L’ouragan qui avait frappé la ville, a aussi emporté beaucoup de choses sur son passage, des vies, un tas de blessés et surtout un bon nombre d’habitations. Les rues portent encore les stigmates de la nature qui s’est déchainée mais ce n’est pas ça qui dérangeait Houna. Non, ce qui la rend malade dans cette histoire, c’est l’élan de générosité des habitants les uns envers les autres, à s’aider, à s’entraider, proposer un peu d’aide pour reconstruire ou héberger et ça la rend dingue Houna, elle pourrait les insulter de tous les noms. Quelle hypocrisie… il y a quelques jours à peine, ils ne se calculaient même pas. Houna n’aime pas les gens, cette manière de changer d’avis comme de chemises, mais toujours affirmer agir pour le bien commun. Le bien commun, ce concept même la dégoute, Houna le reconnait, elle, qu’elle n’agit uniquement que pour sa pauvre petite personne, elle se moque des autres et… l’idée de tenir à quelqu’un pour de vrai la rend mal à l’aise. C’est toujours à ce moment-là qu’elle se barre en courant. Ce jour-là, elle traine dans les rues, les pieds trempés parce que ses baskets ne sont pas étanches, elle avait tout de même sauvé son jean qu’elle avait retroussé sur plusieurs centimètres, on y voit sa peau mate, l’apparition de quelques cicatrices entre coupures à cause de l’ouragan et autres souvenirs des derniers jours. Le regard des autres, elle s’en moque Houna, qu’ils la jugent si cela peut leur faire plaisir, ils ne valent pas mieux, même s’ils portent des jolies robes et des jolies costumes, Houna elle est bien dans ses basket dans son jean à la coupe garçonne et son tee shirt délavé à l’effigie d’une vieux groupes de rock. Elle a son khôl qui a coulé, les yeux cernés à cause d’un manque cruel de sommeil. Houna cette marginale qui se fou de la société comme la société se fou de sa personne. Elle erre, elle vagabonde dans les rues jusqu’à passer devant le supermarché et puis l’idée brillante qui suit, y rentrer pour subtiliser quelque chose, un quelque chose d’alcoolisé si possible, histoire de maintenir son taux à flot. Contre le sol blanc, ses baskets couinent et laissent une marque de son passage, elle bouscule quelque personnes, elle les entend jurer dans son dos et ça la fait rire. Elle traine un temps jusqu’à se retrouver dans ce fameux rayon. Les alcools tous plus colorés et forts les uns que les autres, du champagne en passant par le vin en finissant sur la vodka, Houna détaille les étalages, les étiquettes de prix, elle calcule dans sa petite tête le rapport qualité prix, savoir jusqu’où elle va s’abaisser pour une bouteille.

Et puis, elle le trouve, le saint Graal, cette bouteille de Whisky hors de prix que peu peuvent se permettre d’acheter, mais aujourd’hui il n’est pas question d’acheter, mais de voler. Houna, elle comprend mal la valeur des choses, la valeur de l’argent, comme si un bout de papier imprimé peut avoir plus de valeur qu’un autre, ça la dépasse et elle s’amuse en n’achetant presque rien avec, pour elle s’est utile uniquement dans les casinos. Elle attrape cette dite bouteille qu’elle cache dans sa poche arrière, qu’elle recouvre avec son tee shirt. Ce n’est pas pour rien que Houna se promène toujours dans des vêtements amples, la bouteille on ne la voit même pas ainsi dissimulé. L’air détendu, synonyme d’un exercice qu’elle accompli régulièrement, trop régulièrement, elle prend la direction de la sortie, elle adresse même un sourire au vigile et un « Au revoir » qui montre qu’elle n’a rien à se reprocher, du moins c’est ce qu’elle veut lui faire croire. Une fois dehors, elle prend une bouffée d’air frais avant de s’installer sur un trottoir qui a survécu au carnage. Par provocation, elle ne se pose même pas loin du supermarché, le respect est une notion qu’elle a oublié depuis longtemps. À peine est-elle posé, une cigarette qu’elle venait de glisser entre ses lèvres, elle aperçoit un homme qui s’approche dans sa direction, un peu pressé, peut-être gêné, elle en sait rien, elle s’en moque jusqu’à ce qu’il se poste devant elle. Houna redresse un peu la tête pour le fixer sans pour autant se lever. Elle lui crache sa fumée de clope en même temps qu’elle articule un « Quoi ? » pas chaleureux pour un sous.

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Houna & Jacob

Jacob déambulait dans les rayons sans avoir rien acheté pour l’instant, il était un peu perplexe et ne savait trop que prendre. Il le savait, qu’il aurait dû faire une liste de courses, ça aurait été plus simple ! Mais non, il se retrouvait comme un imbécile devant des étals garni. Si seulement Sarah était à ses côtés, ça aurait rendu l’exercice plus amusant ; il n’aimait pas beaucoup faire les courses, mais avec elle, c’était bien différent. Et il voulait lui faire la surprise de lui acheter quelque chose, ce jour-là, il adorait lui faire plaisir. D’autant plus qu’elle avait fait tant de sacrifices pour lui, elle était bien décidée à étudier sa religion pour leur mariage et rien n’aurait pu l’émouvoir davantage. Il lui devait bien ça. Bien malgré lui, il fut attiré par le rayon des alcools, l’un de ses rayons favoris. Sans être un alcoolique notoire, Jacob aimait l’alcool, le bon vin surtout, mais il ne disait jamais non à quelque chose de plus fort. Et c’est là, soudain, qu’il la vit. Il ne la connaissait pas, une femme parmi tant d’autres, elle aussi dans le rayon alcool, qui ne sembla pas l’avoir vu. Il recula d’un pas pour ne pas être remarqué et se dissimula au bout de la rangée. Il vit sa main jaillir de nulle part, saisir une bouteille au vol et la dissimuler sous ses vêtements, le tout en une fraction de secondes, avant de reprendre sa route comme si de rien n’était. Abasourdi, Jacob demeura figé, silencieux, ne pensant même pas à crier au vol. Elle se ferait intercepter à l’entrée, par le vigile, par les caméras de surveillance, il ne savait pas, mais ce n’était pas possible autrement. Quelqu’un avait volé, juste sous ses yeux, bon sang. Sa foi de croyant en prenait un sérieux coup ! C’était tellement imprévu, improbable, que le tout jeune médecin ne savait pas comment réagir. Ce n’était pas son rôle, de toute façon – puis il détestait le conflit et encore moins provoquer de scène en public.

Alors discrètement, il abandonna ses projets d’achats et suivit la jeune femme en se disant que quelqu’un l’arrêterait, mais non, elle salua même le vigile, signe ultime de provocation, et s’éclipsa comme si de rien n’était, par la porte principale, sous le regard mi-outré mi-admiratif de Jacob. Elle avait réussi, bon Dieu, elle avait volé. Et il était sacrément mal à l’aise. Ne sachant s’il devait prévenir le vigile, la dénoncer, il opta finalement pour s’en occuper lui-même et sortit à son tour, craignant d’avoir perdu la jeune femme de vue, mais non. Fort heureusement (ou nouveau signe de provocation), elle s’était installée un peu plus loin, à même le trottoir, pour fumer une cigarette. Les sourcils froncés, il se dirigea alors vers elle, sans savoir quoi lui dire, et se planta à quelques mètres, l’œil menaçant. L’inconnue leva tranquillement la tête vers lui et tout en recrachant la fumée de sa cigarette, lui demanda de façon totalement impolie ce qu’il lui voulait. « Je vous ai vu. Vous avez volé cette bouteille... Pourquoi vous avez fait ça ? » le vol était un péché, Jacob le savait depuis toujours, ses parents le répétaient suffisamment pour qu’il l’imprime. Alors voir quelqu’un d’autre commettre un tel acte, ça l’angoissait un peu et surtout, ça l’énervait. Mais avant d’aller la dénoncer – car c’était ce qu’il fallait faire, assurément, même s’il détestait cette idée – il voulait d’abord entendre ce qu’elle avait à dire, et peut-être, lui faire entendre raison. Jacob, avec toute sa bienveillance et ses beaux principes, était encore persuadé de pouvoir changer le monde.

Il a cette allure d’homme bien-pensant, propre sur lui, la tête du premier de la classe, celle du blondinet rempli de bonnes vertus. Il ne lui manque plus que la chemise sous le petit pull tricoté vert et le colle qui ressort et il serait le stéréotype même du gendre idéal. Il doit faire face à une Houna désinvolte, qui se fou de bien penser ou de choquer et quand il vient à lui dire qu’il l’a vu voler de l’alcool, elle meurt d’envie d’exploser de rire. À l’écouter, on dirait qu’elle vient de commettre le pire des crimes. « Et… ? »  Qu’est-ce que ça peut bien lui faire de savoir qu’elle ait volé quelque chose, de l’avoir vu. C’est vrai qu’elle n’aime pas laisser de témoin, mais sincèrement il y a quoi de si terrible à voler ? Cet alcool a un prix exorbitant, bien plus qu’il ne le devrait. C’est un fausse valeur l’argent, peut-être que cet homme ne sait pas ce que c’est que de manquer, que dans sa famille on lui a appris que voler ce n’est pas bien, qu’il faut travailler de manière continue et légale et payer chaque chose, qu’il faut tenter de remettre les personnes un peu déviantes sur le droit chemin. Ce n’est pas le premier à avoir essayé. Elle tire une nouvelle fois sur sa cigarette sans se lever, elle le fixe droit dans les yeux quand il lui demande pourquoi elle a fait ça. Houna lui répond du tac au tac. « Parce que j’en avais envie. » C’est sans doute la pire réponse, elle aurait pu jouer la carte de la miséreuse en mal d’alcool qui n’a pas d’autre choix que de voler pour survivre, qu’elle boit parce que sa vie est un calvaire. Le truc, c’est que Houna aime sa vie, ce rythme qu’elle a, qu’elle entretient, elle aime le danger, sentir son sang pulser dans ses tempes et ce qu’elle aime par-dessus tout c’est voir le regard des hommes comme lui choqué par son comportement. Rien que de par sa manière de s’avancer vers elle, Houna avait compris qu’il ne tolèrerait jamais un comportement comme le sien. Ils sont en décalage, pas besoin d’avoir fait de grandes études pour le comprendre. Houna entretien se décalage, elle pourrait se relever, prendre sa bouteille et se barrer, elle pourrait tout aussi bien s’énerve, lui aboyer au visage comme elle sait si bien le faire avec d’autres. Le problème avec Houna, c’est qu’elle est bien plus intelligente qu’elle n’y parait. On en apprend des choses à vivre dans la rue et avec ce genre d’individu, il faut montrer qu’elle n’est pas la dernière des imbéciles.

« Ne pas cautionner ce que je fais c’est un fait, faire la morale en est un autre. » Elle a horreur de ça, l’air supérieur de ses personnes qui la jugent trop en marge. C’est typiquement humain ça, de se mêler des choses qui ne les regarde. Elle récupère sa bouteille sur le trottoir et d’un geste provocant elle l’ouvre et en boit un grosse gorgée. Ça brûle l’intérieur de sa gorge, ça anesthésie momentanément son goût et ça réchauffe instantanément son corps. Elle cultive son côté provocant, sa différence car vraiment, cet homme à l’air de nourrir tout ce qu’elle déteste dans le jeune adulte moyen des USA. « Si tu cherches ta bonne action de la journée à réaliser. Si tu crois que me dire ce que je fais c’est mal va t’aider à mieux dormir la nuit. C’est stupide et ridicule. » Elle n’a pas un mauvais fond, c’est juste Qu’elle ne trouve pas la société dans laquelle elle vit en accord avec sa pensée. Houna, elle s’attarde pas trop à juger, elle n’aime pas les cas de conscience. « Il y a un tas de gamins qui crèvent la dalle la bouche ouverte un peu partout dans le monde alors… franchement… un vol d’alcool…» Elle se dit qu’avec tout cet argent qu’ils affectionnent tant, ils pourraient en faire des choses incroyable dans le monde.

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Houna & Jacob

Jacob était curieux face à cette jeune femme, presque mal à l’aise tant ils semblaient provenir de deux mondes différents. Il ne savait trop comment réagir sachant qu’il avait témoin d’un vol et ignorait à quoi il s’attendait, qu’elle s’excuse, qu’elle reconnaisse que c’était mal, qu’elle jure de ne plus jamais recommencer. Mais il ne s’attendait pas du tout à ce qu’elle n’éprouve aucun regret, qu’elle lui dise seulement qu’elle en avait envie. A ses yeux, ce n’était même pas envisageable, qu’on puisse voler par pure envie, c’était impossible. Il la dévisagea d’un air sévère mais devant sa remarque, finit par répondre « Je n’ai pas l’intention de vous faire la morale » alors que, dans le fond, c’était peut-être ce qu’il allait faire, mais pas question de le reconnaître. Il la dévisagea plus attentivement et constata qu’ils devaient avoir approximativement le même âge, et cette idée était assez étrange à concevoir tant ils étaient différents. Jake, tellement propre sur lui, et elle, si libérée, si bien dans ses baskets – ou en tout cas, telle était la vision du jeune médecin. L’air effaré, il l’observa attraper la bouteille volée et l’ouvrir pour en boire une grosse gorgée. C’était le comble de la provocation ! « Inutile que je vous dise que voler, c’est mal, visiblement, vous le savez déjà » rétorqua-t-il en haussant les épaules. Elle le tutoyait naturellement, mais lui refusa de rentrer dans son jeu et il préféra employer un ton courtois, bien que sérieux, pour ne pas qu’elle pense qu’il se moquait d’elle. C’était visiblement trop tard. Il ne lui tiendrait pas de discours moralisateur même si ça le démangeait, car il venait de prendre conscience qu’elle ne l’écouterait pas. Quoi qu’il dise, elle se contenterait d’hocher la tête par politesse – ou peut-être même pas, peut-être l’insulterait-elle ou lui rirait-elle au nez avant de repartir de là où elle venait, le cœur léger, en oubliant complètement cet étrange jeune homme qui avait tenté, durant cinq minutes, de comprendre pourquoi elle avait commis un tel geste.

« Je suis d’accord avec vous sur ce point, mais ce n’est pas juste un peu d’alcool, c’est une question de principe. Vous n’avez donc aucun principe ? » demanda-t-il sur un ton qui frisait l’ironie. Bien sûr que si l’on partait de ce constat, de nombreux enfants souffraient de la faim dans le monde entier et cela rendait Jacob très malheureux, si bien qu’il s’efforçait de les aider à son échelle, mais il trouvait ça presque mesquin de la part de cette jeune femme de se servir de cette excuse pour justifier son vol. Esquissant un sourire, il chercha à la titiller un peu « En quoi voler une bouteille de Whisky dans un supermarché de Savannah va aider ces mêmes enfants à ne plus avoir faim ? » il se demandait bien ce qu’elle répondrait à cela, même s’il savait bien que c’était une question sans réponse, qu’elle n’avait absolument pas lâché ces mots pour s’engager dans un quelconque débat, mais Jacob n’avait pas l’intention de la laisser s’en sortir comme ça, il voulait avant tout comprendre. Et tenter, peut-être, dans son optimisme – sa naïveté – de lui faire changer sa vision des choses, même si c’était perdu d’avance, même s’il se doutait, quelque part, qu’avec ce genre d’individus, ça ne servait à rien de persévérer, il n’était pas du genre à baisser les bras.