six ans
« habille-toi, malone. » tu bats des cils faisant mine de ne pas comprendre ce que maman te raconte, celle-ci soupire exaspérée, mais capitule, elle ne peut pas te résister, de toutes ses filles, tu es la plus couvée. « très bien. » elle te dit en ouvrant la penderie, elle en sort une jolie robe blanche, celle avec la tâche sur le côté qu'on voit pas trop quand t'as les bras baissés, c'est ta seule jolie robe, celle que tu mets tous les dimanches pour aller à la messe parce que maman et papa n'ont pas les moyens de t'en offrir une nouvelle. « dépêche-toi, on va être en retard, on doit rejoindre les smith à l'église et à cette allure, nous n'y serons que demain matin ! » tu aides maman à accrocher la fermeture en posant tes mains sur tes épaules et puis tant dit ce qu'elle boucle les sandales de tes petites chaussures ouvertes, tu observes ton reflet dans le miroir. « maman, à quoi je ressemblerais quand je serais plus grande? » elle te caresse les cheveux, les yeux embrumés de larmes, maman est émotive. « oh, ma chérie, je suis sûre que tu seras quelqu'un de merveilleux. » un sourire immense sur les lèvres, tu la crois, peut-être n'aurais-tu pas dû.

quinze ans
il avait le sourire de ceux qui veulent conquérir le monde. toutes les filles n'avaient d'yeux que pour lui et même certains garçons se risquaient à des regards furtifs, des airs admiratifs. toi aussi, tu étais l'une de ces personnes, parce qu'il transpirait la confiance, parce qu'il donnait envie aux autres d'aller vers lui. pourtant contrairement à beaucoup tu n'as pas fais le premier pas, c'est lui qui t'as abordé, c'est lui qui t'as souris et qui t'as dis à quel point il te trouvait jolie. c'est lui qu'à commencer à te chercher, toi, la gamine un peu paumée, t'avais rien demandée, d'habitude t'effraie, d'habitude ils veulent pas trop s'accrocher les gens parce que t'es si douce qu'on voudrait pas te briser, parce que t'es si croyante qu'on voudrait pas te montrer que la foi en vrai, elle existe pas et t'as pas encore était confrontée à la réalité du monde. encore une enfant qui croit aux contes de fée, encore une adolescente qui croit au prince charmant et as, il est de ceux qui se fichent complètement d’anéantir des cœurs et puis il aime les plus innocentes, il aime quand il peut manipuler avec facilité et c'est ce qu'il fait avec ton palpitant, il joue de tes sentiments. les larmes n'atteignent pas son âme.

seize ans
couvée, protégée et aimée par la plus grosse brute du lycée, les gens se risquent plus à t'embêter, ils veulent pas s'attirer les ennuis de la bande à as, ils veulent pas qu'on les tabassent. et toi, tu remarques pas dans quoi t'es imbriquée, tu comprends pas ce qu'il a ton copain quand ses yeux sont rouges et son esprit embrumé, tu sais pas ce que c'est les piqûres qu'il se fait ou les pilules qu'ils avalent en quantité, t'es naïve, tu le laisses même t'en donner et plus il en glisse dans ta bouche, plus t'en redemandes. plus t'es docile, plus tu laisses ses mains glisser bas, sa bouche aller tout droit, t'oublies les avertissements de papa et maman, tu serais prête à n'importe quoi.

presque dix-sept ans.
« mais qui es-tu? » hurle maman. « mais qui es-tu? » pleure papa. « malone me manque. » disent les frères et les soeurs. malone, elle est là pourtant, elle est entière, vivante, elle aime à la folie. elle a le coeur qui part en vrille malone, elle a l’inconscient ailleurs et elle comprends pas pourquoi les parents crient pour un sachet argent et brillant. c'est rien, ça rien du tout, parce qu'as c'est l'homme de sa vie.

dix-sept ans.
« dis-moi ce que tu veux. » tu souris naïvement, tu t'accroches à ses hanches alors qu'il te nargue, la main haut dessus de son crâne, loin de toi, un sachet de comprimé entre les doigts. « dis-moi ce que tu veux malone. » il se penche pour souffler ses mots près de ton oreille et tu gémis impatiente. « le sachet, je veux le sachet. » tu glapis, sautille, tente d’attraper le bijou qu'il fait miroiter. « pour ça, il vas falloir me donner quelque chose en échange, mon ange. » ce que tu veux, tout ce que tu veux dise tes yeux tant dis ce qu'il comprend qu'il a gagné. il appuie sur tes épaules te fait tomber à genoux, ils râpent le béton nu et dur, la douleur remonte jusqu'à ta tête, mais tu n'y prête pas attention, tu t’attelles déjà à la fermeture éclair de son pantalon. « c'est ça bébé. » il a ce regard que tu n'aimes pas, mais il a les pilules aussi, celles que tu rêves déjà de glisser sous ta langue, alors tu réfléchis pas,  tu réfléchis plus depuis longtemps et tu te mets au travail pour qu'il soit content.

pas encore dix-huit ans.
« cours. »
un silence.
le froid.
la mort.
ton coeur est-ce qu'il bat encore?