C’était une journée qui, je le supposais, allait être comme pas mal toutes les autres. Enfin, en terme d’horaire en tout cas, dans le sens où j’allais me lever tôt, comme je l’avais fait, me préparer, puis me rendre à la mairie pour entamer ma journée de travail, puis sortir de là quand je jugerais que j’avais accompli assez de choses pour repartir à mon domicile, la tête en paix. Sans trop m’inquiéter de quoi que ce soit donc, surtout que j’avais, je le pensais, une excellente idée des dossiers qui se trouvaient sur mon bureau et dont je devrais m’occuper au cours de la journée, je pris une douche, me vêtis d’un pantalon noir très simple avec un chemisier blanc, coiffai mes cheveux d’un chignon un peu bordélique, mais quand même convenable dans l’optique où je n’avais pas de rendez-vous importants ou quoi que ce soit du genre. Puis, comme à mon habitude, je me rendis dans la cuisine, mettant ma Nespresso en marche avec une capsule de café au lait. Un muffin acheté dans ma boulangerie fétiche la veille à la main, je m’installai sur un des tabourets à côté du comptoir, là où je m’asseyais plus souvent qu’à table, parce que je ne voyais pas l’intérêt de tout installer pour moi seule. Naturellement, parce que cela m’intéressait, mais aussi parce que je jugeais que cela faisait partie de mon boulot de me tenir au courant, j’ouvris ma tablette pour consulter l’actualité de divers journaux locaux, régionaux, nationaux ou internationaux. Je commençai par la plus grande échelle, feuilletant vite fait des éléments que j’avais, pour la majorité, vus la veille. Je continuai ma route jusqu’au journal local, ce petit papier de la ville bien apprécié de la mairie qui travaillait en grande collaboration avec les propriétaires pour y faire passer des messages et autres. Normalement, je l’aurais ouvert justement pour vérifier la dernière publication que nous avions envoyée pour qu’elle apparaisse ce matin, mais très, trop rapidement, je fus interrompue dans mon intention lorsqu’un titre attira mon attention; une annonce de fiançailles. Jamais je ne regardais ce genre de chose, parce que bien souvent, cela m’exaspérait - ou me faisait du mal, ce que je ne voulais pas m’avouer - sauf que là, quand je vis le nom, mon coeur chavira, et histoire de vérifier que je ne rêvais pas, j’avais ouvert le titre, accédant à une page avec une photographie d’un jeune couple, visiblement heureux, suivi d’un bref article sur la nouvelle. Sitôt, ma main se mit à trembler, il me fallut pincer les lèvres pour ne pas commencer à faire ou dire quelque chose que les voisins pourraient entendre et que je regretterais par la suite. À la place, je me torturai encore plus, contemplant son visage souriant, avec celle de cette autre fille à côté, qui abordait, évidemment, une superbe bague. Évidemment, il avait dû dépenser une fortune pour celle-ci, probablement plus que ce qu’il avait pu dépenser pour moi… Non pas que je comptais la valeur d’une relation en argent, mais là, j’étais si dégoûtée, enragée, dépassée, que tout cela m’aveuglait, me rendait dingue. Sachant que je faisais mieux de ne pas rester là, je me levai, transférai mon café dans un mug de transport, puis sitôt, je me rendis à la mairie, parce que non seulement, je n’avais pas d’autre choix que de m’y rendre et de plus, c’était la seule façon que j’avais trouvée pour me changer les idées. Sur place toutefois, parce que ce choc, cette frustration, cette peine n’étaient toujours pas passés, j’eus pour intention de me rendre directement à mon bureau, puis saluer les autres quand j’aurais trouvé le courage de le faire, mais dès que j’entrai, là, au bureau de la dame à l’accueil, se trouvait cette silhouette familière, ce visage sur la photo. Sitôt, il me fallut me faire violence et serrer mon mug dans ma main pour résister à l’envie de le lui balancer en plein visage. Parce que si l’annonce des fiançailles n’était pas assez pour me blesser, là, à mes yeux, à mon regard complètement borné par la colère, c’était de la pure provocation. Par contre, puisque j’étais sur mon lieu de travail, je fis preuve d’un peu de contenance, puis je m’approchai et sèchement, froidement, je lui dis:  « Qu’est-ce que tu fiches ici !? » Parce que oui, ça, pour moi, c’était faire preuve de contenance. Si je ne l’avais pas fait, il aurait certainement eu le droit à un déluges d’insultes, ou bien mon café sur lui… Parce que malgré ma retenue, je n’avais toujours pas écarté cette éventualité de m’exécuter à un moment ou un autre.

En plus de se pointer sur mon lieu de travail ce matin, probablement le pire matin qu’il pouvait choisir, Cole ne semblait même pas intéressé de savoir le pourquoi du comment je l’abordais de façon aussi peu accueillante. Bon, il fallait admettre que la fois précédente, je ne l’avais pas vraiment été non plus, mais si je n’avais pas de raison, je ne l’aurais pas bordé de la sorte. J’avais beau lui en vouloir énormément d’avoir cessé soudainement de me donner des nouvelles, si ça n’avait été que ça, j’aurais quand même pu être en mesure de montrer un peu de savoir-vivre. Sauf que là, ce n’était juste pas possible, et ce qu’il me répondit ne m’aida certainement pas à me calmer ou même essayer d’être un peu plus courtoise. Pendant un instant, alors qu’il me rappelait ce que je savais déjà, je revis soudainement l’étudiant arrogant qu’il était, à l’époque, arrogant, pensant toujours pouvoir s’en sortir avec des propos aussi stupides, mais malheureusement vrais. Toute personne pouvait venir à la mairie avec une bonne raison, c’était un lieu public, le lieu des citoyens. Et pourtant, j’aurais tellement voulu le mettre à la porte ici et maintenant que je maudissais limite de travailler dans ce domaine. Frustrée contre ce fait, contre lui, contre moi-même, je ne sus quoi lui répondre, bouillant trop de l’intérieur que je risquais d’exploser si jamais j’ouvrais la bouche. Par contre, suite à cela, il ne me laissa pas le choix. Ce même regard hautain, arrogant, que je détestais absolument, il vint me poser la pire question qu’il pouvait me poser à ce moment précis, ajoutant par-dessus une remarque qui vint me piquer de façon si vive que j’oubliai pendant un bref instant que j’étais au boulot, puis je lui dis:  « Ça c’était avant que je me rende compte que t’es pas juste un enfoiré, tu es le pire des enfoirés. » Il me fallut m’interrompre pendant un bref instant, parce que si j’avais su garder un semblant de contenance depuis que j’avais lu l’article, là, devant lui, devant sa totale indifférence à cette nouvelle qui, visiblement, ne semblait même pas l’ébranler, au point qu’il ne m’avait rien dit précédemment, comme s’il était persuadé que je pensais que ce serait normal, comme s’il ne m’aimait vraiment plus depuis longtemps, je savais que j’aurais du mal. Inspirant profondément, je tentai de discrètement me calmer, mais malheureusement, ce fut vain. Au bout de quelques secondes, je finis par lâcher, sans mâcher mes mots avant de les lui cracher à la figure:  « C’est pour ça que t’as arrêté de m’appeler ? Parce que tu étais avec elle ? Parce que t’étais trop lâche pour me le dire !? » Fermant les yeux un bref instant, je réalisai que là que j’étais en train de faire des suppositions sans avoir de preuves flagrantes. Le problème était que ces suppositions, elles étaient plus que réalistes quand on regardait le tableau. Sinon, pour quelle autre raison aurait-il cessé de soudainement me parler ? Tout allait bien avant qu’il ne coupe les ponts. Évidemment on pouvait se disputer pour une raison ou pour une autre, mais cela faisait partie de notre quotidien… Ou bien en avait-il eu assez ? Pourquoi n’avait-il pas pu me le dire ? Ce n’était pas comme si nous n’étions pas francs l’un avec l’autre, même si là, j’en venais limite à me demander si une seule fois il avait été franc avec moi depuis que nous nous connaissions, vu son comportement, ce même comportement qui me faisait dire que je n’avais pas de temps à perdre avec un homme pareil à l’université. Et là, j’en vins à la triste conclusion que le plus raisonnable était de penser de la même façon, ici et maintenant, et je finis par dire, un ton plus bas, comme défaite:  « Tu sais quoi ? En fait, je m’en fiche. Fais ce que tu veux avec ta pute, moi j’ai plus de temps à perdre avec toi. » Sur ces mots, je tournai les talons, décidant que m’enfermer dans mon bureau était peut-être le mieux. Heureusement, celui-ci n’était pas bien loin, alors mon orgueil ne fut pas trop heurté par le fait que j’avais les larmes aux yeux, parce que jamais je n’aurais cru que ce serait aussi douloureux de le croiser juste après avoir su une telle chose. J’eus quand même l’occasion de refermer la porte avant de m’y adosser, poser une main devant ma bouche, espérant ne pas hoqueter trop fort à la fois de rage, de douleur et de tristesse, parce que c’était ce mélange qui m’envahissait en ce moment, et inutile de dire que celui-ci était particulièrement difficile à supporter.

J’avais bien remarqué que Cole avait perdu soudainement sa composition et son sens de la répartie habituellement implacable au moment où je lui avais parlé de ses fameuses fiançailles. Si certaines personnes auraient pris cela pour de la simple surprise, de mon côté, je savais bien que je l’avais pris de court, et limite, j’en étais fière. Parce que si je ne supportais pas de le voir en ces lieux, je ne supportais pas de voir qu’il semblait si indifférent, j’aurais encore moins supporté que ça semble lui faire ni chaud, ni froid que je sois au courant pour ce mariage. Mais cette victoire était bien maigre, beaucoup trop maigre pour que je puisse pleinement m’en réjouir en réalité. La blessure que je ressentais à cette idée, toutes ces suppositions qui s’imbriquaient ensemble comme un puzzle dans ma tête et qui, dans le cas présent, faisaient du sens dans le cas présent, ne me permettaient pas vraiment de me sentir vraiment supérieure dans cette discussion. C’était le contraire, en réalité; j’avais envie d’être toute petite en ce moment, de ne pas exister. Et ça, c’était quelque chose qui ne m’arrivait jamais, qui ne m’était pas arrivé depuis qu’il était parti, voire même avant. Cole était probablement le seul qui m’avait permis de me sentir faible parfois, d’être vulnérable. Et ça, visiblement, ça n’avait pas changé, sauf que là, ce n’était en rien rassurant, c’était particulièrement frustrant plutôt. Sentant que j’allais exploser, je n’avais pas tardé à me rendre dans mon bureau, histoire d’être isolée, comme en sécurité pendant un instant. Malheureusement, cet instant ne dura pas très longtemps. Dans le creux de mes reins, je sentis la poignée de la porte se tourner vivement, m’obligeant à me décaler et reprendre un semblant de contenance sans même être certaine que je pourrais le faire. Et pour mon plus grand malheur, je me retrouvai en face de la dernière personne que je voulais voir actuellement. Bien sûr, je voulus le chasser, mais avant que je le fasse, il prit la parole, tenant des propos qui m’arrachèrent un rire à la fois sarcastique et nerveux. Comme pour me renfermer, me protéger, je croisai mes bras sur ma poitrine, puis je dis:  « J’aurais dû partir sans rien dire plutôt ? » sans même réfléchir à mes propos au préalable. Sur la défensive, j’étais comme ça; prête à lancer chaque pique qui venait me frôler l’esprit. Et celle-là, Cole la méritait. En fait, il aurait mérité que je continue à l’engueuler encore un bon moment de la sorte, mais je n’y arrivais pas, et ce qu’il dit par la suite ne vint pas m’aider. À ses propos, il me fallut inspirer profondément pour ne pas perdre le semblant de contrôle que j’avais retrouvé sur ma personne pendant ces quelques secondes en solitaire. Et encore là, ce fut difficile, parce qu’apprendre qu’en fait, ce n’était pas une question de tromperie, ces fiançailles, son silence radio, me laissait encore plus confuse. Mais de quoi cela pouvait-il s’agir alors ? Je fus sur le point de le savoir, puis finalement, il se ravisa, venant à dire quelque chose qui vint suffisamment m’insulter pour qu’avant qu’il se soit suffisamment éloigné pour que la conversation ne soit plus possible, je me voie obligée de dire:  « Je suis bornée mais je ne suis pas stupide, Warwick. Alors crache le morceau et explique. » Volontairement, je l’avais appelé par son nom de famille, ce que je faisais seulement lorsque j’étais en colère lorsque nous étions ensemble, parce que ça signifiait de la distance pour moi, cette distance dont j’avais besoin en ce moment pour garder le peu de fierté qu’il me restait. Puis, après une pause, je finis par ajouter:  « Tu me dois au moins ces explications, tu crois pas ? » Et s’il ne voulait pas me les fournir, alors là, pour sûr, j’aurais fini de me faire une opinion sur lui. Inutile de mentionner que cette opinion, elle serait tout sauf flatteuse, et là, j’étais persuadée que je serais incapable de revenir en arrière de quelconque façon.

Le mal avait beau être fait, de façon irréversible me semblait-il dans le cas présent, mais j’étais persuadée que des explications pourraient changer des choses. En tout cas, me concernant, ça changerait des choses, surtout en ce qui concernait cette perception que je pouvais avoir de toute cette situation. N’avait-il donc pas conscience que le fait qu’il avait coupé les ponts, puis l’annonce de ses fiançailles, avaient laissé dans ma tête un paquet de questions auxquelles je ne trouvais pas les réponses ? Que maintes fois, bien que ce ne soit pas mon genre en temps normal de douter de ma personne, j’avais cru que c’était ma faute, que j’avais fait quelque chose de mal ? Que pour lui, je m’étais rendue vulnérable, que j’avais abaissé ma garde à un tel point que maintenant, je le regrettais ? Visiblement, non, il n’en avait aucune idée, et il ne lui venait même pas à l’esprit de s’en informer. Il ne voulait même pas fournir des explications, se contentant de lui dire qu’il était un salaud et que de toute façon, nous étions condamnés à un moment ou un autre.  « Parce qu’au fond c’est ça que tu pensais !? » fut tout ce que je fus capable de dire, me reprochant de ne pas avoir été plus claire. Mais déstabilisée, surtout devant Cole, j’avais bien du mal à faire quelque chose de bien, que je jugeais normal venant de ma personne. Et ça, dans le cas présent, alors que je me rendais compte que malgré tout ce temps qui était passé, malgré toutes ces fois que j’avais voulu me convaincre du contraire, je l’avais encore dans la peau. Pourquoi fallait-il que ce soit ainsi ? Pourquoi fallait-il que je sois aussi faible alors que justement, il ne mériterait que je refuse de lui parler, que je l’efface à tout jamais de ma vie ? Parce que ce que nous avions, ça ne s’efface pas. C’était un constat que je trainais comme un boulet à une chaîne attachée à mon pied, mais c’était la triste réalité. Et là, ce boulet, j’aurais envie de lui balancer à la figure, lui faire comprendre ce que cela signifiait pour moi, mais je craignais beaucoup trop que ça revienne à faire de ma personne une hystérique devant un mur de pierre. Parce que là, c’était la seule chose à laquelle j’étais capable de le comparer, pour être franche, un mur de pierre, ce salaud qu’il prétendait être, qui, je m’en rendais compte maintenant, ressemblait à celui que j’avais remis à sa place à l’université, celui qui ne me plaisait pas, parce que je n’avais pas appris à le connaître. Comme pour me protéger d’exploser, même si cette boule de rage brûlait au fond de moi et ne demandait qu’à sortir, je dis simplement:  « T’as changé… » Et non, ce n’était pas une remarque innocente. Cette remarque, je la voulais comme un reproche, comme une triste réalisation comme quoi peut-être, au fond, je n’aurais pas dû le laisser partir, pas le choix ou pas. Mais ce reproche, il était horrible à faire pour moi, parce que là, c’était limite s’il n’y avait rien eu entre nous, comme si nous étions revenus des années auparavant, à un tel point que j’en venais à me dire qu’il s’était joué de moi pendant tout ce temps. Mais ça, je ne pouvais pas me permettre de le penser, ça me ferait beaucoup trop mal, même si peut-être c’était ce qu’il me faudrait pour couper complètement les ponts avec lui. Perdue, je passai une main dans mes cheveux, incapable d’ajouter quoi que ce soit tant je voulais lui en dire, je voulais en faire. J’avais envie de le frapper, comme j’avais envie de l’embrasser, comme si un baiser pourrait le changer, lui ouvrir les yeux sur ce que j’avais pu ressentir, sur ce que nous avions pu ressentir l’un pour l’autre. Mais nous n’étions pas dans un conte de fées, ça ne marcherait pas. Me pinçant les lèvres, ce fut avec désespoir que je finis par dire:  « Qu’est-ce que t’as fait, merde ? Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ? » même si au fond, je savais que très certainement, je n’aurais pas de réponse, faisant en sorte que je me sentais d’autant plus stupide de l’avoir demandé. Pourquoi fallait-il que je perde encore mes moyens ? Clairement, il me faudrait me ressaisir, parce que sinon, toute cette histoire finirait par me détruire, même si j’avais la sensation que c’était exactement ce qui était en train de se passer.

Ce n’était pas nouveau pour moi, le fait que Cole avait une famille riche et puissante et qu’il était destiné à reprendre l’entreprise familiale. Je l’avais pris pour acquis il y a un bon moment maintenant, et jamais je ne m’y étais opposée, jamais je n’avais tenté de le faire changer d’avis, le pousser à se rebeller ou quelque chose du genre. Pourquoi ? Parce que non seulement, il n’avait jamais cherché à s’opposer à mes propres ambitions, alors la normale voulait que je fasse de même, mais de plus, à l’époque, il ne voulait pas changer pour autant. Enfin, c’était l’impression que j’avais toujours eue, et je n’avais jamais eu de preuve du contraire pendant que nous étions ensemble. Sauf que là, quelques mois, et il devenait une autre personne. Non seulement, j’en avais eu une vague impression au début, mais les propos qu’il tint par la suite ne firent que le confirmer. Jamais il n’avait été du genre à avoir de tels dires. Jamais il ne me les aurais tenus comme si j’étais une idiote qui ne savait pas ce que c’était, avoir un métier important ou quelque chose du genre. Je savais bien que je n’étais pas PDG ou quelque chose comme cela, mais j’étais quand même le bras droit du maire et pourtant, je ne pensais pas avoir perdu l’essence de qui j’étais dans le processus. Ou bien tentait-il de jouer un rôle pour me repousser ? Je ne savais pas trop, j’ignorais même pourquoi une idée pareille me traversa l’esprit, d’autant plus que j’eus confirmation que ça ne pouvait pas être cela lorsqu’il en vint à m’annoncer que son mariage, ce n’était pas parce qu’il m’avait trompée ou quoi que ce soit; c’était pour les affaires. Un mariage d’affaires, un mariage arrangé, une incompréhension désuète, dénuée de sens. Et lui, il avait accepté cela. Il avait accepté de lier sa vie à une femme quelconque, peut-être même super moche, dénuée de toute personnalité, pour les affaires. Parce que lui, Cole Warwick, est le sauveur, le sauveur qui se perd dans le processus pour le bien des autres. Le geste était peut-être admirable, mais il était surtout complètement ridicule, à mon avis.  « Wow… » fut le mot qui résuma probablement le mieux ma pensée, parce que pour sûr, c’était un choc d’apprendre une chose pareille, et le fait de me dire que vu comment il me semblait être tombé bas, ça ne pouvait pas être une surprise ne vint pas me conforter. Mon coeur avait manqué un temps, une nouvelle fois, mais cette fois-ci, parce que j’étais dégoûtée. Dégoûtée de voir ce qu’il était devenu, dégoûté à l’idée que j’avais pu croire à un moment ou un autre qu’il était un homme bien. Je ne regrettais pas les moments que nous avions passés ensemble, jamais je ne saurais regretter cela, parce que je jugeais que cela faisait partie des meilleurs moments de ma vie. En fait, j’étais surtout dégoûtée parce qu’au fond, j’avais cru que le fait d’avoir coupé contact n’avait pu être qu’une erreur, mais celle-là, elle était irréparable. Peut-être au fond, c’était ce que Cole méritait. Évidemment, cela ne me faisait pas plaisir de penser de la sorte, mais à voir qu’il semblait convaincu de bien faire, pour tout le monde, sauf pour lui, me battre n’était plus vraiment une option. À quoi bon tenter de le convaincre alors que le mal était déjà fait, après tout ? Dépassée, comme rarement je l’avais été dans ma vie, j’eus un rire nerveux, roulai les yeux au ciel, et dans un sarcasme si fort qu’il en venait à ne pas me ressembler, je lui dis:  « Eh bien, tant mieux pour toi, et tous mes voeux de bonheur à toi et ta fiancée ! » sur ces mots, il me fallut me retourner pendant un instant pour ne pas avoir un comportement complètement ridicule, déjà que là, je me sentais stupide, vraiment stupide. Et pourtant, j’espérais encore me dire que ça ne valait plus la peine que je me mette dans de tels états pour lui, pas après avoir encaissé ces informations, pas après avoir su, au fond, qu’il était devenu inaccessible. Il était redevenu cet être méprisant, sauf que là, ses actes faisaient en sorte que trouver quelque chose de mieux en lui n’était plus possible, j’en avais malheureusement l’impression.