens aussi d’ailleurs mais je fais même pas attention tellement j’essaie plutôt de ne pas avaler trop de neige parce que je ne fais que rire que plus belle.

"Tu fais pas trop la maligne non plus je te signale ! Et on a le droit de demander un temps-mort ? Genre comme dans les matchs de foot ou je sais pas quoi ? J’ai besoin de respirer avant de mourir pour de bon !"

Mais non, j’en fais pas trop, c’est juste une impression trompeuse.

Ok, l'Alaska c'était loin par rapport à là ou elle venait. Mais ce n'était pas non plus le bout du monde. Quoi qu'il en soit elle était passablement nul en positionnement et en géographie. En logique en fait. J'allais bien évidemment éviter de signaler pourquoi j'avais fini ici, j'avais déjà du mal à pas y penser et a garder le sourire, ce n'était pas pour en rajouter. Je préférais garder certaines choses pour moi. Quoi qu'il en soit elle avait dit suffisamment de connerie pour que j'élude certaines question.

« J'ai vu des rennes, plein ! Et des ours aussi, mais pas polaire, c'est plus haut aussi. »

Jouant sur les mots, j'avais retourné une phrase contre elle sans le moindre scrupule et c'est avec un sourire aux lèvres que je la voyais le souligner. Elle se vit même obligé de redire clairement ses dires. J'avais donc gagné ! Haussant un sourcils, un sourire aux lèvres avant de passer réellement à l'attaque. Lui lançant plein de boules de neige pour la faire taire en soit. Même si les rires qui s'échappaient de nos gorges étaient les meilleures sons au monde. Elle avait toutefois raison, je me faisais autant de dégâts qu'à elle. Je sentais très clairement la neige glisser dans ma nuque. Elle réclama un temps mort, contre lequel  je n'aurais rien à redire en soit. J'étais épuisé, à bout de souffle. Me laissant donc tomber dans la neige en guise de première réponse, je verbalisais rapidement ce que j'en pensais.

« J'accepte, mais je t'aurais un jour ! »

Déclarais-je dans un sourire avant de me laisser tomber en arrière. Les bras dépliés sur le sol.

« Ca fait vraiment du bien de t'avoir avec moi ! »

Ajoutais-je en toute sincérité. Elle me permettait de souffler un bon coup en toute honnêteté.

Je me demande si elle aussi a fui quelque chose. Ce serait pas étonnant vu comment elle est secrète sur tout ce qui peut la toucher de près. Et, clairement, c’est pas moi qui vais insister pour savoir exactement comment elle s’est retrouvée à Savannah. Parce que j’aimerais pas qu’on fasse de même avec moi, que je saurais même pas quoi lui répondre. Mentir aux autres, aux gens que je connais pas, c’est simple, ça devient même facile. Mais elle, c’est pas pareil. Et lui dire la vérité est exclus, pas tant que j’en ai pas parlé à Luka en tout cas. J’ai confiance en Aleks, c’est certain, mais j’ai pas envie de faire des trucs dans le dos de celui qui m’a sauvé la vie. Alors je laisse ça de côté et je plisse des yeux en direction de la rouquine, pas convaincue.

"Genre… je parie que t’essaies de m’arnaquer et qu’en vrai t’as jamais vu de renne. Et tu t’es retrouvée avec un ours dans ton jardin et tout ?"

Bon, pour ça il aurait fallu avoir un jardin. Mais c’était mon cas avant, j’avais même une petite cabane où j’allais me cacher quand il était de mauvaise humeur ou qu’il venait de cogner un peu trop fort. C’est fou le temps que j’y ai passé quand Luka est parti. A cette pensée, je fronce les sourcils avant de me focaliser sur cette folle bataille de boule de neiges. On finit à bout de souffle, les joues rouges et je me dis que si je suis aussi échevelée qu’elle, on doit faire un sacré tableau. J’ai manqué de crier pouce mais je me suis retenue et j’ai demandé un truc un peu plus élaboré. Ouais temps-mort, ça fait un peu plus classe quoi. J’inspire longuement, histoire de reprendre mon souffle et je peux quand même pas m’empêcher de faire des petites boules de neige, juste au cas où, alors qu’on est en train de se geler les fesses installées comme ça par terre. Je vois Luka faire les gros yeux d’ici et je peux pas m’empêcher de pouffer à cette idée.

"Tu te fatigueras avant. Je sais que t’es tenace mais je suis pire que la pire des sales gosses dans un moment pareil. Et surtout, tu seras dans le même état que moi, on saura jamais qui a gagné. Ce serait dommage, sans compter que Luka fera une attaque en nous voyant toutes les deux. Sinon, on a qu’à faire un stock et le bombarder quand il arrive. Genre coalition, trêve entre nous et tout et tout."

Je lui jette un regard, lui souriant largement quand elle reprend la parole.

"C’est pareil pour moi tu sais. On devrait faire ça plus souvent. Pas les batailles hein, mais s’échapper un peu toutes les deux pour oublier tout ce qui va pas."

Elle en a carrément plus besoin que moi. Perso, je peux rentrer et le fardeau que j’ai l’impression d’avoir sur les épaules est rangé avec mon manteau et mes bottes alors que je me roule en boule sur le canapé. J’ai pas à jouer mon rôle tout le temps alors qu’Aleks, c’est pas pareil. Et j’aimerais bien pouvoir l’aider.

« Tu me crois pas ?! J'en ai vu plein des rennes ! J'habitais le long d'une forêt ! Mais jamais d'ours dans le jardin, juste sur la toute parfois. »

Déclarais-je avec une pointe de fierté. Même si la ville n'était qu'une ville étape ayant vu plusieurs drame s'y passer, je ne pouvais pas oubier les longues journées à me promener en pleine nature. Pas plus que les milliers de dessins que je pus faire pour m'en souvenir. La bataille nous avait bien mit à genoux, la fatigue faisant, elle réclama une pause que je remis en doute, avant de l'accepter, me laissant tomber lourdement pour retrouver mon souffle. Je doutais de fatiguer avant elle, j'avais de la ressource, ok j'étais moins nourrit qu'elle, mais ce n'était pas pour autant que je ne pourrais pas lui faire manger de la neige. Lorsqu'elle parla de Luka, je ne pus retenir mon rire. Il lui aurait déjà sauté dessus avec une couverture avant la réprimander, non sans lui faire un chocolat chaud en même temps. Elle émit alors l'hypothèse de se préparer dans l'éventualité ou Luka arriverait afin de lui faire manger de la neige. Le tout sous couvert d'une alliance.

« Deux possibilités, soit ils nous tuent, soit ils nous battent, dans les deux cas niveau égaux c'est pas ouf ! »

Ajoutais-je en rigolant avant de redevenir sérieuse et de lui confier que la voir me faisait du bien. Il en était de même pour elle, et même si j'aimerais faire ça plus souvent, j'étais malheureusement en face d'une réalité, à savoir celle de l'état de mon frère. Je ne pouvais pas ralentir, les factures étaient déjà trop importante. Quelque soit le temps que je passais avec elle, j'avais l'impression d'oublier, de redevenir une adolescente, juste une adolescente. C'était plaisant.

« Je pensais pas dire ça un jour, mais le lycée me manque. »

Les gens, les cours, le fait d'être normal, noyé dans une masse en n'ayant que des problèmes simples. J'aimerais être une adolescente comme les autres mais c'était impossible.

« Il doit bien y avoir deux ou trois ragots intéréssants à savoir non ? »

Demandais-je alors avec un intérêt non dissimulé. Je voulais savoir. Je m'étais même redressé pour ça.

Je fronce le nez alors qu’elle fait son offusquée et j’ai un haussement d’épaules.

"Si, bien sûr que si. C’est juste que c’est trop cool en fait. Moi sorti d’écureuils fous qu’il faut bombarder à coups de curly pour qu’ils arrêtent de nous piquer des trucs, j’ai jamais vu grand-chose. Et c’est gros un ours alors ?"

Bon, ça va qu’elle parle pas de relancer le combat tout de suite. Parce que ouais, je suis pas trop du genre à vraiment faire de l’exercice donc là, autant dire que j’ai déjà épuisé toutes mes réserves. Je devrais ptet écouter Luka quand il me dit que je devrais faire plus de sport en fait. Ou en faire tout court, je suis pas sure que la séance de torture au lycée puisse vraiment être considérée comme autre chose qu’un mauvais moment à passer. Surtout quand la majorité des garçons vous matent les fesses en attendant le moment où vos bras ne seront plus assez forts pour vous aider à tenir cette fichue corde. Autant dire que moi, ça arrive souvent. Et je tombe donc. Mais à force, ça les amuse même plus vu que c’est trop récurrent pour que ce soit vraiment drôle en fait.

Je me gratte le nez, la mine pensive avant de hocher la tête.

"Ouais, t’as raison. Et en plus, il serait fichu de me priver de fromage en représailles. Et ce serait le drame, je serais obligée de me laisser mourir dans le canapé comme une loque échouée. Ce serait très très moche donc."

J’inspire doucement, profitant de ce bref moment d’accalmie, que ce soit dans notre folle bataille ou dans ma vie tout court. Et dans la sienne, probablement. J’ai jamais trop osé lui demander pourquoi elle faisait tout ça, pourquoi elle lâchait pas un peu prise pour se faire aider, sans bien trop savoir à quel niveau. Mais on a pas tous la chance d’être sauvée au bon moment. Enfin, elle est bien plus forte que moi de toute façon, elle tiendra bon. Plus que moi j’en serais jamais capable. Alors, plutôt que de l’assommer de questions déprimantes, je me contente de sourire à ses propos et de secouer la tête.

"Tu dis ça parce que t’as oublié la bouffe dégueulasse de la cantine, les cours assommants d’histoire qui te donnent l’impression que le temps s’est arrêté, les pompom girls qui s’agitent au milieu de la cour en espérant qu’on verra qu’elles sont les plus belles et les plus futées et les plus je sais pas quoi… et t’as surtout oublié la patinoire que devient la cour à cette période de l’année."

Ouais, j’adore le lycée. Ca se voit non ? Oh, déjà, j’ai arrêté de sécher les cours. Je trouve qu’en six mois, j’ai sacrément progressé. Bon, le fait d’avoir des cours enfin intéressants doit jouer. D’ailleurs, je lui en ai parlé à Aleks ? Je sais plus. Alors je fronce le nez avant de lâcher, comme si de rien était.

"Y a m’sieur Oakley qui m’a fait passer un test. Genre parce que j’étais un peu… différente ? Je pense qu’il voulait être sûr que j’étais pas totalement détraquée. Enfin, il parait que je suis plutôt douée en fait. Et j’ai des nouveaux cours depuis un mois. Maths et physiques avancés. Et je vais commencer la biologie à la rentrée. Sinon… pour les ragots euh…"

Je me fais plus songeuse avant de pouffer de rire.

"Oh, t’as l’autre abruti-là, le capitaine de l’équipe de foot. Il a grimpé à la corde et son pote a tiré sur son pantalon. On a tout vu ! Mais alors tout ! Et t’as la blonde là, tu sais, la fille d’un pasteur ou de je sais pas quoi, elle a fait une syncope. C’était marrant. Sinon Billy est en train de tomber amoureux de ma binôme de chimie je crois. Et y a un peut-être un lien avec le fait que j’ai dit que je voulais plus coucher avec lui. Parce que j’avais fini par dire oui en fait."

Je parle un peu vite là non ? Et je suis devenue un peu rouge aussi tiens. Hum. Mais je savais pas comment lui dire. C'est pas comme si c'était pas arrivé récemment et que je l'ai pas vue en tête à tête depuis mais, je sais pas, je suis pas super fière de moi quand même.

Un ours ? Fronçant légèrement les sourcils, je réfléchissais à la taille que ça pouvait avoir. Je n'avais jamais osé m'approché par peur de me faire couper en deux. D'autant que ce qu'elle avait dit avant sur les écureuils m'avait quand même pas mal déconcentré. Comment on pouvait chasser un rongeur avec des curly ? Théoriquement ça ne les attirent pas non ? Les cacahuètes ce n'étaient pas genre un truc qu'ils aimaient ? Non ? Si ? Je ne savais plus.

« Euh comme ça. »

Déclarais-je en me mettant debout, sur la pointe des pieds pour mettre ma main le plus haut possible. Attends…

« Tu voulais peut-être pas dire debout ? »

Baissant mon bras je mettais ce dernier à mi-taille. La discussion dériva alors sur Luka et ce qu'il pourrait dire, elle ajouta alors qu'il serait en mesure de la priver de fromage en représailles. Rigolant de bon coeur, je savais que le fromage était un élément primordial dans sa vie, ce qui me rappelait que je n'en avais pas mangé depuis longtemps tiens. Quoi qu'il en soit elle était bien plus dépendante à la nourriture que moi. Elle serait déjà morte en fait à ma place.

« Rassures-toi tu aura ton fromage. »

Ajoutais-je avant de lui demander des nouvelles du lycée. J'avais besoin de savoir ce qu'il pouvait s'y passer car être une étudiante me manquait vraiment. Elle m'affirma que je disais ça car j'avais déjà tout oublié. En réalité, la nourriture même mauvaise, serait déjà meilleur que ce dont je me nourrissais. Et les cours, cela voulait dire un avenir, une meilleure vie, partir de cette boucle. Le soucis de ne pas être sortie du système, c'est de ne pas voir l'importance de chaque chose. Gardant mon sourire, je ne pouvais toutefois pas penser combien cela m'était difficile d'en être loin. Je voulais retourner à l'école, mais je préférais la vie de mon frère que mon avenir. Je n'avais plus d'existence, lui si. Ne disant rien, elle reprit en disant que monsieur Oakley lui avait fait passer un teste qui révélé un intelligence avancé. C'était trop bien. Les yeux grand ouvert, je lui dis.

« Sérieusement ?! C'est trop bien ! C'est pour ça que tu t'ennuies en vrai ! »

Elle reprit en expliquant un autre truc qui me fit bien rire. Les choses ne changeait pas, mais je manquais de m'étouffer lorsqu'elle parla de Billy. Attends quoi ?! Elle ne voulait plus ? Redevenant sérieuse, je lui dis.

« Non, mais quoi ? Depuis quand vous faisiez… Enfin ?! »

Ouais le reste je m'en fichais pas mal au final. Mais le fait quelle. Enfin c'était pas un bébé, mais enfin, je sais pas, elle avait dit beaucoup trop vite, j'avais besoin d'en parler calmement.

Je pouffe de rire quand elle se met debout pour mimer un ours, secouant la tête, le regard pétillant. "T'es super douée dis donc pour les imitations. Je suis vraiment impressionnée. Manquait quand même le grognement hein. Mais ça m'a donné un bon aperçu." Je fais mine de me faire plus sérieuse quand on parle de Luka et des représailles qui nous attendent si on prend trop de risques. D'autant que je le connais, il va avoir ramené plein de supers bon trucs à manger du resto, donc je pourrais nourrir Aleks un peu. J'ai l'impression qu'elle devient un peu plus transparente un peu plus à chaque fois que je la vois. Mais c'est peut-être un sentiment trompeur, ou je m'inquiète pour rien.

Je fronce les sourcils, pas convaincue avant de lâcher, avec une moue pensive. "Moui. Au pire, je lui ferais les yeux de chat potté, ça marche tout le temps avec lui, il arrive pas à tenir plus de deux minutes."

On finit par parler du lycée et des nouveautés. Pour le coup, je trouve pas grand-chose à raconter, des trucs cools quoi. Les premiers trucs sont des banalités, ces trucs de lycéens qui me touchent même pas mais qui doivent la rendre nostalgique. Sauf que je me rends pas vraiment compte vu que j'ai pas conscience de l'impact que ça peut avoir pour elle. J'en connais plein qui seraient ravis de ne plus mettre les pieds au lycée et, autant être honnête, ça a été mon cas pendant quelques temps. C'était dur d'y remettre les pieds, d'affronter le monde, de me dire que j'y avais ma place. Et puis, au fil des jours, j'ai fini par m'y faire. Par me dire que je pourrais peut-être arriver à faire quelque chose. Aleks y est pour beaucoup et y a pas un jour où elle me manque. Mais je vais pas lui dire comme ça, c'est pas très cool, surtout que ça a l'air de lui manger.

Je hoche la tête, esquissant un sourire à ses propos. "Ouais c'est pour ça que je m'ennuie et que je… ah oui, je souffre d'un déficit de l'attention. Parce que ça m'intéresse pas. Mais là y a des trucs cools, j'ai même du mal à tout piger du premier coup. Donc je lis plein de bouquins, je passe des heures à la bibliothèque et tout. J'oublie même que je me sens pas toujours à ma place."

Et je baisse les yeux, un rien mal à l'aise avant de hausser les épaules. "On l'a pas fait plein de fois hein. Juste deux… et demi. Et à la deuxième Luka est entré dans la chambre sans frapper, c'était hyper gênant. M'enfin, c'était juste par… curiosité. Ouais, je sais, c'est pas le genre de trucs qu'on fait pour ça, mais ça se saurait si je fonctionnais pas de travers." Surtout que bon, c'était pas vraiment le pied hein.

Elle m'arracha un sourire de plus, elle était définitivement bien trop douée pour me faire oublier ce qui me rongeait depuis des années. Plus douée que mes propres imitations sans doute. Mais je n'allais pas la contre dire, elle vivait déjà avec la peur, que dis-je l'angoisse de voir Luka lui tomber dessus. Bon en fait elle n'avait peur de rien, il était bien trop attaché à elle pour levé la voix et il ne réagirait que si elle venait à se mettre vraiment en danger. Sa technique pour l'amadouer me plaisait toutefois assez bien, je le voyais presque hésiter en l'entendant s'expliquer. Je donnerais cher pour voir ça entre nous.

« Qui pourrait te résister aussi ? »

Déclarais-je en devant avouer que je ne serais pas bien franche en la voyant ainsi. La conversation dériva alors sur le lycée, et en apprendre autant me faisait du bien, j'avais l'impression de ne pas avoir briser mon avenir. D'avoir encore quelque chose à faire à prouver, à démontrer. Comme une chance de pouvoir un jour y retourner si mon père venait à se réveiller. Elle m'informa alors qu'on avait trouvé quelque chose à son sujet, faisant d'elle une surdoué qui suivait des cours avancés. Elle ajouta alors qu'ils venait de lui trouver un déficit de l'attention, non sans blague ?! Personne n'aurait jamais pu se douter de cela. Personne. Elle avoua alors avoir bien du mal à tout comprendre du premier coup, mais qu'elle travaillait beaucoup à côté pour rattrapé ce détail. C'était une bonne chose qu'elle s'investisse autant, elle allait aller loin, j'en étais sure.

« Tu passes des cours que tu survoles à des trucs plus dure, c'est normal d'avoir besoin d'un livre ! »

Déclarais-je pour l'encourager avant de la ramener sur terre.

« En revanche pour les troubles de l'attention, je pense qu'on était tous au courant va. »

Toutefois j'avais tiqué sur un dernier point et elle sembla gêné, justifiant qu'elle n'avait pas franchit le cap super souvent. L'anecdote avec Luka aurait pu me faire sourire si je n'avais pas eu des expériences aussi catastrophique. Faire quelque chose par curiosité. J'avoue que si ma situation avait été différente, j'aurais sans doute agis comme elle, mais c'était différent. Me pinçant les lèvres, je repris mal à l'aise à mon tours.

« Fais attention à toi, ne fais pas juste ça pour t'amuser ou par curiosité… Fais le avec quelqu'un qui en vaut vraiment la peine. »

Quelqu'un qu'elle aimait assez sur le moment. Ce n'était pas un jeu.

Elle a un joli sourire Aleks. C’est dommage qu’il soit un peu éteint et qu’il se fasse de moins en moins présent. Je me retiens une fois de plus de la serrer dans mes bras parce que bon, techniquement, j’ai pas vraiment de raisons de le faire en fait et elle trouverait ça louche. Alors je me contente de sourire avec malice, même si je hausse les épaules, dans un élan de modestie. "Nan il me résiste des fois. Quand je veux ouvrir un 3ème paquet de crackers ou quand il trouve que je vais bientôt rouler au lieu de marcher. Impossible de le convaincre dans ces moments-là, même en le menaçant avec Mitaines, c’est dire." Je fronce le nez à cette pensée avant de me focaliser sur elle de nouveau. Je sais, j’ai un peu de mal à garder mon attention fixée sur un seul truc. Mais c’est pas facile en même temps. Vous savez, quand vous avez un trop plein d’idées, d’envies, de trucs à voir, à dire ou à découvrir, c’est compliqué de savoir organiser les choses dans sa tête. En tout cas moi, j’ai du mal.

J’ai quand même une grimace avant de rétorquer, la mine un rien pensive. "Ils ont proposé que je suive des cours cet été. Des trucs préparatoires pour la fac. J’sais pas trop. Si c’est payant ça serait trop galère pour Luka, il va encore bosser comme un taré pour me les payer. Faut que je me renseigne avant parce que si c’est le cas, vaut mieux qu’il soit pas au courant. Bref… tu vois l’idée ?" J’ai une moue avant de reprendre, d’un ton plus léger. "Et ouais, je pige pas tout du premier coup. C’est cool en fait. Et j’ai arrêté de sécher les cours donc." Je laisse filer un rire au reste de ses propos, prenant quand même une mine offusquée, par principe.

"Héééé ! Je suis pas SI distraite que ça quand même ! Je me soigne. Un peu. Mais y a toujours trop de trucs à voir, à entendre. Comment tu veux que je me focalise que sur une seule ? T’y arrives toi peut-être ?" Je l’ai déjà dit ouais, c’est vraiment mon plus gros problème. Bon, un de mes problèmes quoi… S’il y avait que ça la vie serait bien plus facile quand même. Je pique du nez quand elle reprend, pas franchement à mon aise, avant de souffler, d’un ton penaud. "Le seul qui en vaudrait vraiment la peine est… enfin ça l’intéresse pas. Et je voulais comprendre pourquoi tout le monde en fait un tel foin. Et pour tout t’avouer, j’ai pas eu de réponse. Même si Billy avait l’air super content." J’arque un sourcil, dubitative. C’est bien pour ça que j’ai pas vraiment envie de recommencer. Evidemment, je me demande si avec Luka, ce serait différent. Mais bon, c’est pas comme si je risquais de l’apprendre de toute façon. Alors pourquoi me poser ce genre de questions ? Je secoue la tête et je fixe Aleks, lui décochant brusquement mon plus beau sourire. "Bon, si on rentrait se réchauffer, manger et voir à quel point Luka peut résister à notre charme ravageur ?" Ou un truc dans le genre quoi.

Quinn était du genre bien trop mignonne pour qu'on lui dise non. Une simple question, ou demande et l'on finissait inexorablement par dire oui. Mais Luka avait de toute évidence bien plus l'habitude que nous, et il savait visiblement lui dire non. Notamment sur la nourriture. Et quelque soit ses stratagèmes, elle n'arrivait pas à le faire craquer. Sa remarque sur Mitaines m'arracha d'ailleurs un sourire que je n'eus aucun mal à exprimer. C'était tout simplement elle. Quoi qu'il en soit, on lui avait proposé de suivre des cours d'été, mais elle ne savait pas trop, elle ne voulait pas épuiser Lucas si jamais c'était payant. En même temps, si cela pouvait lui conduire à une carrière brillante. Il ne fallait pas réfléchir bien longtemps. Il fallait foncer et oser les choses, même si cela voulait dire de se restreindre un peu plus.

« Luka serait content de le faire, et vois ça juste comme une partie remise, avec ton niveau tu pourras faire ce que tu veux et tu pourras lui rendre plus facilement ce qu'il aura fait pour toi. Mais évites de lui cacher, il serait triste. »

Déclarais-je simplement. Luka était un gars bien, il saurait s'en arranger. Quant à son attention, je pouvais affirmer comme bien d'autre avant moi qu'elle avait un très gros problème, ce qu'elle nia en bloc. Pas si distraite ? J'avais des doutes. Et bien qu'elle se soigne comme elle pouvait le dire, elle restait quand même une sacré tête en l'air. Quand elle me demanda si j'étais en mesure de me concentrer, je ne pus que répondre à l'affirmative.

« J'ai pas grand chose à penser tu sais, donc je sais gérer. »

Ce qui était loin d'être le cas, mais j'avais fini par focaliser sur une chose, lui, mon frère, sur son état de santé, sur le fait qu'il aille mieux, qu'il s'en sorte. Ce qui excluait pas mal de chose. Quoi qu'il en soit elle se laissa aller à quelques confidences, notamment sur ses relations personnelles. Il fallait qu'elle fasse attention, c'était bien trop important pour être négligé. Il n'y avait qu'une personne qui en valait la peine selon elle, et je savais qui, le convaincre ne serait de toute façon pas chose aisée. Quand à l'autre, il n'en valait sans doute pas la peine justement.

« Promets-moi de m'en parler avant de te laisser charmer par des beaux discours okay ? »

Ajoutais-je alors qu'elle me souriait brusquement. Rentrer pour se réchauffer ? Oh que oui. Manger, j'étais loin d'être contre vu ce que j'avais avalé dernièrement et faire craquer Luka, elle y arriverait de toute façon bien plus facilement sans moi, mais je serais juge alors. Répondant à son sourire par un autre je haussais les épaules avant d'ajouter avec un clin d'oeil.

« Si il reste la troisième boite de crackers, je suis pas contre ! »