history has its eyes on you
• Tout commence à Brooklyn, New-York, l’époque où ce quartier avait pas encore été gentrifié et envahi par les bobos. Tu ne te souviens pas avoir connu ta mère, t’a toujours été plus ou moins coincée entre les quatre murs de ta maison et ceux de l’école du coin. Tu sais pas d’où tu viens, tu demandes même parfois si ton père ne t’a pas trouvé dans la rue et pris chez lui afin d’avoir un souffre-douleur sous la main.
• Les coups ont commencé à pleuvoir très tôt, la décadence de ton géniteur avec. Avant c’était juste des mots, des mots qui font mal et qui font pleurer. Mais plus le temps passait et plus il devenait violent. Tu avais peur, tu essayais de te cacher, d’éviter sa colère. Tu te souviens du jour où il t’a envoyé valser dans le mur : tu avais huit ou neuf ans et tu as fini sonné pour les deux jours qui ont suivi. Ta haine de la vie n’est pas récente. Tu enviais ces gamins qui semblaient heureux avec leurs parents alors que les maîtresses ne prenaient même pas ta défense lorsqu’elles voyaient ton état.
• Le collège a été pour toi le début de la fin. Un père violent, des résultats médiocres et des absences répétées. Quand on tient plus à la vie, on ne tient pas au reste non plus. Petites histoires de deal, embrouilles avec d’autres gangs et course-poursuites avec la police. Tu aimes cette sensation, cette adrénaline qui monte en toi quand tu es en danger. Tu te sens vivante malgré tout. Tu oublies ce qui t’attend à la maison, t’essayes de passer à autre chose.
• Tu rentres un soir dans le taudis nauséabond dans lequel tu vis. Tu t’attends à recevoir des insultes et des coups pour les trente minutes de retard que tu as. Tu es prête à répliquer, tu te dis que cette fois c’est la bonne. T’as la boule au ventre, la haine t’envahi, t’as juste envie que ton vieux crève pour que tu puisses te tirer d’ici le plus vite possible. Tu passes la porte, aucun bruit. Tu avances, tu distingues sa silhouette et tu penses qu’il s’est endormi. Mais ton vieux ne dort pas, son cancer du foie a pris le dessus et l’a emporté. Après tout il ne se soignait pas, il préférait entretenir sa cirrhose à coups de whisky. T’es prostrée, tu t’attendais à tout sauf ça. Tu paniques, tu t’effondres, t’as le souffle coupé. Tout bascules, tu perds connaissance. Trois jours plus tard, la police débarque et t’emmène avec elle, loin de ton vieux alors que tu es persuadée qu’il peut encore se réveiller.
• Après la mort de ton vieux, t’as atterris dans un foyer pour femmes de New-York. Tu ne sais pas vraiment où tu es, tu ne sors pas. Tu restes vautrée sur ton lit, tu ne dis rien et tu évites les gens. La fille avec qui tu partages ta chambre est une finlandaise paumée, persuadée d’être une star hollywoodienne. Elle parle beaucoup, tu aimerais lui dire de se taire mais sa voix t’apaise. C’est elle qui te fait découvrir la MDMA et l’ectasy, c’est elle qui te redonne des sensations. Tu ne sais pas si tu dois l’aimer ou la haïr pour ça. Tant pis, tu t’accroches enfin à quelque chose.
• Les années passent, t’as 20 ans et t’es toujours aussi haineuse de la vie. T’as envie de te tirer de ce bordel, de retrouver ta liberté. T’es pas majeur mais tu t’enfous, ça fait des années que tu n’es plus une gamine de toute façon. T’entends des bribes de conversation par-ci par la qui parle d’une ville dans le Sud qui permet de réaliser, à ce qu’on dit, tous ses rêves. T’hésites, Savannah ça t’attire pas plus que ça. D’un autre côté, tu n’as plus rien à perdre. Une petite partie de toi te cri d’avancer, de tenter ta chance et que si ça marche pas, t’auras qu’à revenir dans ce beau bordel qu’est New-York.
• T’as claqué tes économies mais tu y es, dans cette ville que tu ne connais pas. Le climat y est autrement plus agréable qu’à New-York, l’ambiance moins. On te regarde mal, toi la gamine aux cheveux courts et aux bras couverts de cicatrices. Tant mieux, ça évitera qu’on vienne te parler. Tu traines, tu te demandes comment tu vas faire pour vivre. La solution qui s’impose dans ton esprit est celle qui te permet encore de gagner de la thune aujourd’hui : la prostitution. T’as envie d’un truc facile, un « job » où on ne te posera pas de questions et où tu n’auras pas besoin de fournir de l’administratif et des diplômes. T’écumes les bars en vendant tes services, t’espère grappiller quelques dollars qui te permettront de survivre. T’as l’air d’un fantôme avec ton corps maigre, tes yeux cernés et ton apparence chétive. Ta haine envers la vie te hante mais c’est aussi elle qui te donne envie de te lever et de te battre. Tu t’accroches comme tu peux aux solutions qui s’offrent à toi.
• Franchement tu te souviens plus comment tu as rencontré Peter, probablement dans un bar alors que tu faisais le tapin. Il t’a raconté sa vie, son histoire, t’as expliqué le fonctionnement des lost boys. T’as pas hésité longtemps malgré ta réticence à partager ta vie avec des inconnus. Tu ne lui as dis que le stricte minimum à ton sujet et t’as accepté de le suivre. Il a su te séduire avec ses mots, son logement et ta dose de MD assurée. Lui il veut de la thune et toi tu cherches à vivre sans sentir le poids de ton existence. Le pacte est là et il a été « signé ». Désormais tu es Lily, Lily la Tigresse. T’es une des membres les plus âgés des Lost Boys et tu partages ta chambre avec une petite nénette perdue dans la vie. Elle te rappelle ta Finlandaise dont tu n’as plus de nouvelles. Peu importe, tu n’étais pas attachée à elle de toute manière.
• Wendy ou Jael, c’est cette nana qu’on t’a mis entre les pattes. T’es pas particulièrement heureuse, c’est une gamine qui n’a pas les pieds sur terre. Toi tu ne lui souris pas, tu la pousses quand tu la croises et tu lui lances des regards noirs. Son sourire t’énerve, tu ne comprends pas comment elle fait. T’as envie de le lui faire perdre, de lui faire perdre sa joie et sa bonne humeur pour toujours. Pourtant y a un truc qui t’attire chez elle, un truc que tu ne t’expliques pas. Tu la hais aussi profondément que tu l’aimes et ça te rend dingue. Tu préfères l’éviter. De toute façon tu évites tout le monde dans l’appartement. Tu fais ce qu’on te demande et tu traces ta route.
• Aujourd’hui t’as 22 ans, 22 ans de galère et de rage envers l’univers entier. T’as envie de briser tout ceux que tu croises mais tu préfères les éviter et les prendre de haut, c’est plus facile. Tu sais pas ce que tu fais en vie ni vraiment pourquoi tu continues à t’accrocher. Ta haine de toi-même te détruit et t’empêche de t’accrocher aux autres. T’es toujours avec ta clope au bec, les mains dans les poches et les yeux rivés sur le ciel. Aujourd’hui tu n’es plus vraiment seule, tu sais que des gens t’entourent et s’intéressent à toi pour les bonnes ou les mauvaises raisons. Tu te dis que si tu disparais, quelqu’un finira par le remarquer. Ca te fait rire. Qu’est ce que tu aimerais crever mais pourtant ton envie de revanche sur la vie t’en empêche. Tout est une question de temps, c’est l’idée à laquelle tu te raccroches.

{ death doesn’t discriminate between the sinners and the saints, it takes and it takes and it takes
and we keep living anyway, we rise and we fall and we break and we make our mistakes
and if there’s a reason I’m still alive when everyone who loves me has died : I’m willing to wait for it }