Je crois qu'on doit parler, retrouve-moi à notre endroit.Pourquoi fallait-il que ce message de la part de Cole surgisse dans mon téléphone alors que j’estimais que c’était le pire moment pour que soudainement, il choisisse de refaire surface dans ma vie ? Je ne saurais pas l’expliquer, limite j’avais envie de dire qu’un drame de plus ou de moins, dans le cas présent, ça ne changeait plus rien, mais là, vu le caractère du message, et tout ce qui était en train de s’empiler chez moi au niveau émotionnel, c’était, en quelques sortes, la goutte de trop. D’abord, il y avait eu cette fameuse journée, où Cole était venu chez moi pour venir m’expliquer le pourquoi du comment tout s’était brusquement terminé entre nous, qui ne s’était pas terminée aussi mal que ça aurait pu, mais plutôt d’une façon qui m’avait tant troublée que je m’en étais rendue malade. Enfin, j’avais commencé à avoir des nausées que deux semaines après les évènements, mais tout avait tant tourné dans ma tête, venant me hanter au quotidien, de jour comme de nuit, que j’étais persuadée que c’était ce qui m’avait poussée à bout. J’avais pensé de la sorte pendant plusieurs jours, croyant dur comme fer que c’était le pourquoi du comment je ne me sentais pas bien et que si je me plongeais dans le travail comme je savais si bien le faire, ça finirait par passer. Alors que j’étais parvenue à me convaincre de tout cela, j’enregistrai un retard dans mes règles, ce qui ne m’arrivait jamais. Depuis toujours, malgré le stress, les emplois du temps qui ne faisaient aucun sens, j’avais toujours été réglée à la manière d’une montre suisse. Bien décidée à n’en parler à personne, j’avais fait quelques recherches liées à ces symptômes, en venant à une conclusion qui ne me fit certainement pas plaisir. Par contre, puisqu’il me fallait en avoir le coeur net, après avoir quitté la mairie, j’étais allée m’acheter un test de grossesse, décidée à le passer pour essayer d’oublier toute cette histoire, ou peut-être me plonger dans une histoire encore plus complexe, je n’en savais rien. Puis, avant même que je n’aie l’occasion de faire quoi que ce soit, ne serait-ce que de sortir le test que j’avais soigneusement caché dans mon sac à main sitôt que je l’avais payé à la pharmacie, ce message était apparu, comme si Cole avait lu dans mes pensées, comme s’il savait ce qui était en train de se tramer… Limite, je n’avais pas envie de croire que c’était vrai, parce que j’avais le sentiment que tout était un complot, pour me faire regretter ce qui s’était passé, pour me faire payer cette erreur encore une fois. Parce que la vérité était que si jamais ce test était positif, qu’une petite barre rose venait se former à côté de celle déjà existante, Cole serait le premier concerné, parce que j’étais enceinte, c’était de lui… Troublée à cette idée, il fallut que je me fasse violence pour me rendre à l’évidence que ça ne pouvait pas être possible qu’il soit au courant. Je n’en avais parlé à personne, et qu’est-ce que les gens en avaient à faire dans la pharmacie ? Rien du tout, parce que les gens n’en avaient rien à faire de qui que ce soit. Choisissant de ne pas laisser traîner le mystère longtemps, et sachant qu’il ne m’aurait pas demandé d’aller le voir si ce n’était pas chose importante, j’obtempérai, puis je lui envoyai un message lui signifiant que je serais là dans une vingtaine de minutes. Attrapant mes clés, je repartis aussi vite que j’étais arrivée, prenant la route vers la plage. Je me garai dans une rue avoisinante, puis je marchai la distance restante, m’arrêtant seulement lorsque je vis cet endroit reculé du reste du monde, notre endroit, à Cole et moi, qui n’avait pas changé. Ne souhaitant pas être aux prises avec la nostalgie, je ne m’installai pas de quelconque façon, me contentant de considérer les environs en attendant l’arrivée de Cole, espérant de tout coeur que ce n’était pas une mauvaise blague et que j’étais en train de perdre mon temps et surtout mon énergie avec tout cela.

Il ne me fallut pas scruter les environs bien longtemps pour reconnaître mon ex. Tout d’abord, nous étions seuls sur cette plage trop peu fréquentée à cette période de l’année et de plus, je réalisais tristement que qu’importe s’il y avait dix ou dix mille personnes autour de nous, je pourrais le connaître parmi toute une foule, à chaque moment. Tristement parce que je ne devrais pas le faire, je devrais commencer à me détacher, accepter complètement l’idée que la nuit que nous avions passée ensemble était la dernière de toutes, voilà tout. Enfin, il fallait dire que dans le cas présent, il était difficile de me réformer à cette idée, mais je me doutais bien que ce n’était pas le moment d’y penser. J’étais là, Cole également, pour une raison qui m’échappait encore et qui, pire encore, me rendait nerveuse, si bien qu’au moment où il me remercia de ma présence, je n’arrivai pas à lui répondre, me contentant de lui servir un semblant de sourire - qui ressemblait plus à une grimace en fait. Puis, avant que je puisse le presser à m’expliquer pourquoi il voulait me voir, Cole me devança, allant droit au but, tellement que ça en fut déstabilisant. Pendant un bref instant, j’eus l’impression que mes jambes allaient flancher, mais heureusement, je tins le coup, me contentant de le regarder avec un air choqué, n’arrivant qu’à balbutier dans un premier temps:  « Comment… » en réalisant qu’en fait, ce n’était pas ça l’important, ce n’était pas ce que je voulais savoir exactement. La réponse à mes interrogations, je l’avais eue; il voulait me poser cette question, ne pas le faire au téléphone ou pire, par message. Ça, je l’appréciais, même si j’aurais préféré avoir un certain recul pour pouvoir reprendre ma contenance, réfléchir à ce que je pourrais lui dire. Parce que depuis que je m’étais rendue à l’évidence qu’il y avait des chances que je sois enceinte, je n’avais nullement songé aux possibilités, à ce que j’allais faire. Cependant, compte tenu que j’avais rapidement pris pour acquis que ce ne serait pas mon genre de le lui cacher, quitte à ne rien lui demander, seulement lui faire savoir et disparaître de sa vie par la suite, je me dis que le mieux serait d’être honnête avec lui, et dans le cas présent, être honnête avec lui signifiait lui dire, franchement:  « Je n’en sais rien. »En gros, bien que j’avais mes doutes, je n’en étais pas certaine, donc pour sûr, je ne pouvais pas confirmer ou infirmer quelconque hypothèse. Et être dans le doute, dans le flou, je n’avais jamais aimé ça, donc clairement, je n’allais pas m’étaler sur quelque chose qui me faisait tant angoisser depuis plusieurs jours, et même encore en cet instant précis. Tentant de me ressaisir, je passai une main dans mes cheveux pour les repousser vers l’arrière, et me rendant compte que ce que j’avais commencé à lui dire venait me hanter suffisamment pour ne pas l’oublier, je décidai de lui demander:  « Comment se fait-il que tu me poses cette question ? » Parce qu’après tout, je n’en avais parlé à personne, alors à moins qu’il me suive, je ne comprenais pas comment il pouvait me demander une chose pareille. Enfin, sa question était légitime dans le cas présent, mais j’estimais que j’avais le droit de savoir quand même. Et puis, j’avais répondu à son interrogation, beaucoup plus dure que la mienne, alors je je jugeais qu’il était légitime que je lui pose une question à mon tour.

Par réflexe plus qu’autre chose, je roulai les yeux au ciel au moment où Cole m’avoua qu’un de ses amis m’avait vue à la pharmacie acheter le fameux test, ne pouvant m’empêcher de penser au fait que les gens, clairement, ne savaient pas se mêler de leurs affaires et que maintenant, à cause de cela, qu’importe quelle était l’intention de ce fameux Steve, je me retrouvais incapable de dire ce qui se passait à Cole moi-même, puisqu’il était au courant. D’un côté, cela aurait pu me rassurer, m’enlever un poids, mais en fait, je n’étais pas convaincue que ce soit une bonne chose d’avoir été grillée de la sorte. Ne sachant pas où m’en tenir, je choisis de ne rien dire, laissant un silence s’installer jusqu’à ce que Cole décide de reprendre la parole, en venant à me dire que qu’importe ce qui se passerait, il serait présent. Me retrouvant à le regarder dans les yeux, je ne sus pas, encore une fois, quoi en penser. Évidemment, il venait de tenir le propos que je voulais entendre depuis que j’avais compris que j’avais des chances d’être enceinte, parce que même si j’avais voulu avoir une famille quand j’étais enfant, ce n’était pas ainsi que je voulais qu’un bébé apparaisse dans ma vie. Par conséquent, de ce point de vue, j’avais vraiment envie de croire qu’il serait présent, plus que quiconque, d’autant plus que c’était lui, le père de cet enfant, sans aucun doute. Depuis que nous avions passé une nuit ensemble, voire depuis que je savais qu’il était de retour en ville, je n’avais pas su avoir quelconque relation, même si ce n’était que pour un soir. Mais ça, je ne me voyais pas l’admettre, parce que ce n’était pas le point et parce qu’au final, ce dénouement ne pouvait pas être heureux. Je le compris quand cette histoire qu’il m’avait racontée la dernière fois, sur son entreprise, puis son mariage imposé, rejoua dans ma tête, et qu’en secouant la tête, je me sentis obligée de lui dire:  « Ne me fais pas des promesses que tu ne sauras pas tenir, Cole. » J’avais tenu ces mots doucement, pas en reproche, mais en évidence, évidence que je me devais d’accepter, même si là, tout de suite, ça ne fit rien d’autre que de me faire paniquer davantage. Puis, sans trop réfléchir, j’ajoutai:  « C’est absurde, voyons. Tu vas te marier avec une autre fille, t’as une entreprise à faire tenir debout, comment parviendrais-tu à composer avec tout ça !? » Je savais bien que je parlais alors que je savais toujours pas à quoi m’en tenir concernant cette grossesse, ne sachant même pas si cette dernière était réelle ou pas. Mais ma panique, elle, elle était bien réelle, et même si je jouais peut-être les égoïstes, je ne voulais pas avoir le rôle de la maîtresse caché, et cet enfant, s’il était bien là, ne serait pas un simple bâtard qui, au final, ne verrait certainement pas son père. Si ça devait être ça, la réalité, alors autant que celle-ci n’ait pas lieu, parce que j’étais consciente que je ne pourrais pas vivre ainsi, de quelconque façon.

Je considérais que mes propos précédents avaient servi d’avertissement à Cole, histoire que la conversation ne devienne pas que spéculation douloureuse, des idées lancées en l’air qui disparaitraient au moment où j’aurais fait ce foutu test. Et pourtant, ce ne fut pas suffisant pour retirer à mon ex-petit ami la volonté de continuer à argumenter sur la question. Au contraire, celui-ci se lança de plus belle dans la discussion, en venant à affirmer que je passerais en premier si jamais j’en venais à être enceinte. Encore une fois, peut-être que ces dires auraient pu avoir pour effet de me rassurer, me faire sentir ne serait-ce qu’un peu mieux dans toute cette histoire, mais au contraire, ils eurent plutôt pour effet de limite me faire sentir en colère, si bien que ce fut sur un ton de voix plus cinglant que je vins à lui répondre:  « Genre essayer de jongler entre ton mariage et moi ? Ou bien ce ne serait que pour le bébé ? » Évidemment, j’entendis ces mots sortir de ma bouche, et ils vinrent se retourner contre moi comme si on venait de me planter un poignard dans le coeur, même si c’était la vérité, cette vérité que j’aurais tant voulu ne pas être obligée de nous lancer en plein visage, mais qu’au final, je n’avais pas eu le choix de mettre de l’avant. Peut-être après me serais-je répétée, mais la vérité était que je n’arrivais pas à me sortir cette image de mon esprit, cette image de Cole attendant une autre fille à l’autel, lui promettant fidélité et amour jusqu’à la mort alors qu’il l’avait déjà trahie. Bien sûr je ne voulais pas la pousser dans ses bras, mais sachant très bien ce que ce mariage signifiait pour lui, j’avais l’impression qu’il me fallait de le lui rappeler. Non pas pour lui faire de mal, mais pour son bien, et pour le mien aussi, parce qu’ainsi, je me protégeais d’illusions qui finiraient par me décevoir, même si ça, mon ex ne semblait pas l’avoir compris. En effet, il ne tarda pas à réitérer par la suite, et là, pour moi, ce fut trop à supporter. Ne sachant que me rappeler dans le cas présent qu’il y a un peu plus d’un an, nous nous étions promis que la distance, rien ne saurait nous séparer, et qu’au final, nous nous retrouvions dans ce que je pouvais comparer à un véritable merdier, je paniquai, à un tel point que je fus incapable de lui crier dessus d’arrêter, ne sachant que marmonner de façon presqu’inaudible:  « Arrête Cole, arrête… » en passant mes mains dans mes cheveux pour ensuite les laisser glisser dans mon visage quand je me rendis compte que des larmes avaient commencé à s’accumuler dans mes yeux, chose qui, en temps normal, ne m’arrivait jamais. Mais là, entre toutes ces émotions partagées, le fait que je ne m’attendais pas à avoir une telle conversation ici et maintenant, en réalisant à quel point il était ridicule de parler ainsi alors que je n’étais sûre de rien, et finalement, la triste réalité que j’étais à fleur de peau plus que jamais je en l’avais été ces derniers temps, c’était tout simplement trop pour que je puisse le supporter plus longtemps, même si bien sûr, cela ne me plaisait pas, mais pas du tout.

Je me savais plutôt sensible et sur les nerfs en ce moment, mais je ne sus toutefois m’expliquer dans un premier temps pourquoi j’eus l’impression qu’une boule se formait dans ma gorge au moment où Cole en vint à m’avouer qu’il n’avait pas envie d’être loin de moi et d’en épouser une autre, qui n’aimait pas qui plus est, si je me fiais à ses propos en tout cas. Cette sensation me parut si désagréable que je n’eus pas d’autre choix que de déglutir, incapable d’ajouter quoi que ce soit, trop occupée à assimiler cette information. Au fond, ce n’était rien de bien nouveau, dans le sens où d’une certaine façon, je l’avais déjà deviné, vu comment il parlait de ce mariage, puis de ce moment que nous avions passé ensemble, mais c’était la première fois qu’il me le disait clairement et pour moi, ce n’était pas la même chose que de simplement me l’imaginer, espérer, prendre le risque d’être déçue et encore plus brisée. Enfin, je ne disais pas que cette histoire ne me laissai pas confortable non plus, au contraire, je ne savais plus où donner de la tête, je ne me rendais même pas compte que mes propos, bien que clairs pour moi, ne l’étaient pas pour mon ex qui, lui, pensait que je le repoussais, que je mettais le blâme sur lui, alors que ce n’était pas ça. Pire encore, plutôt que de lui préciser mes intentions, me dire que cela pourrait nous aider à y voir plus clair, je ne sus faire mieux que de lui dire:  « N’essaie pas de me faire dire ce que je n’ai pas dit. », me trouvant lamentable de reprendre ses dires dans le cas présent, même si normalement, j’utilisais cela comme avertissement. Pourquoi n’étais-je juste pas capable d’admettre que tout ce que je voulais faire, c’était me protéger, parce que je ne voulais pas être de nouveau désillusionnée et laissée à moi-même sans rien ni personne ? Je savais au fond de moi que ce serait le plus simple, mais parce que rien n’était simple, parce que rien ne le saurait jamais, qu’importe ce qui arrivait, cela me semblait limite trop facile pour avoir un dénouement à peu près réaliste. Ce que cela donna donc, ce fut le fait qu’incapable d’écouter plus longtemps ses promesses sans commencer à avoir peur et paniquer encore une fois, je tentai de me refermer, ne plus voir le monde, tout oublier pendant un instant. Et encore là, ça, ce ne fut pas aussi facile que je l’aurais voulu parce que rapidement, trop rapidement à mon avis, Cole intervint à nouveau, posant sa main sur mon dos. Ne m’attendant pas à ce geste, je sursautai, frissonnai, mais au final, je ne le repoussai pas, puisque même si c’était dur de me l’avouer dans la situation présente, son contact me faisait du bien, parce que même si ce n’était pas bien, que c’était probablement la pire chose en ce moment, c’était celui que je voulais. En effet, je ne me serais pas vue aller pleurer dans les bras de mes amis à ce sujet. Il n’y avait que lui à qui je voulais en parler, et oui, depuis le début, je voulais son réconfort, je voulais être convaincue que tout allait bien se passer, et depuis le début de cette conversation, je tentais de croire le contraire, persuadée que c’était le mieux pour moi, faisant en sorte que j’étais perdue, tiraillée, alors que je ne savais pas à quoi m’en tenir. Réalisant pendant ce bref moment à quel point tout cela était précipité, ridicule, je me fis violence, inspirai profondément, tentant de me convaincre que le mieux était peut-être de faire ce fichu test pour savoir à quoi m’en tenir. Enfin, il fallait dire que Cole avait aidé à cela, d’où le fait que cette fois-ci, je choisis de ne pas jouer les têtes dures, et après avoir essuyé maladroitement les quelques larmes qui étaient parvenues à s’échapper de mes yeux, je dis, dans une grimace:  « Donc je suppose que ça signifier que je dois pisser sur ce truc ? », trop peu convaincue que j’étais prête mentalement à le faire, mais maintenant consciente que c’était le mieux à faire, et ça, je le devais à mon ex, même si ça, je n’allais pas l’admettre tout de suite, parce que ce n’était pas cette prise de conscience un peu bâclée qui allait tout changer, quand même.

Maintenant un peu plus calme, dans la mesure où tout était relatif et que malgré tout, toute cette histoire me terrifiait, j’avais retrouvé mes habitudes et mes réflexes, si bien qu’au moment où Cole vint me confirmer ce que je savais déjà, c’est-à-dire le fait qu’il me faudrait passer ce fameux test de grossesse pour savoir où nous situer, ce que nous devions faire par rapport à toute cette histoire, ce fut naturellement que je roulai les yeux au ciel, ne pouvant faire mieux que de songer au fait que tout mon avenir, celui de Cole, notre avenir ensemble, dépendait du fait que j’allais faire pipi sur un bâton en plastique… Je ne contredisais pas la méthode, je trouvais juste cela très ironique tout à coup, comme si tout était trop gros à mon avis pour dépendre de ce simple geste, pourtant si naturel, que je n’aurais jamais cru aussi crucial à un moment ou un autre dans ma vie. Et le pire dans tout cela, c’était que je ne savais même pas si j’allais y parvenir dans l’immédiat. Que je le veuille ou pas, je n’arrivais pas à être détendue à cette idée, et clairement, je ne me voyais pas m’exécuter ici et maintenant, au milieu de nulle part. Mais pouvais-je vraiment retarder le moment ? Pendant un instant, je me dis que oui, je le pouvais, en affirmant à Cole que j’allais rentrer chez moi, faire le test quand je le voulais, comme je le voulais. Cela me paraissait logique, un peu moins gênant, mais rapidement, il me fallut chasser cette idée au moment où Cole en vint à me proposer d’aller faire une prise de sang pour le confirmer. La méthode était un peu plus formelle en soi, un peu plus scientifique à mon avis également, mais malgré tout, ce fut sans hésiter et avec fermeté que je secouai la tête pour affirmer que non, je ne voulais pas faire ça. Pourquoi ? Non pas que j’avais peur des aiguilles, quelque chose comme ça, mais parce que ni lui, ni moi n’étions formés pour s’adonner à ce genre de procédure médicale à domicile, faisant en sorte qu’il me faudrait me rendre dans une clinique, à l’hôpital et ça, je ne le voulais pas. J’avais été démasquée dans une simple pharmacie, alors aux urgences, je ne voulais même pas imaginer ce que cela pourrait donner. Enfin, je me doutais bien que si jamais j’étais bel et bien enceinte, il me faudrait consulter un médecin à un moment ou un autre, mais si je pouvais l’éviter dans le cas présent, ce ne serait pas de refus. Cependant, cela me laissait avec la seule option de faire ce test de grossesse de la méthode la plus classique qui soit. Me voyant obligée de me résigner à l’idée, je soupirai, et je dis:  « Non, c’est bon… » Puis, comme si limite, je me rendais compte que mon idée précédente saurait s’appliquer, mais qu’en fait, je n’étais pas certaine que je me voyais le repousser et lui dire que j’allais apprendre la nouvelle moi-même, je me résignai à finalement lui demander:  « On fait comment alors ? » sans me rendre compte qu’en fait, j'avais oublié de mentionner un détail susceptible d’être quelque peu important, à savoir:  « J’ai le test dans mon sac. Je n’ai même pas eu le temps de le sortir de là. », ne retenant toutefois pas un rire nerveux un peu ridicule par la suite. Mais là, je ne tentai pas de rattraper le coup de quelconque façon, attendant juste de voir ce que mon ex-petit-ami allait en dire, croisant les doigts qu’il aurait cependant une meilleure proposition que d’aller faire ce fichu test dans les toilettes d’un restaurant à proximité.

Pendant un instant, j’avais espéré, espéré que nous puissions avoir la parfaite idée pour rendre ce moment un peu moins pénible, mais ce fut vain. En effet, quelques instants après avoir demandé à Cole comment il voulait procéder, celui-ci en vint à me faire pile poil la proposition que je redoutais, soit celle d’aller passer ce fameux test dans les toilettes du restaurant le plus près de ce lieu, sauf si j’avais le courage de le faire derrière un arbre. Embêtée, je tentai quand même de garder une certaine contenance, me contentant alors de rouler les yeux au ciel, signifiant que je me rendais à l’évidence qu’en fait, je n’avais pas trop le choix. Enfin, si, je l’avais, mais je me doutais bien que rentrer chez moi serait trop long, et aller chez Cole, ce n’était même pas une possibilité viable. Clairement, il ne restait que le restaurant, et je me rendis à l’évidence de cela, en silence, en grimaçant et en me faisant violence pour ne pas passer un commentaire railleur, même si ce n’était pas l’envie qui me manquait. Parce que l’autre évidence qui se présentait à moi, ou plutôt, à laquelle je me devais de me plier, c’était le fait que si jamais j’avais une attitude merdique à l’adresse de mon ex-petit-ami, pour sûr, j’allais finir par le regretter. Bien sûr, cela ne me faisait pas plaisir de sentir que je ne pouvais pas m’exprimer comme j’en avais envie, que je ne pouvais pas me défouler comme j’en ressentais tant le besoin. Ce n’était pas la faute de Cole, ou plutôt, oui ce l’était, mais pas plus que la mienne, et même si j’étais peu certaine de la suite, j’avais eu droit à une réaction de sa part pas mal meilleure que ce à quoi j’aurais pu m’attendre, même si évidemment, j’allais attendre d’avoir des preuves concrètes de ses dires avant de me faire une idée. Mais pour avoir ces preuves, il me faudrait faire une chose cruciale; passer ce fichu test. Acculée au pied du mur, encore une fois, je compris que le mieux était de me résigner à cette idée, et faire tout cela le plus rapidement possible afin d’être débarrassée. Soupirant discrètement, je dis alors:  « Non, c’est bon, je vais aller au restaurant. » Et puis, je pouvais tenter de me rassurer qu’il n’était pas loin, qu’il n’y aurait probablement pas trop de monde à cette heure-ci, enfin, je croisais les doigts. À présent que c’était décidé, je remis mon sac sur mon épaule, mais avant de commencer en marcher en direction du dit endroit, je tournai de nouveau la tête vers Cole, et me sentant plus vulnérable que jamais, je lui demandai, comme une gamine qui venait de faire une bêtise:  « Tu veux venir avec moi ? » Enfin, pas jusque dans la cabine des toilettes, bien évidemment, mais si au moins, il pouvait marcher les quelques mètres nous séparant du restaurant, je me sentirais moins seule, et surtout moins d’attaque à faire demi-tour et dire merde à tout ce processus qui me faisait carrément flipper.

Soulagée d’entendre Cole accepter de venir avec moi et ce, sans trop hésiter avant de le faire, je m’efforçai de lui sourire timidement avant de commencer à marcher en sa compagnie en direction du restaurant. Et là, à partir de ce moment, je choisis de ne rien dire. Premièrement, le trajet n’était pas des plus longs et de plus, je ne savais pas trop ce que je pourrais lui dire. Tant et aussi longtemps que nous ne serions pas sûrs et certains de ce qui en était, je ne me voyais pas dire quoi que ce soit, puisque j’avais l’impression que parler d’autre chose serait hypocrite et parler de cela aurait pour effet de me faire paniquer encore une fois et franchement, je n’en avais pas envie. Je ne voulais pas entendre Cole me dire une nouvelle fois que j’étais bornée, je ne voulais pas le confronter en lui disant que je ne voulais pas qu’il fasse des promesses en l’air, ce genre de chose qui nous ferait que tourner en rond et faire des suppositions qui n’avaient pas nécessairement lieu d’être. Au final, le silence ne fut pas si lourd qu’il aurait pu l’être, puisque peu de temps après, nous arrivâmes dans le dit restaurant. Sans attendre plus longtemps, j’accélérai le pas en direction des toilettes. Quand j’y entrai, je vérifiai, de façon bien stupide, que personne n’était là, puis je m’enfermai dans une des cabines. J’ouvris le test, lit rapidement les instructions qui, sommes toutes, n’étaient pas bien longues, puis je m’exécutai. Il me fallut un moment pour y parvenir, certainement en raison du stress qui m’envahissait, mais au bout de quelques minutes, j’y parvins. Une fois que ce fut fait, je sortis de la cabine pour me laver les mains, ne m’osant même pas à considérer le test, comme je ne le regardai pas tandis que je le tenais dans ma main en le dissimulant aussi bien que possible, comme si je craignais que quelqu’un entre à tout moment et le voie, ne pensant jamais que cela ne changerait probablement rien à la vie de dire personne, que peut-être ça ne la surprendrait même pas. Après tout, ce restaurant n’était pas des plus luxueux et même quelque peu louche, donc on pouvait s’attendre à tout, je supposais. Une fois sortie des toilettes, je cherchai Cole du regard, allant le retrouver et en m’asseyant face à lui. Puis, je considérai le test dans ma main, sans regarder le résultat. Je m’efforçai de regarder une nouvelle fois, ouvrir ma paume un peu plus, mais finalement, tout ce que je fus faire, ce fut de le déposer sur la table, et dire:  « Je n’arrive pas à le regarder, je n’y arrive juste pas… » tout en passant mes mains sur mon visage, comme si je ne voulais pas révéler à quel point j’étais nerveuse, même s’il était difficile de le cacher à partir de maintenant.

Je vis bien Cole prendre le test de grossesse entre ses mains pour regarder le résultat, mais après, je n’osai pas considérer son visage, me disant que l’entendre me dire ce qu’il en était serait suffisant me concernant. Entourant mon visage de mes mains, comme pour me couper du reste du monde, j’attendis donc, stressée comme jamais je ne l’avais été précédemment, j’en avais l’impression. J’essayai de me montrer patiente, mais quelques secondes passèrent, pendant lesquelles je n’entendis qu’un maigre « oh » de la part du jeune homme. Aux prises avec une nervosité que je ne savais plus contenir, je lui dis:  « Oh quoi ?! Qu’est… » Mais je m’interrompis quand son regard croisa le mien, et que je vis clairement son expression, son teint livide qui ne voulait dire qu’une chose. Puis, je m’osai finalement à considérer de loin le fameux test, pour voir que le petit écran n’affichait qu’un seul mot et que logiquement, ça ne pouvait pas être « not pregnant », ne laissant alors que l’option contraire, cette option qui, même si nous en parlions depuis un moment maintenant, était devenue bel et bien réelle, me faisait soudainement tomber de haut. Sous le choc, je restai plantée là, sans savoir quoi faire. J’étais persuadée que si on m’avait heurtée avec une massue, j’aurais été plus réactive qu’en ce moment. Là, je laissais juste tout tourner dans ma tête, je laissais les images s’installer dans un ordre qui, tantôt faisaient du sens, tantôt n’en faisait pas. Qu’allait-il arriver avec mon boulot ? Serais-je obligée d’amputer le temps que je consacrais à mon travail que j’aimais tant ? Et si jamais ça mettait Cole dans l’embarras, serais-je obligée d’avorter pour cacher le tout, faisant de ce bébé notre secret, notre squelette dans le placard à tous les deux ? Et si au fond, je ne voulais pas avorter, parce qu’au fond, j’avais toujours voulu des enfants, mais qu’en même temps, je ne savais pas comment j’allais gérer, que se passerait-il ? Perdue dans ces questions existentielles, perdue en tout, je n’entendis même pas Cole me parler de la fameuse prise de sang. Je ne bougeai pas, je ne réagis même pas et ce, tant et aussi longtemps que sans que je ne m’en rende compte, alors que pourtant, je fixais toujours la table et que j’aurais très bien pu le voir venir, Cole vint poser sa main sur la mienne, ne faisant soudainement sursauter. Cela m’obligea aussi à l’écouter plus attentivement, l’entendre me parler de sa présence, une nouvelle fois, mais aussi de ma décision, de cette décision que je devrais prendre. À cette idée, mes lèvres se mirent à trembler, et tout ce que je sus faire, ce fut de placer ma main libre devant ma bouche, fermer les yeux, et mettre mon orgueil de côté pour laisser les larmes couler sur mes joues, parce que là, j’avais besoin de me vider un peu, c’était devenu trop dur à supporter.

Un silence extrêmement pesant s’installa, un silence que je ne me voyais pas briser, que je n’avais pas le courage de briser, que je ne parviendrais certainement pas à briser pour le coup. Comment pourrais-je le faire de toute façon ? Certainement pas en commençant à hurler de désespoir, perdue dans mes pensées, perdue dans mes plans de vie, perdue, tout simplement. Le temps n’existait plus, tout tournait beaucoup trop vite dans ma tête, et c’était déstabilisant. Pire encore, j’en oubliais presque la présence de Cole, non pas que je ne le voulais pas, mais parce que franchement, je ne savais pas faire autrement. C’était à croire que j’avais été tant habituée à me débrouiller toute seule que dès que quelque chose me troublait, je me renfermais. Mais je n’avais jamais vécu quelque chose de ce genre… Est-ce que me refermer serait suffisant ? Mais si jamais ce n’était pas le cas, que pouvais-je dire à Cole ? À quoi devrais-je m’attendre de lui, si je pouvais m’attendre à quelque chose de sa part ? Devrais-je m’imposer dans sa vie ? Ou bien stopper cette grossesse aussi rapidement que possible, faire comme si rien ne s’était passé ? Évidemment, je n’allais pas prendre une décision ici et maintenant, mais toute éventualité tournait dans ma tête, sans que je ne le puisse le contrôler, si vite que ça en devenait étourdissant. Puis, tout à coup, tout sembla s’arrêter pendant un moment, puisque n’ayant pas vu mon ex-petit-ami s’approcher de moi, je ne m’attendais certainement pas à le sentir m’entourer de ses bras. Dans un premier temps, je sursautai donc, mais finalement, quand je me rendis compte que son contact n’était pas plus désagréable que ça, qu’au contraire, limite, c’était rassurant, je tentai de me détendre, et même si je ne bougeai pas, j’en profitai un peu, pour le bref moment que cela dura. En effet, il ne fallut pas beaucoup de temps pour que le jeune homme se dégage, puis s’éloigne. Ne comprenant pas du tout pourquoi, je le considérai, incrédule, jusqu’à ce qu’il se rassoit. Je restai là, à le regarder ainsi, ne m’osant pas à lui demander qu’il me prenne dans ses bras de nouveau, jusqu’à ce que soudainement, la serveuse vienne à notre rencontre et dépose devant moi un gâteau au chocolat avec un coulis de framboises dessus. Était-ce donc pour cela que Cole s’était éloigné plus tôt ? Ça ne pouvait qu’être ça, j’en étais persuadée. Sans que je ne puisse le contrôle, un rire ressembla plus à un hoquet s’échappa de ma bouche, puis dans une voix toujours brisée, je lui dis:  « Me… Merci. » avant de considérer le dit gâteau, n’ayant toutefois pas le courage de l’entamer en entier. C’était là une preuve d’à quel point j’allais mal pour le coup, c’était vraiment grave… Mais ne voulant pas le laisser là, je le poussai un peu en direction de mon ex, puis je dis:  « Mange un peu avec moi, s’il te plait… » Et puis, aussi stupide que cela puisse être, cela pourrait peut-être me montrer la véritable volonté qu’il avait de me soutenir. Enfin, ce n’était pas un gâteau qui allait me faire prendre quelconque décision, mais si ça pouvait détendre l’atmosphère, alors ce ne serait certainement mieux que rien.