Depuis que j’avais commencé mon nouveau boulot, j’étais si plongée dans celui-ci que je ne pensais pas à autre chose. Je ne pensais pas à la fatigue que je pouvais éprouvé après de longues journées de travail, parce que j’allais au lit en me disant que je ne pouvais pas m’attarder sur ça parce que je devrais quand même me relever tôt le lendemain pour retourner au travail. Je ne pensais pas à autre chose parce que j’avais tant de choses à penser que c’était comme si je n’avais plus de place dans ma tête. Et pourtant, j’avais, au cours des derniers jours, trouvé de la place pour laisser un énorme tracas s’installer dans ma tête pour ne pas vouloir en sortir. En effet, depuis que j’avais revu Cole et que plus encore, j’avais appris qu’il était fiancé à quelqu’un d’autre, l’image de sa personne, l’écho de nos violentes conversations, me revenait à l’esprit si souvent que je perdais ma concentration. Rien de bien grave pour le moment, mais suffisant pour que je craigne qu’à un moment ou un autre que cette histoire commence à déteindre sur mon travail, et c’était la dernière chose que je voulais. Ce travail, c’était environ tout ce que j’avais, et surtout ce qui me permettait d’oublier mes déboires amoureux. Visiblement, dans cette situation, ce n’était pas suffisant. D’abord déstabilisée par cette réalité qui venait de me rattraper, je me rendis compte que je ne pouvais pas rester ainsi, autrement cela ne fonctionnerait pas avec moi, avec mes collègues, avec qui que ce soit. Légèrement désespérée, je décidai que le mieux était, à ce point, de faire appel à une technique autre, que je n’avais pas mise en application il y a un bon moment maintenant, faute de disponibilité. Rien d’illégal, rien de méchant pour qui que ce soit, sans impact négatif pour personne ou quoi que ce soit. Enfin, le seul impact potentiellement négatif était celui comme quoi il me fallut aujourd’hui quitter le boulot deux heures plus tôt qu’à la normale pour m’assurer que j’aurais le temps de me défouler bien comme il faut. Cela revint en fait à dire que je quittai les lieux environ en même temps que tout le monde, parce que j’étais bien souvent celle qui restait beaucoup trop tard, parfois même plus tard que le maire, quand celui-ci était dans ses bureaux, évidemment. Plutôt que de rentrer chez moi comme à mon habitude donc, je me dirigeai plutôt vers la salle de sport la plus près. Enfin, celle que je savais la plus près que je connaissais. Une fois sur place, j’attrapai dans le coffre de ma voiture le sac de sport que j’avais préparé plus tôt ce matin, parce que j’avais visiblement perdu l’habitude de garder des vêtements appropriés pour ce genre d’activité à portée de main, certainement parce qu’au bout du compte, le tout ne faisait que moisir dans le coffre après y avoir passé trop de temps sans bouger. Une fois dans le gymnase, je passai par les vestiaires pour me changer, troquant ma tenue civile pour une tenue de sport entièrement noire avec quelques détails dans les tons de gris. Chaussures de sport aux pieds, je me dirigeai ensuite en direction de la salle de sport où il était possible de trouver des appareils de boxe ainsi qu’un ring. Marchant dans l’enceinte, je commençai par regarder les environs sans trop me décider par quoi commencer, parce que voilà un bon moment que je n’étais pas venue et à mon grand désarroi, je me sentais quelque peu perdue.

Je pratiquais la boxe essentiellement pour me défouler et clairement, je n’avais pas un niveau bien élevé, alors monter sur le ring, ce n’était pas vraiment une option me concernant. Enfin, peut-être que si jamais je trouvais quelqu’un assez aimable pour me laisser une chance, je le ferais, mais puisque je venais toujours seule et que trop peu de gens savaient qu’il s’agissait d’un de mes passe-temps, je n’y croyais pas trop. De toute façon, même si j’avais voulu là tout de suite, il y avait déjà deux personnes qui s’y trouvaient, deux personnes qui captèrent mon attention pendant quelques secondes, mais sans plus. Il était tout à fait normal de voir ce genre d’individus, surtout en ces lieux, alors je n’étais pas impressionnée à ce point. Enfin, je n’avais pas pris le temps non plus de vraiment observer leur technique, parce que je jugeais que j’avais mieux à faire, mais rapidement, je détournai mon attention, continuant de regarder les lieux pour y repérer un sac d’entraînement où personne ne se trouvait et où personne ne semblait vouloir se rendre. Après, ce n’était pas étonnant, compte tenu du fait que la salle n’était pas bondée, mais clairement, je n’allais pas chercher mieux, sachant que cela me convenait parfaitement. Une fois près du sac, suffisamment pour montrer que j’allais l’utiliser, je pris l’élastique que j’avais enfilé à mon poignet pour m’attacher les cheveux en une grossière queue-de-cheval, puis j’attrapai ensuite mes gants d’entraînement pour me les passer aux mains. Peut-être que j’aurais pu commencer par frapper à mains nues, mais puisque cela faisait un bon moment que je ne m’étais pas rendu dans une salle d’entraînement, je préférais ne pas prendre de risques. Sitôt que j’eus vérifié que je les avais attachés convenablement, je m’approchai finalement du sac, jaugeant celui-ci pendant un bref moment avant d’y mettre un premier coup, très faible, dans le but de tester sa résistance, et aussi tester mes capacités, histoire de voir que je n’avais pas perdu toutes mes facultés. Un second coup s’ensuivit, un peu plus fort, puis un troisième. Progressivement, je me rendis compte qu’en fait, c’était comme faire du vélo; c’était le genre de chose qui ne se perdait pas. Satisfaite, je commençai à taper un peu plus fort, m’arrêtant un bref instant au bout de quelques coups, reculant d’un pas, me rendant compte que pour le moment, pour me défouler, cela ne marchait pas pour le mieux. Puis, comme si soudainement, il venait d’apparaître dans le sac, je revis le visage de Cole, j’entendis dans ma tête notre précédente conversation, et je retrouvai la raison pour laquelle j’étais venue ici. M’approchant de nouveau, je commençai à frapper avec plus de vigueur, ne réfléchissant plus, commençant à vraiment me défouler sur le sac. Inutile de mentionner que là, ça commença à faire du bien, vraiment. Cependant, cela eut aussi pour effet de me faire oublier le reste du monde pendant un moment, me plaçant dans un univers où j’étais seule avec ce sac, seule avec mes pensées sombres que je tentais d’évacuer. Au début, cela ne me gêna clairement pas, mais quand je fus rappelée à la réalité, pour sûr, ce fut plus brutal que ça aurait dû l’être. En effet, lorsque soudainement, quelqu’un s’approcha et s’adressa à moi, je sursautai vivement, bondissant sur le côté comme si j’étais limite agressée. Dans cet état d’esprit, je n’eus clairement pas le visage le plus chaleureux qui soit, mais quand mon regard croisa celui de l’individu que je ne connaissais pas, et que je vis que clairement, il ne me voulait pas de mal, j’expirai un bon coup, et je dis:  « Pardon, je… » Ce n’était clairement pas mon genre d’être à court de mots, mais ce n’était pas mon genre de m’humilier de la sorte non plus. Légèrement frustrée contre moi-même, je détournai le regard un bref instant, cherchant le meilleur moyen de me rattraper, me rendant compte qu’en fait, le mieux était peut-être de répondre au propos du jeune homme, en lui sortant un simple:  « Merci. » À ce mot, je forçai un sourire, appréciant certainement le compliment pour le coup, mais encore gênée d’avoir été surprise de la sorte et surtout, d’avoir réagi ainsi.

Et maintenant, qu’allait-il se passer ? Je ne saurais pas dire, j’étais quelque peu perplexe par rapport au pourquoi du comment cet homme en était venu à m’aborder, et malheureusement, je n’avais pas retrouvé une contenance suffisante pour réfléchir à ce que je pourrais dire, ce qui serait le plus juste pour que le malaise ne s’éternise pas trop longtemps. Parce que de mon côté, je ne pouvais pas nier que ma réaction m’avait mise inconfortable. Ce n’était pas dans mes habitudes d’être prise de court de la sorte, donc lorsque cela venait à arriver, il me fallait toujours un certain moment pour tenter de retrouver ma zone de confort. Et là, avant même que je n’aie l’occasion de le faire, l’homme en vint à se positionner derrière le sac que j’avais choisi pour m’entraîner, me demandant depuis combien de temps je faisais cela. Était-il un entraîneur ? Je savais qu’ils existaient en ces lieux, mais persuadée qu’ils étaient réservés à ceux qui s’entraînaient sérieusement, pour ceux qui participaient à des compétitions en l’occurence, jamais je n’avais osé leur demander un coup de main ou quelque chose du genre, sachant que pour moi, c’était un passe-temps, un moyen de faire du sport et me défouler. Pour cette même raison, il fut un peu difficile pour moi de trouver quoi répondre exactement. Au final, je décidai de ne pas me casser la tête des heures, répondant dans un haussement d’épaules:  « Ça fait quelques années, mais ce n’est pas à une fréquence régulière. » Auparavant, je venais beaucoup plus souvent, au minimum une fois par semaine, mais maintenant, avec mon emploi du temps plutôt chargé, je ne trouvais plus vraiment le temps de le faire. Là, tout de suite, j’étais venue parce que limite j’en ressentais le besoin, je ressentais l’urgence de me défouler, parce que compte tenu de ce qui s’était passé, j’aurais tôt fait de perdre le contrôle et affecter mon boulot et ça, c’était la dernière chose que je voulais. Mais ça, je ne le partageai pas, d’autant plus que le jeune homme me fit signe de taper dans le sac. Me confortant dans l’idée qu’il était là pour ça, même si je n’en avais pas eu confirmation, je repris finalement mes coups, d’abord sans trop appliquer de force, histoire de ne pas faire un mauvais mouvement, puis une fois que je me sentis plus confortable, je repris un rythme plutôt régulier, en venant même pendant un bref instant à oublier la présence de l’individu, jusqu’à ce que celui-ci reprenne la parole pour se présenter. Encore une fois, je me sentis idiote l’espace d’un bref instant, mais je sus me ressaisir un peu plus rapidement, m’arrêtant de frapper pendant un moment pour répondre:  « Saskia. », ajoutant un petit sourire pour signifier que j’étais enchantée, et aussi pour répondre à cette expression que j’estimais satisfaite dans son visage. Puis, je posai mes mains sur mes hanches un bref instant, repris mon souffle, puis demandai, pour finalement satisfaire ma curiosité une bonne fois pour toutes:  « Tu es entraîneur ? », me disant que je pouvais me permettre de le tutoyer, compte tenu que c’était ce qu’il avait fait précédemment. De plus, nous étions dans une salle de sport, pas un endroit où les formalités était de mise, et pour tout dire, là tout de suite, ça ne me déplaisait pas du tout, ce petit changement de mon quotidien.