[b]Elle est née dans une famille normale, paisible. Issue de la classe moyenne, petite dernière de la famille. Elle a un demi-frère, qui est bien plus âgé, issu de la précédente union de son père. Et puis y a Bee, Beatrice, sa grande-sœur, âgée de 3 ans de plus qu'elle seulement. Son sosie.

Jusqu'à ses 8 ans, sa vie n'était que douceur et tendresse. C'était une gosse épanouie, bien que discrète. Bee prenait toute la place. Bee criait, Bee riait, Bee gesticulait. Et elle, elle restait en retrait, spectatrice, faisant son petit bonhomme de chemin dans son coin. Gosse indépendante et dégourdie. Du genre à grimper sur les genoux de ses parents sans un bruit pour y lire un petit livre, pendant que Bee faisait des acrobaties devant eux pour les impressionner.

Et puis, de 4, ils passèrent à 5. Son oncle, le petit-frère de son père, fut accueillit dans la maisonnée, alors qu'il venait de perdre emploi, femme et maison. Déprimé, à la rue, son frère fut son salut.

Elle ne l'a jamais aimé cet oncle, mais il ne lui a jamais causé de souci, durant 6 ans, il a été totalement insignifiant pour elle. Même si elle se rendait bien compte, malgré son jeune âge, que sa présence épuisait ses parents.
Mais le pire, ce fut Bee. Après son arrivée, Bee a changé. Bee n'était plus rayonnante. Bee ne riait plus. Elle fuguait, trainait de moins en moins à la maison et délaissait Boo, sans s'expliquer. Ces six années furent particulièrement douloureuses pour la gamine. Elle n'a cessé de rechercher l'attention de sa sœur, ne parvenant à la capter que par intermittence. Mais dans ces brefs instants, c'était fort, c'était beau. Ça débordait d'amour et Bee faisait d'elle la 8ème merveille du monde.

Et un jour, Bee est parti. Elle a quitté le domicile familiale et elle n'est jamais revenue. Elle s'est lancée à l'aventure, seule, se retrouvant à la rue.
Et c'est là que Boo a compris. Elle a compris pourquoi Beatrice n'était plus elle-même. Parce que l'oncle, se retrouvant dépourvu de son jouet, s'est rabattu sur Betty, alors âgée de 14 ans à l'époque. Ça a commencé par des mains baladeuses, puis des baisers et ça a complètement dérapé. Betty s'en est horriblement voulue de ne rien avoir vu toutes ces années. Terrorisée, malmenée, elle n'a pas eu le cran de se défendre. Après tout, c'était son oncle. Qui la croirait ? Ses propres parents refusaient d'ouvrir les yeux.

Ça a duré 4 ans. Un enfer. Une torture. Les insomnies, les crises d'angoisses, le dégoût de soi-même.
Puis, elle est rentrée à l'université et la semaine, enfin, elle était tranquille, puisqu'elle dormait dans une chambre sur le campus. Mais une fois le week-end arrivé, elle se retrouvait à nouveau prise au piège. Elle tentait de lui échapper, s'inventant des sorties nocturnes. Mais elle devait bien finir par rentrer et lui, il l'attendait.

Pendant ce temps, Bee écrivait des lettres à Betty. Correspondance à sens unique qui frustrait la jeune fille, elle qui désirait tant pouvoir lui répondre. Mieux encore, la revoir.
Dans son avant-dernière lettre, Bee a parlé d'un musée et Betty s'est empressée d'aller voir sur internet : Savannah. Et là, elle s'est dit qu'elle avait le choix. Qu'elle pouvait aller la voir si elle le voulait. Mais elle n'a pas osé, craignant que sa venue soit mal accueillie.

Et puis, les lettres ont brutalement cessées. Plus de nouvelles. Rien. Betty a attendu 3 mois. Elle a terminé sa licence, fêté ses 21 ans et pris sa décision : elle aussi partirait.

Alors elle a quitté la maison, avec trois fois rien et elle a pris le car pour Savannah. Bien décidée à retrouver Bee. Bien décidée à échapper à son bourreau. A cette vie bien rangée et monotone qui l'ennuie.

Elle se libère. Elle ose. Et elle débarque en ville, le cœur léger, impatiente de retrouver son aînée.

Mais ce qu'elle ne sait pas encore, c'est que Bee est morte.