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 quand on aime, on ne quitte pas (the twins)

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Michael Healy

Michael Healy
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MessageSujet: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyDim 17 Juil - 22:52

Bee,
Tu vois, tout à l'heure, je pensais à un truc. Tu crois qu'on aurait pu te sauver ? Je veux dire, si on était resté ? Ca aurait changé quelque chose ? J'aimerais savoir si t'es morte sur le coup. Si tu étais encore consciente. Tu nous a vu nous barrer comme des merdes ? Je sais pas pourquoi je pensais à ça. Un truc qu'un mec a dit au foyer, genre sur la culpabilité tu vois. Un m'a demandé si je me sentais coupable. Je crois que Beth leur a dis que t'étais morte. Bref. Et du coup, je me suis posé la question. Je suis pas un crétin, les accident arrive, je ne vois pas pourquoi je me sentirais coupable parce qu'un chauffard ne t'a pas vu tu vois. Mais après j'ai réfléchis. T'étais encore en vie ou pas quand on est parti ? Est-ce que tu m'as appelé à l'aide ? Est-ce que tu m'as cherché ? C'est quoi le dernier souvenir que t'auras de moi ? Le gars qui te faisait rien, une clope dans la bouche et que t'essayais d'impression avec ton acrobatie de merde ? Ou le putain de lâche qui t'a laissée te vider de ton sang sur la route ? D'après moi, t'étais déjà morte. Y avait tellement de sang sur le bitume. J'espère que t'étais morte. Dis moi que t'étais morte putain.


Michael lâcha le crayon de papier. Il avait appuyé tellement fort sur le papier que la mine s'était brisée. Il se mit la tête dans les mains. Il étouffa un sanglot. Il se mordit la lèvre, très fort. Il se leva, fit tomber la chaise derrière lui. Les 8m² lui semblaient si petit. Il écarta les bras comme s'il pouvant toucher les deux murs comme ça. Puis, laissa tomber ses bras dans le vide. Puis il s'entoura de ces mêmes bras. Puis il fit les cent pas. Il n'arrivait pas à rester sur place, il n'arrivait pas à se calmer. Etait-elle déjà morte ? L'avait-elle vu partir ? Il ne savait pas pourquoi cette pensée le hantait, mais c'était le cas. Il ne supportait pas l'idée qu'elle l'ait détesté juste avant de mourir. Il ne supportait pas qu'elle ait vécu, quelques secondes, minutes ou heures, à le chercher à les chercher dans la foule. Elle et son visage déformé, ses poumons perforés et ses jambes brisées. Putain... Putain... Putain ! Il fit tomber par-terre tout ce qui se trouvait sur son bureau. Elle était déjà morte. Hein ? HEIN ?! Maintenant, le visage de Bee ne voulait plus quitter ses yeux. Elle était là, si parfaite sur sa rétine qu’il avait presque l’impression qu’elle était réelle. Faut dire qu’il avait déjà bien entamé sa soirée. Cinq canettes de bières couvraient le sol. Il s’en ouvrit une nouvelle. Et puis il s’alluma une cigarette. Et pour faire bonne mesure, il shoota dans ce « journal ». Traces de cette relation épistolaire qu’il entretenait avec un fantôme. Putain de fantôme.

Il était sortit dans la cour, dans le jardin, il balançait des cailloux sur les caravanes vides des équipes de tournages, qui avaient apparemment quartier libre ce soir. Si lui se fichait bien de passer pour un putain de traumatisé au yeux du monde, les caméras se désintéressaient le plus souvent de sa présence. Il l’avait filmé à son arrivée pour essayer d’avoir quelques infos sur son histoire, mais puisqu’il n’était pas un ancien prisonnier, il ne semblait pas être assez « intéressant » pour passer à la télé. Tant mieux, tant pis. En fait il s’en foutait complètement. Il avait simplement envie e lancer des trucs et d’en détruire d’autres. Une des activités qu’il faisait souvent, dans le temps. Il avait trop bu pour garder le compte maintenant en envoya sa canette terminée dans les airs après l’avoir écrasée dans ses mains. Il visait le ciel. Les étoiles. Il visait Dieu. QU’EST-CE QUE TU VEUX PUTAIN ? Hurla-t-il soudain. Il entendit une réponse, pas divine, mais plutôt qui provenait de la chambre d’un autre résident. FATES LUI FERMER SA GUEULE PUTAIN !

Il s’allongea dans l’herbe en criant. En chialant. Il arrachait l’herbe avec ses mains et se tenait la tête. Il était tout rouge, il ne comprenait pas. Pourquoi elle était morte ? Comment c’était arrivé ? Où était elle putain ? Il ne se rendait pas compte que toutes ces questions il les hurlait à haute voix, sans savoir à qui il s’adressait.

Beth attendait devant l’entrée, guettant la nuit. Enfin, la réplique exacte de Michael perça le noir pour venir vers elle. Elle lui sourit, accueillante mais inquiète. Merci d’être venu aussi vite. Je ne savais pas quoi faire. Je l’ai ramené dans sa chambre avec l’aide d’autres résidents. Il est… ingérable et demande à vous voir. Annonça-t-elle en indiquant l’escalier du menton pour que Junior puisse rejoindre la chambre de son frère.

Assit sur le bord de son lit, les coudes sur les genoux, Michael avait été assigné à résidence. Chose qui lui était inconnu il n’y a pas si longtemps. Avant, personne ne l’empêchait de partir là où bon lui semblait, parce que personne ne s’inquiétait quand il était bourré dans la rue, entrain de comater sous un pont. Avoir quelqu’un pour en avoir à foutre, ce n’était pas tellement bien. C’était même mal. Il était bourré. Putain Il tenait une nouvelle canette entre ses mains. Mais il ne la buvait pas. Elle sortait de la glacière qu’il avait de planqué sous son lit, elle était fraîche, ça faisait du bien. La porte s’ouvrit, il leva les yeux. Junior. Michael partit dans un grand rire. Heeeey. salua-t-il avec entrain. Mais ses yeux chialaient encore, ils étaient brillants, rouges, explosés même. Qu’est-ce que tu fais là ? Mais ça tombe bien, j’avais une question pour toi. Là il se leva, il chancelait, manqua de se casser la figure mais se raccrocha à Junior. Il s’y accrocha même fermement, enroula son braas autour des épaules de son jumeau. Comment tu fais ? Hein, pour aller bien ? il but une grande gorgée de bière et puis tendit la canette à son frère pour qu’elle en boive aussi. Ou alors, t’en as juste rien à branler ? Accusa-t-il, sans réfléchir.. Il lâcha Junior, recula de quelques pas et alla s’échouer contre son bureau.
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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptySam 23 Juil - 0:02

La tête sur l'comptoir du bar, je roupille bruyamment, exténué. J'ai pas pu fermer l’œil de la nuit, à cause d'un alcoolo qui s'est embrouillé avec tout le monde, jusqu'aux aurores. Et une fois que la ville s'anime, c'est mort, je ne dors plus. Déjà parce que c'est trop bruyant, trop vivant, j'n'arrive pas à m'en détacher et me détendre pour dormir un peu. De toute façon, avec le camion-poubelles qui passe tous les matins aux alentours de 6h, c'est carrément tous les clodos qui s'lèvent à cette heure-ci. La plupart referont un p'tit somme plus tard dans la journée, vers 14h, histoire de finir de décuver un bon coup avant de recommencer à boire ou à mendier. Quoi qu'il en soit, ce putain d'alcoolo, j'me suis pas gêné pour le dépouiller de trois billets qui dépassaient de sa poche alors qu'il a finit par s'endormir contre un tas de cagettes en bois, à moitié recouvertes de moisi. C'était pas la richesse, mais c'était quand même suffisant pour me payer un café et un truc à m'foutre dans le ventre pour la journée. Les jours où on mange, c'est jour de richesses pour Micha et moi. Même si je sais que maintenant, là où il est, il mange à sa faim tous les jours. Et j'suis content pour lui. Vu l'état dans lequel il est, il a carrément besoin de se nourrir convenablement. Quand j'crève trop la dalle et que j'ai rien à me mettre sous la dent, je vais squatter un peu dans son foyer, pour grignoter des trucs qui trainent dans le frigo, même si j'ai pas l'droit, parce que soit disant ça appartient à quelqu'un. Tant pis.

- hey, mec ? ..oh, oh, mec ?!
Je grommelle et bouge la tête, levant un oeil vers le barman qui me secoue doucement. - hmm'quoi ? Que j'lui demande, encore dans les vapes.
- y a ton téléphone qui vibre depuis tout à l'heure.

Je me redresse d'un bond et lui fait signe de me le passer, alors qu'il l'avait gentiment mit à charger dans un coin. Je m'affole un peu, parce que le numéro de ce téléphone, y a que Michael et la dame du foyer qui le connaisse. C'est un portable qu'on a volé à un passant, quand j'ai foutu Micha dans le foyer. Pour qu'on ne perde pas contact, qu'on puisse se joindre si besoin. Mais généralement, je ne peux jamais téléphoner avec, ni envoyer de messages, rien, que dalle. Parce qu'il faut recharger le crédit et que si j'ai pas les thunes pour manger, j'ai clairement pas les thunes pour me payer du forfait. Alors je suis joignable, autant que j'arrive à trouver des endroits pour le charger. Mais je ne peux joindre personne. Sauf quand il s'agit de Lola, là, je trouve toujours une solution.

Je m'empresse de l'attraper et je décroche à la hâte, avant de venir le coller à mon oreille.
- Oui ?! Que j'demande, un peu essoufflé à cause de ce réveil agité.
- Junior, c'est Beth du foyer. Je... il faut que vous veniez. Vite.

Je déglutis alors que j'imagine déjà le pire. Je lui dis que j'arrive et je raccroche en deux-deux, avant de me faire la malle à toute allure. Je cours dans les rues de Savannah en direction de Tybee Island, le cœur au bord de l'implosion. Putain, putain. Qu'est-ce qu'il a fait, encore ? Qu'est-ce qui lui est arrivé, cette fois ? Avec tous les tarés qui s'promènent en liberté dans ce foyer, je dois avouer que je n'suis pas toujours rassuré. Voir même, complètement flippé. D'ailleurs, quand j'ai réussi à lui négocier une place là-bas, au dernier moment, j'ai voulu me raviser. Ils sortent tous de taule là-dedans et quand on voit leur tronche, c'est pas hyper rassurant. Mais Micha, lui, il n'en avait rien à cirer. Alors j'ai rien dit et j'ai laissé faire.

Les joues en feu, rouges cramoisies, le front perlant de sueur, et soufflant comme un bœuf, j'arrive enfin à destination, lessivé. Beth est déjà là à m'attendre, angoissée comme pas possible, faisant les cent pas. Dès qu'elle m’aperçoit, elle s'arrête et me lance un petit sourire. A chaque fois que je la vois, elle, transpirant la gentillesse et la générosité, j'me demande pourquoi c'est pas une femme comme elle qu'on a eu comme mère. Je lui rend son sourire, un peu moindre, peut-être. Mais j'ai une boule dans l'estomac qui me contracte et me coupe toute envie de sourire à qui que ce soit.

- Merci d’être venu aussi vite. Je ne savais pas quoi faire. Je l’ai ramené dans sa chambre avec l’aide d’autres résidents. Il est… ingérable et demande à vous voir.
On avance tous les deux côte à côte, en direction du bâtiment qui sert de dortoir, je pose ma main sur son épaule, cherchant à être rassurant.
- Vous avez bien fait de m'appeler Beth, je vais m'occuper de lui, vous en faites pas.

Quand j'passe, les autres résidents me lancent un regard noir et j'sais pas trop comment le prendre. Mais visiblement, Michael a fait parlé de lui dans l'coin. J'ignore l'équipe de tournage qui squatte ici aussi, et je fonce jusqu'à l'étage pour retrouver mon reflet. Un reflet quelque peu abimé ces derniers temps. J'rentre dans sa chambre et ce que je vois me brise un peu plus le cœur. Il est assit au bord de son lit, dépité, et il lui faut de longues secondes avant de réagir vraiment sur mon arrivée, signe qu'il est bourré. Comme assez souvent ces derniers temps. Je referme la porte en soupirant, ne sachant plus quoi faire à force. Il se met à rire en m'voyant, le genre de rire qui sonne faux, un peu bancale. Ses lèvres rient, mais ses yeux pleurent encore. Et j'ai l'impression que c'est moi qui vient de chialer. J'ai le cœur lourd, les yeux qui piquent et la gorge endolorie, comme si j'avais sangloté pendant des heures. Ça me fait toujours ça, ça nous fait toujours ça. Dès que l'un ressent un truc un peu trop fort, l'autre le ressent aussi. C'est assez puissant, assez étrange. Ça dépasse la compassion et l'empathie. C'est juste inexplicable. Aussi agréable que terrifiant.

- Qu’est-ce que tu fais là ? J'ai envie d'lui dire que, visiblement, c'est lui qui m'a réclamé. Mais il a l'air d'avoir oublié. Et puis, ça n'a pas d'importance. Je me contente de hausser les épaules, comme pour dire : j'ai besoin d'une raison pour venir te voir ? On sait très bien que non. Mais ça tombe bien, j’avais une question pour toi. Je hausse un sourcil, me préparant au pire. Quand il est bourré et malheureux, Micha, je n'l'aime pas. Parce que je ne le reconnais pas. Il devient acerbe et négatif. Agressif, même. Et c'est pas lui, tout ça. Micha, il est mordant, mais y a toujours cette pointe d'humour dans la voix. On dirait révolutionnaire, assoiffé de vie et de liberté. Quand il est bourré, il ressemble à tous ces clodos ivres qui trainent la nuit. Et ça m'fait d'la peine.

- Je t'écou... J'le vois qui se lève et qui titube, menaçant de s'écrouler au sol. J'fais un pas en avant et je tends les bras. - fais gaffe ! Il se raccroche à moi et se redresse avant de passer son bras autour de mes épaules, nullement perturbé.

Je l'agrippe et tente tant bien que mal de trouver mon équilibre avec tout le poids qu'il pèse sur moi, mais je n'dis rien, j'me plains pas et je ne le repousse pas. Comment j'pourrais ? J'le tiens aussi fort que lui me tient, même si y a pas le même enjeu derrière. Lui, il veut juste rester debout. Moi, j'veux l'guérir, lui montrer que j'suis là, sa béquille, son soutien. Infaillible, inébranlable. Presque.

- Comment tu fais ? Hein, pour aller bien ? Merde.

Je ferme les yeux une seconde, et j'inspire un grand coup. Faut pas que j'me laisse démonter, que j'le laisse m'atteindre avec ça. Avec elle. Il a trop besoin de moi, là, maintenant, pour que je me permette de m'effondrer moi aussi. J'irais pleurer ce soir, quand il ne sera plus là pour m'voir. Y a mes doigts qui se resserrent autour de ses fringues, alors que mon palpitant s'accélère et que je reste muet. J'me contente d'attraper la canette qu'il me tend et d'en descendre trois grosses gorgées, pour me calmer. Pour me remettre les idées en place. Pour gagner du temps.

- Ou alors, t’en as juste rien à branler ?
- Ta gueule, Micha. Que j'réponds du tac au tac, vexé.

J'le fusille du regard, le con. Comment il ose dire ça ? J'le retiens pas quand il s'éloigne de moi pour aller s'affaler sur son bureau, incapable de rester droit sur ses pieds tant il est saoulé. Je passe une main nerveuse dans mes boucles et soupire, excédé. Je reviens vers lui et l'attrape avant de le tirer de force sur son lit pour qu'il s'y installe. - allonge-toi. Que je lui ordonne, comme un père qui veille sur son gosse.

- Qu'est-ce que tu veux que j'te dise, Micha ? Que je commence, un peu agacé. Ça servirait à quoi que j'me mette dans le même état que toi ? hein ? C'est vrai ça après tout, ça servirait à quoi ? A rien. Y aurait plus aucun de nous pour s'occuper de l'autre. On aurait l'air malins. On a toujours fonctionné comme ça, putain. Y en a toujours un qui prend soin de l'autre. Pendant 17 ans, c'est lui qui a rempli ce rôle-là. Aujourd'hui, c'est mon tour. - J'vais pas bien, Michael. J'pense à elle tout l'temps. A c'qu'on a ... fait. Ma voix perd en intensité quand je prononce ces mots-là, honteux, pas bien. Mais je me reprends vite. - Franchement, arrête avec la bière. Tu pues presque plus que quand tu te douchais qu'une fois par semaine, j'te jure, ça craint. Je pose ma main droite sur son crâne, pour essayer de le calmer, de l'apaiser, comme un enfant malade. - j'crois qu'ils veulent tous te buter en bas. t'as fait quoi encore ? Faut que je vois si j'peux rattraper ses conneries auprès des taulards. J'voudrais pas qu'ils me l'abiment. Il est déjà suffisamment amoché à l'intérieur comme ça.
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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyVen 29 Juil - 16:04

Junior hausse les épaules d'un air égal. Y avait-il vraiment une raison pour qu'il soit là ? Depuis qu'ils s'étaient retrouvés, ils avaient toujours été fourré ensemble. Jusqu'à dernièrement. Que Junior vive à la rue pendant que lui vivait dans ce foyer ça lui brisait le coeur, à Michael. Est-ce que ça avait été la même chose quand les situations avaient été inversées ? Est-ce que Michael avait brisé le coeur de Junior encore et encore pendant des années ? Pourtant ils s'étaient jurés de ne plus jamais passer une seule journée loin l'un de l'autre. Ils se l'étaient promis à la première cuite qu'ils avaient pris ensemble après leur retrouvailles, quand Michael avait montré à son jumeau le terrain vague où boire de la bière à la lumière des bidons d'essence vident dans lesquels ont fait un feu pour se réchauffer. A l'époque, y avait Bee, à l'époque ils étaient heureux. Peut-être que Junior avait besoin de prendre du recul pour ne pas sombrer avec son frère, pour ne pas le voir aussi malheureux et du coup, l'être aussi ? Peut-être aussi qu'il refusait de sacrifier sa liberté pour lui. Et pourtant, Michael aurait préféré qu'il le fasse. Lui ne l'aurait pas fait, il l'avait déjà prouvé lui tôt en se barrant du domicile familiale sans Junior, mais il aurait voulu que Junior le fasse. Egoïsme suprême. Après tout, pourquoi pas, il avait le droit. Il était endeuillé, misérable et bourré. Quand on est dans un tel état, on a tous les droits, non ? fais gaffe ! s'écria Junior quand Michael lui tomba dessus pour ne pas s'écrouler sur le sol. Ce dernier se contenta de rire franchement, parce que c'était vraiment trop drôle. En fait non, mais sur le moment ça lui paraissait drôle. Tout comme le regard déconfit de son frère, ses yeux rouges aux bords des larmes. C'était drôle hein, cette relation fusionnelle, tellement fusionnelle que l'un chiale quand l'autre chiale, même s'il ne sait pas pourquoi. Ridicule, hein ? Et vous voulez entendre un autre truc drôle ? La question stupide, mais vraiment stupide que Michael posa à Junior. Comment faisait-il pour aller bien? Ne pouvait-il pas partager sa recette magique. Celle qui implique une nouvelle nana qu'on baise, un groupe de malfrat et la vie dans la rue. Pourquoi Michael ne pouvait pas faire la même chose ? Sauter une meuf bizarre, se trouver des amis et vivre dans la rue comme il s'était toujours juré de le faire ? Pourquoi il ne pouvait pas faire quoi que ce soit ? Putain il était bloqué, figé sur place depuis la mort de Bee. Tout le monde allait à 100 km/h autour de lui pendant qu'il était bloqué. Tout ce qu'il voulait, c'était respirer, mais même ça c'était insurmontable. Il ne pouvait pas penser, dormir, manger et vivre sans avoir mal. Alors, que devait-il faire, hein ? Junior n'aurait pas la réponse, au vu de sa réaction, ses yeux qui se faire avec une lassitude extrême et un énervement qui pointait le bout de son nez mêlé avec de la tristesse. Junior n'aurait pas de réponse. Personne n'avait de réponse à lui donner. Du coup, Michael devint agressif. Ta gueule, Micha. Michael. dit-il par habitude comme à chaque fois qu'on essayait de lui trouver un surnom parmi les trop nombreuses possibilités qu'offrait le prénom Michael. Pourtant, il ne l'avait jamais fais à Junior. Lui pouvait l'appeler comme bon lui semblait ça ne l'avait jamais dérangé, bizarrement là, il n'avait pas pu retenir de le corriger, comme pour élargir le fossé qui les séparait déjà. Ce fossé, c'était le deuil que Junior semblait faire et auquel Michael ne survivrait pas. Il se laissa donc tomber sur le bureau sans ménagement, sans que son jumeau ne le retienne. Ce dernier buvait de la bière pour se calmer les nerfs et du coup, Michael en profita pour ajouter d'une voix vaseuse : Et toi, ta gueule ! pourtant il ne disait rien. Disons seulement que Michael était bourré et en colère contre le monde entier. De toute façon, Junior n'ouvrit pas la bouche et se contenta de s'approcher de lui pour tenter de le lever, Michael se débattit mollement, trop pour empêcher son frère de le traîner jusqu'au lit. Fous-moi la paaaix... marmonnait-il dans sa barbe mal rasé, si bas que s'en était incompréhensible. Cependant il se laissa faire et finit par s'allonger sur le lit, roula sur le dos et fixa le plafond, il continuait de chialer sans vraiment s'en apercevoir ni pouvoir s'arrêter. Parfois il reniflait bruyamment. Qu'est-ce que tu veux que j'te dise, Micha ? Michael soupira bruyamment. Tout tournait autour de lui comme s'il était un foutu zooplancton en pleine mer, emporté par différents courants marins. Ce qu'il voulait qu'on lui dise ? N'importe quoi ! Quelque chose. Là Junior se contentait d'éviter le sujet ça lui foutait les boules putain. Ça servirait à quoi que j'me mette dans le même état que toi ? hein ? Michael se redressa violemment, tellement qu'il eut envie de gerber instantanément, mais ignorant cette envie qu'il ne connaissait que trop bien, il se contenta de rager contre son jumeau. Parce que c'était bien plus simple de rager contre Junior que contre lui-même. En soi, ça revenait quasiment au même, mais en légèrement moins pire. Au moins, je saurais que t'en avais quelque chose à foutre. balança-t-il, plein de rancoeur. Ok, il savait que Junior n'avait pas connu Bee comme lui l'avait connu. Il savait que leur relation était plus récente mais merde... Ils étaient ensemble, tous les trois. On pourrait penser qu'il y avait de la jalousie, une certaine rivalité qui s'étaient instaurés entre les frères,  mais pas du tout en fait. C'était même tout l'inverse. C'était Michael qui avait voulu que Bee sortent avec eux deux, lui qui avait arrangé les choses, assurés qu'il n'y avait pas de problème. Et puis tout le monde s'y était habitué, Bee était tombée amoureuse des deux garçons, aussi bien individuellement qu'en temps que paire de jumeau, et... Voilà. Ils étaient à trois, et Michael voyait ça comme de la tromperie que son frère ne pleure pas autant leur copine disparue. J'vais pas bien, Michael. J'pense à elle tout l'temps. A c'qu'on a ... fait. Assura rapidement Junior. Son dernier mot avait résonné en Michael si fort que ça lui faisait mal. Alors lui aussi pensait qu'ils étaient coupables ? Lui aussi pensait qu'elle était morte à cause d'eux, parce qu'ils s'étaient barrés ? Alors c'était la vérité ? J'espère que t'étais morte. Dis moi que t'étais morte putain. Les mots qu'il avait écrit sur le cahier quelques heures plus tôt lui revenait en pleine forte. Non, non, non ELLE DEVAIT ETRE MORTE SUR LE COUP ! C'était primordial qu'elle soit morte sur le coup ! Incapable de gérer ses émotions, et alors que ses larmes silencieuses s'étaient transformés en gros sanglots de bébé, Michael hurla : Ah ouaaais ? Et tu penses aussi à elle quand tu baises ta nouvelle copine ? parler de ce que Junior faisait aujourd'hui, c'était moins dur que de penser à ce qu'ils avaient fait tous les deux. Michael replongea dans le lit, sur le ventre cette fois-ci et enfonça sa tête dans l'oreiller pour y étouffer sa peine. Il sentit la main de Junior sur lui quelques minutes ou secondes plus tard. Il se crispa, voulait lui demander de ne pas le toucher mais n'en avait pas la force et puis, au final, ça faisait du bien de sentir quelqu'un, quelqu'un qui lui voulait du bien. Quelqu'un pour éponger sa trop grande peine qui lui sortait par tous les pores. Il blague sur une histoire d'hygiène. Sur le moment, Michael avait une phrase toute prête dans sa tête pour le casser mais il ne trouva pas la force de la prononcer. Il restait prostré dans sa douleur qui le paralysait complètement. La prochaine phrase, par contre lui scie le ventre et le coeur en même temps, d'un même coup fatal. j'crois qu'ils veulent tous te buter en bas. t'as fait quoi encore ? Au quart de tour, Michael se redressa et poussa violemment Junior en arrière. J'AI RIEN FAAAAAIS PUTAIN ! J'AI RIEN FAAAAAIS ! le gars devint totalement fou, incontrôlable. Junior parlait pourtant simplement des taulards, mais cette question lui s'était mélangée avec tous les autres doutes qu'il avait à propos de la mort de Bee. La culpabilité avait été trop grande, trop forte, trop violente et il avait tout simplement explosé, sans raison. La seconde d'après, il gerbait par terre les litres de bière avait avalé. Heureusement qu'il avait poussé Junior cela dit, sinon tout lui aurait atterrit sur les pieds.
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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyMer 3 Aoû - 20:58

- Michael.
Y a mon palpitant qui rate un battement et qui se serre, qui se rétracte, comme une éponge asséchée. J'le dévisage, blessé, froissé. Il réagit comme un gamin. Un sale gosse égoïste et il ne réalise même pas l'impact de ses mots sur les autres. Sur moi. Autrefois, je me serais contenté de baisser la tête et d'attendre d'être seul pour pleurnicher sur mon sort. Mais j'ai changé. Et j'ai plus envie de m'écraser. J'ai plus envie de lui laisser le monopole.

- Micha. Que je répète fermement, pour bien qu'il comprenne que je l'emmerde. Qu'il m'emmerde.

J'le regarde s'affaler contre son bureau et j'en viens presque à espérer qu'il se soit fait mal. Et la seconde d'après, j'ai envie de me foutre des baffes pour avoir pensé un truc pareil. J'ai presque envie d'aller m'enfermer dans la boite de nos parents. Putain. Saloperie. Je souffle et j'bois la bière qu'il a abandonné dans ma main, pour essayer de sortir ça de ma tête. Je déteste repenser à ça. Ressasser cette époque, pas si lointaine. Et je réagis à peine au "et toi ta gueule" de mon jumeau, qui arrive bien trop tard. Il a le temps de réaction d'un mec cuit à point et ça me dépite. Je m'contente de secouer doucement la tête de gauche à droite, en signe de désolation. Qu'est-ce que je vais faire de lui ? Comment j'vais faire pour qu'il s'en sorte ? Pour pas qu'il m'emporte ? J'suis terrifié. Et j'me sens plus seul que jamais. Encore plus que lorsqu'il est parti sans moi. J'déteste cette sensation. Je la hais plus que tout.

J'finis par l'attraper et le tirer sur le lit, ignorant sa défense pitoyable, j'me serais battu contre un escargot que ça m'aurait fait le même effet. J'le fous sur le lit pendant qu'il râle des trucs incompréhensibles, même si j'sais parfaitement chacun des mots qu'il prononce. C'est comme s'ils raisonnaient dans ma tête. Comme si c'était moi qui les prononçait et qui les entendait à l'intérieur. J'm'assois sur le bord du lit, refusant de m'éloigner, de l'abandonner. J'ai besoin de lui et il a besoin de moi. J'le sais. J'le sens. Mais je préfèrerais nettement qu'il ferme sa gueule, parce que ses questions me torturent et me flinguent le moral. Je me lance dans une lutte acharnée pour pas m'écrouler à cet instant et finir dans le même état que lui. Larmoyant, pathétique. J'répond des trucs vagues, parce que je n'veux pas rentrer dans son petit jeu. Mais ça ne fonctionne pas.

- Au moins, je saurais que t'en avais quelque chose à foutre. Qu'il dit, mauvais.
- Putain, tu fais chier. Que j'réponds à la hâte en venant passer mes doigts sur mes yeux inondés de larmes.

J'ai envie d'lui en retourner une. De l'attraper par le col de son t-shirt et de le secouer de toutes mes forces pour qu'il ouvre les yeux. Pour qu'il arrête d'être con. Mais vu son état, je juge la manœuvre trop risquée. Je renifle, inspire un grand coup et chasse toutes traces de chagrin. J'comprends pas pourquoi il s'obstine à penser ça. Il sait que c'est pas vrai. Il sait que j'vais pas bien. Il doit bien le sentir, putain. Ou p't'être que sa peine est tellement grande qu'elle prend toute la place. Que y a plus un seul petit espace pour moi. Rien. Alors, je me radoucis, parce que cette idée me semble insupportable. Autant pour lui que pour moi. Je sais que je pourrais pas survivre sans être connecté à lui. Et je me plais à croire que c'est la même chose de son côté. Alors j'essaye de lui expliquer ce que je ressens, mais je n'y parviens qu'à mi-mot. Depuis que Bee est morte, je n'ai jamais vraiment formulé à voix haute ce que je ressentais. J'ai l'impression d'être bloqué. Ce qui est assez rare, honnêtement. Je suis plus le genre de mec qui vous dégueule ses sentiments au visage en permanence, beaucoup trop sensible pour tout garder secret. Mais là, non. Cette fois, ça ne veut pas. Comme une sorte de mécanisme de protection. Ne pas en parler, ne pas y penser, c'était faire comme si ça n'était pas arrivé. Comme si tout ça n'avait pas existé, finalement. Et c'est beaucoup plus facile à vivre ainsi. Mais là, j'vois bien que j'peux pas continuer à m'enfermer dans mon déni. Parce que ça se répercute sur Micha, j'aurais dû m'en douter. Mais je n'y ai pas pensé. Mes mots semblent le poignarder puisque, rapidement, ses sanglots doublent et ses larmes se transforment en torrent. J'ai envie de lui dire d'arrêter ça, que c'est trop dur, que je ne peux pas supporter de le voir comme ça, que je ne vais plus tenir très longtemps moi non plus, à ce rythme-là. Je serre les dents et détourne la tête, y a une boule qui se forme dans ma gorge, un truc hyper douloureux.

- Ah ouaaais ? Et tu penses aussi à elle quand tu baises ta nouvelle copine ? Qu'il hurle soudainement, la voix enraillée par ses pleurs.

J'ouvre la bouche, le regarde et referme la bouche. Qu'est-ce qu'il raconte ? J'le vois qui se tourne, plongeant son visage dans son oreiller, se détournant de moi. Et j'reste bêtement planté là, nageant dans l'incompréhension. M'y noyant, même. Je secoue la tête, passe mes mains sur mon visage.

- Mais, quoi ?

Que j'demande dans un premier temps, comme pour m'assurer d'avoir bien entendu. Qu'elle copine ? Quelle baise ? Putain, si je baisais, j'le saurais. Et c'est franchement pas le cas. C'est même tout l'inverse en fait. D'ailleurs, j'ai couché avec aucune fille depuis la mort de Bee. J'en ai pas envie. Ou p't'être que si. Avec une. Une seule. Mais elle veut pas d'moi. Tu parles d'une ironie.

- Micha, j'ai pas d'meuf. Et j'baise personne. Qu'est-ce que t'es allé t'imaginer ? T-tu prends quoi comme drogue putain ? Je l'interroge, sérieux.

J'vois que ça à vrai dire. Il s'est mit à consommer trop d'trucs ou j'en sais rien, il est en plein bad peut-être. Quoi qu'il en soit, j'suis convaincu qu'il part dans un délire parano et qu'il s'imagine des trucs atroces. Histoire de souffrir encore un peu plus, juste au cas ou. Comme une vieille habitude bien ancrée sous la peau, en écho aux punitions de notre enfance. Enfin, enfance, adolescence et âge adulte en bonus pour moi. Ma main finit par se poser dans ses cheveux et j'caresse doucement son crâne, jusqu'à ce que je le sente se détendre un peu. Je sais que je devrais me mettre un peu plus en colère que ça. Je devrais faire comme lui ferait si les rôles étaient inversés. Mais je n'en suis pas encore là. Lui tenir tête, c'est déjà un putain d'exploit pour moi. Alors pour le moment, je me contente de le réconforter, même s'il mériterait une bonne raclée. Et c'est pas l'envie de la lui foutre qui manque d'ailleurs. Juste le courage. Je décide donc de changer de sujet, partiellement en tout cas. Histoire de le faire parler sur un autre sujet qu'elle ou les meufs imaginaires que je me tape. Enfin la meuf imaginaire. Faut quand même rester crédible un minimum. Mais ma tentative avorte aussitôt, échec total.

- J'AI RIEN FAAAAAIS PUTAIN ! J'AI RIEN FAAAAAIS !

Je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se passe que déjà, j'me retrouve le cul au sol, douloureux, et les tympans en feu à cause de son hurlement. J'ai les pupilles dilatées et j'le regarde, estomaqué par cette réaction excessivement excessive. Dans ma chute, j'ai eu le réflexe de vouloir me raccrocher au lit et dans ma main gauche, je serre de toutes mes forces le drap, alors que j'éclate :

- MAIS PUTAIN MICHA TU FAIS CH... oh putain. Ma voix se brise, prise à la gorge par une remontée de dégoût.

J'lâche le drap et je recule rapidement en détournant la tête, alors que ce con se met à gerber sur l'plancher. Je m'arrête une fois à bonne distance et je ferme les yeux en soupirant. Et qui c'est qui va nettoyer, hein ? Pas Micha, en tout cas, évidemment. Je soupire bruyamment et le regarde vomir, sans savoir quoi faire. Pendant quelques secondes, y a cette compassion qui m'envahit, comme d'habitude. Mais étonnamment, elle laisse rapidement place à un certain agacement. Je me renfrogne et me concentre pour ne pas me mettre à vomir moi aussi.

- Tu mériterais que j'te foute la tête dans ta gerbe. Et que j't'abandonne là. Merde.

Au moment où je l'ai dit, j'ai senti que j'avais fauté. Que le terme abandonner était bien le pire terme que je pouvais employer en ce moment. Fait chier. Tant pis, il était trop tard de toute façon. Et, forcément, je me mets à culpabiliser alors j'me lève et je vais chercher de quoi nettoyer. Y a encore du boulot niveau affirmation de soi. J'reviens deux minutes plus tard, avec une bassine remplie d'eau, une serpillère, un gant de toilette humidifié et une bouteille d'eau. Il a enfin arrêté de vomir et git sur le bord du lit, la gueule encore entrouverte. Et cette vision me soulève le cœur. Il ressemble vraiment trop aux SDF alcoolos. J'peux pas laisser une telle chose arriver. J'éponge le sol comme je peux et puis je commence à m'occuper de lui. Avec le gant, je le débarbouille, puis je le réinstalle sur le lit et empile ses oreillers pour qu'il soit bien redressé. Puis, j'ouvre la bouteille d'eau et à la lui tend.

- Bois et discute pas.

Puis, j'ouvre la fenêtre pour aérer et chasser l'odeur de toute la merde qu'il vient de dégueuler. La bière, ses tripes, son désespoir. Je vais m'asseoir sur la chaise de son bureau et me tourne vers lui, désemparé. Je l'observe sans un mot et j'me sens tellement dépassé par la situation. J'suis pas foutu de me gérer moi et lui à la fois. J'arrive déjà à peine à me gérer moi. J'me détourne de lui finalement pour venir m'appuyer contre le bureau, alors qu'une certaine colère gronde sous ma peau. Contre lui, contre moi-même. Contre Bee. Contre Lola. Contre nos parents. Contre tout ce qui ne va pas. J'me sens terriblement seul et cette sensation m'étouffe. Je ne contrôle plus rien et j'pensais vraiment que partir de chez mes parents arrangerait tout. Mais c'est pas vrai. Bee est morte. Micha au fond du trou. Je dois une somme d'argent colossale à des types vraiment pas nets qui me font tellement flipper que j'en cauchemarde la nuit. J'suis clodo. Et tellement pathétique et dégueulasse que la seule nana qui m'intéresse à envie de se tirer une balle dans la tête à chaque fois qu'elle me voit. Et j'peux pas m'empêcher de me dire que c'est la faute de Micha tout ça. S'il n'était pas parti, les choses auraient été différentes. Tout se serait passé différemment. Cette pensée monte en moi et empli tout mon être. Je vire au rouge, les larmes aux yeux, au bord de la crise de nerfs.

- J'te déteste. Que je murmure.

J'attrape le pot rempli de stylos qui traine sur son bureau et j'me retourne rapidement pour le lui lancer à la gueule.

- J'TE DÉTESTE ! Je répète, de façon parfaitement audible cette fois-ci.

Et je continue d'attraper tout ce qui me passe sous la main pour lui envoyer dessus, comme un gosse qui pique une crise. Je gesticule dans tous les sens et échappe des râles pas très cohérents. Et je ne m'arrête qu'une fois que j'ai réussi à plus ou moins tout évacuer. Je respire bruyamment, essoufflé, et je tremble de la tête aux pieds, à cause de la montée d'adrénaline. Je renifle, me calme et laisse écouler quelques secondes d'un silence presque gênant, avant de me remettre en mouvement.

- Faut que t'arrête de boire, Micha. Ouais, faut vraiment qu'il arrête. Parce que moi, je ne sais pas gérer ça. J'suis trop nul pour ça et il devrait le savoir, putain.
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Michael Healy

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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyVen 19 Aoû - 22:08

Mais, quoi ? L'autre meuf, Lola, la brune, celle qui n'est pas Bee et qui ne le sera jamais. Cette meuf qu'il s'était trouvé, en deux temps trois mouvements et avec qui il passait le plus clair de son temps maintenant. Evidemment qu'il couchait avec elle. Forcément. Elle était la remplaçante. Et ça dégoûtait Michael jusqu’au plus profond de son être. Lui ne supportait même pas l’idée de toucher une autre femme, non en fait il ne supportait pas l’idée de regarder une autre femme. Elles étaient comme des ombres pour lui, des fantômes sans visage. Elles étaient inexistantes. Bee était encore trop présente. Elle était là, dans ses yeux, dans sa tête, dans son cerveau, dans ses boucles, dans ses doigts, dans son bide, dans ses poumons. Chaque particule de son être était enrobé de son souvenir, de son manque. Et il ne pouvait ni bouger, ni respirer, ni penser sans que ça fasse mal. C’était un enfer permanent. Alors comment lui pouvait se rapprocher d’une autre, coucher avec elle, l’embrasser, la vouloir ? Comment pouvait-il putain ? Avant, ils partageaient tout, leurs pensées, leurs vies, leurs souffrances. Comme on se répartie un poids trop lourd à porter. Maintenant, Michael ne comprenait plus son frère. Il le voyait s’éloigner de plus en plus. Le fossé entre eux se creusait à chaque instant. Encore maintenant, alors qu’il tentait minablement de se défendre. Micha, j'ai pas d'meuf. Et j'baise personne. Qu'est-ce que t'es allé t'imaginer ? T-tu prends quoi comme drogue putain ? Michael ignora ses explications. Il n’était déjà plus intéressé par la réponse. Lui restait persuadé qu’il couchait avec cette brune, cette autre fille. Pouvait-il vraiment l’en blâmer ? Après tout, ce n’est pas une tromperie quand la personne est morte. Junior avait le droit d’aller mieux. Il avait le droit de gérer ça mieux que lui. Normalement, Michael se serait réjouit que son frère tienne le coup. Lui qui se sacrifiait gamin pour ce pauvre petit Junior. Pauvre petite chose fragile. Michael encaissait les coups pour lui, Michael allait dans la cage pour lui. Ne pouvait-il pas laisser les situations s’inverser, juste un instant ? Le temps de souffler, craquer, péter les plombs. Laisser Junior tout gérer. Il se débrouillait bien, le pauvre petit Junior, si faible et si triste. Bah non, justement. Michael se sentait faible et inutile maintenant. Vieille loque, boulet, perte d’espace et d’oxygène.

D’ailleurs, ils n’eurent pas le temps d’épiloguer sur la pseudo libido de Junior, non. La culpabilité revint, plus virulente encore. Elle s’éclata sur la face de Michael et l’électrocuta. Il se redressa, avec violence, poussa son frère par terre et hurla, avant que sa gorge ne soit remplie de gerbe. Ouais il se mit à vomir, vomir sa peine et sa douleur, mais surtout, vomir la bière qu’il s’était enfilé. Ah, la bière. Bonne copine que cette piquette immonde qu’il buvait à outrance. Les canettes qu’il vidait d’un trait avant de froisser la taule dans sa paume et les laisser tomber sur le sol. Après, souvent, il shootait dedans avec son pied, histoire de s’amuser, passer le temps. Avant il faisait la passe à Bee, et ils s’improvisaient un soccer sur le bitume, au milieu de la route. Quand les phares d’une voiture venaient éclairer leur stade de foot improvisé et les klaxonnaient sévèrement, alors Michael posait ses deux mains sur le capots de la voiture en hurlant des insanités de mec des rues bourré. Et Bee, elle riait. Putain, pourquoi ne pouvait -il pas arrêté de penser à elle ? Tout revenait en flash, dans sa tête. Tout le monde souffrait autant après un décès, ou c’était juste lui qui devenait fou ? Les vomissements se calmèrent. Michael crachait simplement son trop-plein de salives sur le sol et poussait des gémissements plaintif, la tête entre les jambes. Tu mériterais que j'te foute la tête dans ta gerbe. Et que j't'abandonne là. La voix de Junior résonna si fort dans la cage thoracique de Michael qu’il en eut presque le souffle coupé. Ses yeux rougis et humides se relevèrent sur son frère. Il savait qu’il avait eut tord de dire ça. Michael le sentit tout de suite, que Junior se sentait coupable. Il avait vu cette expression un bon nombre de fois sur son visage, d’enfant avant. Alors il se contenta de le regarder, fixement. Avec plein de dégoût et de rancœur dans ses yeux clairs. Il attendit que Junior ne détourne le regard pour se mettre à parler : Et en quoi ça serait différent de ce que tu fais en ce moment ? Cracha-t-il, vaseux. Il ne s’embêta pas à regarder la réaction de son frère après avoir dit ça, il n’en avait rien à foutre de ce qu’il pouvait avoir à répondre. Parce que franchement, même si ce n’était pas l’intention de Junior, c’était exactement ce que Michael ressentait. La tête dans la gerbe, et lâchement abandonné. Pourquoi avait-il fallut qu’il le foute dans ce foyer ? Pourquoi avait-il fallut que lui reste à la rue ? Pendant que lui était seul dans cette chambre qui ressemblait pour lui à la cellule d’une prison, son frère parcourait les rues, se faisaient de nouveaux petits copains, une nouvelles copines. Ouais, c’étaient vraiment craignos comme situation. N’était-ce pas égoïste de penser ainsi ? Alors que le Michael adolescent s’était tiré sans son Junior. La différence, c’est que Michael lui avait demandé de venir, Junior avait refusé. Ca aussi ça avait sonné comme une trahison. Enfin, Michael se laissa à nouveau tomber sur le lit, à bout de force. Il se sentait encore vaseux, mais pire encore, il se sentait vide de tout émotion, de tout ce qui faisait de lui un être humain. Il n’était qu’une enveloppe fanée, desséchée, entièrement vide.

Combien de temps s’étaient écoulé ? Il n’en savait rien. Il avait l’impression de s’être assoupi quelques instants mais il fut réveillé par son frère qui lui essuyait le visage avec un gant humide et qui l’installait confortablement sur le lit, le dos soutenu par les oreillers moelleux. Bois et discute pas. ordonna-t-il. Michael fit couler son regard sur ce Junior autoritaire qu’il était devenu. Comme un prétendant au trône qui avait attendu toute sa vie que le siège se libère pour régner et mieux que son prédécesseur en plus que ça. Un sourire mauvais s’esquissa timidement sur un coin de son visage et il but l’eau. Junior alla s’échouer plus loin pour faire le point sur le fiasco de la situation. Ce qui devait être leur grande aventure, à tous les deux, s’était transformée en cauchemar. Michael était un cauchemar. C’était sûrement ce qu’il se disait alors qu’il laissa échapper timidement entre ses lèvres : J'te déteste Cela attira l’attention de Michael. Hein quoi ? Attendez, il pouvait répéter ? Au lieu de ça, il s’empara du pot à crayon et l’envoya à la gueule de Michael. Ce dernier, et vous aurez du mal à y croire, détourna le tir avec sa main, il tapa dans le pot à crayons de la paume de sa main et l’envoya s’éclater contre le mur. Et oui, il aurait bien été surpris de ses réflexes, mais il n’en eut pas le temps. - J'TE DÉTESTE ! Qu’il répéta, agressif. Michael le regardait, complètement abasourdit par ces mots qui lui lacérait le cœur autant qu’ils faisaient monter en lui une rage incroyable. Comment ça il le détestait ? Comment osait-il le détester ? Ah non, il n’avait pas le droit, PAS LE DROIT ! Mais voilà, ça semblait tellement vrai vu la force avec laquelle il envoyait tout ce qui lui passait sous la main. ARRÊTES ! que Michael essayait de crier, en vain. ARRÊTES CA PUTAIN ! mais il se prenait toujours des objets en pleine face. Et là, le drame. Le Junior fou de rage attrapa le carnet, celui qui renfermait toutes les lettres pour Bee, tout son amour, toute sa peine, tout le manque qu’il ressentait. Ce carnet, seul témoin d’une histoire d’amour épistolaire à sens unique, vint s’écraser contre le mur derrière Micha et puis, tomber par terre dans un bruit de feuille froissé. Michael se redressa immédiatement et se jeta dessus pour l’inspecter, comme pour vérifier qu’aucune page n’avait été abimée. POURQUOI T’AS FAIT CA ? Cria-t-il sans que cela n’ait le moindre sens pour son frère. Un silence.
Le calme semblait s’installer, mais dans Michael une guerre se préparait. Il referma soigneusement le carnet qu’il posa sur le bord de son lit tout en se relevant doucement. Au même moment, Junior conseilla à son frère d’arrêter de boire. Ah oui, ok, super, il allait faire ça ouais. Rien à foutre putain. C’était comme si Michael n’avait pas entendu en fait. Il fit un pas vers Junior. Tu me détestes hein ? Répéta-t-il d’un air menaçant. Comme s’il défiait à Junior de le répéter. Vas-y, qu’il le dise, en le regardant dans les yeux. Toi tu me détestes. insista-t-il, comme pour être sûr d’avoir bien compris. Et là, ça vrilla. Parce que c’est tellement plus simple d’en vouloir à quelqu’un d’autre qu’à soi-même. Après tout, se concentrer sur le pseudo abandon de Junior, ce n’était pas si grave comparé à la mort de Bee. Junior, même si en ce moment ce n’était pas évident, il savait qu’il l’aurait toujours auprès de lui. Ils étaient plus que des jumeaux, ils étaient des siamois. Malgré la distance, malgré le temps qui passe, ils seraient toujours là l’un pour l’autre, c’était comme ça, inscrit quelque part dans l’univers, dans les étoiles. Alors, lui crier dessus, c’était libérateur, et sans conséquences. Du moins, c’est ce qu’il pensait. Mais t’en serais où sans moi hein ? Tu serais encore à lécher le cul des parents, et dormir dans une cage, comme un putain de cleps. chacun de ses mots étaient choisis avec soin pour faire mal. D’ailleurs, Michael appuyait sur tous les mots pour qu’ils soient le plus violents possible. Il regardait Junior, se dressa devant lui pour récupérer le peu de pouvoir qu’il avait encore sur lui. Le peu d’autorité qui lui restait. Le peu de dignité qui n’avait pas encore cramé. Là, il monta en pression, se mit à crier : Bah aller, casses-toi, toi qui est si intelligent. Barres-toi, laisses-moi. Va rejoindre tes copains bizarres qui te prennent pour le petit Jésus. Va t’éclater ailleurs, j’m’en voudrais d’être un boulet pour toi. Il indiqua violemment la porte de son bras comme pour ouvrir la voix à son frère. Qu’il se casse !
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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyDim 28 Aoû - 10:31

- Et en quoi ça serait différent de ce que tu fais en ce moment ?

Coup d’poignard droit dans le cœur. Je me contracte, les yeux rivés vers le sol, les yeux noyés de larmes. La violence de ses mots vibre encore sous ma peau, me faisant trembler. De rage, de chagrin, de honte. J’me redresse à la hâte et quitte sa chambre, les jambes flageolantes. D’un geste rageur je viens essuyer mes yeux et mes joues qui se sont vues terni par mes larmes de culpabilité et de colère. J’ai envie de hurler, putain. De faire demi-tour, revenir dans la chambre et lui crier dessus, jusqu’à le rendre sourd. Jusqu’à lui faire exploser les tympans. Lui dire qu’il n’a pas l’droit de me dire ça, qu’il est dégueulasse et égoïste de penser comme ça. Qu’il a tort, que je ne l’ai pas abandonné, au contraire. Que j’essaye simplement de faire au mieux pour l’aider à s’en sortir, à remonter la pente. Que ça me tue à petit feu moi aussi, d’être séparé de lui. Mais que j’me sacrifie pour lui, pour faire passer son bien-être et sa survie avant mes émotions. J’voudrais lui dire que j’suis désolé de pas être foutu de gérer tout ça aussi bien que lui le ferait s’il était à ma place. Désolé de ne pas être génial comme lui. Désolé de ne pas être lui, finalement. Je renifle et frotte à nouveau mes yeux, alors que mes pensées ne font que retourner le couteau dans la plaie. Auto-flagellation. Une vieille habitude. Pourtant, je ne dis rien et je continue de chercher tout ce dont j’ai besoin pour continuer à prendre soin de lui.

Une fois tout réuni je remonte m’occuper de son cas, me faisant violence pour rester silencieux, pour retenir toutes les remarques acerbes que je voudrais lui balancer à la gueule. Terriblement vexé et blessé de ses mots. Et une partie de moi prie intensément pour qu’il ait simplement sorti ça sous le coup de la colère. Que sa phrase n’avait rien de sincère. Que ce n’est pas ça qu’il pense réellement de moi. Parce que j’suis pas certain d’être capable d’encaisser ça. De vivre avec. Déjà, là, je sens que ça me dévore de l’intérieur. Il a comme ouvert une brèche dans ma cage thoracique et s’en échappe un flot continu de tristesse et de frustration accumulées au fil des années. J’ai l’impression d’étouffer. Alors, pour ne pas sombrer, je m’active. Je le fais boire, je le nettoie et je l’installe, avant de m’éloigner et de m’installer sur le bureau. Besoin de souffler. Besoin de rassembler mes idées. Mais ça ne donne rien de bien joli. C’est tout l’inverse, en fait. La brèche s’écaille et s’agrandit, le flot devient torrent et j’me sens submergé. Obligé d’extérioriser parce que sinon je vais exploser. J’vais m’faire emporter par mes émotions. C’est trop dévastateur tout ça. Quand il s’agit de Micha, ça prend toujours des proportions pas possibles. Déjà que de base, j’suis plutôt du genre sensible, mais avec lui, c’est juste pas gérable. Pas tenable.

Je commence par murmurer que je le déteste et je sens aussitôt que je parviens à capter son attention, bien que je ne le regarde pas. Quelques secondes s’écoulent avant que je ne lui lance le premier objet, qu’il arrête par on ne sait quel miracle. Putain, Dieu, mêle toi de tes affaires au lieu de lui venir en aide. Et ça ne fait que m’énerver encore plus. Alors je continue et je crie à nouveau, beaucoup plus fort cette fois-ci. En fait, je hurle carrément. Et les objets volent encore, j’ignore totalement ses protestations. Ses arrête que je n’entends même pas, finalement. Je peux pas les entendre. Y a trop de vacarme dans ma poitrine. Ma colère explose à l’intérieur, un truc assourdissant, comme un violent orage qui se déchaine. Je regarde les papiers voler, sans me douter de ce que c’est. Et en fait, je m’en fous sur le moment. Je ne prête même pas attention à Michael qui semble paniqué en voyant les feuilles s’éparpiller partout. Il se jette dessus et se met à tout ranger, comme si sa vie en dépendait. Et j’me contente de mettre ça sur le compte de l’alcool, bêtement. Si j’avais été dans mon état normal, j’aurais ressenti ce qui le traversait à cet instant. J’aurais su à quel point ces feuilles étaient importantes. Mais j’suis pas dans mon état normal. J’suis aveuglé par tout le bordel qui me secoue à l’intérieur. La connexion est comme coupée momentanément entre nous. Mais ça ne dure pas. Le calme revient et à nouveau, j’me sens envahit par lui, par tout ce qui émane de lui. Comme si mon corps ne m’appartenait même pas. Condamné à le partager.

- Tu me détestes hein ? Qu’il demande, vraiment fâché.

Je déglutis et je baisse les yeux, comme si le courage de l’affronter m’avait déjà abandonné. Je renifle et me mets à triturer nerveusement mes doigts. Je tente vainement de dévier la conversation, pour échapper à une confrontation que j’ai pourtant moi-même initiée en m’en prenant à lui de la sorte.

- Vraiment, Micha. Arrête de boire. Que je répète.

Et je voudrais qu’il réalise à quel point j’suis sincère là. A quel point j’suis inquiet pour lui. A quel point je voudrais l’aider, le sauver, le tirer de là. Mais il ne fait rien pour me faciliter la tâche. En fait, c’est exactement l’inverse. J’ai l’impression que plus je lui tends la main, plus il recule. Comment j’suis censé gérer ça, moi ? On m’a pas appris. J’me suis jamais occupé de personne. Même pas de moi-même. Ce sont toujours les autres qui ont pris soin de moi. Micha, Ellie, Anca. Comment j’dois faire putain ? COMMENT ?

- Toi tu me détestes ? Qu’il insiste lourdement, décortiquant chacun de ses mots.

Je souffle agacé et relève finalement les yeux vers lui, retrouvant un semblant de dignité. J’en ai marre de me faire marcher sur les pieds par monsieur sa majesté l’alcoolique. Je plante mon regard dans le sien, je le défie clairement. Et, assez froidement, d’un ton à la fois las et exaspéré, j’articule nettement.

- Oui. Moi, je te déteste.

Mais tout l’monde sait qu’on ne peut détester que les gens qu’on aime. L’un ne va pas sans l’autre. Et y a une petite partie de moi qui me crie que c’est pas bien. Que la religion dit qu’il ne faut pas détester les gens. Qu’il faut pardonner et toutes ces conneries. Mais avec Michael, j’suis pas capable d’être raisonnable. Pas capable de garder la tête froide et de me plier aux textes religieux. J’voudrais, pourtant. J’y tiens au Paradis. Mais j’crois que c’est un peu raté pour moi. Et putain, j’suis terrifié rien que d’y penser. Je finis par rebaisser la tête tout en la secouant lentement de gauche à droite, dépité. J’suis toujours assis tandis que Micha est debout devant moi, me dominant clairement. Reprenant sa position de leadeur. J’devrais pas accepter ça. Je ne devrais pas le laisser faire. Mais j’me sens trop vulnérable à cet instant. Troublé par mes propres paroles à son égard. Je ne me reconnais plus. Et je ne sais pas si c’est une bonne chose ou non.

- Mais t’en serais où sans moi hein ? Tu serais encore à lécher le cul des parents, et dormir dans une cage, comme un putain de clebs.

Je me replie encore un peu plus sur moi-même, sous le poids de ses propos virulents. J’me sens misérable, honteux, coupable. Je fixe intensément mes doigts que je tord dans tous les sens, retrouvant ce silence qui me ressemble tant. Celui de la soumission. Celui du mec qui sait qu’il n’a pas raison. J’suis à deux doigts de m’excuser à vrai dire. De lui sauter dessus pour le serrer contre moi, le supplier de me pardonner. Tout effacer. Et me contenter de l’aimer. Comme je devrais toujours le faire, si j’étais réellement un bon frère. Mais faut qu’il en rajoute en couche. Faut qu’il gâche tout. Il se penche vers moi et se remets à me hurler dessus, réveillant en moi divers instincts.

- Bah aller, casses-toi, toi qui est si intelligent. Barres-toi, laisses-moi. Va rejoindre tes copains bizarres qui te prennent pour le petit Jésus. Va t’éclater ailleurs, j’m’en voudrais d’être un boulet pour toi.  Et il tend le bras vers la porte pour me désigner la sortie.

Et là, c’est trop. Je serre les dents, relève la tête, le fusille du regard et finit par quitter la chaise pour me redresser. Me planter debout devant lui, à égalité. Mon visage proche du sien, dans une attitude forte et provocatrice à la fois. Comme le jeune lion qui vient défier le vieux chef pour récupérer la troupe.

- Au moins, mes copains bizarres, ils ont un minimum de considération pour moi. Ils ne se contentent pas de m’utiliser comme un vulgaire punching-ball quand ça ne va pas.

Je pose mes deux mains sur son torse et le repousse en arrière, assez violemment.

- J’te signale que le monde ne tourne pas constamment autour de toi, Micha. Que MON MONDE NE TOURNE PAS CONSTAMMENT AUTOUR DE TOI ! Pas certain que ce soit bien vrai, mais j’ressens cette envie pathétique de le blesser comme il l’a fait avec moi. – J’en ai marre de tes caprices et de tes conneries ! Ouais, j’en ai marre que tu sois un BOULET pour moi. T’es même pas foutu d’voir tout ce que j’fais pour toi. Tu penses qu’à ta gueule. Mais ça, c’est pas nouveau, hein.

J’fais clairement référence à son abandon. Et ça me retourne les tripes. J’me sens à nouveau assaillit par une peine immense qui me remémore des instants difficiles après son départ. Alors j’détourne les yeux un instant et c’est là, que, sous le lit, j’vois une des feuilles du carnet que j’ai fait voler quelques minutes auparavant. Je m’approche et la ramasse violemment avant de la lui coller à la figure.

- TIENS, t’as oublié ça !

Et mes yeux parcours l’encre de la feuille. Et j’vois son prénom.
Bee.
Et d’un coup, comme une violente claque, je prends en pleine gueule tout ce que j’essaye de faire taire depuis des semaines. Ma colère disparait. Y a plus que le désespoir. Le vide. Le manque. Et ce chagrin tellement immense qu’on n’en voit pas la fin. Je retire la feuille du visage de Micha aussitôt et viens lire ce qu’il y a d’écrit malgré les protestations de mon jumeau. Et très vite, je comprends. Je lis deux phrases et je comprends tout. Non, putain. Non. Il peut pas faire ça. Il peut pas. Les larmes s’échappent  de mes yeux sans même que je ne m’en rende compte. Elles coulent, silencieuses, nombreuses et mes joues se retrouvent inondées en un rien de temps. Dans un geste désespéré, je froisse la feuille entre mes mains et viens l’écraser à nouveau sur le visage de Michael.

- PUTAIN MICHA ! Que je crie, la voix enraillée par la douleur qui me serre le cœur.

Je me retourne, passe la main dans mes cheveux, puis sur mon visage pour tenter d’essuyer les ravages, mais rien à faire, ça continue de couler.

- Tu peux pas faire ça, putain. Tu peux pas. C’est pas sain Micha. Faut que tu la laisses partir, merde. Faut que, je.. je sais pas, merde. C’est pas bien, c’est pas bien…

J’sais plus ce que je dis. Ni ce que je pense. J’suis perdu dans cette souffrance que je pensais pourtant terminée. Mais non, elle est revenue sans prévenir et elle a à nouveau tout dévasté sur son passage. Je continue d’essuyer mes larmes, aussi inutile cela soit. Mais je ne sais pas quoi faire d’autre en fait. Le cœur parti en morceaux.

- T-tu devrais venir à l’église avec moi. Que je souffle doucement, pas sûr de moi.

La religion, c’est compliqué chez nous. Parfois, je hais ça. Mais je peux pas arrêter d’y croire. Ni arrêter d’aller à l’église finalement. Et ça m’a vachement aidé dans mon deuil. Mais j’sais que ça ne passera pas aussi bien auprès de mon jumeau. Je me décide enfin à lui refaire face, posant timidement mon regard dans le sien, craignant sa réaction.
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Michael Healy

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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyLun 5 Sep - 14:13

Il ne pouvait accepter que Junior le déteste. Il ne pouvait pas supporter l'idée que ça soit dans ce sens-là. C'était d'un égoïsme sans nom, mais rien d'étonnant. Michael était un égoïste, un petit con narcissique. Ses problèmes étaient toujours plus graves que ceux des autres, il fallait constamment que tout tourne autour de sa petite personne. Ce n'était pas de sa faute, ça avait toujours été ainsi. Junior l'avait admiré, adulé même pendant toute sa vie. Il avait l'habitude de voir son jumeau vivre dans son ombre. Junior vivait dans son ombre, marchait dans ses pas. Et maintenant qu'il déviait sa trajectoire, Michael ne le supportait tout simplement pas. Comment pouvait-il le détester, LUI ? Vraiment, Micha. Arrête de boire. Laissa échapper Junior. Mais ses mots n'atteignirent pas leur destinataire. Michael était obsédé par ce que son frère venait de lui dire. Alors il répéta : lui, le détestait ? COMMENT OSAIT-IL PUTAIN ? Ses mots lui lacéraient le bide chaque fois qu'ils les réentendaient dans sa tête. Junior, lassé, répéta avec la même intensité dans la voix et le regard que son frère : Oui. Moi, je te déteste. Tout le corps de Michael se tendit. Son coeur se brisait un peu plus. Avait-il vraiment encore un coeur ou avait-il explosé contre le parebrise de cette voiture lui aussi ? Il n'en savait rien. La colère, la rancoeur et la peine s'agitaient sous sa peau, formaient une boule électrique qui envoyait des éclairs partout. Michael se rapprocha de Junior, tout près. L'alter-égo était assis sur cette chaise, ne bougeait plus, comme un putain de chaton effrayé. Et cette vision, aussi triste soit-elle, remplissait Michael d'une joie non dissimulée. Car cela lui donnait l'impression d'exister. C'était idiot, hein ? Mais si Junior n'avait vécu que dans l'ombre de Michael, ce dernier quant à lui ne vivait que parce qu'il brillait par rapport à Junior. Une dynamique de relation bancale et maladroite qui lui avait toujours convenue jusqu'ici, et qui lui conviendrait encore si Junior n'était pas décidé à voler de ses propres ailes désormais. Michael était enivré pour la deuxième fois de la soirée et par autre chose que l'alcool. Il était enivré du pouvoir qu'il tenait enfin. De l'influence qu'on lui avait arraché des mains en même temps qu'on li avait arraché Bee. Il retrouvait enfin sa place, son rôle, et par la même occasion son identité. Alors, il ne se fit pas prier. Il balança des mots durs à Junior. Tant pis pour les dommages collatéraux. Lui voulait simplement retrouver un semblant de son être qui avait explosé en mille morceau il y a de ça des siècles (enfin il en avait l'impression). Mais au moment où Michael demanda à Junior de dégager d'ici au plus vite, l'intéressé fut soudain électrifié par une dose de courage qui ne lui était pas habituelle. Il se leva, fit face à son frère, il le défiait. Michael ne détourna pas son regard, ne bougea pas d'un centimètre. Il se contenta de rester planter là, de ne pas céder un centimètre de terrain, et de sécher la mâchoire d'un air mauvais. Au moins, mes copains bizarres, ils ont un minimum de considération pour moi. Ils ne se contentent pas de m’utiliser comme un vulgaire punching-ball quand ça ne va pas. Sourire plein de haine. Rire moqueur. Mais qui était ces espèces de connards qui retournaient le cerveau de Junior ? Qui étaient-ils pour lui voler son frangin ? La seule partie de lui-même qui lui restait. Junior était son roc, sa valeur sûre. Il ne supportait pas qu'on veuille lui prendre. Alors les mots de son jumeau avaient un écho tout particulier dans l'oreille de Michael. Un écho douloureux. Et comme d'habitude, pour faire face à la douleur, Michael réagit mal : Oh, le petit Junior s'est enfin fait des copains, c'est trop mignon ! se moqua-t-il ouvertement de la voix la plus condescendante qu'il avait. Cela ne fit pas plaisir à Junior, évidemment, qui poussa violemment Michael en arrière. Ce dernier s'agrippa au t-shirt de Junior pour ne pas tomber par terre. L'alcool ayant sérieusement affecté son équilibre. J’te signale que le monde ne tourne pas constamment autour de toi, Micha. Que MON MONDE NE TOURNE PAS CONSTAMMENT AUTOUR DE TOI ! Les larmes remontaient aux yeux de Michael. Des larmes de colère. Son monde à lui tournait autour de celui de Junior, il était un foutu satellite qui s'était construit entièrement autour de lui. Bien plus qu'il ne le laissait penser. Bien plus que lui-même l'acceptait. Michael dépendait de Junior. Il dépendait de son amour, il dépendait de son admiration, il dépendait de sa douceur. Qui était-il sans lui ? A quoi servait-il ? Durant son enfance il lui avait semblé que sa seule mission sur Terre était de protéger Junior. Ca ne l'avait jamais dérangé de prendre des coups à sa place, de se faire passer pour lui quand il passait des nuits enfermé seul dans le noir, parce qu'il avait l'impression que c'était pour ça qu'il avait été conçu. Que c'était pour ça que Dieu avait donné un jumeau à Junior. Dieu savait que Junior était trop faible, trop gentil, trop bon pour supporter les parents misérables qu'Il lui avait donné. Alors, Dieu avait donné à Junior un jumeau, un type solaire, un indigné avec un fort caractère. Ce jumeau devait s'assurer que Junior s'en sorte. C'était toujours comme ça que Michael l'avait vécu. Ainsi, quand il avait quitté le domicile familial en laissant Junior derrière lui, ça avait ressemblé à une trahison divine. Il aurait dû rester, n'est-ce pas ? Ou alors, il aurait dû insister et emmener Junior de force avec lui. Peut-être que Dieu lui faisait payer sa trahison depuis. Peut-être que tout ça c'était de sa faute. Aarg ! Putain, fallait qu'il arrêter de penser à ça, de penser à Dieu. Il emmerdait Dieu.  Pendant ce temps, Junior était toujours en colère, Michael s'agrippait toujours à lui. J’en ai marre de tes caprices et de tes conneries ! Ouais, j’en ai marre que tu sois un BOULET pour moi. T’es même pas foutu d’voir tout ce que j’fais pour toi. Tu penses qu’à ta gueule. Mais ça, c’est pas nouveau, hein. Là, il approcha son visage de celui de Junior. ET TU FAIS QUOI HEIN ? TU FAIS QUOI ? qu'il hurla, à deux centimètres de son frère, avec son haleine qui empestait la bière. Après quoi, il le poussa à son tour en arrière, faillit tomber lui-même. Mais il se rattrapa au bureau. A part me laisser crever ici tout seul et passer ton temps à jouer du fric que t'as pas sur des tables de poker craignos, TU FAIS QUOI ? Mais Junior ne semblait même pas l'écouter, il regardait autour de lui et s'en alla près du lit. Enragé par ce manque d'attention, Michael reprit de plus belle, hurlant encore plus fort. TU CROIS QUE CA M'AIDE ? Tu crois quoi hein ? Tout ce qui t'importe c'est que je ne sois plus dans tes pattes pour t'empêcher de faire toutes les conneries que tu veux. Alors tu me laisses pourrir ici en me laissant croire que je suis juste trop misérable pour vivre avec toi dehors. Mais encore une fois ses paroles tombèrent dans le vide. Junior s'était penché pour ramasser quoi que ce soit par terre. Michael ne vit tout d'abord pas de quoi il s'agissait, jusqu'à ce qu'il l'ait de collé contre la face. D'ailleurs, il se recula par réflexe et poussa le bras de Junior qui écrasait la lettre sous ses yeux. Ouais, la lettre. L'une des lettres en tout cas. TIENS, t’as oublié ça ! Que Junior cria, sans savoir de quoi il s'agissait encore. Michael lui venait de comprendre. La colère était retombée d'un coup. Il se sentait juste honteux là. Ridicule. Une vraie merde. Son secret était dévoilé. Son corps était à nu, à vif. Michael se sentait tellement désemparé qu'il ne trouva pas la force d'arracher la lettre des mains de Junior. Il le laissa lire, sans un mot, comme un con. Regarde comme j'ai mal. Regarde à quel point je suis misérable. Il ne pouvait pas s'empêcher de croire que cela faisait plaisir à Junior et ne ferait que confirmer ce qu'il pensait déjà de lui : qu'il n'était qu'une loque. Mais au lieu de ça, Junior s'était mis à pleurer, sans pouvoir s'arrêter. Il froissa la feuille dans un mouvement d'humeur. C'était comme s'il froissait le coeur de Michael, comme si la feuille était son âme. Malmenée. Il lui envoya la boule de papier dessus. Michael ne dit rien, se contenta de fermer les yeux et se détourna de son frère pour se diriger vers le mini frigo dans le coin de la pièce. Il n'en avait pas envie, il en avait besoin. Il prit donc une canette de bière, se fichant bien de ce que pourrait dire Junior là-dessus. Il était à bout de force, vraiment. Tu peux pas faire ça, putain. Tu peux pas. C’est pas sain Micha. Faut que tu la laisses partir, merde. Faut que, je.. je sais pas, merde. C’est pas bien, c’est pas bien… Il entendait Junior, mais c'était comme si sa voix venait de très loin. Michael l'ignora donc tout simplement et se laissa lourdement tomber sur le bout de son lit. La canette entre les mains, il fixait le vide. La laisser partir ? Comment le pourrait-il ? Comment était-ce possible ? Bee était l'amour de sa vie. Et maintenant elle était morte. Elle était déjà partie, y avait pas besoin de la laisser faire. Maintenant il était seul, perdu et malheureux. Et il le serait toujours. Il ne voyait pas la fin du tunnel, parce qu'il n'y en avait pas. Ce n'était pas un tunnel mais un cul-de-sac. T-tu devrais venir à l’église avec moi. Ni une, ni deux. Michael explosa de rire. Un rire tordu des larmes qui s'étaient également mises à pleuvoir sur ses joues. Il regarda Junior comme si c'était la meilleure blague de l'année. Mais le visage fermé de Junior ne laissait pas de place au doute : il était sérieux. Du coup, les rires de Michael redoublèrent. Il ouvrit sa canette, y a eut un "pschiit" et il but une longue gorgée de bière, mais dû arrêter en plein milieu, car il se remit à rire. Non, t'es sérieux là ? demanda-t-il en toussotant. Il reprit une gorgée et grimaça. Les rires s'estompèrent enfin. Ils laissèrent place à un silence de mort. Michael fixait le vide, il fixait droit devant lui. Après ce long silence, Michael remonta enfin son regard humide sur Junior. Les larmes avaient cessé de couler elles aussi. Tout s'était arrêté subitement. D'une voix tordue, Michael conclue : Dieu n'existe pas Junior. il ne savait pas lui-même s'il croyait à ce qu'il disait ou pas. Dieu avait fait partie de sa vie trop longtemps pour qu'il arrête subitement d'y croire. Mais il préférait se convaincre de Son inexistence plutôt que d'accepte Sa cruauté. D'une voix calme, douce, il répéta : Dieu n'existe pas. Il avala sa salive. Il n'avait plus de larme, plus d'espoir et plus rien à quoi se raccrocher. Bee est morte, et on la reverra jamais. Car pas de Dieu, pas de paradis. Si Dieu existait, Bee était sûrement dans les nuages. Cette fille était un ange, elle répandait le bonheur partout où elle passait. Michael aurait pu se raccrocher à l'espoir d'aller lui-même au paradis pour la retrouver. Et si le suicide n'était pas condamné dans la Bible, sans doute qu'il aurait déjà testé sa théorie. Mais voilà, là, maintenant tout était sombre, tout était mort. Sa foi aussi. Moi, j'peux pas accepter. J'peux pas... vivre ou respirer ou manger en pensant que je la reverrais jamais. Il avouait, mettait ses tripes sur la table avec une simplicité morbide. Son regard se planta dans celui de Junior. Et toi? il cherchait désespérément son soutien. Il cherchait un chagrin qui répondrait au sien. Un douleur qu'il partagerait. Junior qui avait l'air de tellement bien s'en remettre, Junior dont le deuil était déjà fait. Michael avait besoin qu'il soit au fond du trou avec lui. Il n'en pouvait plus d'être seul putain.
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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptyDim 11 Sep - 15:19

- Oh, le petit Junior s'est enfin fait des copains, c'est trop mignon !

VLAN.
J'me tétanise et j'ai à nouveau l'impression d'avoir 8 ans. D'être juste un tout p'tit garçon face à un grand balaise. Je déteste quand il fait ça. Surtout quand c'est moi qui suis la cible de ses attaques. Je serre les dents et je finis par détourner les yeux dans un geste rageur, le palpitant entre les mains de Micha, brutalisé par ses travers. Je reste muet, incapable de répondre quoi que ce soit à ça. Je n'ai jamais vraiment eu de répartie, mais là, c'est pire que ça. Je ne me sens même pas la force de me mouvoir, de réfléchir, de bouger mes lèvres pour articuler quoi que ce soit. J'suis dépité. Je n'ai qu'une envie : me laisser choir au sol et chialer comme un bébé. Lui dire d'arrêter d'être méchant comme ça et de s'en aller, de me laisser tranquille. De revenir quand il aura décidé de m'aimer, comme avant. Mais j'trouve la force de rester stoïque et c'est presque miraculeux. En silence, je remercie Dieu de me donner ce courage, celui de faire face à mon jumeau, moi qui n'en est jamais été capable. A vrai dire, autrefois je n'y songeais même pas, ça ne m'avait jamais traversé l'esprit. Micha dominait et moi, je suivais. C'était ainsi. Et je ne m'étais jamais questionné sur le fait de si c'était juste ou non. Ca convenait à tout le monde, alors pourquoi bousculer l'ordre naturel ?

Mais les choses dégénèrent dès lors que je décide de ne plus me laisser faire. Je refuse de me faire écraser de la sorte. Pas cette fois. C'est terminé tout ça. J'en ai assez d'être sa chose, de toujours dire amen à tout. A ses paroles et ses caprices. J'en ai assez de dépendre de lui ainsi. D'être façonné entre ses mains. D'être celui qui l'arrange que je sois. J'ai envie d'exploser, de lui hurler que je suis moi, et pas nous. Je ne sais pas d'où me vient cette envie brutale d'indépendance. Je ne suis même pas certain que je pourrais y survivre en plus, si je parvenais à l'acquérir. Ma tête et mes émotions sont en conflit à vrai dire et me malmène allègrement. Cette partie de moi qui veut se détacher de Micha, si fort. Cette partie qui veut s'assumer. Qui veut avoir une vie dehors de lui. Qui veut s'exprimer, s'assumer. Et l'autre partie, qui au contraire, ne veut qu'une chose : fusionner. Qu'on ne fasse plus qu'un, définitivement, bien consciente que sans lui, j'suis foutu. Que je ne pourrais pas vivre avec qu'une moitié d'coeur. Et je ne sais plus qui je dois écouter. Tout se mélange et s'embrouille. Et j'me met à débiter tout ce qui me pèse depuis des semaines. Des mois. Des années. Et ça lui plaît pas, à Micha. J'le sens avant même de pouvoir le voir sur son visage. Il enrage. C'est insupportable pour lui. La vérité, c'est que ça l'est pour moi aussi.

- ET TU FAIS QUOI HEIN ? TU FAIS QUOI ? T'es qu'un sale con Micha, un sale con.

Et ses paroles me meurtrissent. J'me radoucis le temps d'une fraction de seconde, dépité qu'il ne voit pas tout ce que je fais pour lui. Qu'il ne le comprenne pas. Depuis quand on ne se comprend plus ? Qu'est-ce qui nous arrive, putain ? Qu'est-ce qui nous est arrivé ? Cette incompréhension me brûle les chaires. Et jamais le poids de la solitude n'a pesé aussi lourd sur mes épaules. Je plante mon regard dans le sien, fermement, comme si j'espère que ça suffirait à ce qu'il puisse enfin lire en moi à nouveau, en toute transparence. Mais c'est comme si les effluves d'alcool dans son haleine venait nous brouiller la vue. Nous empêchant alors de faire agir ce lien invisible qui nous lie depuis bien avant notre naissance.

Il me pousse en arrière et je titube à peine de deux pas, tandis que lui manque carrément de s'écrouler au sol. Et cette vision me dégoûte. J'en peux plus de le voir dans cet état. C'est moi qui vais finir par gerber si ça continue.

- A part me laisser crever ici tout seul et passer ton temps à jouer du fric que t'as pas sur des tables de poker craignos, TU FAIS QUOI ?

Alors c'est vrai ça qu'il pense de moi ? Qu'il croit que je fais ? J'arrive pas à encaisser. J'ai l'impression qu'un truc vient de se briser dans ma poitrine. Comme si on avait trop tiré sur notre lien et qu'il commençait à céder, à craquer. Et cette idée me terrifie. Toutes mes envies d'indépendance s'envolent subitement, laissant place à une panique que je ne parviens pas à dissimuler. Je refuse qu'une telle chose puisse arriver. Ca me terrifie complètement. Et je sens à nouveau que je suis à deux doigts de craquer. De m'effondrer. Alors je bouge dès que j'aperçois un papier par terre. Non pas que je m'y intéresse franchement, mais ça me permet au moins de me ressaisir un minimum. Mais Micha n'a toujours pas finit de me cracher sa haine.

- TU CROIS QUE CA M'AIDE ? Tu crois quoi hein ? Tout ce qui t'importe c'est que je ne sois plus dans tes pattes pour t'empêcher de faire toutes les conneries que tu veux. Alors tu me laisses pourrir ici en me laissant croire que je suis juste trop misérable pour vivre avec toi dehors.

Et là, c'est trop. Je me redresse brusquement, le papier en main, mais je l'oublie pour l'instant. Je fais volte-face pour me retrouver à nouveau dressé devant lui, je vire au rouge et j'explose, cafouillant à moitié, submergé par un trop plein d'émotions que je ne parviens plus à canaliser. J'me sens totalement dépassé par la situation, par lui, par nous.

- MAIS TA GUEULE MICHA J'EN PEUX PLUS D'ENTENDRE TES CONNERIES ! Je gesticule dans tous les sens, à bout d'souffle, les yeux rougis par l'épuisement et le chagrin. - Tu vois, c'est exactement ce que j'disais ! Tu penses qu'à ta gueule, t'es pas foutu d'ouvrir les yeux deux minutes. Je reprends une grande inspiration. - Comment, juste, COMMENT, tu peux penser un seul instant que j'veuille me débarrasser de toi ? Putain, t'as le cerveau qui grille Micha, ou j'sais pas, mais putain, juste.. comment ? Y a ma voix qui se brise sur mes derniers mots, trahissant le fait que, vraiment, je ne comprends pas qu'il puisse penser une telle chose. Et ça fait tellement mal. Une douleur vivace qui me lacère la peau et le myocarde. - ça me tue d'plus passer tout mon temps avec toi, micha. j'ai déjà eu ma dose, de ce côté-là. et si j'pouvais, putain, j'resterais accroché à toi en permanence, T'ES CENSE LE SAVOIR CA ! t'es censé le deviner, le sentir, t'es, tu.. putain ! Je m'embrouille, j'sais plus ce que je dis, ça cogne trop fort dans ma poitrine et l'air dans mes poumons me brûle. - mais c'est pas possible. j'peux pas te surveiller en permanence. ici t'es en sécurité, pendant que j'm'occupe d'essayer de nous trouver un truc pour vivre, un toit, n'importe quoi. mais regarde dans quel état t'es, franchement ! t'es ingérable, micha et.. Ma voix se brouille et les mots restent coincés dans ma gorge. Je déglutis, difficilement. - j'voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose.. à toi aussi. J'baisse les yeux et mes derniers mots sont à peine audibles. Comme emporté par toute la tristesse qui émane de moi. Et je lutte une énième fois pour ne pas exploser en sanglots, lamentablement. Et la seule façon que j'ai trouvé de vaincre cette horrible faiblesse, c'est d'me foutre en colère. Alors je relève brusquement les yeux et j'explose de façon incohérente.

- ALORS ARRÊTE DE ME FAIRE CHIER !

Et j'viens lui écraser son fichu bout d'papier sur la tronche.
Et là, y a tout qui part en vrille. Mon coeur, ma tête, mes émotions. J'ai l'impression de crever sur place, instantanément. Et toute la misère qui émane de Micha à cet instant se propage dans mes veines et m'achève violemment. Cette fois-ci, j'suis pas capable de lutter, de résister. Je craque complètement. J'me met à pleurer, comme un tout p'tit enfant. Y a ce trop plein dans ma poitrine que j'dois évacuer, ou j'vais me noyer, c'est certain. Alors je pleure, bruyamment, secoué par la honte de m'abaisser à ça et par le soulagement de pouvoir enfin exprimer ce qui me cisaille depuis si longtemps face à Micha. Ce dernier, ne réagit pas, ne réagit plus. Il reste bêtement planté là, incapable de faire quoi que ce soit. Il se contente de me regarder déblatérer des sottises, tous ces mots décousus que je peine à aligner dans le bon sens. Et je finis par m'asseoir sur sa chaise de bureau, à nouveau, parce que je ne tiens plus debout. Mon coeur est trop lourd. Mais qu'est-ce qu'on va faire, putain ? Qu'est-ce qu'on va devenir ? J'me sens défaillir, faiblir. Je n'vais pas tenir.

Micha finit par se bouger pour aller se prendre une nouvelle bière, mais je ne réagis même pas. Je n'ai plus la force pour ça à cet instant. J'suis presque à deux doigts de lui demander de m'en filer une aussi, pour que j'puisse me mettre dans le même état que lui. Mais je tiens bon. Autant que possible, en tout cas. Et c'est là que j'lui parle de dieu. Et sa réaction était plus que prévisible, mais j'suis déçu malgré tout.

- Non, t'es sérieux là ?

Oui. Non.
J'en sais rien.
Je sais plus.
Je ne le regarde plus et demeure silencieux, ne trouvant pas de réponse à son interrogation. Je finis par me calmer et les larmes s'estompent et sèchent sur mes joues sales, laissant des traînées derrière elles. Un long silence s'installe et je n'ai pas le coeur à le briser. Parce que j'ai trop peur. Je pressens que quoi que je puisse dire dorénavant, ça ne lui plaira pas. Alors je ferme sagement ma gueule, pas encore prêt à essuyer une nouvelle tempête de sa part. Et, finalement, c'est lui qui rompt cet instant pesant, oppressant.

- Dieu n'existe pas Junior.

Qu'il affirme soudainement. Je fronce les sourcils et relève les yeux vers lui, fâché. Il ne peut pas dire ça. Il ne peut pas savoir. Il n'en sait rien. Il dit n'importe quoi. Putain. Je m'tends et mes mains se serrent alors que je le dévisage, en colère. Et lorsqu'il le répète une seconde fois, je ne peux continuer à me taire. D'un ton agacé, désinvolte aussi, j'réponds.

- Qu'est-ce que t'en sais ? Rien du tout. Tu peux pas être plus sûr de sa non-existence que moi de son existence. Alors arrête avec ça.

J'suis contrarié, vexé et blessé. De quel droit il vient ruiner ce qui me permet de tenir encore debout depuis la mort de Bee ? J'aime la religion autant que je la hais, c'est vrai. Mais sans elle, j'sais que je serais déjà six pieds sous terre. C'est grâce à elle que j'ai tenu le choc quand il est parti. C'est grâce à elle que j'ai survécu quand Bee est morte. Alors il n'a pas le droit de me prendre ça. J'en ai assez qu'il veuille sans cesse m'imposer sa façon de penser. Ses idées. Comme s'il détenait le savoir absolu, lui. Je l'emmerde. JE L'EMMERDE, PUTAIN. J'ai pas besoin de lui pour savoir ce que je dois penser ou non. Ce en quoi je peux croire ou non. J'suis plus un gamin. Je. Putain. J'bouillonne, j'enrage. J'suis lassé de ses états-d'âmes et de ses rires moqueurs. J'suis fatigué d'me faire enterrer dès que j'ose exprimer une opinion qui n'est pas la sienne. Je suis moi, un être à part entière. Pourquoi ça semble si compliqué à comprendre ?

P't'être bien parce que même-moi, je n'y crois pas vraiment.
Ouais.

- Bee est morte, et on la reverra jamais.

Je sais.
Mais ses mots finissent de me fendre le coeur, balayant tout sur leur passage. Et y a ce vide béant dans ma poitrine qui se forme subitement, une sorte de trou noir qui vient tout aspirer. Putain Micha, regarde ce que t'as fait. Regarde ce que tu m'as fait. T'es censé me protéger, pas m'enfoncer. Micha. J'peux pas t'aider, tu vois bien. Je n'y arrive pas. Comment j'vais faire, alors ? Comment on va faire, si aucun d'nous ne peut sauver l'autre ? On est foutus, Micha. On est foutus.

- Moi, j'peux pas accepter. J'peux pas... vivre ou respirer ou manger en pensant que je la reverrais jamais.

J'en peux plus. Je cache mon visage entre mes mains alors que les larmes recommencent à vouloir s'échapper. Mais tais-toi Micha, putain, tais-toi.

- Et toi ?

J'me fige et les larmes restent sagement au coin de mes yeux. Je déglutis et reste ainsi plusieurs secondes, essayant d'encaisser sa question. Qu'est-ce que je peux répondre à ça ? Hein ? J'peux pas lui que c'est pareil pour moi. Ce serait l'abandonner à son sort que de faire ça. J'ai pas le droit de baisser les bras. J'ai pas le droit d'être moi. D'être faible et d'attendre qu'il vienne me sauver. J'inspire et souffle discrètement, puis je retire mes mains et me redresse. Je pose mon regard sur lui et l'observe longuement, sans bouger, sans parler. J'me contente simplement de vivre cette immense douleur avec lui. Et j'ai l'impression qu'on retrouve enfin notre symbiose, même si c'est extrêmement douloureux. Je finis par me lever et m'approcher de lui, calmement. Là, je lui enlève sa canette des mains, sans violence, avec cette douceur qui m'est propre, pour venir la poser ailleurs. Je m'assois sur le bord du lit, puis, sans lui demander son avis, sans m'inquiéter de savoir s'il est d'accord ou non, je viens le serrer contre moi. Je l'enlace et l'étreint de toutes mes forces, le gardant tout contre moi. Je pose ma tête sur la sienne et ferme les yeux.

- Tant que t'es là, je peux tout encaisser Micha. Tout.

Parce qu'il est mon pilier. Ma force. Tant qu'il est près de moi, j'me sens increvable. Et j'voudrais qu'il ressente la même chose. Qu'il sache que j'suis là, qu'il va s'en sortir. Que j'le laisserais pas tomber. Jamais. Parce qu'il est plus que ma famille. Il est moi et je suis lui. Et tant qu'on se souviendra de ça, tout ira bien. Tout ira bien.
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Michael Healy

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MessageSujet: Re: quand on aime, on ne quitte pas (the twins)    quand on aime, on ne quitte pas (the twins)  EmptySam 17 Sep - 22:51

Junior gueulait, hurlait. Il n'en pouvait manifestement plus des reproches incessantes de son frère qui ne croyait pas une seconde ni en lui, ni en eux. Michael avait baissé les bras, il avait perdu l'espoir. Alors le pauvre petit Junior tentait de se défendre, mettait en évidence que Michael n'était qu'un gros con d'égoïste. Ouais, il ne prétendait pas le contraire. Il avait toujours été auto-centré comme garçon. Mais, comme tous les narcissiques de ce monde, Michael estimait en avoir le droit. Se prendre des coups de fouets des parents pour Junior, c'était égoïste peut-être ? Son jumeau avait été l'exception qui confirme la règle pendant bien longtemps, il avait été le seul qui le préoccupait au moins autant que lui-même. Aujourd'hui il n'avait plus la force de s'occuper de lui et de ses états d'âmes. Et le fait que Junior ne soit pas capable d'en faire de même pour lui le rendait dingue. Comment, juste, COMMENT, tu peux penser un seul instant que j'veuille me débarrasser de toi ? Putain, t'as le cerveau qui grille Micha, ou j'sais pas, mais putain, juste.. comment ? Michael soupira longuement. Et puis, et parce qu'il savait parfaitement qu'il porterait le coup fatal à Juniro en disant ça et donc, qu'il gagnerait la bataille, il répliqua : Bah j'sais pas, c'est bien ce que j'ai fais moi. Et là, il ponctua sa phrase d'un sourire mauvais. Rappeler à Junior qu'il l'avait laissé tombé, alors qu'ils n'avaient que seize ans, ce n'était peut-être pas la meilleure idée qu'il avait eut, mais ça aurait le mérite de lui faire mal, ainsi peut-être comprendrait-il ce qu'il ressentait. Peut-être aussi qu'il n'était qu'un sale con et que c'était dans sa nature de dire exactement ce qu'il ne devait pas dire. Il aurait dû savoir que Junior tuerait pour pouvoir être avec lui ? oui il devrait, peut-être qu'il le savait au fond. C'était pour ça qu'il se comportait comme ça, parce qu'il savait parfaitement que Junior ne lui en voudrait pas. Il l'espérait en tout cas. Il testait ses limites comme un putain de gamin qui n'avait pas reçu assez de fessée. Il était entre deux eaux, il ne savait même pas ce qu’il voulait. Pousser Junior le plus loin possible de lui parce qu’il n’arrivait pas à gérer sa peine, ou au contraire le retenir et lui hurler dessus comme une femme bafouée chaque fois qu’il lui tournait le dos. En attendant, le jumeau essayait péniblement de se justifier. es en sécurité, pendant que j'm'occupe d'essayer de nous trouver un truc pour vivre, un toit, n'importe quoi. mais regarde dans quel état t'es, franchement ! t'es ingérable, micha et.. Sourire mauvaise. Qu’est-ce qu’il disait ? Junior le croyait trop minable pour le suivre dans la rue. Cette phrase lui laissa un goût amer. Il détourna la regard. Junior aussi baissa les yeux. Eux qui se comprenait d’un coup d’œil avant, ne semblait même plus pouvoir se parler.

Lui aussi était sensé comprendre, sentir, capter, qu’il était mal à ce point. Mais non, Junior semblait tomber de haut en lisant les quelques lignes de la lettre pour Bee. Atterré par cette découverte il ne savait clairement plus quoi proposer. A quel point il était désespéré pour en finir par lui proposer à l’église, sérieusement ? Michael ne croyait plus en Dieu. Ou Dieu ne croyait plus en Michael. L’un ou l’autre. Quoi qu’il en soit, il ne voulait plus rien avoir à faire avec Lui. Plus rien. Et il préférait gueuler haut et fort qu’il n’était qu’une putain d’invention stupide. Cela ne plaisait pas à Junior. Rien d’étonnant, il était du genre trop faible pour prendre en main son destin et préférait le confier dans celles d’un putain de masochiste mystique. C’était tout cas ce que pensa Michael de toutes ses maigres forces en reprenant une gorgée de bière bien fraiche. Qu'est-ce que t'en sais ? Rien du tout. Tu peux pas être plus sûr de sa non-existence que moi de son existence. Alors arrête avec ça. Il avala bruyamment sa gorgée d’alcool et puis regarda Junior d’un air condescendant. Ca va remets-toi. qu’il se moqua. Il fixa le vide, soudain frappé par les conséquences de cette inexistence. Par Bee qu’il ne reverrait jamais. Il n’avait pas la moindre putain de photo d’elle. Dans quelques années il oublierait peut-être son visage, ses traits, il ne s’en souviendrait comme d’une blonde, il ne saurait plus si ses yeux étaient verts ou bleus. Elle avait disparu, pour toujours. Elle n’existait que dans sa mémoire à présent. Cette donnée lui tordit le bide. Il ne pouvait pas vivre avec cette idée. Il n’avait pas envie de vivre dans un monde dans lequel elle n’avait pas sa place. Ca ne l’intéressait tout simplement pas. Ce monde-là, il le détestait. De toute son âme. Et toi Junior ? Et toi ? Qu’il demanda. Il voulait l’entendre dire qu’il s’en fichait. Il voulait une bonne raison de le haïr. De gueuler. D’être enragé, furieux… Mais non. Junior se contenta de le regarder. Et pendant un temps on aurait dit que cette douleur immense qui débordait de Michael coulait jusqu’à Junior, puis revenait jusqu’à Michael. Le chagrin était là, dans cette pièce, entre eux. Bee était là, entre eux. Ils se regardèrent fixement. Michael se calma instantanément.

Junior se leva doucement. Michael ne bougea pas. Il prit sa bière. Il le laissa faire. Il semblait que toute la colère s’était envolée. Il n’avait plus assez de force pour se battre. Il ne pouvait plus continuer comme ça, où est-ce que ça le mènerait de toute façon ? Junior avait bien compris. Voilà pourquoi il semblai vouloir signer la paix. Il s’assit à côté de son jumeau et le pris dans ses bras. Comme une coquille vide, Michael ne lutta pas. Il se laissa tomber contre lui, apaisé et triste. Tant que t'es là, je peux tout encaisser Micha. Tout. Il en avait de la chance, hein. Avant c’était pareil. Peu importe les coups, peu importe la pression, aucune importance parce que tout ce qu’il faisait était pour Junior. Mais c’était comme s’il avait trop compté dessus, qu’il avait trop cru en lui-même et en son jumeau. Qu’il avait tiré sur l’élastique et qu’il avait craqué. Il resta silencieux une seconde. Et puis, lâcha dans un souffle, à bout de force : J’suis désolé Junior… Je sais pas pourquoi je suis comme ça… J’voudrais… j’voudrais être comme toi… Mais rien, nada, le néant. Mais... c’est comme si je ne pouvais plus respirer. Il ne se l’expliquait pas. Peut-être qu’il ne tournait plus rond, qu’il ne tournerait plus jamais rond. Il n’en savait rien, y avait un truc qui avait pété en lui. Un truc irréparable. Comme si… j’faisais plus vraiment partie de ce monde, tu vois ? C’était une impression qui ne le quittait plus depuis la mort de Bee. Depuis qu’ils l’avaient appris, tous les deux, devant l’hôpital du coin. Depuis qu’il s’était effondré par terre en hurlant et en pleurant et que Junior avait dû le traîner au squat sur deux kilomètres. Il ne faisait plus partie des vivants, il vivait parmi eux, mais il n’en était plus vraiment un. Il n’allait plus à la même vitesse que les autres. Il était juste là. Seul. Tu peux.. rester ici cette nuit ? J’veux pas… j’veux pas être tout seul. Il voulait, l’espace de quelques heures, retrouver ce sentiment. Quand il pleuvait dehors, quand les parents avaient été ignobles, quand Junior pleurait dans son lit et que Michael descendait du sien, superposé, et allait dormir avec lui en lui tenant la main. Il voulait retrouver cette sensation, reconstruire ce havre de paix, juste pour quelques heures.
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